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Cour fédérale

 

Federal Court

 

 


Date : 20120618

                                                                                                                           Dossier : T-1810-11

Référence : 2012 CF 750

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 18 juin 2012

En présence de monsieur le juge Rennie

 

ENTRE :

 

CAPITAINE KIMBERLY Y. FAWCETT

 

 

 

demanderesse

et

 

 

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

           MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               La demande de contrôle judiciaire vise la décision par laquelle le directeur général – Autorité des griefs des Forces canadiennes [le DGAGFC] a refusé, en date du 23 septembre 2011, d’accorder à la demanderesse le redressement qu’elle demandait dans un grief présenté en vertu de l’article 29 de la Loi sur la défense nationale, LRC 1985, c N-5. Pour les motifs exposés dans les paragraphes qui suivent, la demande de contrôle judiciaire est accueillie.

 

Exposé des faits

 

[2]               La demanderesse, le Capitaine Kimberly Y. Fawcett, sert actuellement dans les Forces canadiennes comme officier de logistique (Air). Elle s’est engagée dans les Forces canadiennes le 18 décembre 1996. Son mari, le Major Curtis Smith, fait également partie des Forces canadiennes.

 

[3]               En février 2006, la demanderesse et son mari servaient dans des unités à haut niveau de préparation des Forces canadiennes, à Kingston, en Ontario. La demanderesse est revenue d’un congé de maternité le 6 février 2006. À son retour, elle a reçu l’ordre de préparer un plan de garde familiale (PGF) en conformité avec la Directive et ordonnance administrative de la Défense 5044-1 et avec l’ordre permanent 35-1 du Groupe de soutien interarmées des Forces canadiennes [le GSIFC]. À la suite de négociations avec leur superviseur respectif, la demanderesse et son mari ont conçu un PGF adapté à leurs besoins en services de garderie et à leurs obligations respectives en matière de disponibilité opérationnelle pour les Forces canadiennes. Selon l’horaire habituel, son mari déposait leur fils à la garderie le matin et la demanderesse allait le chercher dans l’après‑midi.

 

[4]               Le 20 février 2006, le mari de la demanderesse a été joint par un responsable de son unité qui lui a demandé de se présenter tôt au travail le lendemain pour faire un entraînement à haut niveau de préparation en vue d’un déploiement imminent. Par conséquent, la demanderesse a communiqué avec son superviseur le matin du 21 février 2006 pour l’informer qu’elle appliquait le PGF et qu’elle arriverait donc au travail plus tard que d’habitude, ce à quoi le superviseur a acquiescé.

 

[5]               En conduisant son fils à la garderie ce matin‑là, la demanderesse et son fils ont eu un grave accident d’automobile. Son fils a perdu la vie et elle a dû être amputée de la jambe droite au‑dessus du genou.

 

[6]               La demanderesse a demandé des prestations d’invalidité au ministère des Anciens Combattants en juin 2006 et cette demande a été refusée le 6 octobre 2006. Elle a reçu une copie de l’enquête sommaire concernant son accident, laquelle était accompagnée d’une lettre du commandant du GSIFC, le Colonel C.C. Thurrott (le commandant Thurrott). L’enquête sommaire concluait que la demanderesse était en service au moment de l’accident, mais le commandant Thurrott n’était pas d’accord sur cette conclusion. La demanderesse affirme qu’elle a décidé de ne pas donner suite à l’affaire à ce moment‑là, préférant plutôt se consacrer à sa réadaptation.

 

[7]               Après avoir appris d’un collègue et de son avocat‑conseil des pensions que l’enquête sommaire se voit normalement accorder beaucoup d’importance pour déterminer si un plaignant était en service ou non, la demanderesse a décidé de déposer un grief concernant l’enquête sommaire. Ce grief a été déposé le 2 juin 2009.

 

[8]               Les parties s’entendent pour dire que le grief n’a pas initialement été tranché par l’autorité appropriée. La demanderesse a reçu en septembre 2009 une décision du directeur général – Soutien au personnel et aux familles (le DGSPF). Or, ce dernier ne pouvait agir en qualité d’autorité initiale dans la procédure de grief parce que, en vertu de l’article 7.06 des Ordonnances et règlements royaux applicables aux Forces canadiennes (les ORFC), l’autorité initiale doit être un officier militaire. Malgré une correspondance abondante échelonnée sur plusieurs mois, les supérieurs de la demanderesse n’ont jamais réussi à déterminer quelle était l’autorité initiale appropriée. On a alors demandé à la demanderesse si elle voulait reprendre la procédure au niveau de l’autorité initiale ou envoyer son grief à l’autorité de dernière instance. Elle a choisi l’autorité de dernière instance.

 

[9]               Le grief a été déféré au Comité des griefs des Forces canadiennes (le Comité des griefs) pour examen indépendant et recommandation. Le 7 octobre 2010, le Comité des griefs a recommandé que le grief de la demanderesse soit rejeté. La demanderesse a présenté de l’information et des observations additionnelles à la suite de cette recommandation avant que le DGAGFC ne rende sa décision le 23 septembre 2011.

 

Décision visée par le contrôle judiciaire

 

[10]           Le DGAGFC a souligné que le grief de la demanderesse se rapportait aux questions de savoir si elle était en service au moment de l’accident, si ses blessures étaient attribuables à son service militaire et si on avait agi de manière équitable à son endroit.

 

La demanderesse était-elle en service?

 

[11]           Le DGAGFC a souligné que la directive à appliquer pour déterminer si la demanderesse était en service au moment de l’accident était prévue dans l’Ordonnance administrative des Forces canadiennes (l’OAFC) 24‑6, qui énonce notamment ce qui suit : « on considère qu’en principe un militaire est en service : […] d. lorsqu’il est à un endroit déterminé ou qu’il pose un acte précis suite à un ordre militaire; […] ».

 

[12]           Le DGAGFC a conclu que la demanderesse n’était pas en service au moment de l’accident. Il a soutenu que le PGF ne constituait pas un ordre militaire, mais plutôt un outil de gestion qui permet aux Forces canadiennes de s’assurer que ses membres demeurent disponibles pour accomplir leur travail même s’ils ont des obligations familiales. Il a fait remarquer que les Forces canadiennes ne dictent pas le contenu du PGF ni comment les soins aux personnes à charge doivent être prodigués; les Forces canadiennes exigent seulement qu’un PGF soit en place.

 

[13]           Le DGAGFC a de plus conclu que le fait que la demanderesse avait appelé son superviseur pour lui dire qu’elle serait en retard est compatible avec la conclusion selon laquelle elle n’était pas en service ou n’exécutait pas un ordre en conduisant son fils à la garderie. Le DGAGFC a également rejeté l’argument de la demanderesse selon lequel les membres des Forces canadiennes sont toujours en service.

 

Les blessures sont-elles attribuables au service militaire?

 

[14]           Le DGAGFC a invoqué le paragraphe 30 de l’OAFC 24-6 qui dit ceci : « [e]n principe, on donne à l’expression “imputable au service militaire” le sens de “découlant du service ou s’y rattachant directement” […] ». Mais le DGAGFC a constaté que les mots employés dans la version anglaise de ce paragraphe (« arose out of or was directly connected with service ») étaient les mêmes que ceux employés à l’alinéa 21(2)a) de la Loi sur les pensions, LRC 1985, c P-6, et donc que l’interprétation de cette disposition par les tribunaux était utile dans l’analyse.

 

[15]           Le DGAGFC a conclu que la question pertinente est une question de lien de causalité et de proximité; l’accident doit être suffisamment proche du service militaire de la demanderesse pour satisfaire aux exigences de l’OACF 24-6. Il a cité le paragraphe 21 de l’arrêt Amos c Insurance Corp of British Columbia, [1995] 3 RCS 405, où la Cour suprême affirme que les mots « découlant de » devaient recevoir une interprétation libérale.

 

[16]           Le DGAGFC a conclu que le grief de la demanderesse s’apparentait à l’affaire McTague c Canada (Procureur général), [2000] 1 CF 647, où un membre des Forces canadiennes avait été grièvement blessé en traversant une rue pour aller à un restaurant pendant qu’il était en service. La Cour dans cette affaire était d’avis qu’il n’était pas tenu d’aller manger à un restaurant en particulier et que le repas n’avait pas pour but de discuter d’affaires. Elle a donc conclu que la décision du Tribunal des anciens combattants (révision et appel) était raisonnable.

 

[17]           Le DGAGFC a souligné que le Comité des griefs avait invoqué la décision Frye c Canada (Procureur général), 2004 CF 986, dans sa recommandation. Dans cette affaire, la Cour a conclu, en interprétant ensemble les versions française et anglaise de la disposition, que le critère applicable consistait à déterminer si un accident était « rattaché directement » au service, plutôt que « consécutif » au service. Le DGAGFC a ensuite souligné que la Cour d’appel fédérale (la CAF) avait infirmé la décision de la Cour dans cette affaire, parce qu’elle jugeait qu’un critère plus large (« consécutif ») était conséquent avec l’intention du législateur. Toutefois, le DGAGFC a conclu que la décision de la CAF ne changeait pas la conclusion du Comité des griefs.

 

[18]           Enfin, le DGAGFC a invoqué l’affaire Fournier c Canada (Procureur général), 2005 CF 453, où une membre des Forces canadiennes avait été blessée dans un accident d’automobile survenu pendant la pause qu’elle avait prise pour aller manger. Le DGAGFC a appliqué les facteurs exposés dans cette affaire au présent grief : la demanderesse conduisait son enfant à la garderie; les Forces canadiennes ne décidaient pas du choix de la garderie, de l’itinéraire choisi ou du PGF; la demanderesse conduisait son propre véhicule. Il a par conséquent conclu que les blessures de la demanderesse n’étaient pas consécutives au service militaire ou n’en découlaient pas.

 

Les questions liées à la procédure

 

[19]           Le DGAGFC a souligné que le Comité des griefs avait conclu que la demanderesse n’avait pas été lésée par le fait qu’aucune décision valide n’avait été prise au niveau de l’autorité initiale. Il a ensuite mentionné ce qui suit :

[Traduction] Je reconnais que, en raison des erreurs qui se sont produites au cours de la procédure, il se peut que vous ayez été lésée parce que le CPM n’a pas tranché votre grief. Cela dit, je suis d’avis que les irrégularités constatées au cours de la procédure ont été corrigées puisque vous avez eu la possibilité de réagir à la divulgation des renseignements contenus dans votre dossier et puisque vous bénéficiez d’un nouvel examen par le [Comité des griefs], de la communication de ses conclusions et recommandations et de l’arbitrage par l’autorité de dernière instance qui tient compte de tous les faits exposés.

 

Par conséquent, je suis convaincu que vous avez été traitée de manière juste et équitable, par rapport aux autres membres des FC se trouvant dans une situation semblable.

 

[20]           Le DGAGFC a donc refusé d’accorder à la demanderesse le redressement qu’elle demandait.

 

Norme de contrôle applicable et questions en litige

[21]           La demande de contrôle judiciaire soulève les questions suivantes :

a.       Le DGAGFC a‑t‑il fait erreur en concluant qu’il n’y avait pas eu manquement à l’équité procédurale?

b.      Le DGAGFC a‑t‑il fait erreur en concluant que les blessures de la demanderesse n’étaient pas attribuables au service militaire?

c.       Le DGAGFC a‑t‑il fait erreur en concluant que la demanderesse n’était pas en service au moment de l’accident?

 

[22]           Les parties s’entendent pour dire que les questions d’équité procédurale commandent l’application de la norme de contrôle de la décision correcte, tandis que les questions de savoir si les blessures étaient attribuables au service militaire et si la demanderesse était en service doivent faire l’objet d’un contrôle selon la norme de la décision raisonnable; Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 RCS 190.

 

Analyse

 

Le DGAGCF a‑t‑il fait erreur en concluant qu’il n’y avait pas eu manquement à l’équité procédurale?

 

[23]           La demanderesse avance qu’elle n’a pas eu droit à une décision valide au niveau de l’autorité initiale pour son grief et que, de ce fait, elle a subi un préjudice parce que le décideur de l’autorité initiale appropriée, le CPM, a fait savoir dans une lettre d’accompagnement jointe à son grief que celui‑ci était à son avis bien fondé.

 

[24]           La procédure appropriée consiste pour le plaignant à soumettre son grief à l’autorité initiale (généralement un commandant) qui rend une décision. Si le plaignant n’est pas satisfait du résultat, le grief peut être déféré à l’autorité de dernière instance pour un deuxième examen indépendant. Si l’autorité initiale rend une décision favorable, il n’y a bien sûr pas lieu de faire appel à l’autorité de dernière instance.

 

[25]           Le DGAGFC a reconnu qu’aucune décision valide n’avait été prise au niveau de l’autorité initiale parce que le décideur éventuel n’était pas un officier militaire. Il a de plus reconnu que cette erreur pouvait avoir porté préjudice à la demanderesse, mais qu’elle avait été corrigée par la suite parce que la demanderesse avait eu la possibilité de réagir à tous les renseignements contenus dans le dossier et d’examiner les conclusions du Comité des griefs.

 

[26]           À mon avis, cette analyse est erronée. Le fait que la demanderesse a été en mesure de participer pleinement à la décision subséquente devant l’autorité de dernière instance ne permet de corriger l’erreur qui l’a privée d’une décision au niveau de l’autorité initiale. En d’autres termes, la demanderesse avait droit à une décision au niveau de l’autorité initiale dans le cadre de cette procédure et elle ne l’a pas eue. Le droit de participer à la décision au niveau de l’autorité de dernière instance ne corrige pas cette erreur parce qu’une décision au niveau de l’autorité de dernière instance n’aurait pas été nécessaire si la décision de l’autorité initiale avait été favorable.

 

[27]           Le défendeur soutient que l’erreur commise au cours de la procédure a été corrigée lorsqu’on a offert à la demanderesse le choix de recommencer la procédure au niveau de l’autorité initiale ou de poursuivre au niveau de l’autorité de dernière instance. Il avance que, puisque la demanderesse a choisi l’option de l’autorité de dernière instance, il ne lui est plus loisible de faire valoir que l’absence d’une décision de la part de l’autorité initiale lui causait préjudice.

 

[28]           Toutefois, je suis d’accord avec la demanderesse pour dire que le choix qu’elle a fait, entre recommencer la procédure de grief au niveau de l’autorité initiale (qui n’était toujours pas désignée) ou continuer au niveau de l’autorité de dernière instance, ne peut objectivement être qualifié de choix éclairé. Après plusieurs mois passés à tenter d’obtenir une réponse quant à savoir qui était l’autorité initiale, elle a compris qu’aucune réponse n’était à prévoir. Elle a pris cette décision en raison du retard considérable déjà constaté et de l’incertitude créée par le manquement initial à l’équité. On ne peut donc conclure qu’elle a nettement renoncé à son droit à l’équité procédurale qui, à mon sens, incluait le droit à une décision au niveau de l’autorité initiale. Par conséquent, la demande de contrôle judiciaire doit être accueillie.

 

Le DGAGFC a‑t‑il fait erreur en concluant que les blessures de la demanderesse n’étaient pas attribuables au service militaire?

 

[29]           La demande doit être accueillie en raison du manquement à l’équité procédurale, mais je conclus de plus que l’analyse que le DGAGFC a faite pour déterminer si les blessures étaient attribuables au service militaire était déraisonnable. Le DGAGFC a bien cerné le critère applicable dans cette analyse : à savoir si les blessures découlaient du service ou s’y rattachaient directement. De plus, il a souligné à bon droit que la Cour suprême du Canada avait donné aux mots « découlant de » une interprétation large et libérale (Amos, précité). Toutefois, le DGAGFC n’a pas suivi les précédents appropriés en appliquant une interprétation large et libérale.

 

[30]           Le DGAGFC s’est appuyé fortement sur la décision de la Cour dans Frye. Toutefois, la CAF a infirmé cette décision en raison de l’application d’un critère trop restrictif pour déterminer si un accident était attribuable au service militaire. Le DGAGFC a reconnu que la CAF avait infirmé la décision de la Cour et il a donc souligné que les motifs de la CAF [Traduction] « donnent des éclaircissements plus appropriés sur ce point ». Toutefois, il a conclu, sans autre analyse, que cette décision de la CAF ne changeait pas sa conclusion.

 

[31]           Je soulignerais que Frye était la seule décision de la CAF invoquée par le DGAGFC et qu’elle aurait dû se voir accorder beaucoup d’attention et d’importance dans l’analyse. En outre, les décisions de la Cour sur lesquelles le DGAGFC s’est appuyé avaient été rendues avant la décision de la CAF dans Frye. Le défaut du DGAGFC de suivre les principes dégagés dans Frye, particulièrement compte tenu des similarités avec la présente affaire, rend sa décision déraisonnable.

 

[32]           Dans Frye, le mari de la demanderesse avait été appelé à combattre des incendies de forêt dans le cadre d’un déploiement et il avait quitté le camp après le couvre‑feu à la fin de la journée pour aller se baigner. En rentrant au camp, il a essayé de sauter une clôture, mais il est tombé sur la chaussée de la route et a été happé mortellement par un véhicule. Le Tribunal des anciens combattants (révision et appel) (le Tribunal) a conclu que le décès n’était pas attribuable au service militaire parce que, au moment du décès, son mari participait à une activité récréative, et non à une activité du service militaire. La CAF a annulé la conclusion du Tribunal, jugeant sa démarche contraire à l’interprétation large et libérale requise :

[31]      Le Tribunal semble donc avoir considéré les activités récréatives et les activités du service militaire comme des catégories qui s’excluent l’une et l’autre, de sorte que, étant donné que le décès du caporal Berger est survenu pendant une activité récréative, il n’était pas consécutif au service militaire. Par ce raisonnement, le Tribunal a omis d’examiner l’ensemble des circonstances pour savoir si, tout en étant lié à une activité récréative, le décès du caporal Berger n’était pas également suffisamment lié au service militaire pour qu’il soit permis de dire qu’il était consécutif à celui‑ci. Cette interprétation restrictive des mots « consécutive ou rattachée directement » n’est pas compatible avec l’interprétation libérale et généreuse que la Loi doit recevoir.

 

 

[33]           De plus, ce qui présente un intérêt particulier dans la présente affaire, la CAF a conclu que le Tribunal avait à tort omis de tenir compte du lien entre les activités du membre au moment de son décès et la politique militaire observée concernant les loisirs :

[34]      Dans ce contexte, le Tribunal aurait dû accorder une certaine importance à l’affirmation du commandant, le lieutenant‑colonel Leslie, selon laquelle il avait approuvé une politique de loisir et de détente afin d’éviter que les soldats ne s’épuisent après avoir travaillé de longues heures à combattre les feux de forêt dans des conditions sales, pénibles et dangereuses.

 

 

[34]           À mon avis, cette politique est analogue à la politique concernant le PGF; les Forces canadiennes ont créé la politique du PGF pour maximiser la déployabilité et la disponibilité opérationnelle de ses membres. Suivant les enseignements de Frye, il s’agit d’un facteur pertinent qui aurait dû se voir accorder de l’importance, mais cela n’a pas été le cas. Le DGAGFC a conclu que les Forces canadiennes n’avaient pas décidé du contenu du PGF de la demanderesse. Pourtant, on aurait pu également dire la même chose dans Frye; les Forces canadiennes n’avaient pas décidé du type d’activité récréative auquel le membre s’adonnait ni de l’endroit où il s’y adonnait. Le DGAGFC n’a donc pas tenu compte de toutes les circonstances pour déterminer si les blessures de la demanderesse étaient attribuables au service militaire et, par conséquent, la demande doit être accueillie.

 

[35]           Je soulignerais que le défendeur s’est interrogé quant à savoir si la demanderesse agissait en fait en vertu du PGF au moment de l’accident. Toutefois, la preuve selon laquelle elle appliquait le PGF n’a pas été contredite et, à toutes les étapes de la procédure, il semble avoir été accepté qu’elle appliquait le PGF; le grief a été rejeté parce que le PGF n’était pas considéré comme un ordre militaire. À mon avis, il n’est donc pas loisible au défendeur de soulever cet argument à cette étape‑ci.

 

[36]           Par conséquent, je suis d’avis d’annuler la décision du DGAGFC et de renvoyer l’affaire à l’autorité initiale pour nouvel examen. Il n’est pas nécessaire d’examiner le dernier moyen avancé par la demanderesse.


JUGEMENT

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est accueillie et que l’affaire est renvoyée à l’autorité initiale pour nouvel examen. Les dépens sont adjugés à la demanderesse.

 

 

« Donald J. Rennie »

Juge

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Christiane Bélanger, LL.L., réviseure

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        T-1810-11

 

INTITULÉ :                                      CAPITAINE KIMBERLY Y. FAWCETT c
PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :              Ottawa (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :             Le 29 mai 2012

 

MOTIFS DU JUGEMENT
ET JUGEMENT :
                            LE JUGE RENNIE

 

DATE DES MOTIFS :                     Le 18 juin 2012

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Capitaine Kimberly Y. Fawcett

POUR LA DEMANDERESSE

 

Max Binnie

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

 

 

POUR LA DEMANDERESSE

Myles J. Kirvan,

Sous‑procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

 

 

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