Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

Cour fédérale

 

Federal Court

 

 


Date : 20120813

Dossier : IMM-8956-11

Référence : 2012 CF 982

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 13 août 2012

En présence de monsieur le juge Rennie

 

 

ENTRE :

 

SERENA ELIZABETH ATKINS

 

 

 

demanderesse

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION ET LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

 

 

 

défendeurs

 

 

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               La demanderesse demande le contrôle judiciaire d’une décision de l’agent principal d’immigration M.C. Bennett (l’agent), datée du 31 octobre 2011, par laquelle celui-ci a rejeté la demande de résidence permanente fondée sur des motifs d’ordre humanitaire (la demande CH) présentée par la demanderesse en conformité avec l’article 25 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (la LIPR). Pour les motifs qui suivent, la demande est rejetée.

 

Les faits

[2]               La demanderesse, Serena Elizabeth Atkins, est une citoyenne de la Jamaïque. Elle est arrivée au Canada en février 2009 et a présenté une demande d’asile en décembre 2009. Sa demande était fondée sur sa crainte de la criminalité et de la violence en Jamaïque, particulièrement à la suite de l’agression sexuelle commise sur une amie proche et des coups qui lui avaient été infligés. Elle a également prétendu que, à titre d’enseignante, elle était exposée à un risque plus élevé que celui auquel sont exposées les autres femmes.

 

[3]               La demande de Mme Atkins a été rejetée le 8 avril 2011. Bien qu’elle fût jugée crédible, la Section de la protection des réfugiés (la SPR) a conclu que le témoignage de Mme Atkins n’avait pas établi qu’elle était exposée à une menace à sa vie ou à plus qu’une simple possibilité de persécution. Elle a soumis sa demande d’évaluation des risques avant renvoi (ERAR) le 26 août 2011, et sa demande CH le 16 septembre 2011. Dans sa demande d’ERAR, elle a fait mention de nouvelles allégations concernant les risques auxquels elle serait exposée, à savoir qu’elle serait exposée à un risque de la part de ses créanciers en Jamaïque, car elle n’a pas remboursé des prêts importants contractés afin de venir au Canada.

 

[4]               Dans une décision datée du 31 octobre 2011, l’agent a rejeté la demande de résidence permanente fondée sur des motifs d’ordre humanitaire présentée par la demanderesse. L’agent a souligné que la demanderesse invoquait comme motifs qu’elle serait exposée à un risque si elle retournait en Jamaïque, qu’elle est établie au Canada et qu’elle est interrogée à titre de témoin à propos d’une arnaque relative au programme d’aides familiaux résidants.

 

[5]               Dans la partie de la décision intitulée [traduction] « Facteurs à prendre en compte », l’agent a souligné les facteurs de risque suivants :

[traduction]

 

[l]a demanderesse a déclaré qu’elle voulait quitter la Jamaïque depuis des années en raison de l’augmentation de la criminalité et de la violence, particulièrement en raison d’un incident dont une amie proche a été victime.

 

 

[6]               Dans la partie intitulée [traduction] « Motifs et Décision », l’agent a déclaré ce qui suit concernant les allégations de l’existence d’un risque formulées par la demanderesse :

[traduction]

 

La demanderesse a déclaré qu’elle est exposée à un risque en Jamaïque. Je suis l’agent principal d’immigration qui a évalué la demande d’évaluation des risques avant renvoi de la demanderesse et je m’appuie sur le principe que lorsque le risque est mentionné comme facteur dans une demande CH, celui-ci est évalué dans le contexte du degré d’établissement du demandeur.

 

 

[7]               L’agent a ensuite fait mention de la crainte qu’a la demanderesse de la violence particulièrement en raison d’un incident au cours duquel une amie a été battue et agressée sexuellement. L’agent a conclu qu’il n’avait pas été établi selon la prépondérance des probabilités que cet incident démontrait l’existence d’un risque. L’agent a de plus conclu que la criminalité et la violence sont des problèmes courants en Jamaïque et ne sont pas des risques qui touchent la demanderesse personnellement. L’agent a donc conclu que la demanderesse n’avait pas établi l’existence de difficultés inhabituelles et injustifiées ou excessives découlant d’un risque.

 

[8]               L’agent a également conclu que le temps passé par la demanderesse au Canada et son degré d’établissement ne sortaient pas de l’ordinaire et ne justifiaient pas une dispense fondée sur des motifs d’ordre humanitaire. L’agent a souligné que rien ne prouvait que la demanderesse devait rester au Canada pour être interrogée à propos d’une arnaque relative au programme des aides familiaux résidants et a donc conclu qu’aucun motif d’ordre humanitaire ne pouvait être invoqué relativement à cette affaire.

 

[9]               Il est donc évident que l’agent n’a pas tenu compte, dans le contexte de la décision relative à la demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire (décision CH), du risque posé par les créanciers.

 

[10]           La demande a donc été rejetée.

 

 

La norme de contrôle et la question en litige

[11]           La demanderesse prétend que l’agent n’a pas tenu compte d’éléments de preuve pertinents et a violé les principes de l’équité procédurale. La première question est contrôlable selon la norme de la raisonnabilité et la deuxième est contrôlable selon la norme de la décision correcte : Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 RCS 190.

 

Analyse

[12]           La demanderesse prétend que, en ne tenant pas compte de l’allégation de la demanderesse selon laquelle elle serait exposée à un risque de la part de ses créanciers, l’agent a commis une erreur en rendant la décision CH. L’agent a fait mention de cette allégation de risque dans la décision d’ERAR, mais la discussion des facteurs de risque figurant dans la décision CH ne portait que sur le risque auquel la population en Jamaïque est en général exposée en matière de criminalité et de violence.

 

[13]           Le défendeur souligne que la demanderesse n’a pas prétendu dans sa demande CH que ses créanciers constituaient une menace pour elle; elle a plutôt prétendu qu’elle était très endettée, que des collecteurs de dettes harcelaient sa mère, et qu’elle serait incapable de subvenir aux besoins de sa fille si elle retournait en Jamaïque. Le défendeur souligne que, dans la décision d’ERAR, l’agent a conclu que la demanderesse n’avait soumis aucun élément de preuve démontrant que ses créanciers constituaient une menace pour elle.

 

[14]           Plus particulièrement, dans la décision d’ERAR, l’agent a conclu ce qui suit : [traduction] « [l]a demanderesse n’a présenté aucune preuve qu’elle aurait contracté un prêt auprès d’une banque en Jamaïque, qu’une banque avait poursuivi le ou les cosignataires afin de récupérer l’argent, ou qu’un ou des cosignataires avai(en)t proféré des menaces contre la demanderesse ». Le défendeur prétend donc, selon moi, à juste titre, qu’il ne s’agissait pas d’une erreur de la part de l’agent de ne pas faire mention de cette allégation dans la décision CH car elle n’était étayée par aucun élément de preuve. Un examen du dossier certifié du tribunal confirme qu’aucune preuve n’a été soumise à l’appui de ces allégations et, par conséquent, l’omission de se pencher sur la question du risque posé par les créanciers n’était pas une erreur susceptible de contrôle. Pour dire les choses plus directement, comme aucun élément de preuve n’étayait l’allégation de risque dont il était question dans la décision relative à l’ERAR, l’agent n’était pas tenu de transposer la même preuve inexistante dans le contexte de la demande CH et de l’introduire dans le scénario des difficultés. Il incombait à la demanderesse de faire valoir que la menace posée par les créanciers constituait un aspect distinct à prendre en compte dans le traitement de la demande CH; en effet, des modifications apportées par le législateur à la LIPR indiquent clairement que l’examen des motifs d’ordre humanitaire et l’examen des risques avant renvoi sont distincts:

LIPR, paragraphe 25 (1.3)

IRPA, Section 25 (1.3)

 

  25 (1.3) Le ministre, dans l’étude de la demande d’un étranger se trouvant au Canada, ne tient compte d’aucun des facteurs servant à établir la qualité de réfugié — au sens de la Convention — aux termes de l’article 96 ou de personne à protéger au titre du paragraphe 97(1); il tient compte, toutefois, des difficultés auxquelles l’étranger fait face.

 

  25 (1.3) In examining the request of a foreign national in Canada, the Minister may not consider the factors that are taken into account in the determination of whether a person is a Convention refugee under section 96 or a person in need of protection under subsection 97(1) but must consider elements related to the hardships that affect the foreign national.

 

 

[15]           La demanderesse prétend également que l’agent a violé les principes de l’équité procédurale en omettant de l’interroger avant de rendre sa décision. Toutefois, comme le défendeur le souligne, la crédibilité n’était pas en cause dans la décision et, donc, il n’y a aucun manquement à l’obligation d’équité.

 

Question certifiée

[16]           La question suivante a été proposée aux fins de la certification :

Dans la décision relative à la demande de résidence permanente, l’agent d’ERAR qui est également saisi de la demande de résidence permanente fondée sur des motifs d’ordre humanitaire doit-il appliquer et prendre en compte les facteurs de risque qui ont été soulevés dans la demande d’ERAR mais qui ne l’ont pas été dans la demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire, car ces facteurs ont trait à la question des difficultés?

 

 

[17]           Comme je l’ai déjà dit, l’agent n’était pas tenu de transposer un risque, qui n’était étayé par aucun élément de preuve, du contexte de l’ERAR au contexte des motifs d’ordre humanitaire. La question proposée n’a aucun fondement factuel, et est donc une question théorique. Elle ne satisfait pas au critère relatif à la certification de questions : Varela c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CAF 145, [2010] 1 RCF 129, aux paragraphes 22-29. Même si la question recevait une réponse affirmative, elle ne permettrait pas de trancher l’appel.

 


JUGEMENT

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est par les présentes rejetée. Il n’y a aucune question à certifier.

 

« Donald J. Rennie »

Juge


 

 

Traduction certifiée conforme

Claude Leclerc, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-8956-11

 

INTITULÉ :                                      SERENA ELIZABETH ATKINS c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION et LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

 

                                                           

LIEU DE L’AUDIENCE :              Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :             Le 25 juillet 2012

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                            LE JUGE RENNIE

 

DATE DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT :                     Le 13 août 2012

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Munyonzwe Hamalengwa

POUR LA DEMANDERESSE

 

Khatidja Moloo  

POUR LES DÉFENDEURS

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Munyonzwe Hamalengwa

Avocat

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

Myles J. Kirvan,

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LES DÉFENDEURS

 

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.