Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

 


Date : 20120801

Dossier : IMM-8477-11

Référence : 2012 CF 959

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 1er août 2012

En présence de M. le juge Mandamin

 

ENTRE :

 

EKATERINA UTENKOVA

 

 

 

demanderesse

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

           MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

[1]               La demanderesse, Mme Ekaterina Utenkova, demande le contrôle judiciaire de la décision en date du 13 septembre 2011 par laquelle un agent des visas a refusé sa demande de permis d'études pour pouvoir étudier l'anglais au Canada, au motif qu’il n'était pas convaincu que la demanderesse quitterait le pays à la fin de sa période d'étude si on l'admettait au Canada.

 

[2]        Âgée de 30 ans, la demanderesse est une citoyenne de la Russie qui a présenté une demande de permis d'études en vue de pouvoir s’inscrire à un cours intensif d'anglais au Canada. Elle travaillait comme gérante dans une société de technologie et possédait une participation de 20 p. 100 dans une nouvelle société dont l’objet était de commercialiser la technologie Smart Home en Russie. Elle avait tenté d'étudier l'anglais en Russie, mais n'y avait pas réussi à cause des contraintes de son travail. Elle a par conséquent décidé de s'inscrire à un programme intensif d'anglais au Canada. Elle prévoyait, pendant qu'elle serait au Canada, d'entrer en communication avec des compagnies nord-américaines diffusant la technologie Smart Home.

 

[3]        L'agent des visas a refusé d'accorder à la demanderesse le permis d'études demandé au motif que la demanderesse n'avait pas démontré qu'elle est suffisamment bien établie en Russie et que ses études projetées étaient raisonnables compte tenu de ses antécédents en matière d'études et de travail.

 

[4]        L'agent a fait observer que la demanderesse était titulaire d'un diplôme en psychologie et qu'elle travaillait dans une compagnie de service et de réparation informatiques. Elle ne semblait avoir aucune formation technique dans le domaine informatique si l'on fait exception d'un cours qu'elle a suivi à l'université. L'agent a également conclu que le fait que la demanderesse possédait une participation de 20 p. 100 dans une nouvelle compagnie appartenant à sa mère et qu'elle était envoyée au Canada pour étudier l'anglais tout en cherchant de nouveaux débouchés pour la nouvelle compagnie ne démontrait pas qu'elle s'est bien établie en Russie.

 

[5]        Dans l'arrêt Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, la Cour suprême du Canada a jugé qu'il n'existe que deux normes de contrôle : celle de la décision correcte dans le cas des questions de droit et celle de la décision raisonnable pour ce qui est des questions mixtes de fait et de droit et des questions de fait. La Cour suprême a également jugé que, lorsque la norme de contrôle a déjà été arrêtée, il n'est pas nécessaire de reprendre l'analyse relative à la norme de contrôle applicable. Notre Cour a récemment jugé que la décision dans laquelle l'agent d'immigration se fonde sur sa conviction que le demandeur ne quittera pas le Canada à la fin de son séjour est une question mixte de droit et de fait, qui commande par conséquent la norme de contrôle de la décision raisonnable (Obot c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2012 CF 208, au paragraphe 12).

 

[6]        La Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27, dispose :

 

11. (1) L’étranger doit, préalablement à son entrée au Canada, demander à l’agent les visa et autres documents requis par règlement. L’agent peut les délivrer sur preuve, à la suite d’un contrôle, que l’étranger n’est pas interdit de territoire et se conforme à la présente loi.

 

 

 

[…]

 

20. (1) L’étranger non visé à l’article 19 qui cherche à entrer au Canada ou à y séjourner est tenu de prouver :

 

 

[…]

 

b) pour devenir un résident temporaire, qu’il détient les visa ou autres documents requis par règlement et aura quitté le Canada à la fin de la période de séjour autorisée.

 

 

[Non souligné dans l'original.]

 

11. (1) A foreign national must, before entering Canada, apply to an officer for a visa or for any other document required by the regulations. The visa or document may be issued if, following an examination, the officer is satisfied that the foreign national is not inadmissible and meets the requirements of this Act.

 

 

20. (1) Every foreign national, other than a foreign national referred to in section 19, who seeks to enter or remain in Canada must establish,

 

 

(b) to become a temporary resident, that they hold the visa or other document required under the regulations and will leave Canada by the end of the period authorized for their stay.

 

[Emphasis added]

           

[7]        La décision de l'agent est fondée sur les faits et mérite donc la déférence. L'agent ne peut toutefois interpréter de façon erronée les éléments de preuve pertinents soumis par la demanderesse ou les ignorer.

 

[8]        L'agent a estimé que, dans sa lettre, l'employeur de la demanderesse ne disait pas que la compagnie s'engageait à payer les dépenses liées aux études de la demanderesse au Canada. Il ressort à l'évidence de cette lettre que la compagnie a précisé le nom de l'établissement d'enseignement où elle avait décidé d'envoyer la demanderesse étudier l'anglais. Rien ne permet de penser que la compagnie ne paierait pas les études de la demanderesse après avoir choisi l'établissement et avoir décidé d'y envoyer la demanderesse.

 

[9]        Je suis convaincu que l'agent a mal interprété la lettre de l'employeur en ne tenant pas compte de la conclusion qui s'imposait, à savoir qu'après avoir décidé d'y envoyer son employé, la demanderesse, à l'étranger pour étudier l'anglais et après avoir choisi un établissement d'enseignement bien précis au Canada, l'employeur allait payer ses études.

 

[10]      L'agent a estimé que la demanderesse se rendrait au Canada pour étudier quelque chose qui n'avait rien à voir avec ses études antérieures et les exigences de son poste actuel.

 

[11]      Les conclusions de l'agent étaient raisonnables compte tenu des études que la demanderesse avait antérieurement suivies, mais l'agent a mal interprété les antécédents professionnels et l'emploi actuel de la demanderesse. Suivant la preuve qui était soumise à l'agent, la demanderesse a travaillé et continue à travailler comme gérante et vendeuse dans une compagnie de technologie et non comme spécialiste en technologie.

 

[12]      L'agent a estimé que l'appelante se rendait au Canada pour étudier quelque chose qui n'avait rien à voir avec son travail actuel.

 

[13]      L'employeur de la demanderesse a déclaré dans les termes les plus nets que cette dernière était chargée de mettre au point une nouvelle entreprise portant sur la technologie Smart Home, ajoutant que la compagnie voulait développer des liens d'affaires avec des compagnies utilisant la technologie Smart Home en Suisse, aux États-Unis, au Canada et en Australie. On pouvait penser que l'anglais serait la langue de travail dans le cas des trois derniers pays en question, d'où la nécessité d'avoir des aptitudes en anglais. Il s'agit là d'un facteur dont l'agent aurait dû tenir compte pour examiner la demande de permis d'études de l'anglais au Canada.

 

[14]      L'agent a conclu que les revenus gagnés par la demanderesse en Russie étaient modestes et que l'ampleur de ses épargnes était inexpliquée compte tenu de ses revenus modestes. L'agent a tiré cette conclusion sans tenir compte de quelque élément de preuve au sujet des niveaux de revenus qui existent en Russie dans le domaine dans lequel la demanderesse travaillait. L'agent remet en question le montant de 10 000 $ d'épargnes de la demanderesse au motif que la façon dont elle a réussi à mettre cette somme de côté n'avait pas été précisée.

 

[15]      Même en acceptant que l'agent ait été au courant de l'économie russe locale, il n'en demeure pas moins qu'il a ignoré le fait que la demanderesse possédait un appartement ainsi qu'une participation d'un tiers dans un autre appartement à Nizhniy Novgorod et qu'elle détenait une participation de 20 p. 100 dans une nouvelle compagnie. Comme le fait de détenir des biens démontre dans une large mesure le degré d'établissement de l'intéressée, l'agent aurait dû tenir compte des actifs de la demanderesse pour apprécier son degré d'établissement en Russie.

 

[16]      Par conséquent, j'estime que l'agent a mal interprété des éléments de preuve pertinents et qu'il a ignoré d'autres éléments de preuve pour décider de refuser la demande de visa de la demanderesse. La demande de contrôle judiciaire est donc accueillie.

 

[14]      Ni l'une ni l'autre des parties n'a soumis de question grave de portée générale à certifier.


ORDONNANCE

 

LA COUR :

 

1.                  ACCUEILLE la demande de contrôle judiciaire et RENVOIE l'affaire à un autre agent des visas pour qu'il rende une nouvelle décision.

 

2.                  Aucune question n'est certifiée.

 

 

« Leonard S. Mandamin »

Juge

 

Traduction certifiée conforme

Christiane Bélanger, LL.L.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-8477-11

 

INTITULÉ :                                      EKATERINA UTENKOVA c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

 

LIEU DE L'AUDIENCE :              TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L'AUDIENCE :             LE 19 JUILLET 2012

 

MOTIFS DE L'ORDONNANCE : LE JUGE MANDAMIN

 

DATE DES MOTIFS :                     LE 1er AOÛT 2012

 

ONT COMPARU :

 

Me Hart A. Kaminker

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Me Charles J. Jubenville

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Me Hart A. Kaminker

Avocat

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Myles J, Kirvan

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.