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Date : 20120705

Dossier : T-9-11

Référence : 2012 CF 852

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Calgary (Alberta), le 5 juillet 2012

En présence de monsieur le juge Zinn

 

 

ENTRE :

 

REHANA AZIZ SHAH

 

 

 

demanderesse

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

           MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Il s’agit de l’appel d’une décision d’une juge de la citoyenneté qui a rejeté la demande de citoyenneté de Mme Shah.

 

[2]               Mme Shah est une citoyenne du Pakistan. Elle est devenue résidente permanente du Canada le 24 septembre 2002 et a présenté une demande de citoyenneté le 5 novembre 2008. 

 

[3]               Le 9 novembre 2010, Mme Shah s’est présentée à une entrevue devant une juge de la citoyenneté. La juge de la citoyenneté a évalué sa présence physique au Canada, ses compétences linguistiques et sa connaissance du Canada.

 

[4]               Après l’entrevue, la juge de la citoyenneté a envoyé à la demanderesse une lettre intitulée [traduction] « DEMANDE DE RENSEIGNEMENTS ADDITIONNELS POUR LA DEMANDE DE CITOYENNETÉ ». Cette lettre mentionnait ce qui suit : [traduction] « Vous pouvez soumettre les pièces à l’appui supplémentaires et/ou les éléments de preuve que vous estimez pertinents pour prouver votre présence physique au Canada au cours de la période qui vous concerne, à savoir du 6 novembre 2004 au 6 novembre 2008 ». Mme Shah s’est vu accorder un délai de 30 jours pour soumettre ce renseignement.

 

[5]               Avant l’expiration du délai de 30 jours, le lendemain en fait, Mme Shah a reçu une lettre l’informant du rejet de sa demande de citoyenneté. La juge de la citoyenneté avait conclu qu’elle ne répondait pas aux exigences linguistiques prévues à l’alinéa 5(1)d) et à l’exigence de la connaissance du Canada prévue à l’alinéa 5(1)e) de la Loi sur la citoyenneté, LRC 1985, c C-29 (la Loi). Le commentaire formulé par la juge de la citoyenneté relativement aux aptitudes linguistiques est reproduit ci-après :

[traduction]

 

La demanderesse a été capable de me dire bonjour et de me dire son nom, mais elle a été incapable de l’épeler lorsque je lui ai demandé. Elle a mentionné qu’il faisait froid dehors et elle a compris lorsqu’on lui a demandé de s’asseoir.

 

1)      J’ai demandé à la demanderesse de me parler de son pays et elle a commencé à parler de sa famille. Je lui ai demandé de me parler du climat, de la nourriture ou du temps des Fêtes dans son pays et elle en a été incapable. Elle n’a pu prononcer qu’une ou deux courtes phrases, et elle a été incapable d’utiliser des conjonctions.

 

Pour confirmer, je lui ai demandé de me parler de sa famille. Elle a été capable de me dire combien de filles et de fils elle avait et ce que certains d’entre eux faisaient dans la vie, mais elle été incapable de formuler des phrases complètes ou d’utiliser des conjonctions.

2)      J’ai demandé à la demanderesse de me parler de sa première journée au Canada. Elle a compris ce que je lui demandais, mais elle a été incapable de formuler des phrases ou de décrire ce qui s’était passé cette journée‑là. Tous les verbes qu’elle a utilisés étaient au présent.

 

Pour confirmer, je lui ai demandé ce qu’elle faisait avant d’arriver au Canada. Elle n’a utilisé aucun verbe au passé.

 

3)      La demanderesse a été capable de faire comprendre qu’elle était contente de vivre au Canada, non pas grâce à des phrases, et elle n’a exprimé aucun mécontentement.

 

Pour confirmer, je lui ai demandé quelle saison elle aimait le mieux et quelle saison elle aimait le moins. Elle a indiqué qu’elle aimait décembre et le temps des Fêtes. Elle a indiqué que c’était très beau et qu’il faisait très froid à Noël.

 

4)      Je lui ai demandé où elle aimait aller magasiner et comment elle faisait pour s’y rendre. Elle a été incapable de le dire clairement.

 

5)      Elle a été capable de dire les noms des objets que je lui pointais du doigt dans mon bureau.

 

6)      Lorsque je lui ai demandé ce qu’elle faisait dans ses temps libres, elle a prononcé plusieurs noms et seulement quelques verbes, tous au présent. Elle a été incapable de faire des phrases complètes.

 

[6]               En ce qui concerne le critère de la connaissance du Canada, la juge de la citoyenneté a écrit ce qui suit :

[traduction]

 

À l’audience, vous avez été capable de répondre correctement à 11 questions sur 20. La note de passage a été fixée à 15/20. Vous avez été incapable de répondre complètement et correctement aux questions portant sur le processus électoral et portant sur l’une ou plusieurs des principales caractéristiques des sujets suivants : l’histoire politique et militaire du Canada, son histoire sociale et culturelle, sa structure politique, sa géographie physique et politique et ses caractéristiques autres que celles que je viens de mentionner.

 

[7]               La juge de la citoyenneté s’est demandé si elle devait recommander l’exercice du pouvoir discrétionnaire prévu aux paragraphes 5(3) et 5(4) de la Loi, mais a conclu qu’on ne lui avait présenté à l’audience aucune preuve justifiant de le faire.

 

[8]               Mme Shah prétend que la juge de la citoyenneté ne pouvait pas rendre sa décision tant que le délai de 30 jours accordé pour soumettre des renseignements additionnels n’était pas écoulé. Je ne suis pas de cet avis. Les documents additionnels avaient trait à la présence de Mme Shah au Canada et non pas à sa connaissance de l’anglais ou à sa connaissance du Canada. Comme la décision de rejeter sa demande a été prise en fonction de ces questions et non pas en fonction de sa présence au Canada, rien n’empêchait la juge de la citoyenneté de rendre sa décision, malgré la demande antérieure de renseignements additionnels.

 

[9]               Je conclus de plus que la décision rendue par la juge de la citoyenneté quant aux compétences linguistiques de Mme Shah était raisonnable. Celle-ci a soumis ses observations à la Cour grâce à un interprète. En outre, elle est s’est présentée à l’audience relative à sa demande de citoyenneté en compagnie du même interprète. Ils ont tous les deux semblé irrités lorsque la juge a dit que l’interprète ne devait pas parler durant l’audience. Cette directive est appropriée lorsque l’audience vise en partie à évaluer les compétences linguistiques. Le fait qu’une demanderesse soit accompagnée d’un interprète donne fortement à penser que la question de la langue peut être en cause.

 

[10]           Mme Shah demande à la Cour de reconnaître que sa connaissance de l’anglais est bonne. Comme elle n’a prononcé aucun mot en anglais au cours de l’audition du présent appel, même si la Cour pouvait substituer son opinion à celle de la juge de la citoyenneté, cela ne serait pas possible. Elle affirme qu’une personne de son âge est susceptible d’éprouver des difficultés lorsqu’une juge de la citoyenneté, qui parle avec un accent oriental difficile à comprendre, lui pose des questions rapidement et directement. Toutefois, elle ne s’est pas plainte de cela à la juge de la citoyenneté et elle ne peut pas soulever cette question pour la première fois en appel, car il est trop tard.

 

[11]           Mme Shah affirme qu’elle est seule aide familiale de son mari de 64 ans, qui désire se rendre au Pakistan et qu’elle doit l’accompagner et, par tranquillité d’esprit, elle voudrait que sa demande de citoyenneté soit réglée avant de partir. Elle affirme de plus que, elle et son époux, sont incapables de passer les hivers au Canada. Par conséquent, elle affirme que si elle soumettait une nouvelle demande de citoyenneté, celle-ci serait rejetée parce qu’elle ne satisferait pas à l’exigence minimale en matière de présence physique au Canada. Toutes ces affirmations sont peut-être justes, toutefois, aucune d’elles ne permet de croire que la juge de la citoyenneté a commis une erreur dans sa décision ou qu’il existe des motifs suffisants pour renvoyer l’affaire afin de voir si on doit recommander que la citoyenneté soit accordée malgré les carences en matière de compétences linguistiques et de connaissance du Canada de Mme Shah.

 

[12]           L’obtention de la citoyenneté d’un pays par une personne qui n’y est pas née est un privilège et non pas un droit. Les citoyens du Canada, par l’entremise de leur gouvernement, ont fixé des exigences minimales auxquelles il faut satisfaire pour que le privilège de la citoyenneté et les droits qui en découlent soient octroyés. Être capable de communiquer avec les autres citoyens et posséder des connaissances élémentaires sur l’histoire, la structure politique et les caractéristiques du Canada sont des exigences raisonnables à satisfaire pour pouvoir obtenir le privilège de la citoyenneté. 

 

[13]           L’appel est rejeté.

 


JUGEMENT

LA COUR STATUE que l’appel de la décision de la juge de la citoyenneté rejetant la demande de citoyenneté est rejeté.

 

 

« Russel W. Zinn »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

Claude Leclerc, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        T-9-11

 

INTITULÉ :                                      REHANA AZIZ SHAH c

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :              Calgary (Alberta)

 

DATE DE L’AUDIENCE :             Le 4 juillet 2012

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                            LE JUGE ZINN

 

DATE DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT :                     Le 5 juillet 2012

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Rehana Aziz Shah

 

                          LA DEMANDERESSE                  

Jamie Churchward

 

                          POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

REHANA AZIZ SHAH

Calgary (Alberta)

 

                           LA DEMANDERESSE                         

 

MYLES J. KIRVAN

Sous-procureur général du Canada

Région des Prairies

Edmonton (Alberta)

 

                           POUR LE DÉFENDEUR

 

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