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Cour fédérale

 

Federal Court

 

 Date : 20120710


Dossier : T‑684‑11

Référence : 2012 CF 870

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 10 juillet 2012

En présence de monsieur le juge Mosley

 

 

ENTRE :

 

FRANK KIM

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

 

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

 

 

défendeur

 

 

        MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Le demandeur, Frank Kim, cherche à obtenir le contrôle judiciaire du rejet de son grief contre des décisions du Service correctionnel du Canada (ci‑après le SCC) relativement à l’établissement de sa cote de sécurité. M. Kim, qui se représente lui‑même, conteste la décision rendue par le commissaire adjoint Ian McCowan le 21 février 2011. Il allègue notamment que son dossier contient des renseignements inexacts et il réclame des dommages‑intérêts par suite d’une décision qui le destine à un établissement à sécurité maximale.

 

[2]               Il s’agit d’une demande de contrôle présentée en vertu de l’art. 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales, LRC, c F‑7. Pour les motifs qui suivent, j’estime que la demande porte en partie sur un point théorique étant donné que le demandeur a été transféré dans un établissement à sécurité moyenne peu de temps après la décision finale sur son grief. Je renonce à mon pouvoir discrétionnaire d’examiner cet aspect de la question et j’aborderai les préoccupations du demandeur au sujet des renseignements qui figurent dans son dossier.

 

CONTEXTE

 

[3]               M. Kim purge une peine d’emprisonnement pour une période indéterminée parce qu’il a été déclaré délinquant dangereux en octobre 2000.

 

[4]               Le 22 septembre 2007, le demandeur, qui était détenu à l’Établissement de Stony Mountain, un pénitencier à sécurité moyenne, a été surpris par un agent correctionnel en train d’agresser un autre prisonnier. Ce dernier a dû subir des traitements à l’hôpital pour plaies par arme blanche. M. Kim a par la suite été accusé d’infraction disciplinaire grave. Cette accusation a été abandonnée le 16 janvier 2008 lors d’une audience tenue devant un président indépendant. M. Kim ne nie pas l’existence de cette agression, mais il allègue qu’il ne faisait que se défendre contre le risque imminent d’être blessé par l’autre prisonnier. Les motifs de la décision n’ont pas été fournis, mais il semble que l’agent qui a été témoin des faits ait confirmé la validité du plaidoyer de légitime défense.

 

[5]               Par suite de l’incident, le demandeur a été placé en isolement, puis transféré à l’Établissement Kent, un pénitencier à sécurité maximale. Le 23 novembre 2007, le demandeur a informé un gestionnaire du SCC que sa sécurité était menacée; il a alors été placé en isolement volontaire. Peu après, il a été transféré dans une autre unité résidentielle de la prison où il avait accès aux programmes et services offerts au reste de la population carcérale de l’établissement.

 

[6]               Le 23 avril 2008, le demandeur a été impliqué dans une altercation avec un autre détenu. Il aurait infligé à ce dernier une coupure à la joue. Selon un rapport d’incident, l’autre détenu a allégué que le demandeur s’était rué sur lui et qu’il lui avait infligé des coupures au visage et à l’oreille. Des couteaux artisanaux fabriqués au moyen de lames de rasoir et de stylos ont été retrouvés à proximité. M. Kim a été aperçu en train de quitter les lieux, appréhendé puis placé de nouveau en isolement. Il ne reconnaît pas l’existence de cette agression, mais il admet implicitement qu’il a été mêlé à une confrontation avec l’autre détenu. Le contenu du rapport d’incident ne lui a pas été divulgué avant la décision du commissaire adjoint. Si cela avait été le cas, M. Kim soutient qu’il aurait présenté des éléments de preuve confirmant sa version selon laquelle il n’était pas l’agresseur, y compris la déclaration d’un autre détenu qui a été témoin des événements.

 

[7]               Le 29 juillet 2008, M. Kim a été accusé d’une infraction disciplinaire en vertu de l’alinéa 40r) de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, LC 1992, c 20 (ci‑après la LSC), qui concerne la violation délibérée d’une règle écrite. L’accusation a été rejetée par un président indépendant le 12 novembre 2008 étant donné qu’elle était fondée sur une disposition non pertinente et non sur celle qui concerne les voies de fait et les combats.

 

[8]               M. Kim est demeuré en isolement entre le 23 avril 2008 et le 28 mai 2009, sauf quelques jours passés dans la population carcérale générale du reste de l’établissement à des fins d’évaluation. Le 29 mai 2009, M. Kim a été sorti de son isolement et a été transféré dans un autre établissement à sécurité maximale, soit l’Établissement de l’Atlantique. Il a été de nouveau placé en isolement involontaire le 23 juillet 2009, après avoir dit à un agent qu’il se sentait menacé.

 

[9]               M. Kim avait accepté à son arrivée à l’Établissement de l’Atlantique de signaler aux autorités les menaces et l’intimidation et de ne pas y réagir par la violence. Le 14 janvier 2010, l’équipe de gestion du cas du demandeur a recommandé que sa cote de sécurité soit ramenée à modérée et qu’il soit transféré dans un établissement à sécurité moyenne. Cette recommandation était étayée par sa cote dans l’Échelle de réévaluation du niveau de sécurité accordée par l’agent de libération conditionnelle en établissement du demandeur (ci‑après l’ALCE). Cependant, le gestionnaire de l’Évaluation et des interventions était d’avis que le demandeur n’avait pas fait preuve d’une stabilité suffisante au sein de la population carcérale générale de l’établissement pour justifier un abaissement de sa cote de sécurité. Ce choix s’expliquait en partie par un rapport selon lequel M. Kim avait déclaré, au moment où il avait informé les membres du personnel, en juillet 2009, des menaces qui pesaient contre lui, qu’il affronterait les menaces et se battrait plutôt que de se [traduction] « réfugier » en isolement.

 

[10]           Dans des décisions rendues le 25 janvier 2010 et le 25 février 2010, le directeur de l’Établissement de l’Atlantique a refusé d’approuver la réévaluation de la cote de sécurité. La décision était fondée en partie sur des renseignements figurant dans le Système de gestion des délinquants, où M. Kim était désigné comme l’agresseur dans les deux incidents d’agression à l’arme blanche. Le directeur jugeait aussi que M. Kim n’avait pas encore passé suffisamment de temps dans la population carcérale générale (seulement sept semaines en 28 mois) pour décider si ce dernier était prêt à se retrouver dans un environnement dont le niveau de sécurité était moindre.

 

[11]           Le demandeur a présenté un grief contre les deux décisions du directeur. Les deux griefs ont été fusionnés et traités comme une seule plainte. Dans une décision rendue au deuxième palier de la procédure de règlement des griefs datée du 23 août 2010, les conclusions et la décision du directeur ont été confirmées. Le 20 septembre 2010, le demandeur a déposé un grief au troisième palier.

 

[12]           Lors de chaque audition de ses griefs, le demandeur a refusé d’être désigné comme l’agresseur, particulièrement en ce qui concerne les deux incidents à l’égard desquels les accusations ont été abandonnées. Il a demandé que sa cote en matière de risque d’évasion passe de moyenne à faible, que sa cote en matière de risque lié à l’adaptation à l’établissement soit ramenée à moyenne et que les dossiers concernant les incidents où des personnes ont été poignardées et tailladées soient corrigés. Dans la réponse qu’il a reçue à l’audition de son grief au deuxième palier, M. Kim a été informé qu’il devait acheminer sa demande à son ALCE car c’est ce dernier qui était l’agent chargé des corrections des dossiers. C’est ce que M. Kim a fait le 6 avril 2010.

 

[13]           L’ALCE a répondu le 8 avril 2010 qu’il avait besoin de plus de temps que la période de 15 jours prévue au règlement pour traiter la demande. Il semble qu’aucune autre mesure n’ait été prise pour donner suite à sa demande. M. Kim a soulevé de nouveau la question au troisième palier de la procédure de règlement des griefs.

 

[14]           Le grief présenté au troisième palier a été rejeté par le commissaire adjoint dans une décision datée du 21 février 2011. Le demandeur a été transféré à l’Établissement La Macaza, un établissement à sécurité moyenne, le 26 mars 2011. La présente demande de contrôle judiciaire a été déposée le 19 avril 2011.

 

DÉCISION FAISANT L’OBJET DU CONTRÔLE JUDICIAIRE

 

[15]           Le commissaire adjoint a souligné que l’analyse au troisième palier était fondée notamment sur des renseignements qui figuraient dans le dossier du demandeur incorporé au Système de gestion des délinquants. Il y était question de quatre chefs d’accusation mineurs : un auquel il n’avait pas été donné suite; un autre qui avait débouché sur une déclaration de culpabilité; et deux qui avaient été rejetés. De plus, le demandeur avait été visé par trois chefs d’accusation graves. Au sujet du premier, concernant un événement survenu le 4 juillet 2003, le demandeur avait été jugé non coupable. Le deuxième, celui de l’incident du 22 septembre 2007 décrit ci‑dessus, a été abandonné à cause, comme le soulignait le commissaire adjoint, de [traduction] « circonstances atténuantes ». Le troisième, lié à l’incident d’avril 2008, a été abandonné à cause, selon les dires du commissaire adjoint, d’une [traduction] « désignation erronée du chef d’accusation ».

 

[16]           En ce qui concerne les chefs d’accusation rejetés, le commissaire adjoint a estimé que même s’ils n’ont pas débouché sur des déclarations de culpabilité, les descriptions des infractions et les rapports d’incident sur les événements avaient été établis par des témoins puis incorporés aux dossiers du demandeur. Selon les dossiers, le demandeur avait reconnu être à l’origine de la première agression. Le commissaire adjoint a conclu que les incidents étaient suffisamment étayés dans les rapports, malgré le rejet des chefs d’accusation par le président indépendant. Il a estimé qu’ils avaient un effet sur le niveau de risque que présentait M. Kim et qu’il fallait en tenir compte dans l’évaluation de la cote de sécurité du demandeur. Pour cette raison, cette partie du grief a été rejetée.

 

[17]           Comme il a été mentionné précédemment, le demandeur, en avril 2010, avait demandé à son ALCE que son dossier soit corrigé afin qu’il y soit précisé que les chefs d’accusation relatifs aux incidents susmentionnés de 2007 et de 2008 avaient été rejetés. L’ALCE avait demandé un délai supplémentaire pour répondre. Le commissaire adjoint a estimé que le demandeur n’avait pas déposé son grief au premier palier relativement au défaut de l’ALCE de donner suite à la demande, en conformité des paragraphes 1 et 27 de la Directive du commissaire intitulée Plaintes et griefs des délinquants (ci‑après DC‑081). Il a donc rejeté le grief concernant les corrections à apporter au dossier.

 

[18]           Dans ses observations, le demandeur a comparé sa situation à celle d’un autre détenu, qui aurait été semblable à la sienne, à l’exception du fait que l’autre détenu avait une cote de sécurité moyenne. Le commissaire adjoint a rejeté cette partie du grief du fait qu’une comparaison avec le cas d’un autre détenu enfreindrait la Loi sur la protection des renseignements personnels, LRC, 1985, c P‑21.

 

[19]           Le demandeur a allégué que son isolement volontaire dans le but d’éviter des conflits avec d’autres détenus ne doit pas être retenu contre lui dans l’évaluation de sa cote de sécurité. Le commissaire adjoint a reconnu que l’ALCE avait félicité le demandeur pour avoir choisi l’isolement plutôt que la violence. Cependant, selon le commissaire adjoint, cet élément n’efface pas les antécédents de violence du demandeur et les longues périodes qu’il a passées en isolement, dont une très grande partie en isolement involontaire. Le commissaire adjoint a confirmé la décision du directeur et a rejeté cette partie du grief.

 

[20]           Le demandeur a réclamé une indemnité pécuniaire pour réparer ce qu’il considère comme des erreurs institutionnelles. Le commissaire adjoint a rejeté cette partie du grief étant donné que la demande ne correspondait pas aux cas énoncés à l’article 35 de la DC‑081, soit indemnité financière pour les effets personnels perdus ou endommagés ou remboursement d’une somme d’argent que le Service correctionnel du Canada est tenu de fournir en vertu de la loi ou des politiques du SCC.

 

QUESTIONS À TRANCHER

 

[21]           L’avis de demande et le mémoire exposant les faits et le droit du demandeur contiennent plusieurs demandes de jugements déclaratoires et d’autres réparations, notamment une ordonnance de transfert immédiat dans un établissement à sécurité moyenne, la correction de ses dossiers et une indemnité quotidienne de 500 $ pour chaque jour que le demandeur a été détenu dans une prison à sécurité maximale à cause des mentions au dossier selon lesquelles il était l’agresseur dans les incidents relatifs aux chefs d’accusation rejetés en janvier et en novembre 2008. Il veut obtenir une ordonnance afin que la présente demande soit instruite comme une action ainsi que des dommages‑intérêts punitifs, exemplaires et majorés de 50 000 $, plus les dépens.

 

[22]           À titre préliminaire, le défendeur soutient que la demande n’a pas été déposée à l’intérieur du délai de 30 jours prévu par le par. 18.1(2) de la Loi sur les Cours fédérales et que l’affaire n’a maintenant qu’un caractère théorique étant donné que le demandeur a été transféré dans un établissement à sécurité moyenne. Je conclus, pour les motifs abordés ci‑après, qu’une prolongation de délai doit être accordée et que, du moins en partie, la demande n’a plus qu’un caractère théorique à cause du transfert.

 

[23]           Il est bien établi en droit que la Cour n’a pas le pouvoir d’accorder des dommages et intérêts en vertu de l’art. 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales : Al‑Mhamad c Canada (Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes), 2003 CAF 45, par. 3; et Canada (Procureur général) c TeleZone Inc., 2010 SCC 62, par. 51‑52. Comme le soulignait la Cour suprême au paragraphe 52 de la décision TeleZone, les recours classiques du droit administratif énumérés à l’al. 18(1)a) ne comprennent pas l’octroi de dommages‑intérêts. Si un demandeur cherche à obtenir une indemnisation, il ne peut y arriver dans le cadre d’une procédure de contrôle judiciaire.

 

[24]           Selon le demandeur, le précédent créé par la décision TeleZone, précitée, lui permet de transformer la présente demande en action en dommages et intérêts. Or, il ne s’agit pas en l’espèce d’une instance qui peut être transformée en action en vertu du par. 18.4(2) de la Loi sur les Cours fédérales. En effet, aucune requête à cette fin n’a été présentée à la Cour et les parties n’ont pas eu l’occasion de préparer leurs actes de procédure, d’effectuer des interrogatoires préalables et d’interroger des témoins. En effet, l’affaire a été instruite uniquement selon le dossier documentaire.

 

[25]           Le demandeur n’a pas présenté d’éléments de preuve ou d’arguments selon lesquels il pourrait être établi que le commissaire adjoint a commis une erreur en statuant que la demande d’indemnité ne se situait pas à l’intérieur de la procédure de règlement des griefs. Pour cette raison, je propose de laisser de côté cet aspect de la décision.

 

[26]           À l’audience, M. Kim s’est plaint du fait que son ordinateur et ses disquettes avaient été saisis, ce qui lui a compliqué la tâche au moment de la préparation de ses observations orales. Le défendeur a présenté en preuve l’affidavit d’un agent correctionnel afin d’expliquer pour quelles raisons l’ordinateur avait été saisi et de décrire les efforts consentis pour faire en sorte que M. Kim ait accès à un autre ordinateur et aux dossiers figurant sur ses disquettes.

 

[27]           Afin d’établir si la présente plainte est fondée, j’ai tenu compte du fait que M. Kim n’en est pas à sa première participation à une instance judiciaire, car il s’est représenté lui‑même dans l’instance qui a débouché sur sa déclaration de culpabilité et le prononcé de sa peine, dans le cadre de nombreuses requêtes et de nombreux appels et lors d’autres demandes de contrôle judiciaire devant la Cour. J’ai aussi pris note du fait que le défendeur avait présenté son dossier le 15 septembre 2011 et que l’ordinateur du demandeur avait été saisi le 9 février 2012. Ce dernier a donc eu presque cinq mois pour préparer ses observations orales et répondre aux arguments du défendeur.

 

[28]           Par conséquent, je suis convaincu qu’en l’espèce M. Kim a eu accès aux documents dont il avait besoin pour présenter tous les éléments de sa position. Afin de garantir qu’il ait tout le loisir de commenter la pertinence de la jurisprudence invoquée à l’audience par le défendeur, je l’ai autorisé à formuler d’autres observations écrites postérieures à l’audience lorsqu’il a eu l’occasion de lire les décisions en question. Ces dernières, des décisions récentes, n’avaient aucun lien avec l’une quelconque des questions soulevées en l’espèce; par conséquent, elles ne sont pas abordées dans les présents motifs.

 

[29]           Il restait donc à la Cour à se prononcer sur la question des renseignements figurant au dossier du demandeur dont la validité était contestée. J’ai conclu que la controverse au sujet de ces renseignements demeure bien réelle parce qu’ils peuvent être utilisés par le SCC dans toute évaluation future de la cote de sécurité du demandeur, à moins qu’ils soient modifiés ou supprimés.

 

DISPOSITIONS LÉGISLATIVES PERTINENTES

 

[30]           Le paragraphe 24 de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition 1992, LC 1992, c 20 est ainsi libellé :

24. (1) Le Service est tenu de veiller, dans la mesure du possible, à ce que les renseignements qu’il utilise concernant les délinquants soient à jour, exacts et complets.

 

(2) Le délinquant qui croit que les renseignements auxquels il a eu accès en vertu du paragraphe 23(2) sont erronés ou incomplets peut demander que le Service en effectue la correction; lorsque la demande est refusée, le Service doit faire mention des corrections qui ont été demandées mais non effectuées.

 

 

 

 

 

 

24. (1) The Service shall take all reasonable steps to ensure that any information about an offender that it uses is as accurate, up to date and complete as possible.

 

 

(2) Where an offender who has been given access to information by the Service pursuant to subsection 23(2) believes that there is an error or omission therein,

 

(a) the offender may request the Service to correct that information; and

 

(b) where the request is refused, the Service shall attach to the information a notation indicating that the offender has requested a correction and setting out the correction requested.

 

[31]           Les articles 17 et 18 du Règlement sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, DORS/92‑620, sont ainsi libellés :

17. Le Service détermine la cote de sécurité à assigner à chaque détenu conformément à l’article 30 de la Loi en tenant compte des facteurs suivants :

 

a) la gravité de l’infraction commise par le détenu;

 

 

b) toute accusation en instance contre lui;

 

c) son rendement et sa conduite pendant qu’il purge sa peine;

 

d) ses antécédents sociaux et criminels, y compris ses antécédents comme jeune contrevenant s’ils sont disponibles et le fait qu’il a été déclaré délinquant dangereux en application du Code criminel;

 

e) toute maladie physique ou mentale ou tout trouble mental dont il souffre;

 

f) sa propension à la violence;

 

g) son implication continue dans des activités criminelles.

 

18. Pour l’application de l’article 30 de la Loi, le détenu reçoit, selon le cas :

 

a) la cote de sécurité maximale, si l’évaluation du

Service montre que le détenu :

(i) soit présente un risque élevé d’évasion et, en cas d’évasion, constituerait une grande menace pour la sécurité du public,

 

(ii) soit exige un degré élevé de surveillance et de contrôle à l’intérieur du pénitencier;

 

b) la cote de sécurité moyenne, si l’évaluation du Service montre que le détenu :

 

(i) soit présente un risque d’évasion de faible à moyen et, en cas d’évasion, constituerait une menace moyenne pour la sécurité du public,

 

(ii) soit exige un degré moyen de surveillance et de contrôle à l’intérieur du pénitencier;

 

 

c) la cote de sécurité minimale, si l’évaluation du Service montre que le détenu :

 

(i) soit présente un faible risque d’évasion et, en cas d’évasion, constituerait une faible menace pour la sécurité du public,

 

(ii) soit exige un faible degré de surveillance et de contrôle à l’intérieur du pénitencier.

17. The Service shall take the following factors into consideration in determining the security classification to be assigned to an inmate pursuant to section 30 of the Act:

(a) the seriousness of the offence committed by the inmate;

 

(b) any outstanding charges against the inmate;

 

(c) the inmate’s performance and behaviour while under sentence;

 

(d) the inmate’s social, criminal and, if available, young‑offender history and any dangerous offender designation under the Criminal Code;

 

 

 

(e) any physical or mental illness or disorder suffered by the inmate;

 

(f) the inmate’s potential for violent behaviour; and

 

(g) the inmate’s continued involvement in criminal activities.

 

18. For the purposes of section 30 of the Act, an inmate shall be classified as

 

(a) maximum security where the inmate is assessed by the Service as

 

(i) presenting a high probability of escape and a high risk to the safety of the public in the event of escape, or

 

 

(ii) requiring a high degree of supervision and control within the penitentiary;

 

(b) medium security where the inmate is assessed by the Service as

 

 

(i) presenting a low to moderate probability of escape and a moderate risk to the safety of the public in the event of escape, or

 

 

(ii) requiring a moderate degree of supervision and control within the penitentiary; and

 

 

(c) minimum security where the inmate is assessed by the Service as

 

 

(i) presenting a low probability of escape and a low risk to the safety of the public in the event of escape, and

 

 

(ii) requiring a low degree of supervision and control within the penitentiary.

 

 

ANALYSE

 

            Norme de contrôle

 

[32]           Règle générale, les questions de justice naturelle ou d’équité procédurale doivent être examinées selon la norme de la décision correcte : Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12, par. 43. C’est aussi la norme qui s’applique au contrôle de décisions rendues dans le cadre de la procédure de règlement des griefs des délinquants : Sweet c Canada (Procureur général), 2005 CAF 51, par 16.

 

[33]           La norme de contrôle pour les questions de fait et les questions mixtes de fait et de droit liées à l’application de la LSC est celle du caractère raisonnable : Tehrankari c Canada (Service correctionnel), 2001 ACF 845, par. 15‑16; Crawshaw c Canada (Procureur général), 2011 CF 133, par. 24‑27.

 

Délai de présentation des demandes

 

[34]           En vertu du par. 18.1(2) de la Loi sur les Cours fédérales, une demande de contrôle judiciaire d’une décision ou d’une ordonnance d’un office fédéral doit être présentée dans les 30 jours qui suivent la communication de la décision ou de l’ordonnance à la partie concernée ou dans le délai supplémentaire qu’un juge de la Cour fédérale peut, avant ou après l’expiration de ces 30 jours, fixer ou accorder.

 

[35]           Le défendeur soutient que le demandeur a déposé sa demande quelque 64 jours après que la décision sur le grief présenté au troisième palier eut été rendue et communiquée au demandeur. La décision a été rendue le 21 février 2011 et la demande de contrôle judiciaire a été signifiée au défendeur le 27 avril 2011. Le requérant n’a déposé aucune requête de prolongation de délai et, même s’il se représente lui‑même, il connaît bien les délais prévus par la Cour fédérale étant donné qu’il a déjà présenté plusieurs autres demandes de contrôle judiciaire. Par conséquent, selon le défendeur, la prolongation de délai ne devrait pas être accordée.

 

[36]           En réponse, le demandeur allègue que la décision lui a été communiquée le 21 mars 2011, comme il le précise dans son avis de demande de contrôle judiciaire signé le 24 mars 2011. Le défendeur n’a déposé aucun élément de preuve afin de contester la date de la communication de la décision. L’avis de demande a été déposé le 19 avril 2011, puis signifié au défendeur le 27 avril 2011.

 

[37]           Étant donné que le demandeur est un détenu sous la garde du SCC et que ce dernier avait les moyens à la fois de communiquer la décision et de prendre note de la date à laquelle elle a été rendue, le bénéfice du doute est accordé au demandeur. J’ai décidé d’accorder une prolongation de délai, conformément aux principes énoncés dans Jakutavicius c Canada (Procureur général), 2004 CAF 289.

 

            Caractère théorique

 

[38]           Le défendeur s’est aussi opposé à l’instruction de l’affaire pour le motif qu’elle a maintenant un caractère théorique étant donné que le demandeur a obtenu la principale réparation qu’il recherchait en présentant son grief et la présente demande, soit son transfert dans un établissement à sécurité moyenne.

 

[39]           La décision Borowski c Canada (Procureur général), [1989] 1 RCS 342 propose une analyse en deux étapes qui permet d’établir si un litige est théorique : 1) reste‑t‑il un différend concret? Et 2) la Cour devrait‑elle exercer son pouvoir discrétionnaire d’instruire l’affaire? Pour répondre à cette dernière question, la Cour doit tenir compte de trois facteurs : a) le maintien du caractère réellement contradictoire du différend; b) le respect de l’économie des ressources judiciaires; et c) la question de savoir si des circonstances particulières justifient l’utilisation des ressources judiciaires limitées.

 

[40]           Selon le défendeur, depuis le transfert en mars 2011 du demandeur à l’Établissement La Macaza, un établissement à sécurité moyenne, le principal différend entre les parties n’existe plus. Étant donné qu’il n’existe plus de différend concret entre les parties, la résolution des questions soulevées par le demandeur aurait un caractère purement théorique. De plus, le défendeur allègue que la présente affaire ne vise ni un point de droit nouveau ni une question revêtant une importance particulière pour les parties. Par conséquent, la Cour ne devrait pas exercer son pouvoir discrétionnaire d’instruire l’affaire.

 

[41]           Le demandeur admet qu’il a été transféré dans un établissement à sécurité moyenne et que, à cet égard, il a atteint une grande partie de l’objectif qu’il recherchait en présentant son grief. Il soutient cependant qu’il existe encore un différend concret à cause des éléments contestés figurant dans son dossier au sujet d’incidents antérieurs, éléments qui pourraient être utilisés contre lui lors de la prise de décisions futures relatives à l’établissement de sa cote de sécurité. Il s’appuie sur la décision Bonamy c Canada (Procureur général), 2010 CF 153, rendue par le juge Mainville, à l’époque juge à la Cour.

 

[42]           Dans l’affaire Bonamy, précitée, le juge Mainville a estimé que la doctrine relative au caractère théorique ne s’appliquait pas dans le contexte d’une demande de contrôle judiciaire présentée par un demandeur qui, ayant bénéficié d’une libération d’office, ne se trouvait plus dans le pénitencier. Dans les circonstances particulières de cette affaire, soit une demande de jugement déclaratoire relatif à la procédure de règlement des griefs dans le contexte correctionnel et à l’accès direct à la Cour fédérale pour le contrôle de décisions rendues par les autorités du Service correctionnel, le juge Mainville a conclu qu’il existait un litige actuel entre les parties et que la procédure de règlement des griefs s’appliquait encore au demandeur, même s’il avait été libéré.

 

[43]           À mon avis, les circonstances décrites dans la décision Bonamy sont différentes de celles de l’espèce. En effet, dans cette affaire, le demandeur représentait un groupe de délinquants qui cherchait à faire modifier la procédure de règlement des griefs. De plus, la décision faisant l’objet de la demande de contrôle contredisait une décision antérieure qui accueillait en partie un grief du demandeur et lui accordait une réparation qui n’avait pas eu de suite concrète. De plus, le demandeur alléguait avoir subi des répercussions négatives par suite de la présentation des griefs.

 

[44]           En l’espèce, le demandeur a atteint la plus grande partie de son objectif par l’intermédiaire de la procédure de règlement des griefs, soit l’annulation de la décision de passer outre à la recommandation de son équipe de gestion des cas, c’est‑à‑dire le faire transférer dans un établissement à sécurité moyenne. Je souligne qu’il a en fait été transféré avant le dépôt de la présente demande. Par conséquent, à cet égard, la controverse relative à la réévaluation de sa cote de sécurité n’a plus qu’un caractère théorique et je ne vois pas pour quelle raison j’exercerais mon pouvoir discrétionnaire de me prononcer sur le fond de la demande au sujet de cet aspect de la décision du commissaire adjoint.

 

Est‑ce que le commissaire adjoint a rejeté de façon déraisonnable le grief en ce qui concerne les renseignements contestés figurant dans les dossiers du demandeur?

 

[45]           Le commissaire adjoint a rejeté la partie du grief du demandeur qui concernait l’exactitude des renseignements figurant dans ses dossiers parce que ce dernier n’avait pas soulevé cette question au premier palier de la procédure de règlement des griefs, directement avec l’agent responsable, l’ALCE Mark Hare. En effet, le commissaire adjoint a conclu qu’il ne pouvait pas contourner la procédure normale de règlement des griefs. À mon avis, il s’agissait d’une conclusion raisonnable et d’une réponse complète à la plainte du demandeur. Je crois toutefois utile de formuler d’autres commentaires sur les observations du demandeur au cas où la controverse surgirait de nouveau.

 

[46]           À l’audience, le demandeur a confirmé être au fait qu’il aurait pu présenter un grief contre l’ALCE relativement à l’exactitude des renseignements figurant dans son dossier. Il allègue cependant avoir soulevé la question dès le départ dans ses griefs contre les décisions du directeur et qu’il est injuste d’exiger de lui qu’il présente une plainte séparée dans le cadre de la procédure de règlement des griefs. Cependant, la procédure en question exige que les demandes de correction de renseignements figurant dans les dossiers des délinquants soient adressées à l’agent chargé d’entrer les données dans les dossiers et de tenir ces derniers à jour. En l’espèce, il s’agissait de l’ALCE Hare et non du directeur.

 

[47]           Le demandeur allègue qu’en continuant de s’appuyer sur des renseignements concernant des chefs d’accusation rejetés pour établir sa cote de sécurité, le SCC a en fait outrepassé les décisions de présidents indépendants. Or, allègue‑t‑il, cette façon de faire est contraire à l’art. 24 de la LSC, qui exige que le Service veille dans toute la mesure du possible à ce que les renseignements qu’il utilise concernant les délinquants soient à jour, exacts et complets. Il s’appuie sur la décision Tehrankari c Canada (Service correctionnel), [2000] ACF no 495, par. 55 [Tehrankari (2000)].

 

[48]           Les incidents d’agression à l’arme blanche qui ont entraîné le rejet des chefs d’accusation portés contre le demandeur sont mentionnés à plusieurs reprises dans la réponse au grief présenté au troisième palier de la procédure. Après avoir décrit les chefs d’accusation et avoir précisé qu’ils étaient rejetés, dans le premier cas [traduction] « à cause de circonstances atténuantes » et, dans le second, à cause de la désignation erronée du chef d’accusation, le commissaire adjoint s’exprimait en ces termes :

[traduction]

M. Kim, même si ces deux (2) chefs d’accusation ont été rejetés par le président indépendant, nous devons tenir compte du fait que les deux incidents sont étayés par les rapports d’incident susmentionnés. Nous devons aussi prendre acte du fait que vous avez reconnu avoir effectué l’une de ces agressions. Étant donné que ces incidents ont des répercussions directes sur le niveau de risque que vous représentez, ils doivent être pris en compte dans l’évaluation de votre cote de sécurité.

 

[49]           Traitant de la plainte du demandeur selon laquelle les renseignements relatifs à ses périodes d’isolement, y compris celles où il a lui‑même demandé l’isolement à cause de menaces reçues d’autres détenus, ont été utilisés contre lui pour maintenir aussi élevée sa cote en matière de risque lié à l’adaptation à l’établissement, le commissaire adjoint a évoqué le rapport établi le 14 janvier 2010 par l’ALCE Hare dans lequel les incidents d’agression à l’arme blanche sont encore mentionnés.

 

[50]           Dans Tehrankari 2000, le juge Lemieux traitait une décision relative à l’évaluation des risques par le SCC à l’égard de laquelle le délinquant niait certaines allégations figurant dans ses dossiers. Il avait nié l’allégation d’agression qui pesait contre lui étant donné que les chefs d’accusation avaient été retirés vu la non‑comparution des gardiens de prison témoins. Le délinquant avait aussi nié l’allégation selon laquelle il avait tenté de s’enfuir d’une cellule canadienne et il avait contesté les allégations relatives à sa fuite de l’Iran.

 

[51]           En ce qui concerne l’allégation d’agression dans Tehrankari 2000, voici le paragraphe 55 des motifs du juge Lemieux :

Le rapport RDNSC disait que le demandeur avait agressé un autre détenu. Le demandeur le nie. Il a été accusé et jugé non coupable. Il importe peu que les gardiens de prison témoins ne se soient pas présentés. Dans les circonstances, il n’est pas exact d’affirmer, comme un fait, qu’il a assailli l’autre détenu, surtout si l’on tient compte des rapports des gardiens de prison qui ont été témoins de l’incident. Au mieux, dans l’état actuel des choses, il était soupçonné d’avoir agressé un autre détenu. Le comité consultatif de citoyens a recommandé que ces renseignements sur les voies de fait soient retirés de son dossier.

 

[52]           M. Kim cite ce paragraphe pour appuyer son allégation selon laquelle la façon dont il a été jugé non coupable importe peu. Il allègue que le rejet des chefs d’accusation est suffisant pour établir que les renseignements qui les sous‑tendent sont inexacts et que, par conséquent, ils ne doivent pas être incorporés à son dossier. Je souligne que dans le paragraphe reproduit ci‑dessus, le juge Lemieux a estimé qu’il n’était pas exact d’affirmer comme un fait qu’il y avait eu agression [traduction] « surtout si l’on tient compte des rapports des gardiens de prison qui ont été témoins de l’incident ». Cet énoncé donne à penser que, vu la valeur probante des renseignements au dossier, l’allégation d’agression ne pouvait être étayée.

 

[53]           Le juge Lemieux avait tiré une conclusion semblable relativement à une allégation de tentative d’évasion du délinquant. L’allégation selon laquelle des lames de scie à métaux avaient été trouvées dans la cellule du délinquant n’était pas erronée, mais c’est plutôt l’inférence que le SCC avait tirée de ce fait qui n’était pas étayée. Il pouvait au pire être soupçonné d’avoir planifié une évasion : Tehrankari 2000, aux paragraphes 56‑61.

 

[54]           En l’espèce, appliquant la norme de preuve en droit criminel au‑delà de tout doute raisonnable, le président indépendant a rejeté le premier chef d’accusation, apparemment pour le motif que le demandeur avait poignardé l’autre détenu à cause de la crainte d’être blessé. Le choix des termes [traduction] « circonstances atténuantes » par le commissaire adjoint pour décrire le motif du rejet du chef d’accusation n’est peut‑être pas précis, mais il ne modifiait pas l’essentiel des faits déclarés par l’agent correctionnel qui a observé l’événement. Il est évident que le décideur connaissait toutes les circonstances de l’incident, y compris l’allégation de légitime défense fournie par le demandeur.

 

[55]           Le second chef d’accusation a été rejeté pour des motifs techniques. Le demandeur ne nie pas avoir été impliqué dans cet incident, mais il allègue que la preuve existante, y compris la déclaration d’un témoin, un troisième détenu, n’aurait pas permis d’entraîner une déclaration de culpabilité même si le chef d’accusation exact avait été déposé. Que ces faits soient exacts ou non, l’établissement de leur validité dépasse la portée de la présente demande. Il reste que le dossier du demandeur contient un rapport d’incident selon lequel un détenu a accusé le demandeur de l’avoir agressé et de l’avoir tailladé. Les responsables du Service correctionnel ne pouvaient pas faire comme si ce rapport n’avait pas existé.

 

[56]           Le juge Blais, alors juge à la Cour, a abordé une situation semblable dans la décision Côté‑Savard c Canada (Procureur général), 2006 CF 653. Dans cette affaire, le demandeur avait déposé un grief relatif à la réévaluation de sa cote de sécurité provenant du fait qu’une arme blanche avait été découverte dans sa cellule. Un rapport disciplinaire grave avait été produit. Le président indépendant avait ordonné l’arrêt des procédures devant le tribunal disciplinaire à cause de retards excessifs. Le commissaire s’était appuyé sur le rapport malgré le rejet du chef d’accusation. La Cour avait jugé que cette décision était raisonnable.

 

[57]           Je suis d’accord avec l’analyse suivante du juge Blais qui est exposée au paragraphe 13 de la décision Côte‑Savard, précitée :

même si le demandeur avait été acquitté, les autorités pourraient quand même se référer à la découverte d’une arme blanche dans la cellule du demandeur pour justifier la hausse de sa cote de sécurité. Tel que mentionné par le demandeur, le fardeau de la preuve en matière disciplinaire est de convaincre le président du tribunal disciplinaire hors de tout doute raisonnable de la commission de l’infraction, ce qui n’est pas le cas dans le cadre des mesures administratives comme la révision d’une cote de sécurité ou d’un transfert involontaire.

 

[58]           La Cour évalue le caractère raisonnable de la décision du commissaire adjoint. Elle doit décider si, compte tenu de la preuve dont il était saisi, le commissaire adjoint pouvait, de façon raisonnable, s’appuyer sur les rapports d’incident et les faits relatifs à l’incident pour rejeter le grief au troisième palier. Comme le commissaire adjoint le soulignait, le demandeur pouvait présenter un autre grief pour faire corriger les renseignements dans son dossier si ces derniers étaient bel et bien inexacts.

 

[59]           Pour mener à bien cette tâche, la Cour doit faire preuve d’une retenue considérable à l’égard des décisions du commissaire adjoint vu son expertise en gestion des pénitenciers, en maintien de la sécurité institutionnelle et en évaluation des facteurs de risque que présentent les détenus, notamment en matière d’adaptation à l’établissement : Tehrankari (2000), par. 36; et Canada (Procureur général) c Boucher, 2005 CAF 77, par. 16.

 

[60]           L’imposition aux responsables du Service correctionnel d’une exigence les empêchant de s’appuyer sur les rapports d’incident lorsque les chefs d’accusation qui en découlent ont été rejetés entraverait indûment le SCC dans l’exécution de sa tâche d’évaluer la cote de sécurité des détenus. Les audiences relatives aux mesures disciplinaires et les décisions relatives à l’établissement de la cote de sécurité sont des processus indépendants et différents et il faut reconnaître et respecter leurs objectifs, procédures, répercussions et normes de preuve respectifs.

 

[61]           Compte tenu de l’expertise du SCC, de l’art. 17 du Règlement sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, DORS/92‑620, du par. 24(1) de la LSC, de la jurisprudence citée précédemment et de l’absence de dispositions législatives claires imposant une norme plus sévère, il est raisonnable que le Service s’appuie sur des rapports d’incident relatant des faits relatifs à un chef d’accusation rejeté dans la mesure où les faits sont décrits de la façon la plus fiable et exacte possible dans les circonstances. Si les faits ne sont pas exacts, le détenu visé peut contester par un grief l’incorporation des renseignements à ses dossiers.

 

[62]           Par conséquent, la demande est rejetée. Étant donné que le demandeur allègue ne pas disposer de moyens financiers, je ne juge pas pertinent d’adjuger les dépens en faveur du défendeur.

 

 

 

 


JUGEMENT

 

LA COUR ORDONNE que la demande soit rejetée. Les parties assumeront leurs propres dépens.

 

 

« Richard G. Mosley »

juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Linda Brisebois, LL.B.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        T‑684‑11

 

INTITULÉ :                                      FRANK KIM

 

                                                            et

 

                                                            LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :              Ottawa (Ontario)

                                                            (par vidéoconférence)

 

DATE DE L’AUDIENCE :             Le 27 mars 2012

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                            LE JUGE MOSLEY

 

DATE DES MOTIFS :                     Le 10 juillet 2012

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Frank Kim

 

POUR LE DEMANDEUR

(POUR SON PROPRE COMPTE)

 

Dominic Guimond

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Frank Kim

Établissement La Macaza

La Macaza (Québec)

 

POUR LE DEMANDEUR

(POUR SON PROPRE COMPTE)

Myles J. Kirvan

Sous‑procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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