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Date : 20120629

Dossier : T-1679-11

Référence : 2012 CF 836

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 29 juin 2012

En présence de monsieur le juge Martineau

 

 

ENTRE :

 

NOVARTIS PHARMACEUTICALS CANADA INC.

 

 

 

demanderesse

 

et

 

 

 

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA ET MINISTRE DE LA SANTÉ

 

 

 

défendeurs

 

 

 

 

 

           MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               La demanderesse, Novartis Pharmaceuticals Canada [Novartis], sollicite le contrôle judiciaire d’une décision datée du 14 septembre 2011 par laquelle le Bureau des médicaments brevetés et de la liaison [le BMBL] du ministre de la Santé [le ministre] a statué que le brevet canadien no 2 304 819 [le brevet 819] n’était pas admissible à l’adjonction au registre des brevets, aux termes du paragraphe 4(2) du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité), DORS/93‑133, dans sa forme modifiée [le Règlement].

 

[2]               Dans la présente demande de contrôle judiciaire, Novartis conteste à la fois l’interprétation que fait le BMBL des conditions d’adjonction au registre des brevets que prescrivent les alinéas 4(2)b) et c) du Règlement et l’interprétation [traduction] « littérale » que fait le BMBL des revendications du brevet 819. À l’audience tenue devant la Cour, Novartis a laissé tombé ses observations écrites concernant l’alinéa 4(2)d) du Règlement.

 

[3]               Après avoir examiné avec soin les observations des parties au sujet de l’état actuel de la jurisprudence sur la question clé qui est en litige en l’espèce, soit la décision contestée du BMBL, les 68 revendications du brevet 819 et l’avis de conformité [l’AC] correspondant, de même que la preuve d’expert que Novartis a produite, je suis arrivé à la conclusion qu’il convient de rejeter la présente demande de contrôle judiciaire, et mes motifs sont les suivants.

 

I.                   LE CONTEXTE

Tobi PodhalerMD

[4]               Novartis a déposé une présentation de drogue nouvelle [la PDN] auprès du ministre le 22 mars 2010, relativement à un produit pharmaceutique utilisé dans le cadre du traitement de la fibrose kystique compliquée par des infections pulmonaires chroniques, et un AC a donc été délivré pour un produit médicamenteux appelé Tobi Podhaler (tobramycine en poudre pour inhalation) le 1er avril 2011. L’AC en question s’applique à un antibiotique contre les infections des voies respiratoires, dont le seul et unique ingrédient médicinal est la tobramycine, à administrer par inhalation d’une poudre sèche contenue dans une gélule de 28 mg.

 

[5]               Tobi Podhaler se compose d’un élément médicinal et d’un élément non médicinal : le premier se présente sous la forme posologique d’une gélule contenant une formulation de poudre sèche qui contient l’ingrédient actif, la tobramycine (un antibiotique aminoglycoside), destiné à être inhalé par voie orale à l’aide de l’inhalateur Podhaler (l’élément non médicinal).

 

Le brevet 819

[6]               De pair avec la PDN, Novartis a déposé une demande au BMBL afin d’obtenir que le brevet 819 concernant le produit Tobi PodhalerMD soit adjoint au registre des brevets, que tient le ministre conformément au paragraphe 3(2) du Règlement. Comme l’expliquent de manière plus détaillée  plusieurs décisions de la Cour et de la Cour d’appel fédérale, la raison d’être de ce mécanisme de réglementation, établi en vertu du paragraphe 55.2(4) de la Loi sur les brevets, LRC 1985, c P‑4, est d’offrir une protection relative contre la contrefaçon aux titulaires de brevets susceptibles de faire l’objet d’une « fabrication anticipée » par un fabricant de médicaments génériques, une exception à l’interdiction de contrefaçon prévue au paragraphe 55.2(1), qui permet à un tel fabricant de fabriquer une invention brevetée avant l’expiration du brevet correspondant.

 

[7]               Le brevet 819 est intitulé « Microparticules perforées et procédés d’utilisation », et il a été délivré le 8 avril 2008. Il a essentiellement trait à des formulations et à des méthodes de production de microstructures perforées, lesquelles comprennent un agent actif qui, dans les réalisations privilégiées, inclura aussi un agent bioactif. Il est également précisé que les microstructures perforées seront de préférence utilisées de pair avec des dispositifs d’inhalation, tels qu’un aérosol‑doseur, un inhalateur à poudre sèche ou un nébuliseur.

 

[8]               Détail important pour la présente affaire, le brevet 819 comporte des revendications relatives à l’utilisation d’un agent bioactif dans la fabrication d’un médicament délivré par voie pulmonaire, comprenant une pluralité de microstructures perforées et administré par un dispositif d’inhalation (revendications 1 à 11), des revendications relatives à une poudre faite de microstructures perforées comprenant un agent bioactif (les revendications 41 à 50 et 59 à 68), de même que des revendications relatives à un système d’inhalation pour l’administration d’un agent bioactif par voie pulmonaire aux patients (revendications 51 à 58).

 

[9]               Novartis a demandé l’adjonction du brevet 819 au registre des brevets à l’égard de son produit Tobi Podhaler, le motif étant qu’il contenait censément des revendications de « la formulation contenant l’ingrédient médicinal » (alinéa 4(2)b) du Règlement), une revendication de « la forme posologique » (alinéa 4(2)c) du Règlement) ainsi qu’une revendication de « l’utilisation de l’ingrédient médicinal » (alinéa 4(2)d) du Règlement), dont l’approbation était demandée dans la PDN du 22 mars 2010.

 

L’analyse préliminaire, par le BMBL, de la liste de brevets

[10]           Par une lettre datée du 12 avril 2010, le BMBL a informé Novartis qu’il s’était formé une opinion préliminaire que le brevet 819 n’était pas admissible à l’adjonction au registre des brevets car nulle part était-il précisé dans ce dernier que l’ingrédient médicinal – la tobramycine – était un agent actif potentiel, ainsi que l’exigeait le paragraphe 4(2) du Règlement. Le BMBL a donc invité Novartis à présenter, dans les 30 jours suivants, des observations écrites en réponse à ce point.

 

[11]           Novartis a déposé des observations écrites étayées par l’affidavit d’un expert, M. Robert O. Williams – professeur et chef de la Division of pharmaceutics, au College of Pharmacy de l’Université du Texas – qui a exprimé l’avis que le BMBL avait mal interprété les revendications du brevet 819 en arrivant à la conclusion que ce dernier ne contenait pas une revendication de l’utilisation de la formulation contenant l’ingrédient médicinal, une revendication de la forme posologique ou une revendication de l’utilisation de l’ingrédient médicinal pour lequel une autorisation était demandée. Novartis a fait essentiellement valoir que, aux yeux de la personne versée dans l’art, le brevet 819 englobait la tobramycine, en particulier dans les revendications faisant référence aux antibiotiques en tant qu’agents bioactifs potentiels, car il est scientifiquement reconnu que les antibiotiques comprennent bel et bien la tobramycine.

 

[12]           Novartis a ajouté que, comme M. Williams l’a indiqué dans son affidavit, le mémoire descriptif du brevet 819 ayant mentionné par leur nom deux antibiotiques apparentés (la gentamicine et la streptomycine), une personne versée dans l’art comprendrait bien que ce brevet spécifie également l’utilisation de la tobramycine. Il faut bien souligner à ce stade que les défendeurs ne contestent pas la preuve d’expert que Novartis a présentée au sujet de la classe d’« antibiotiques » qui est énoncée dans le brevet 819 et qui englobe la tobramycine. Leur position est plutôt axée sur une question d’interprétation concernant la portée des exigences du paragraphe 4(2) du Règlement en matière d’adjonction au registre des brevets.

 

[13]           En fait, dans les observations qu’elle a soumises au BMBL, Novartis a fait valoir que, pour les besoins de l’adjonction au registre des brevets, au sens des alinéas 4(2)b), c) et d) du Règlement, la référence précise qui est faite dans le brevet 819 a une classe d’ingrédients médicinaux, c’est‑à‑dire les antibiotiques, de même que l’inclusion d’autres exemples de la sous-classe des antibiotiques aminoglycosides dans la description du brevet, étaient suffisantes pour englober la tobramycine.

 

II.                LES DISPOSITIONS RÉGLEMENTAIRES APPLICABLES

[14]           L’élément central du présent contrôle judiciaire est l’interprétation appropriée des exigences en matière d’adjonction au registre des brevets qui figurent au paragraphe 4(2) du Règlement, et plus précisément aux alinéas b) et c). Comme il a été mentionné plus tôt, le Règlement vise à rétablir l’équilibre en offrant une protection accrue aux titulaires de brevet, afin d’éviter que l’on abuse du mécanisme de l’exception relative à la « fabrication anticipée ». Les modifications qui ont été apportées au Règlement en octobre 2006 ont fait disparaître les concepts de la « revendication pour le médicament en soi » et de la « revendication pour l’utilisation du médicament », de manière à étendre la protection offerte à la « forme posologique » et à l’« utilisation » revendiquées par un brevet. C’est ainsi que, depuis 2006, pour qu’un brevet soit admissible à l’adjonction, il faut qu’il contienne une revendication de l’« ingrédient médicinal », de « la formulation contenant l’ingrédient médicinal », de la « forme posologique » ou de l’« utilisation de l’ingrédient médicinal », lesquels doivent être approuvés par la délivrance d’un AC à l’égard de la PDN applicable :

4(2) Est admissible à l’adjonction au registre tout brevet, inscrit sur une liste de brevets, qui se rattache à la présentation de drogue nouvelle, s’il contient, selon le cas :

 

a) une revendication de l’ingrédient médicinal, l’ingrédient ayant été approuvé par la délivrance d’un avis de conformité à l’égard de la présentation;

 

b) une revendication de la formulation contenant l’ingrédient médicinal, la formulation ayant été approuvée par la délivrance d’un avis de conformité à l’égard de la présentation;

 

c) une revendication de la forme posologique, la forme posologique ayant été approuvée par la délivrance d’un avis de conformité à l’égard de la présentation;

 

d) une revendication de l’utilisation de l’ingrédient médicinal, l’utilisation ayant été approuvée par la délivrance d’un avis de conformité à l’égard de la présentation.

4(2) A patent on a patent list in relation to a new drug submission is eligible to be

 

added to the register if the patent contains

 

 

(a) a claim for the medicinal ingredient and the medicinal ingredient has been approved through the issuance of a notice of compliance in respect of the submission;

 

(b) a claim for the formulation that contains the medicinal ingredient and the formulation has been approved through the issuance of a notice of compliance in respect of the submission;

 

(c) a claim for the dosage form and the dosage form has been approved through the issuance of a notice of compliance in respect of the submission; or

 

 

(d) a claim for the use of the medicinal ingredient, and the use has been approved through the issuance of a notice of compliance in respect of the submission.

 

                                                                                                [Non souligné dans l’original.]

 

[15]           Les définitions de la « revendication de l’ingrédient médicinal », de la « revendication de la formulation », de la « revendication de la forme posologique » et de la « revendication de l’utilisation de l’ingrédient médicinal » figurent à l’article 2 du Règlement :

 

 

2. Les définitions qui suivent s’appliquent au présent règlement.

 

« revendication de la forme posologique » Revendication à l’égard d’un mécanisme de libération permettant d’administrer l’ingrédient médicinal d’une drogue ou la formulation de celle-ci, dont la portée comprend cet ingrédient médicinal ou cette formulation. (claim for the dosage form)

 

« revendication de la formulation » Revendication à l’égard d’une substance qui est un mélange des ingrédients médicinaux et non médicinaux d’une drogue et qui est administrée à un patient sous une forme posologique donnée. (claim for the formulation)

 

« revendication de l’ingrédient médicinal » S’entend, d’une part, d’une revendication, dans le brevet, de l’ingrédient médicinal — chimique ou biologique — préparé ou produit selon les modes ou procédés de fabrication décrits en détail et revendiqués dans le brevet ou selon leurs équivalents chimiques manifestes, et, d’autre part, d’une revendication pour différents polymorphes de celui-ci, à l’exclusion de ses différentes formes chimiques. (claim for the medicinal ingredient)

 

 

 

« revendication de l’utilisation de l’ingrédient médicinal » Revendication de l’utilisation de l’ingrédient médicinal aux fins du diagnostic, du traitement, de l’atténuation ou de la prévention d’une maladie, d’un désordre, d’un état physique anormal, ou de leurs symptômes. (claim for the use of the medicinal ingredient)

 

2. In these Regulations,

 

 

 

“claim for the dosage form” means a claim for a delivery system for administering a medicinal ingredient in a drug or a formulation of a drug that includes within its scope that medicinal ingredient or formulation; (revendication de la forme posologique)

 

 

 

“claim for the formulation” means a claim for a substance that is a mixture of medicinal and non-medicinal ingredients in a drug and that is administered to a patient in a particular dosage form; (revendication de la formulation)

 

 

“claim for the medicinal ingredient” includes a claim in the patent for the medicinal ingredient, whether chemical or biological in nature, when prepared or produced by the methods or processes of manufacture particularly described and claimed in the patent, or by their obvious chemical equivalents, and also includes a claim for different polymorphs of the medicinal ingredient, but does not include different chemical forms of the medicinal ingredient; (revendication de l’ingrédient médicinal)

 

[…]

 

“claim for the use of the medicinal ingredient” means a claim for the use of the medicinal ingredient for the diagnosis, treatment, mitigation or prevention of a disease, disorder or abnormal physical state, or its symptoms; (revendication de l’utilisation de l’ingrédient médicinal)

 

                                                                                                [Non souligné dans l’original.]

 

III.             LA DÉCISION FAISANT L’OBJET DU PRÉSENT CONTRÔLE

[16]           Dans sa décision finale, le BMBL a confirmé son opinion préliminaire. En fait, il a refusé d’inscrire le brevet 819 pour le seul motif que la formulation approuvée de Tobi Podhaler, contenant de la tobramycine comme seul ingrédient médicinal, n’était pas « contenue » dans l’une quelconque des revendications du brevet 819 au sens de l’alinéa 4(2)b) du Règlement parce que cette substance n’y était pas explicitement nommée. Le BMBL a conclu que, en l’absence d’une formulation approuvée contenant l’ingrédient médicinal, les exigences en matière de spécificité du produit que prévoyaient les alinéas 4(2)c) et d) du Règlement n’étaient pas remplies non plus.

 

[17]           Le BMBL a exprimé l’avis que l’obligation de mentionner explicitement l’ingrédient médicinal en vue d’une adjonction au registre des brevets concorde avec les principes de la spécificité du produit qui sous-tendent le Règlement, comme l’indique le Résumé de l’étude d’impact de la réglementation qui se rapporte aux modifications du 5 octobre 2006 [REIR] :

Dans la mesure où le fonctionnement efficace du régime dépend d’une détermination préliminaire des brevets pouvant être inscrits, le ministre, à cette fin, ne peut être appelé qu’à évaluer le rapport entre le brevet et la drogue décrite dans la demande d’avis de conformité de l’innovateur. Une enquête plus vaste sur le rapport entre le brevet et tout produit générique bioéquivalent potentiel n’est donc pas pertinente par rapport à la question d’admissibilité.

 

Les modifications proposées mettent ce fait en évidence en enracinant davantage le concept de la spécificité des produits en tant que principale considération exigée du ministre dans l’application des exigences relatives à l’inscription, prévues à l’article 4 du Règlement de liaison. Les modifications utilisent un libellé plus précis quant au lien entre le sujet d’un brevet inscrit sur une liste et le contenu de la demande d’avis de conformité à l’égard duquel elle est soumise. De plus, d’après les modifications, une nouvelle liste de brevets ne pourrait être soumise que dans le cas de certains types de demandes bien précis.

 

[18]           Le BMBL s’est également fondé sur la décision Bayer Inc c Canada (Ministre de la Santé), 2009 CF 1171, conf. par 2010 CAF 161 [Bayer], où la Cour a confirmé la décision du ministre selon laquelle un brevet axé sur une formulation contenant un seul ingrédient médicinal n’était pas admissible à l’adjonction au registre des brevets à l’égard d’un médicament combiné contenant deux ingrédients médicinaux.

 

[19]           En ce qui concerne l’alinéa 4(2)c) du Règlement, le BMBL n’a pas traité de la forme posologique revendiquée par le brevet 819 par opposition à la forme posologique approuvée de Tobi Podhaler. Il a plutôt conclu qu’étant donné que le brevet 819 ne contenait pas de revendication de forme posologique qui englobait l’ingrédient médicinal approuvé (la tobramycine) ou la formulation approuvée contenant l’ingrédient médicinal, il s’ensuivait que l’exigence en matière de spécificité du produit, à l’égard de la forme posologique, n’était pas remplie. Le BMBL a déclaré qu’au vu de la décision de la Cour dans Purdue Inc c Canada (Ministre de la Santé), 2010 CF 378, conf. par 2011 CAF 132 [Purdue], une forme posologique admissible doit contenir une revendication qui inclut dans sa portée l’ingrédient médicinal approuvé ou la formulation contenant l’ingrédient médicinal approuvé. Dans cette affaire, tant la Cour que la Cour d’appel fédérale ont décrété qu’une forme posologique administrée par voie orale et contenant un ingrédient médicinal unique n’est pas admissible à l’adjonction au registre à l’égard d’une forme posologique approuvée contenant une combinaison de cet ingrédient médicinal et d’un autre ingrédient médicinal qui excède la portée du brevet.

 

[20]           Le BMBL a de plus déclaré que le brevet 819 n’était pas admissible en vertu de l’alinéa 4(2)d) du Règlement car il contenait des revendications générales concernant l’utilisation d’un agent bioactif dans la fabrication de médicaments à administrer par voie pulmonaire, mais aucune revendication concernant l’utilisation approuvée de l’ingrédient médicinal principal de Tobi Podhaler, la tobramycine, soit le traitement de la fibrose kystique compliquée par des infections pulmonaires chroniques, conformément à la monographie du produit.

 

[21]           Comme il a été mentionné plus tôt, la décision finale ne conteste ni ne mentionne l’avis d’expert que Novartis a fourni. Cependant, le BMBL a tenu compte du fait que le mémoire descriptif du brevet contenait des exemples d’autres antibiotiques (à savoir, la gentamicine et la streptomycine) qui appartiennent à la même sous-classe d’antibiotiques (dits « aminoglycosides ») que la tobramycine, et que ce fait serait compris par une personne versée dans l’art. Il a conclu que cela n’était pas suffisant pour répondre à l’exigence en matière de spécificité du produit que comporte le paragraphe 4(2) du Règlement.

 

IV.             LE PRÉSENT CONTRÔLE JUDICIAIRE

[22]           Les parties conviennent que la question soumise à la Cour consiste à savoir si le BMBL a commis une erreur de droit en recourant à une interprétation du paragraphe 4(2) du Règlement qui exige que les revendications d’un brevet [traduction] « mentionnent explicitement » le ou les ingrédients médicinaux du produit médicamenteux connexe afin que ce brevet soit admissible à l’adjonction au registre des brevets.

 

[23]           Novartis indique également qu’il faudrait que la Cour réponde à cette question en ne perdant pas de vue que l’ingrédient médicinal – la tobramycine – fait indiscutablement partie, en tant que fait scientifique, d’une classe d’antibiotiques qui s’inscrit dans le cadre de la portée des revendications. Les défendeurs ne considèrent plus que cette dernière question est pertinente dans le présent contrôle judiciaire et ils ont admis à l’audience que le brevet 819 englobe la tobramycine, en tant qu’antibiotique.

 

La position de la demanderesse

[24]           Comme il a été signalé plus tôt, Novartis ne conteste pas que les revendications du brevet 819 ne précisent pas la tobramycine, pas plus que la description qui est faite de ce dernier dans le brevet. Celui‑ci dresse une liste d’agents bioactifs possibles, dont des antibiotiques, ainsi que des exemples d’antibiotiques (la streptomycine et la gentamicine) qui appartiennent à la sous-classe plus restreinte des antibiotiques aminoglycosides dont fait aussi partie la tobramycine. Cependant, nulle part dans le brevet 819 la tobramycine elle-même est-elle mentionnée explicitement comme un agent bioactif possible.

 

[25]           Néanmoins, Novartis soutient qu’il se pose en l’espèce une question d’interprétation de brevet : une personne versée dans l’art, s’appuyant sur une interprétation téléologique, considérerait‑elle que les revendications du brevet 819 revendiquent ou englobent expressément des formulations ou des formes posologiques qui comprennent la tobramycine? Novartis prétend donc que le BMBL a commis une erreur de droit en omettant d’appliquer une interprétation téléologique fondée sur la participation ou la consultation d’une personne versée dans l’art avant de rendre la décision contestée. Elle allègue que la déclaration que le BMBL a faite dans la décision contestée, selon laquelle [traduction] « comme il n’est pas fait mention de manière explicite de la tobramycine dans le brevet 819, il s’ensuit que ce dernier n’englobe pas la tobramycine », est inexacte car le BMBL aurait dû interpréter ce brevet en faisant référence aux [traduction] « connaissances usuelles du travailleur moyen versé dans l’art ».

 

[26]           À cet égard, Novartis se fonde sur l’opinion d’expert de M. Williams pour faire valoir que les revendications 41, 49 et 50 du brevet 819 (les revendications de formulation) font expressément référence à un agent bioactif à choisir au sein d’un groupe comprenant, notamment, des antibiotiques et qu’une personne versée dans l’art sait que le mot « antibiotique » inclut la tobramycine comme autre exemple du type aminoglycoside; la streptomycine et la gentamicine sont expressément mentionnées dans le brevet. Essentiellement, Novartis soutient que du fait de l’inclusion d’antibiotiques, ainsi que de la description générale du brevet qui aide à comprendre ce terme, la tobramycine est incluse dans un certain nombre de revendications à titre d’ingrédient médicinal en raison de la référence qui est faite au mot « antibiotique » et que cette inclusion est suffisante pour rendre le brevet 819 admissible en vertu de l’alinéa 4(2)b) du Règlement.

 

[27]           Novartis soutient également que les revendications 51, 52 et 58 du brevet 819 (les revendications de forme posologique) revendiquent d’autres aspects du produit Tobi Podhaler, c’est‑à‑dire la formulation en poudre sèche, qui pourraient servir à répondre à l’exigence en matière de spécificité du produit. Elle affirme que le témoin des défendeurs, M. DiFranco, a déclaré en contre-interrogatoire que la forme posologique des gélules qui est approuvée dans l’AC ne figure nulle part dans les revendications du brevet 819. Novartis ajoute qu’il ne faudrait pas permettre aux défendeurs de compléter les motifs de refus de l’adjonction au registre du brevet 819 car les motifs du BMBL sont exclusivement fondés sur les revendications de formulation du brevet 819 qui ne contiennent pas le mot « tobramycine ». Par ailleurs, elle soutient que la poudre sèche contenue dans la gélule elle-même est l’élément innovateur de Tobi Podhaler et qu’il existe dans le brevet 819 des revendications concernant ce nouveau mécanisme d’administration. En fait, d’après Novartis, la gélule n’est qu’un réservoir qui contient la poudre, et elle ne fait pas partie du système d’administration.

 

[28]           Le second argument de Novartis est que le BMBL a commis une erreur dans son interprétation du paragraphe 4(2) du Règlement en assimilant l’exigence en matière de spécificité du produit à une exigence de désignation explicite de l’ingrédient médicinal approuvé dans le libellé du brevet.

 

[29]           Comme nous le verrons plus en détail ci‑après, Novartis conteste également l’interprétation que fait le BMBL des affaires Purdue et Bayer, faisant valoir que, dans ces deux affaires, il y avait un ou plusieurs ingrédients médicinaux dans le médicament approuvé que les revendications de formulation et de forme posologique du brevet que l’on voulait faire inscrire n’incluaient pas, tandis que dans le cas présent les revendications de formulation du brevet 819 englobent bel et bien l’unique ingrédient médicinal qui figure dans le produit approuvé : la tobramycine.

 

[30]           Dans ses observations écrites, Novartis a qualifié les revendications de formulation du brevet 819 de revendications de genre et elle a fait valoir que lorsqu’une revendication englobe un certain nombre d’espèces faisant partie d’un genre, cette revendication s’applique à chacune des espèces de ce genre. À l’audience, les avocats de la demanderesse ont reconnu que le brevet 819 ne contenait aucune revendication de genre. Ils ont toutefois allégué que, dans le contexte précis de l’affaire, rien dans le libellé du paragraphe 4(2) du Règlement n’exige que les revendications se rapportent explicitement à l’ingrédient médicinal unique du produit, car les brevets peuvent encore inclure des revendications qui peuvent être d’une grande portée.

 

[31]           Novartis soutient par ailleurs que l’exigence de la « mention explicite » ne cadre pas avec l’objectif qui consiste à éviter que l’on abuse de l’exception relative à la « fabrication anticipée » car une analyse de contrefaçon n’impose aucune exigence de mention explicite et examine simplement si le dispositif contrefait est visé par la revendication. Novartis soutient essentiellement que plus le risque d’être victime d’une contrefaçon à cause d’une fabrication anticipée est grand, plus il est nécessaire de protéger le brevet sous le régime du Règlement.

 

[32]           Par ailleurs, Novartis soutient que le REIR de 2006 est un énoncé de principe du ministre et qu’il ne peut pas servir à étendre la portée du Règlement, pas plus qu’il n’impose un moyen impératif d’exercer un pouvoir discrétionnaire administratif. Elle allègue subsidiairement que le REIR de 2006 n’avait pas pour objet d’énoncer des exigences sous réserve desquelles les brevets peuvent être inscrits, et qu’une intention déclarée d’une « spécificité de produit » n’équivaut pas à une obligation de « spécificité de revendication » ou une obligation de « mention explicite » découlant des modifications de 2006.

 

La position des défendeurs

[33]           Comme il a été mentionné plus tôt, les défendeurs ne contestent pas expressément l’opinion d’expert de M. Williams. Ils font plutôt valoir que même si la Cour présume que la tobramycine est englobée dans le brevet 819, le simple fait d’inclure dans un brevet un ingrédient particulier qui a été approuvé ne suffit pas pour que ce brevet tombe sous le coup du Règlement.

 

[34]           Premièrement, les défendeurs soutiennent que le BMBL a interprété correctement le brevet 819 comme un moyen de protéger un système d’administration, plutôt que comme un système d’administration d’un médicament particulier contenant l’ingrédient médicinal appelé tobramycine (GlaxoSmithKline Inc c Canada (Procureur général), 2005 CAF 197). Ils invoquent les décisions Janssen-Ortho Inc c Canada (Procureur général), 2007 CF 729, aux paragraphes 7 à 16, ainsi que Biovail Corp (exerçant son activité sous la dénomination de Biovail Pharmaceuticals Canada) c Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social), 2005 CF 1135, aux paragraphes 15 à 22, deux décisions dans lesquelles la Cour a statué que lorsque l’« orientation principale » du brevet est un système d’administration innovant, même si l’ingrédient médicinal approuvé est explicitement mentionné dans le brevet, les exigences d’admissibilité ne sont pas remplies si le brevet protège le système d’administration sans revendiquer le médicament lui-même ou son utilisation. Dans ces deux affaires, la Cour a considéré que les ingrédients actifs approuvés n’étaient qu’accessoires à l’objet principal du brevet, lequel consistait, dans la première, en « un comprimé rendant possible l’administration d’un ingrédient actif selon une courbe de libération précise et l’utilisation de ce comprimé dans le traitement du TDA », ainsi que, dans la seconde, en « un comprimé à libération contrôlée consistant en un ingrédient actif et en deux “polymères intelligents” ».

 

[35]           Par ailleurs, les défendeurs invoquent l’arrêt Purdue (CAF), précité, au paragraphe 42, pour faire valoir que même si les revendications de formulation extrêmement larges du brevet 819 sont interprétées de manière à englober la totalité des antibiotiques, cela n’est pas déterminant quant à l’admissibilité du brevet. En fait, selon les défendeurs, le dispositif Podhaler, en soi, n’est pas admissible car il existe d’autres ingrédients médicinaux qui peuvent être administrés en liaison avec ce même dispositif.

 

[36]           Pour ce qui est de l’alinéa 4(2)b) du Règlement, les défendeurs soutiennent que la « spécificité du produit » est une exigence impérative du Règlement à l’égard de l’adjonction au registre des brevets, et que la jurisprudence le confirme systématiquement. Ils affirment que dans la décision Bayer (CF), précitée, aux paragraphes 66 à 71, la Cour a décrété que lorsqu’une formulation contient un mélange de deux ou plusieurs ingrédients médicinaux, on déformerait le sens courant et ordinaire de l’« ingrédient médicinal » que prévoit l’alinéa 4(2)b) du Règlement si cette expression voulait dire seulement l’« un des ingrédients médicinaux » qui ont été approuvés.

 

[37]           De plus, au dire des défendeurs, une autre décision récente de la Cour, Gilead Sciences Canada, Inc c Canada (Ministre de la Santé), 2012 CF 2 [Gilead], confirme l’obligation qu’il doit y avoir une équivalence précise entre la formulation qui est revendiquée dans le brevet et celle qui a été approuvée dans l’AC. Dans Gilead, la Cour a considéré comme inadmissible un brevet qui faisait explicitement référence à deux des trois ingrédients médicinaux approuvés et qui mentionnait également une classe particulière de substances chimiques, c’est‑à‑dire celle des inhibiteurs non nucléosidiques de la transcriptase inverse [INNTI], à laquelle appartenait le troisième ingrédient médicinal non nommé. Les défendeurs soutiennent donc que le fait que le brevet 819 fasse référence à diverses classes d’agent, dont des agents antibiotiques et des agents anti-infectieux, n’est pas suffisant pour satisfaire aux exigences en matière de spécificité que prévoit l’alinéa 4(2)b) du Règlement.

 

[38]           En ce qui concerne l’admissibilité du brevet 819 selon l’alinéa 4(2)c) du Règlement, les défendeurs sont d’avis que le principe de la spécificité du produit s’étend aux alinéas 4(2)a) à c), de sorte qu’il importe peu de savoir si le brevet 819 englobe ou non la tobramycine. Ils soutiennent essentiellement qu’il n’y a pas d’équivalence précise entre la « forme posologique » qui est revendiquée dans le brevet 819 et celle qui est revendiquée dans l’AC délivré à l’égard de Tobi Podhaler car, comme dans le cas de l’arrêt Purdue (CAF), précité, au paragraphe 34, cette équivalence exige que les revendications du brevet aient une équivalence suffisante avec l’ingrédient médicinal approuvé ou la formulation contenant les ingrédients médicinaux approuvés.

 

V.                ANALYSE

[39]           Comme nous le verrons plus loin, je suis d’avis que la présente demande de contrôle judiciaire doit être rejetée; l’interprétation que fait le BMBL des revendications pertinentes du brevet 819 et des dispositions applicables du Règlement est, dans les deux cas, fondée en droit.

 

Le cadre d’analyse et les normes de contrôle appropriées

[40]           Le cadre d’analyse à trois volets qu’a établi le juge Hughes et qu’a adopté la Cour d’appel fédérale dans les arrêts Abbott Laboratories Ltd c Canada (Procureur général), 2008 CAF 354 [Abbott Laboratories], GD Searle & Co c Canada (Ministre de la Santé), 2009 CAF 35, et Purdue (CAF), précité, est maintenant bien établi en droit : pour contrôler la décision qu’a prise le ministre au sujet de l’admissibilité d’un brevet à son adjonction au registre des brevets sur la foi d’une PDN, la Cour se doit d’examiner les trois questions suivantes, qu’il convient de reformuler en fonction de la nature particulière de la ou des revendications en litige :

 

a)      Quelle est la formulation/forme posologique que le brevet revendique?

b)      Quelle est la formulation/forme posologique qui est approuvée par l’avis de conformité existant?

c)      La formulation/la forme posologique que revendique le brevet est-elle celle qui est approuvée par l’avis de conformité existant?

 

[41]           Il est également bien établi en droit que la première question posée est une question d’interprétation de la revendication du brevet, c’est‑à‑dire une question de droit (Whirlpool Corp c Camco Inc, 2000 CSC 67, au paragraphe 76 [Whirlpool]), qu’il convient de contrôler selon la norme de la décision correcte. La deuxième question est une question de fait à contrôler selon la norme de la raisonnabilité. La troisième question est une question mixte de fait et de droit. Au vu de la jurisprudence précitée – datant d’après l’arrêt Dunsmuir – de la Cour d’appel fédérale, cette question donne lieu à l’application de la norme de la raisonnabilité pour son élément factuel, ce qui implique une « grande déférence » de la part de la Cour, et à l’application de la norme de la décision correcte pour l’élément juridique qui se rapporte à l’interprétation des dispositions applicables du Règlement (Abbott Laboratories, précité, aux paragraphes 29 à 33; Purdue (CAF), précité, aux paragraphes 13 et 14), et ce, même si l’interprétation que fait le ministre de sa loi constitutive doit, en théorie, être contrôlée en fonction de la norme de la raisonnabilité et s’il existe une abondante jurisprudence selon laquelle « [l]orsqu’un tribunal administratif interprète sa propre loi constitutive ou une loi étroitement liée à son mandat et dont il a une connaissance approfondie, la déférence est habituellement de mise » (Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, au paragraphe 54, [2008] 1 RCS 190 [Dunsmuir]; Smith c Alliance Pipeline Ltd, 2011 CSC 7, [2011] 1 RCS 160, au paragraphe 28; Alberta (Information and Privacy Commissioner) c Alberta Teachers’ Association, 2011 CSC 61, aux paragraphes 34 à 41, [2011] 3 RCS 654.

 

[42]           Dans l’arrêt Dunsmuir, précité, au paragraphe 57, la Cour suprême fait également remarquer que lorsque la jurisprudence a établi la norme de contrôle qu’il convient d’appliquer dans une affaire particulière, c’est cette norme-là que l’on peut utiliser. De ce fait, comme j’applique à la présente espèce le raisonnement qu’a exposé la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Abbott Laboratories, précité, au paragraphe 34, il convient de maintenir la décision du ministre de ne pas inscrire un brevet sauf si cette décision repose sur (1) une interprétation inexacte des revendications du brevet, (2) une interprétation inexacte du Règlement, (3) une conclusion déraisonnable quant à la formulation/forme posologique/utilisation approuvée de Tobi Podhaler, ou (4) une conclusion déraisonnable quant au fait de savoir si l’une quelconque des revendications du brevet 819 « contient » l’ingrédient médicinal approuvé – la tobramycine – au sens du paragraphe 4(2) du Règlement. Compte tenu des observations des parties, les deux premières options sont en litige en l’espèce. Je contrôlerai donc chacune des questions susmentionnées en vertu des alinéas 4(2)b) et c) du Règlement.

 

a)  Quelle est la formulation/forme posologique que le brevet revendique?

[43]           Il est bien établi que l’interprétation d’une revendication est une question de droit qu’il appartient à la Cour de trancher avec, au besoin, l’aide d’experts pour expliquer les termes techniques et le contexte scientifique : Hoffmann-LaRoche Ltd. c Mayne Pharma (Canada) Inc., 2005 CF 814, au paragraphe 16. Cela dit, il est également bien établi que ce n’est pas la preuve d’expert, même si elle est essentielle à l’interprétation d’une revendication, qui régit cette tâche. L’interprétation des revendications est une question de droit, qui relève du juge, lequel est même habilité à adopter une interprétation différente de celle que suggèrent les parties : Pfizer Canada Inc c Canada (Ministre de la Santé), 2007 CF 446, au paragraphe 35; Whirlpool, précité, au paragraphe 61. Par ailleurs, la Cour d’appel fédérale a statué que, pour les besoins d’une adjonction au registre des brevets, une preuve d’expert est admise mais non obligatoire : Purdue (CAF), précité, au paragraphe 16; Abbott Laboratories, précité, au paragraphe 42. Eu égard à cette jurisprudence, je rejette l’argument de la demanderesse selon lequel le BMBL aurait dû solliciter une opinion d’expert, ou qu’il y a lieu de présumer de toute façon que cette omission a eu une incidence sur le bien-fondé de son interprétation des revendications du brevet en l’espèce.

 

[44]           Les revendications doivent être interprétées sous un angle téléologique, c’est-à-dire en fonction de leur objet, et par un esprit désireux de comprendre, d’une manière qui soit compatible avec la réalisation des objets du brevet, en tenant compte du contexte du mémoire descriptif et en cherchant une interprétation qui soit raisonnable et équitable : Whirlpool, précité, au paragraphe 49. De plus, dans l’arrêt Free World Trust c Électro Santé Inc, 2000 CSC 66, au paragraphe 31, la Cour suprême du Canada a établi, à titre de principe d’interprétation, que :

Suivant une interprétation téléologique, il ressort de la teneur des revendications que certains éléments de l’invention sont essentiels, alors que d’autres ne le sont pas.  Les éléments essentiels et les éléments non essentiels sont déterminés :

(i)  en fonction des connaissances usuelles d’un travailleur versé dans l’art dont relève l’invention; […]

[Non souligné dans l’original.]

 

[45]           Dans la présente affaire, le libellé général du brevet 819, intitulé « Microparticules perforées et procédés d’utilisation » a trait à des formulations et à des utilisations de microparticules perforées en vue de l’administration d’un agent bioactif, sous la forme d’une poudre sèche, aux voies respiratoires du patient, l’objet de l’invention étant d’assurer une absorption plus efficace de cet agent que lorsque ce dernier est absorbé par voie orale.

 

Les revendications de formulation 41, 49 et 50

[46]           Le brevet fait référence à un large éventail d’agents bioactifs au moyen de revendications de nature générale, comme les revendications 1, 11, 41, 49, 50 et 58, et plus précisément à des antibiotiques en tant qu’agent bioactif possible. Cependant, il ressort d’une lecture attentive du brevet que ces antibiotiques ne figurent pas parmi les agents bioactifs que l’on privilégie le plus pour l’inhalothérapie. Comme l’indiquent les descriptions du brevet, à la page 14 :

[traduction] Dans les variantes particulièrement recommandées, l’agent bioactif choisi peut être administré sous la forme d’un médicament aérosolisé. En conséquence, les agents bioactifs particulièrement compatibles comprennent n’importe quel médicament qu’il est possible de formuler sous la forme d’une poudre sèche fluidifiable ou qui est relativement insoluble dans des milieux dispersants choisis. De plus, il est préférable que les agents formulés soient administrés par voie pulmonaire ou nasale en quantités physiologiquement efficaces. Les agents bioactifs compatibles comprennent les agents respiratoires hydrophiles et lipophiles, les surfactants pulmonaires, les bronchodilatateurs, les antibiotiques, les antiviraux, les anti-inflammatoires, les stéroïdes, les antihistaminiques, les leucotriènes, les inhibiteurs ou les antagonistes, les antinéoplastiques, les anesthésiques, les enzymes, les agents cardiovasculaires, le matériel génétique, y compris l’ADN et l’ARN, les vecteurs viraux, les agents immunoactifs, les agents d’imagerie, les vaccins, les agents immunosuppresseurs, les peptides, les protéines et les combinaisons de ces agents. Les agents bioactifs particulièrement recommandés pour l’inhalothérapie comprennent les inhibiteurs de mastocytes (anti-allergènes), les bronchodilatateurs ainsi que les stéroïdes anti-inflammatoires tels que le cromoglycate (comme le sel de sodium) et l’albutérol (comme le sel de sulfate).

 

[47]           Quoi qu’il en soit, comme les défendeurs reconnaissent que la tobramycine s’inscrit dans le cadre très large des agents bioactifs qu’englobe le brevet 819, il n’est pas nécessaire que j’analyse la question plus en détail. Cependant, le problème que me pose l’affidavit de M. Williams est qu’il s’agit d’une reconnaissance ex post facto que la tobramycine est l’un des nombreux antibiotiques possibles qui sont envisagés dans le brevet 819. Le simple fait de faire référence à des antibiotiques ou à d’autres types d’antibiotiques aminoglycosides n’étaye pas l’opinion de l’expert selon laquelle une personne versée dans l’art aurait pu présumer que la tobramycine fait partie des antibiotiques. Une telle lecture du brevet amènerait à intégrer d’innombrables ingrédients médicinaux dans le brevet 819, et je considère qu’une telle interprétation est déraisonnable. Je suis donc d’avis que le BMBL a interprété correctement les revendications de formulation du brevet 819.

 

[48]           Un autre problème que me pose l’opinion d’expert que Novartis a soumise est que, selon moi, cette opinion ne devrait servir qu’à aider la Cour à répondre à la première ou à la seconde étape de l’analyse, et non à la troisième, qui n’exige rien de plus qu’une évaluation de la question de savoir si la formulation/forme posologique que revendique le brevet est identique à celle du produit médicamenteux approuvé.

 

Les revendications de forme posologique 51, 52 et 58

[49]           Détail important dans le cas présent, le brevet renferme aussi d’autres revendications à l’égard d’une poudre de dispersibilité accrue et comprenant l’agent bioactif en question (revendications 51, 52 et 58), de même que des revendications relatives à un dispositif d’inhalation formé d’un réservoir et d’une poudre contenant l’agent bioactif en question (revendications 51 à 58). Compte tenu de l’objet du brevet 819, je suis donc prêt à reconnaître que l’orientation principale de ce brevet consiste en la méthode améliorée d’administration qui, à son tour, inclut une poudre sèche fluidifiable contenue dans une gélule ou un réservoir et administrée par un dispositif d’inhalation.

 

[50]           En résumé, pour ce qui est de l’interprétation du brevet, je conclus que les revendications de forme posologique du brevet 819 sont interprétées avec raison comme des revendications généralement axées sur un système d’administration amélioré, comme on le décrit à la page 2 de la décision contestée :

                       

[traduction] Les revendications 41 à 50 sont axées sur une poudre ayant une capacité de dispersion accrue et comprenant une pluralité de microstructures perforées présentant une masse volumique apparente inférieure à 0,5 g/cm³ dans laquelle la poudre faite de microstructures perforées contient un agent actif. Les revendications 51 à 58 sont axées sur un système d’inhalation permettant d’administrer par voie pulmonaire un agent bioactif à un patient et comprenant : un dispositif d’inhalation incluant un réservoir et, dans celui-ci, une poudre comportant une pluralité de microstructures perforées ayant une masse volumique apparente inférieure à 0,5 g/cm3 et un agent actif par lequel le dispositif d’inhalation permet d’administrer cette poudre par voie aérosolisée à au moins une partie des voies aériennes pulmonaires ou nasales d’un patient qui en a besoin.

 

[Non souligné dans l’original.]

 

[51]           Pour clore ce sujet, je ne conviens pas avec la demanderesse que l’interprétation que fait le BMBL du brevet 819 fait abstraction du principe de l’interprétation téléologique. L’interprétation d’une revendication est éclairée par le contexte dans lequel elle est faite; cela me semble aussi être la raison pour laquelle, selon la Cour d’appel fédérale, une preuve d’expert est admise mais non obligatoire pour une adjonction au registre des brevets. Comme l’a déclaré le juge Crampton dans la décision Purdue (CF), précitée, au paragraphe 44 :

En résumé, le fait d’exiger que les brevets soient interprétés en vertu de l’article 4 de la même manière qu’ils seraient interprétés à toutes les autres fins pourrait sérieusement contrecarrer l’objectif principal des modifications de 2006 au Règlement. Comme décrit dans le Résumé de l’étude d’impact de la réglementation (REIR), publié en 2006 avec les modifications au Règlement, l’objectif était d’enraciner « le concept de la spécificité des produits en tant que principale considération exigée du ministre dans l’application des exigences relatives à l’inscription, prévues à l’article 4 du Règlement ». Ceci était jugé nécessaire afin « de rétablir la politique équilibrée qui sous-tend » le Règlement (REIR, à la page 1510) et qui a été perçue comme ayant été déformée par la jurisprudence qui semblait être « fondée sur l’opinion du tribunal selon laquelle l’objectif du Règlement était uniquement d’empêcher la contrefaçon de brevets » (REIR, à la page 1513; voir également G.D. Searle, précité, au paragraphe 15).

 

b)      Quelle est la formulation/forme posologique qui est approuvée par l’avis de conformité existant?

 

[52]           La formulation/forme posologique approuvée dans l’AC est claire et suscite peu de désaccord entre les parties. Toutefois, la demanderesse soutient que le dispositif d’inhalation, de même que la gélule ou le réservoir, ne sont que des éléments du système d’administration approuvé et qu’il convient de les distinguer de la poudre sèche contenant la tobramycine.

 

[53]           Compte tenu des présentations de drogue concernant Tobi Podhaler, de l’AC ainsi que des monographies de produit, le point de vue à retenir est que la « forme posologique approuvée » concerne le système d’administration par inhalation dans son ensemble et qu’on ne peut pas le scinder en ses différents éléments lorsqu’il est question de déterminer quelle est la forme posologique approuvée. Je conclus que Tobi Podhaler est un antibiotique respiratoire (dont l’unique ingrédient médicinal est la tobramycine) qui se présente sous la forme d’une formulation de poudre sèche, à administrer avec l’aide du dispositif d’inhalation.

 

c)   La formulation/forme posologique que revendique le brevet est-elle celle qui est approuvée par l’avis de conformité existant?

 

[54]           Les parties conviennent que l’objet du Règlement est d’éviter que les fabricants de médicaments génériques abusent de l’exception relative à la « fabrication anticipée » qui concerne la contrefaçon des brevets pharmaceutiques. Cependant, à titre de remarque préliminaire, la Cour ne partage pas l’inquiétude de la demanderesse selon laquelle l’interprétation que fait le BMBL du Règlement et des revendications du brevet 819 peut perturber le principe de l’exception relative à la « fabrication anticipée ». Comme l’a déclaré la juge Layden-Stevenson dans l’arrêt Purdue (CAF), précité, au paragraphe 45 :

Je suis d’accord avec Purdue que l’objet du Règlement est d’empêcher la contrefaçon d’un brevet par une personne utilisant une invention brevetée en s’appuyant sur l’exception relative à la fabrication anticipée. Cependant, il n’y a aucune obligation d’accorder la protection offerte par le Règlement dans tous les cas. Le fait que le gouverneur en conseil a établi des critères d’admissibilité pour l’adjonction au registre des brevets n’enlève rien à l’objectif légitime.

 

L’argument qu’invoque la demanderesse à propos de l’exception relative à la « fabrication anticipée » ne peut pas être retenu, juste parce que l’établissement de critères d’admissibilité à l’adjonction au registre des brevets ne change rien à ce principe. Il s’agit d’un objet additionnel du Règlement. En fait, la raison d’être des modifications apportées en 2006 est, notamment, d’éviter que des « innovations hypothétiques » fassent obstacle à une entrée sur le marché des génériques et d’encourager les sociétés pharmaceutiques innovantes à lancer sur le marché leurs toutes dernières innovations.

 

[55]           La principale question qui est en litige en l’espèce est la bonne façon d’interpréter l’alinéa 4(2)b) du Règlement. Nul ne conteste que le brevet 819 n’est pas admissible en tant que brevet de composition en vertu de l’alinéa 4(2)a), et la demanderesse a laissé tomber ses arguments concernant l’alinéa 4(2)d) du Règlement. Par ailleurs, l’admissibilité du brevet du fait d’une revendication de « forme posologique » approuvée en vertu de l’alinéa 4(2)c) du Règlement ne constitue pas un motif justifiant à lui seul cette admissibilité, sauf si la forme posologique en question est spécifiquement liée à la formulation approuvée ou à l’ingrédient médicinal approuvé. Dans l’arrêt Purdue (CAF), précité, au paragraphe 34, la Cour d’appel fédérale a souscrit à l’opinion de la Cour selon laquelle :

[U]ne simple lecture de l’alinéa 4(2)c) appu[ie] l’opinion selon laquelle il devait y avoir une « équivalence » stricte ou explicite entre la forme posologique revendiquée en vertu de la revendication 5 et la forme posologique approuvée pour TARGIN pour que le ministre accepte la demande d’adjonction au registre de Purdue. Cette conclusion est compatible avec les énoncés figurant dans le RÉIR, qui sert d’outil d’interprétation. On peut lire ce qui suit aux pages 1517 et 1518 :

[…] Comme dans le cas d’autres contenus, un brevet relatif à une forme posologique doit contenir une revendication pour la forme posologique précise décrite dans la PDN [(généralement telle qu’identifiée dans l’avis émis par le ministre, conformément à l’alinéa C08.004(1)a)]. En outre, le brevet doit également contenir une revendication incluant dans sa portée l’ingrédient médicinal approuvé. Cette dernière exigence vise à faire en sorte qu’un brevet portant uniquement sur du matériel médical, par exemple un pied à perfusion ou une seringue, ne corresponde pas à la définition du terme « revendication de la forme posologique » et demeure inadmissible à l’inscription au registre.

 

L’interprétation correcte de l’alinéa 4(2)b) du Règlement

[56]           Cela dit, compte tenu de la jurisprudence faisant autorité que les parties ont citée, il est clair à mes yeux qu’un seuil relativement élevé de spécificité dans les revendications de formulation est exigé pour qu’un brevet puisse être admissible à l’adjonction au registre en vertu de l’alinéa 4(2)b) du Règlement.

 

[57]           Dans l’affaire Bayer, précitée, un AC avait été délivré à l’égard du YAZ, un « contraceptif oral combiné » qui contenait, à faible dose, deux ingrédients médicinaux : de la progestine drospirénone et de l’estrogène éthinylestradiol. Le brevet que la demanderesse cherchait à faire inscrire contenait une revendication de composition pharmaceutique contenant de l’éthinylestradiol, mais non l’autre ingrédient médicinal. La demanderesse faisait valoir que l’objectif de la spécificité du produit était réalisé par la condition selon laquelle la formulation devait avoir été approuvée, plutôt que par la désignation explicite du moindre ingrédient médicinal contenu dans le médicament approuvé. Après avoir examiné les politiques qui sous‑tendaient les nouvelles dispositions réglementaires, la Cour, dans la décision Bayer (CF), précitée, aux paragraphes 88 et 89, a toutefois conclu qu’une stricte équivalence à la formulation approuvée du médicament était exigée pour que le brevet soit admissible à l’adjonction au registre en vertu de l’alinéa 4(2)b) du Règlement :

[L]e mélange contient deux ingrédients médicinaux qui sont responsables de l’effet désiré du YAZ dans l’organisme. Le brevet 979 ne concorde pas parce qu’il ne comprend que l’un des ingrédients médicinaux. Autrement dit, ce n’est pas le même mélange que celui qui est responsable de l’effet désiré du YAZ dans l’organisme.

 

À mon avis, la demanderesse voudrait que la Cour assimile la spécificité selon le Règlement à la contrefaçon de brevet. D’après mon interprétation du REIR, ce n’est pas là ce que veut dire la spécificité, et il est pleinement admis que tous les brevets ne seront pas protégés et que certains d’entre eux seront sans doute contrefaits.

 

 

[58]           Je suis d’accord avec la demanderesse que les faits de la présente espèce sont différents de ceux dont il était question dans Bayer, précitée. Néanmoins, le raisonnement exposé dans la Bayer (CF), précité, s’applique aisément. La demanderesse demande essentiellement à la Cour de faire exactement ce que la Cour d’appel fédérale a refusé de faire dans Bayer : conclure que l’inclusion d’antibiotiques en tant que classe, sans préciser la tobramycine, suffit pour constituer une revendication de formulation contenant l’ingrédient médicinal. Ce type d’inclusion a été rejeté dans Bayer et, de manière plus stricte, dans Gilead, relativement à l’interprétation de l’alinéa 4(2)b) du Règlement.

 

[59]           La demanderesse soutient qu’il convient de faire une distinction entre la présente espèce et les affaires Bayer et Purdue en ce sens que, dans ces deux dernières, il y avait dans le médicament approuvé un ou plusieurs ingrédients médicinaux que n’englobaient pas les revendications du brevet que l’on cherchait à faire inscrire, tandis que le brevet 819 contient des revendications de formulation qui englobent le seul ingrédient médicinal du produit approuvé : la tobramycine. Cependant, il ne s’agit là que d’une partie des principes établis dans Bayer et Purdue. Au vu de la décision Gilead, il ne suffit pas que l’ingrédient médicinal approuvé fasse partie, en tant que fait scientifique, d’une classe plus ou moins large d’agents actifs que le brevet revendique. Dans cette affaire, Gilead avait obtenu l’approbation de cachets formulés avec trois agents antiviraux à titre d’ingrédients médicinaux du médicament : le ténofovir, l’emtricitabine et la rilpivirine. Même si la rilpivirine entre dans la classe assez restreinte des agents connus sous le nom de INNTI auquel le brevet faisait explicitement référence, aucune référence n’était faite dans le brevet à l’ingrédient médicinal lui même, la rilpivirine. La Cour a conclu que pour être admissible à l’adjonction au registre des brevets, la revendication applicable qui se rapporte à la formulation doit être identique à la formulation indiquée dans la PDN, de sorte que la non-inclusion de la rilpivirine seule dans le brevet rendait ce dernier inadmissible.

 

[60]           Par conséquent, au vu de la décision Gilead, même si le brevet 819 en litige donnait la priorité aux antibiotiques aminoglycosides an tant que variantes recommandées et mentionnait ensuite la gentamicine et la streptomycine ainsi que d’autres exemples d’antibiotiques aminoglycosides, la demanderesse n’aurait pas de meilleures chances de succès.

 

[61]           La demanderesse soutient que dans Gilead, le juge Mosley a commis une erreur en interprétant de manière atténuée l’exigence de la spécificité du produit que prévoit l’alinéa 4(2)b) du Règlement et en étayant sa décision en se reportant à l’arrêt Purdue rendu par la Cour d’appel fédérale, qui a trait plus précisément à l’admissibilité en vertu de l’alinéa 4(2)c) du Règlement. Cependant, je crois que la conclusion que le juge Mosley a tirée dans Gilead concorde parfaitement avec la jurisprudence de la Cour et celle de la Cour d’appel fédérale et que, vu l’objet et l’économie des dispositions du Règlement en matière d’adjonction au registre des brevets, rien n’empêche la Cour d’obtenir des informations sur l’exigence de la spécificité du produit comme le définit la jurisprudence relative aux alinéas 4(2)b) ou c) du Règlement.

 

L’interprétation correcte de l’alinéa 4(2)c) du Règlement

[62]           Comme il a été mentionné plus tôt dans les présents motifs, je ne crois pas que le BMBL a commis une erreur de droit en ne procédant pas à une évaluation détaillée des revendications du brevet concernant la forme posologique au vu de la forme posologique approuvée, car, dans le cas présent, la non-spécificité de produit des revendications de formulation était déterminante quant à la question de l’admissibilité. C’est ce qui ressort clairement de l’extrait suivant, tiré du REIR de 2006 et cité dans l’arrêt Purdue (CAF), précité, au paragraphe 34 :

[…] un brevet relatif à une forme posologique doit contenir une revendication pour la forme posologique précise décrite dans la PDN [(généralement telle qu’identifiée dans l’avis émis par le ministre, conformément à l’alinéa C08.004(1)a)]. En outre, le brevet doit également contenir une revendication incluant dans sa portée l’ingrédient médicinal approuvé. Cette dernière exigence vise à faire en sorte qu’un brevet portant uniquement sur du matériel médical, par exemple un pied à perfusion ou une seringue, ne corresponde pas à la définition du terme « revendication de la forme posologique » et demeure inadmissible à l’adjonction au registre.

 

[63]           Dans l’affaire Purdue, précitée, Purdue avait obtenu un AC pour le médicament Targin, un comprimé à libération contrôlée contenant de l’oxycodone et de la naloxone. Purdue détenait aussi un brevet datant de 1992 pour le médicament Oxycontin, qui envisageait une technologie à libération contrôlée pour l’administration de l’oxycodone : son seul ingrédient médicinal. Le BMBL avait refusé d’inscrire le brevet relativement au Targin. La Cour d’appel fédérale a traité de l’obligation de spécificité de produits dans le contexte de revendications de forme posologique en vertu de l’alinéa 4(2)c) du Règlement et a conclu que la revendication de forme posologique pertinente faisait référence à l’oxycodone mais que, dans le meilleur des cas, elle n’excluait pas la naloxone de sa portée, alors que l’AC incluait explicitement les deux. La Cour a déclaré :

[…] L’interprétation téléologique des revendications lors de l’examen de la première question prévoit un examen différent de celui en vertu de l’alinéa 4(2)c), qui recherche précisément si la forme posologique revendiquée et la forme posologique approuvée sont en tous points identiques. À défaut d’une équivalence précise et spécifique, le brevet n’est pas admissible à l’adjonction au registre des brevets sous le régime du Règlement. Par conséquent, le médicament OXYCONTIN de Purdue satisfaisait aux conditions d’équivalence, mais pas son médicament TARGIN.

 

À mon avis, l’exigence qu’il y ait un tel niveau de spécificité est compatible avec le libellé et l’objet du Règlement. Elle est également compatible avec l’interprétation des autres catégories de revendications prévues à l’article 4 du Règlement, comme l’a établi la jurisprudence de notre Cour.

 

 

[64]           Il ne fait aucun doute que la forme posologique approuvée de Tobi Podhaler est plus complexe et plus nuancée qu’un pied à perfusion ou une seringue. Toutefois, le raisonnement demeure le même parce que le système d’administration sur le fondement duquel la demanderesse cherche à faire inscrire le brevet 819, y compris ses éléments différents, est celui qu’il est possible d’utiliser en liaison avec un large éventail d’ingrédients médicinaux et qu’il n’est donc pas suffisant pour aider le brevet 819 à être admissible en vertu de l’alinéa 4(2)c) du Règlement.

 

[65]           Je conclus donc que le BMBL a interprété correctement les revendications pertinentes du brevet 819, a interprété correctement le Règlement et a tiré une conclusion raisonnable, à savoir que, en fait, aucune des revendications du brevet 819 ne contient l’ingrédient médicinal approuvé – la tobramycine – et que cette question est déterminante pour trancher l’affaire.

 

VI.             CONCLUSION

[66]           En conséquence, la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée, avec dépens en faveur des défendeurs.


JUGEMENT

LA COUR STATUE que la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée, avec dépens en faveur des défendeurs.

 

« Luc Martineau »

Juge

 

Traduction certifiée conforme

Julie Boulanger

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        T-1679-11

 

INTITULÉ :                                      NOVARTIS PHARMACEUTICALS CANADA INC. c PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA ET MINISTRE DE LA SANTÉ

 

LIEU DE L’AUDIENCE :              Ottawa (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :             Le 20 juin 2012

 

MOTIFS DU JUGEMENT :           LE JUGE MARTINEAU

 

DATE DES MOTIFS :                     Le 29 juin 2012

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Arthur Renaud

Marc Richard

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

John L. Syme

Leah Garvin

POUR LES DÉFENDEURS

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Gowling Lafleur Henderson S.E.N.C.R.L., s.r.l.

Ottawa (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

POUR LES DÉFENDEURS

 

 

 

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