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Date : 20120627

Dossier: IMM-8318-11

Référence : 2012 CF 818

Ottawa (Ontario), le 27 juin 2012

En présence de madame la juge Tremblay-Lamer 

ENTRE :

 

OSCAR ARMANDO PADILLA HERNANDEZ

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

 

 

 

Défendeur

 

 

         MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, ch 27 (LIPR), à l’encontre d’une décision de la Section de la protection des réfugiés (le tribunal), selon laquelle la demande de réouverture du dossier du demandeur a été rejetée.

 

[2]               Le 9 décembre 2007, le demandeur, un citoyen du Salvador, arrive au Canada et dépose une demande d’asile le 14 février 2008. Le 25 février 2008, il se présente à une entrevue devant la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada (CISR).

 

[3]               Le 20 mars 2008, il dépose son formulaire de renseignements personnels (FRP) indiquant son adresse actuelle.

 

[4]               Le 12 février 2010, la CISR lui envoie un avis de confirmation de sa disponibilité pour l’audience à l’adresse figurant au dossier. Ce formulaire contient une section qu’un demandeur d’asile peut remplir dans le cas d’un changement d’adresse. Le demandeur signe le formulaire sans remplir cette section, et le renvoie à la CISR.

 

[5]               Le 1er novembre 2010, il change d’adresse et transmet son changement d’adresse à Immigration Canada, mais non à la CISR.

 

[6]               Le 20 avril 2011, la CISR lui envoie à l’adresse inscrite à son dossier un premier avis de convocation à une audience prévue pour le 8 juin 2010. Ce même avis est également envoyé à son avocat. Le jour de l’audience, l’avocat se présente sans le demandeur. Une procédure de désistement est alors prise à l’égard de la demande d’asile.

 

[7]               Le 6 juillet 2011, la CISR transmet au demandeur et à son avocat un avis de convocation à la même adresse pour lui signifier la tenue d’une audience, prévue pour le 27 juillet 2011, afin de lui permettre de s’opposer au désistement de sa demande. Le jour de l’audience, l’avocat se présente seul. La CISR se prononce alors sur le désistement de l’affaire, n’ayant reçu aucun avis de la part du demandeur.

 

[8]               Le 5 août 2011, le demandeur communique son changement d’adresse à la CISR, et dépose une demande de réouverture le 28 septembre 2011 conformément à la règle 55 des Règles de la Section de la protection des réfugiés.

 

[9]               Le tribunal refuse d’accueillir la demande de réouverture puisqu’il n’avait pas la compétence de le faire, le demandeur n’ayant pas démontré une violation à un principe de justice naturelle.

 

[10]           En effet, le tribunal estime que le fait d’avoir omis, même de bonne foi, de communiquer son changement d’adresse à la CISR n’équivaut pas à une omission de respecter le principe de justice naturelle, et que seul le demandeur est responsable de son défaut d’agir.

 

[11]           Il souligne aussi qu’il est coutume pour la CISR d’aviser les demandeurs d’asile de lui communiquer tout changement d’adresse, et que la trousse qui leur est remise contient un formulaire pour cette fin. Dans le présent cas, le formulaire intitulé « Résumé de l’appel du rôle », daté du 13 mars 2008, indique que l’agent de la CISR a coché la case intitulée « Explications des documents contenus dans la trousse », ce qui démontre que la procédure normale a été suivie.

 

[12]           De plus, le tribunal indique que la mention en caractères gras à la page 12 du FRP est formulée en termes clairs : « Si vous changer d’adresse, vous devez en informer la CISR sans délai. » Il ne croit pas que l’interprète du demandeur ait fourni une traduction exacte de chaque section du FRP à l’exception de celle qui traite de la communication de tout changement d’adresse.

 

[13]           Le tribunal note aussi que le demandeur a reçu une lettre de la CISR lui demandant de confirmer sa disponibilité pour l’audience. Le formulaire qu’il a signé et renvoyé à la CISR contenait une section lui permettant de faire part d’une nouvelle adresse. Bien que le demandeur n’avait pas encore déménagé le jour où il a reçu ce formulaire, le tribunal estime que ceci constituait un autre rappel du bureau responsable auquel il devait communiquer l’information.

 

[14]           Il ajoute que le demandeur n’a fourni aucune explication pour justifier son défaut de communiquer avec son avocat après le prononcé du désistement, et en tire une inférence négative quant à sa crédibilité eu égard à son ignorance du processus.

 

La décision du tribunal est-elle raisonnable? 

 

[15]           Selon l’article 55 des Règles de la Section de la protection des réfugiés, le tribunal ne peut rouvrir une demande d’asile que si un demandeur démontre qu’il y a eu un manquement aux principes de justice naturelle.

 

[16]           Le demandeur prétend que la décision du tribunal est déraisonnable puisque celui-ci a jugé qu’il est le seul responsable de son défaut d’informer la CISR de son changement d’adresse. Il a présenté un affidavit au soutien de sa demande de réouverture dans lequel il affirme que l’agent ne lui avait pas expliqué qu’il devait aviser la CISR de tout changement d’adresse, lequel n’a pas été contredit. De plus, le demandeur souligne qu’il n’a pas pu bénéficier de l’avis contenu à la page 12 du FRP car le document a été préparé par son avocat sans interprète. Le demandeur réfère également à une lettre qui lui a été envoyée par la CISR, datée du 29 avril 2011, indiquant que son FRP ne lui avait pas été traduit.

 

[17]           Pour sa part, le défendeur soutient que le demandeur a manqué de diligence, et que le tribunal était justifié de conclure qu’il est le seul responsable de son défaut d’agir et qu’il manque de crédibilité eu égard à son ignorance du processus. Il souligne que le demandeur a changé d’adresse le 1er novembre 2010 et qu’entre cette date et la fin de l’été 2011, celui-ci n’a jamais communiqué avec son avocat, ni transmis d’avis de changement d’adresse ou de numéro de téléphone à la CISR, alors qu’il savait qu’il était en attente d’une date d’audition. Ainsi, le défaut du demandeur de faire un suivi auprès de son avocat a fait en sorte que son procureur n’a pas pu le rejoindre afin de l’aviser de l’occasion que lui offrait le tribunal de s’opposer au désistement de sa demande. Bref, le demandeur n’a pas démontré un manquement de la part de la CISR à un principe de justice naturelle. Je suis de cet avis.

 

[18]           Je note qu’au paragraphe 10 de son affidavit présenté au soutien de sa demande de réouverture, le demandeur affirme qu’il a rempli son FRP avec l’aide de son avocat et que les questions du formulaire et les renseignements qu’il a fournis lui ont été traduits en espagnol, à l’exception de l’avis à la page 12 du FRP. Cependant, le tribunal n’a pas pu croire « que l’interprète du demandeur d’asile ait été en mesure de fournir une traduction exacte de chaque section figurant dans les treize pages du FRP à l’exception de celle qui indique qu’il est nécessaire de communiquer tout changement d’adresse. » Cette conclusion est raisonnable à la lumière des faits en l’espèce.

 

[19]           Le demandeur prétend également que le tribunal a violé les principes d’équité procédurale en s’appuyant sur une preuve extrinsèque, soit le Résumé de l’appel du rôle, pour conclure que la procédure normale avait été suivie par l’agent de la CISR. Il soumet qu’il n’a jamais obtenu une copie de ce document, et donc n’a pas pu y répondre ou en faire une preuve contraire.

 

[20]           Le défendeur soutient que ce document s’agit d’un « check list » qui a été complété par l’agent du greffe lors de l’appel de rôle où le demandeur était présent et assisté par un interprète. Le document ne fait que confirmer par écrit les éléments abordés avec le demandeur lors de cet appel de rôle, et il fait partie du dossier que la CISR possède à son endroit et auquel son avocat et lui avaient accès. Le défendeur s’appuie sur l’affaire Quijano c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2009 CF 1232, [2009] ACF no 1573 (QL), où la Cour a indiqué que l’agent d’immigration n’a aucune obligation de confronter un demandeur aux informations qu’il a lui-même fournies, et que ces renseignements ne sont pas extrinsèques au dossier. Je suis de cet avis.

 

[21]           Le Résumé de l’appel du rôle n’est qu’un sommaire des informations pertinentes au dossier du demandeur. Il indique, entre autres, que le demandeur était à l’appel du rôle, qu’il avait requis un interprète, qu’il avait compris l’interprète, et qu’il a reçu des explications des documents contenus dans la trousse. Comme dans l’affaire Quijano, susmentionnée, l’information contenue dans le Résumé de l’appel du rôle ne s’agit pas d’un élément de preuve extrinsèque pour lequel le tribunal avait le devoir de confronter le demandeur. À cet égard, il n’y a aucun manquement aux principes de justice naturelle.

 

[22]           Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.


JUGEMENT

 

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

« Danièle Tremblay-Lamer »

Juge

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-8318-11

 

INTITULÉ :                                      Oscar Armando Padilla hernandez

c.

Le Ministre de la Citoyenneté et de l’immigration

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :              Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :             Le 21 juin 2012

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT:                             Madame la juge Tremblay-Lamer 

 

DATE DES MOTIFS :                     Le 27 juin 2012

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Me William Sloan

 

POUR LA PARTIE DEMANDERESSE

Me Edith Savard

 

POUR LA PARTIE DÉFENDERESSE

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Me William Sloan

400 McGill, 2e étage

Montréal (Québec)

 

POUR LA PARTIE DEMANDERESSE

Me Edith Savard

Ministère fédéral de la Justice Canada

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)

 

POUR LA PARTIE DÉFENDERESSE

 

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