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Cour fédérale

 

Federal Court

 

 

 


Date : 20120625

Dossier: IMM-5905-11

Référence : 2012 CF 802

Ottawa (Ontario), le 25 juin 2012

En présence de madame la juge Tremblay-Lamer

 

ENTRE :

 

EVA MANUELA MIGUEL

 

 

 

demanderesse

 

et

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

 

défendeur

 

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, ch. 27 (LIPR), à l’encontre d’une décision de l’agente d’immigration par laquelle elle rejette la demande de résidence permanente de la demanderesse au motif qu’elle est interdite de territoire en vertu de l’alinéa 34(1) f) de la LIPR.

 

 

 

LES FAITS

 

[2]               La demanderesse, citoyenne angolaise, se déclare avoir été sympathisante du Front de Libération de l’Enclave du Cabinda (FLEC), organisation politique qui lutte pour l’indépendance du Cabinda, entre 1998 et 2000.

 

[3]               Elle allègue les faits suivants au soutien de sa demande.

 

[4]               En 1998, âgée de 23 ans, elle participe à une première rencontre informative organisée par le FLEC, et se procure une carte de sympathisante afin de pouvoir assister à une seconde rencontre.

 

[5]               En septembre 2000, alors qu’elle étudie en droit, la demanderesse participe à une deuxième rencontre dans le but d’organiser une manifestation pour l’indépendance du Cabinda. Peu de temps avant cette rencontre, elle accepte de photocopier des pamphlets à son travail afin de les distribuer lors de la manifestation. Toutefois, la rencontre est interrompue par des soldats angolais, qui s’attaquent aux gens présents et en tuent certains. Par conséquent, la manifestation n’a jamais eu lieu.

 

[6]               Craignant les soldats angolais, la demanderesse s’enfuit au Canada à l’aide d’un faux passeport en octobre 2000, et y dépose une demande d’asile. Une année plus tard, la Section de la protection des réfugiés (SPR), de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada, lui accorde le statut de réfugiée.

 

 

[7]               Peu de temps après, en octobre 2001, elle dépose une demande de résidence permanente à titre de personne protégée. Dix ans plus tard, l’agente d’immigration rejette sa demande au motif qu’elle est interdite de territoire parce qu’elle était membre du FLEC, organisation dont il y a des motifs raisonnables de croire qu’elle se livre à des actes de terrorisme.

 

LA DÉCISION DE L’AGENTE

 

[8]               Dans sa décision, l’agente examine la nature de l’organisation. Elle indique que l’objectif de l’organisation est d’acquérir l’indépendance du Cabinda, et que cette organisation séparatiste est composée de plusieurs factions. L’agente note aussi que le FLEC et ses factions se subventionnent principalement par la prise d’otages, la contrebande et l’extorsion. Elle donne plusieurs exemples où les membres du FLEC se sont attaqués au personnel des industries pétrolières, à une caserne militaire, à un véhicule de la Campagne de vaccination nationale, à des joueurs de soccer togolais et à des mineurs chinois. De plus, elle souligne que l’organisation a été accusée d’avoir recruté des enfants très jeunes pour en faire des enfants-soldats. Se basant sur la définition de « terrorisme » retrouvée dans l’arrêt Suresh c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CSC 1, [2002] 1 RCS 3, l’agente conclut que le FLEC est une organisation visée à l’alinéa 34(1)f) de la LIPR.

 

 

 

 

[9]               Ensuite, l’agente détermine qu’il y a des motifs raisonnables de croire que la demanderesse est interdite de territoire. En s’appuyant sur la définition de « membre d’une organisation » retrouvée dans l’arrêt Kashif Omer c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 478, 157 ACWS (3d) 601,  elle conclut que la demanderesse était membre du FLEC. L’agente note que la demanderesse est en faveur de l’indépendance du Cabinda, n’a jamais caché ses idées séparatistes, a déclarée être sympathisante du FLEC entre 1998 et le jour de son départ de l’Angola, a contribué activement en photocopiant des pamphlets, a participé à plusieurs réunions dont la dernière avait pour but d’organiser une manifestation, et a avoué avoir connaissance des actes de violence posés par le FLEC, aussi bien à l’agente qu’au Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS).

 

QUESTIONS EN LITIGE

1)      L’agente d’immigration a-t-elle commis une erreur en concluant que le FLEC est une organisation visée à l’alinéa 34(1)c) de la LIPR?

2)      L’agente d’immigration a-t-elle commis une erreur en concluant que la demanderesse était membre d’une organisation visée à l’alinéa 34(1)f) de la LIPR?

 

NORME DE CONTRÔLE

[10]           La question de savoir si une organisation est visée à l’alinéa 34(1)c) de la LIPR est examinée en appliquant la norme de la décision raisonnable (Kanendra c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 923, 47 Imm LR (3d) 265). Cette norme de contrôle s’applique également à la question de savoir si la demanderesse était membre d’une organisation visée à l’alinéa 34(1)f) (Poshteh c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CAF 85, [2005] 3 RCF 487).

 

ANALYSE

 

1.   L’agente d’immigration a-t-elle commis une erreur en concluant que le FLEC est une organisation visée à l’alinéa 34(1)c) de la LIPR?

 

[11]           La définition de terrorisme telle qu’adoptée dans l’arrêt Suresh, susmentionné, a été reprise dans plusieurs décisions de la Cour fédérale : voir l’affaire Kashif Omer, susmentionnée, Fuentes c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2003] 4 CF 249, 2003 CFPI 379, et Ali c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2004 CF 1174, [2005] 1 RCF 485. Selon cette définition, le mot « terrorisme » inclut tout « acte destiné à tuer ou blesser grièvement un civil, ou toute autre personne qui ne participe pas directement aux hostilités dans une situation de conflit armé, lorsque, par sa nature ou son contexte, cet acte vise à intimider une population ou à contraindre un gouvernement ou une organisation internationale à accomplir ou à s’abstenir d’accomplir un acte quelconque ». Il s’agit donc de savoir si la décision de l’agente, selon laquelle il existe des motifs raisonnables de croire que le FLEC est une organisation qui se livre, s’est livrée ou se livrera au terrorisme, est raisonnable. La norme des « motifs raisonnables de croire » ne constitue pas une preuve selon la prépondérance des probabilités, mais exige plus que de vagues soupçons.

 

 

[12]           En l’espèce, l’agente a identifié plusieurs actes commis par le FLEC, entre 1992 et 2001, qui tombent sous la définition de terrorisme citée ci-haut : en 1992, plusieurs prises d’otages de travailleurs étrangers, une attaque à l’arme automatique contre des travailleurs de la Cabinda Gulf Oil Company qui a causé la mort de quatre personnes, suivie d’une seconde attaque au mortier contre la même entreprise ; en 1995, un assaut sur une caserne militaire qui a laissé dix morts; en 1997, une exécution de 42 soldats angolais; et en 2000, une attaque sur le véhicule de la Campagne de vaccination nationale qui a laissé un mort. Selon le rapport « Frente de Libertaçao do Enclave de Cabinda (FLEC) », daté le 28 octobre 2011 et publié par JANE’s World Insurgency and Terrorism:

FLEC factions have frequently carried out kidnapping for ransom to finance their campaign, smuggling and extortion remain an important means of funding as well. Portuguese and other expatriates working in the oil sector in particular have been targeted. A small diaspora with headquarters in Europe also provide limited lines of funding.

(Voir page 88, dossier du tribunal).

 

[13]           Selon le répertoire des incidents reportés en 1997 dans ce même rapport:

In January, FLEC-R fired three mortars at Sonangol’s oil facilities; they missed their target but nearly hit a Chevron oil terminal in Malongo.

 

 

 

In February, FLEC-FAC announced that it would target Western companies in Cabinda if they refused to leave the area. The group also abducted a Malaysian and Filipino (the latter died of dysentery while being held).

In March, FLEC-R announced that it was responsible for the deaths of 42 Angolan soldiers in operations in the Mazengo and Torto-Rico area and between Subantandu and Chimuandi. The group’s main leaders were all imprisoned in Kinshasa, Zaïre, for a few days after the country’s chief of staff heard rumors that the faction was assisting Laurent Kabila. (Voir page 90, dossier du tribunal).

 

[14]           De même, le rapport révèle que le 8 janvier 2010:

…at least three people were killed and several others were wounded when suspected FLEC-PM militants opened fire on a convoy transporting the Togolese national football team in Cabinda province.  The team was traveling through the area to participate in the African Cup of Nations tournament when it was attacked… (Voir page 91, dossier du tribunal).

 

 

 

 

 

[15]           Plus tard dans la même année, en novembre:

…a soldier and a driver – who were part of a force guarding a convoy of Chinese mine workers, contracted by Angola’s state oil company Sonangol – were killed when suspected FLEC militants attacked the convoy in an unspecified are of Cabinda region. FLEC-FAC spokesman Nhemba Pirilampo claimed that 12 people had been killed in the attack, but this could not be independently verified. (Voir page 91, dossier du tribunal).

 

[16]           Selon le rapport de Human Rights Watch intitulé « Angola: Between War and Peace in Cabinda », daté le 23 décembre 2004:

  …Until 2001, FLEC took foreign employees of the oil and construction companies hostage, which violates international humanitarian law prohibitions against the taking of hostages and attacks on civilians. FLEC has reportedly also executed persons suspected of collaborating with the FAA in addition to attacking FAA military positions… Voir page 119 du dossier du tribunal.

 

[17]           De plus, selon l’article « Le Cabinda, un no man’s land médiatique », en date du 13 avril 2009:

 

 

 

Les prises d’otages (français, portugais, polonais..) au Cabinda alertent régulièrement les médias occidentaux et leur font prendre conscience de la situation chaotique sur place. Dans la préface de son livre "Cabinda, un Koweit Africain", Alban Monday Kouango souligne "qu’afin d’attirer l’attention médiatique (...), le FLEC procède fréquemment à des enlèvements d’occidentaux (notamment des portugais) exerçant des activités professionnelles". (Voir page 92, dossier du tribunal).

 

[18]           À la lumière de cette preuve, il ressort que la conclusion de l’agente est raisonnable, c’est-à-dire qu’il existe des motifs raisonnables pour conclure que le FLEC est une organisation qui se livre, s’est livrée ou se livrera au terrorisme.

 

2.   L’agente d’immigration a-t-elle commis une erreur en concluant que la demanderesse était membre d’une organisation visée à l’alinéa 34(1)f) de la LIPR?

 

[19]           La demanderesse prétend que l’alinéa 34(1)f) de la LIPR n’est pas applicable en l’espèce car le ministre ne s’est pas déchargé de son fardeau de prouver qu’elle était complice par association de crimes ou d’actes terroristes, et parce que son degré d’appartenance au FLEC n’est pas suffisant pour engager l’application de cet alinéa. De plus, la demanderesse fait valoir qu’elle n’a jamais été visée par la section F de l’article premier de la Convention sur les réfugiés, et qu’elle n’a jamais eu l’intention de s’associer à une organisation terroriste ni de causer de mal à qui que ce soit. La demanderesse souligne qu’elle avait tout simplement participé à une rencontre informative en 1998 et à une deuxième rencontre en 2000 dans le but d’organiser une manifestation pacifique, manifestation qui d’ailleurs n’a jamais eu lieu. Elle n’a jamais été rémunérée par le FLEC, n’a jamais donné de l’argent à l’organisation, et n’a pas été active au sein de celle-ci.

 

[20]           Elle n’était qu’une « sympathisante » de l’organisation, ce qui se distingue d’un « membre de l’organisation ».

 

[21]           Le défendeur soutient pour sa part que le mot « membre » a une définition large fondée sur la nature et la durée des activités d’une personne au sein de l’organisation (Poshteh, susmentionné). La notion d’appartenance a été interprétée de manière large et sans restriction, surtout lorsqu’il s’agit de la sécurité nationale du Canada, et l’alinéa 34(1)f) de la LIPR ne requiert par une participation active (Tjiueza c Canada, 2009 CF 1260, [2009] ACF no 1608 (QL) et Ismeal c Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2010 CF 198, [2010] ACF no 234 (QL)). Compte tenu de l’interprétation large de la notion de « membre » qu’a adoptée l’agente, il n’était pas déraisonnable pour celle-ci de conclure que les activités de la demanderesse contribuaient à atteindre les objectifs du FLEC. Je ne suis pas de cet avis pour les raisons suivantes.

 

[22]           La Cour fédérale a établi « que la question de complicité n’entre pas en ligne de compte lorsqu’il s’agit de prendre une décision en vertu de l’alinéa 34(1)f) de la Loi, qui vise strictement à savoir si l’intéressé était membre de l’organisation. Il y a donc lieu d’établir une distinction entre l’interdiction de territoire prévue à l’alinéa 34(1)f) et l’exclusion prévue à l’article 98 de la Loi […] qui, à défaut de preuve directe de l’implication de cet individu dans un crime précis, exige une conclusion de complicité avec l’organisation qui a commis le crime en question » : Kashif Omer, susmentionné, au paragraphe 11.

 

[23]           La question de savoir si un « sympathisant » est visé par l’alinéa 34(1)f) de la LIPR a été traitée par la Cour dans l’arrêt Kanendra c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 923, 47 Imm LR (3d) 265. Le juge Simon Noël a répondu par l’affirmative, et a indiqué:

23        Par conséquent, le terme "membre" employé à l'alinéa 34(1)f) de la LIPR devrait recevoir une interprétation libérale. Le demandeur craint que les personnes qui ne constituent pas une menace pour la sécurité du Canada malgré le fait qu'elles ont déjà été membres d'une organisation visée aux alinéas 34(1)a), b) ou c) soient exclues par l'alinéa 34(1)f). Je constate cependant que le paragraphe 34(2) fait en sorte que cela n'arrive pas. Cette disposition prévoit qu'une personne qui serait interdite de territoire en raison de certains liens ou activités n'est pas réputée l'être si elle peut convaincre le ministre qu'elle ne constitue pas un danger pour la sécurité du Canada. La loi a aussi été interprétée de cette manière dans Suresh (C.S.C.), précité. Même si cet arrêt a été rendu sous le régime de l'article 19 de l'ancienne Loi sur l'immigration, le principe reste le même.

 

24        Il faut donc, pour savoir si un demandeur a été ou est membre d'une organisation visée aux alinéas 34(1)a), b) ou c), évaluer sa participation au sein de l'organisation…

 

[24]           Bien que la notion de « membre » ait reçu une interprétation large et libérale, toute analyse sous l’alinéa 34(1)f) de la LIPR doit se faire à la lumière des faits spécifiques à chaque situation.

 

[25]           Ainsi, dans l’affaire Ismeal, susmentionnée, la Cour a indiqué que pour être membre d’une organisation, « il n’est pas nécessaire que l’intéressé détienne une carte d’adhérent ou soit membre en règle, et il n’est pas nécessaire non plus qu’il soit tenu de participer à des actes terroristes », cependant, les faits révèlent que le demandeur s’était déclaré agitateur et partisan de l’organisation et que, durant une période de sept ans, il avait recueilli des fonds pour l’organisation, s’était volontairement proposé pour recruter d’autres membres ou partisans, et n’avait quitté l’organisation que lorsqu’il avait été contraint de quitter le pays.

 

[26]           Dans l’affaire Poshteh, susmentionnée, le rôle du demandeur au sein de la Mujahedin-e-Khalq (la MEK) consistait à faire de la propagande, une part importante des activités de l’organisation. Bien qu’il n’était pas officiellement enrôlé dans la MEK, ce n’était pas faute d’avoir essayé. Il souhaitait désespérément s’enrôler d’une manière plus officielle. Bien qu’on lui en avait refusé la possibilité, il avait été autorisé durant deux ans à exercer une activité pour le compte de l’organisation. Durant cette période, il avait diffusé des instruments de propagande vingt-quatre à quarante-huit fois. En fait, il s’était attribué le qualificatif de membre devant la Section de l’immigration. De plus, il partageait l’objectif premier de la MEK, à savoir le renversement du gouvernement iranien.

 

[27]           Dans l’affaire Kashif Omer, susmentionnée, le demandeur était membre, de 1987 à 1992, de l’Organisation de tous les étudiants mohajirs du Pakistan (APMSO) à son collège à Karachi, au Pakistan. Il avait occupé le poste de secrétaire à l’information au sein de l’organisation, de 1989 à 1992. Il s’était ensuite joint au Mouvement national unifié (MQM), une organisation politique pour laquelle il avait travaillé à partir de 1993 jusqu’à ce qu’il quitte le Pakistan, en 1998. Il avait même participé aux activités politiques du MQM au Canada en tant que tête de la division québécoise du MQM. Similairement, dans Naeem c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2010 CF 1069, 375 FTR 150, le demandeur était un membre actif de l’APMSO et occupait le poste de secrétaire adjoint, de 1998 à 1990. Par la suite, de 1990 à 1993, il n’était qu’un membre régulier de l’APMSO et participait régulièrement à des assemblées et à des rassemblements du MQM-A.

[28]           Dans l’affaire X (Re), 2002 CanLII 52732 (CISR), le demandeur avait été actif au sein du FLEC FAC et avait soutenu son objectif. Il s’était joint volontairement à l’organisation en 1990 et y avait demeuré jusqu’à son départ de l’Angola en août 1999. Il agissait en tant que propagandiste, et a témoigné qu’il l’était toujours. De plus, il soutenait et hébergeait des combattants du FLEC FAC qui, relevés temporairement de leurs fonctions, séjournaient en ville. Il était également au courant des atrocités commises par le FLEC FAC et savait qu’il s’agissait d’atrocités.

 

[29]           Dans l’affaire Sepid c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 907, [2008] ACF no 1163 (QL), malgré que le demandeur ait déclaré qu’il n’était pas un membre mais seulement un partisan de la MEK en Iran, les éléments de preuve ont fourni suffisamment de motifs raisonnables pour permettre à l'agent de conclure que le demandeur était de fait un membre de cette organisation. Le demandeur avait apporté son soutien financier et matériel à l’organisation pendant plusieurs années. Selon les notes au point d’entrée, à son arrivée au Canada, le demandeur avait reconnu être un membre de la MEK depuis 1991, et ses activités au sein de l’organisation consistaient à recevoir, reproduire et distribuer des cassettes vidéo, lesquelles encourageaient les gens à s'allier à la MEK. De plus, durant l’entrevue d’interdiction de territoire, le demandeur avait reconnu que ses activités au sein de la MEK consistaient à enregistrer des cassettes vidéo et à photocopier des tracts contenant des renseignements sur le programme politique et les objectifs de la MEK et à les distribuer. L’agent a également noté que le demandeur avait offert des contributions financières à la MEK et qu’il s'était engagé envers cette organisation à aller en Iraq pour être plus au fait des objectifs et de la politique de la MEK.

 

 

 

[30]           Dans l’affaire Farkhondehfall c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 471, [2010] ACF no 974 (QL), le demandeur a déclaré dans sa demande de résidence permanente qu’il avait été partisan de la MEK entre 1978 et 1981. Il a également ajouté qu’il avait été membre de la Société des étudiants iraniens musulmans, organisation liée à la MEK, lors de son séjour en Inde entre 1981 et 1985, et qu’il avait soutenu cette organisation entre 1985 et 1990. Le demandeur a admis au SCRS qu’il avait soutenu la MEK en Iran en prenant part à des manifestations, qui, dans certains cas, avaient été violentes. Il avait aussi assisté à des réunions, vendu des livres et fait des contributions pécuniaires. De plus, le demandeur avait continué d’entretenir des liens avec la MEK au Canada. Il a reconnu à diverses reprises avoir reçu une offre d’emploi de la MEK à Toronto, avoir pris part à des manifestations et à des réunions de la MEK ainsi que s’être présenté de temps à autre aux bureaux de cette organisation. Il a également reconnu avoir rencontré des copartisans de la MEK à Toronto pour regarder des bandes vidéo favorables à la cause de l’organisation.

 

[31]           Dans toutes ces affaires, il ressort que les gestes commis par l’individu démontraient une participation matérielle de celui-ci aux activités de l’organisation de laquelle on pouvait inférer des liens semblables à ceux d’un membre en règle.

 

[32]           En l’espèce, la preuve établit que la demanderesse était au courant des violences commises par le FLEC comme elle l’a avoué au SCRS. Lors d’une entrevue avec l’agente d’immigration le 26 juillet 2011, elle a admis avoir assisté à quelques réunions comme sympathisante et photocopié trois ou quatre fois des pamphlets contenant de la propagande pour le FLEC, le dernier convoquant à une manifestation qui n’a pas eu lieu. La preuve ne révèle aucune autre activité en relation avec l’organisation.

 

[33]           À mon avis, même avec une interprétation large et libérale, cette participation mineure, non matérielle, ne peut en soi suffire pour conclure qu’il y a des motifs raisonnables de croire que la demanderesse était membre du FLEC.

 

[34]           L’agente a donc erré en concluant que la demanderesse était membre d’une organisation visée à l’alinéa 34(1)c) de la LIPR.

 

[35]           Je note que la demanderesse soutient également que sa vie serait en danger en Angola et invoque des motifs humanitaires. Elle ajoute que son renvoi porterait atteinte aux articles 7 et 12 de la Charte canadienne des droits et libertés et au droit international. Toutefois, l’alinéa 34(1)f) de la LIPR ne donnait pas à l’agente la compétence pour examiner cette question. Quoi qu’il en soit, vu ma conclusion précédente, il n’y a pas lieu de réponde à cette question.

 

[36]           La demande de contrôle judiciaire est accueillie et l’affaire est retournée devant un autre décideur pour fin de réexamen conformément à ces motifs.

 

[37]           La demanderesse propose la certification de la question suivante :

Est-ce que l’inadmissibilité prévue à l’article3 34(1)(f)de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés peut s’appliquer à des activités ou l’appartenance à une organisation qui seraient protégées en vertu de l’article 2 de la Charte canadienne des droits et libertés et la garantie de liberté d’expression et de liberté d’association prévue à cet article ?

 

[38]           Cette question n’a jamais été soulevée ni dans son mémoire ni à l’audition de la demande de contrôle judiciaire. En conséquence, le défendeur n’a pas eu l’opportunité d’y répondre et la Cour n’a pas à se prononcer sur une question qui n’a pas été soulevée lors du litige. La Cour refuse donc de la certifier.


JUGEMENT

 

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est accueillie.  L’affaire est retournée devant un autre décideur pour fin de réexamen conformément à ces motifs.

 

“Danièle Tremblay-Lamer”

Juge


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-5905-11

 

INTITULÉ :                                      Eva Manuela Miguel

c.

Le Ministre de la Citoyenneté et de l’immigration

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :              Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :             Le 20 juin 2012

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT:                             Madame la juge Tremblay-Lamer 

 

DATE DES MOTIFS :                     Le 25 juin 2012

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Me Stewart Istvanffy

 

POUR LA PARTIE DEMANDERESSE

Me Michel Pépin

 

POUR LA PARTIE DÉFENDERESSE

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Me Stewart Istvanffy

1450, rue City Councillors, Bureau 450

Montréal QC

POUR LA PARTIE DEMANDERESSE

Me Michel Pépin

Ministère fédéral de la Justice Canada

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)

 

POUR LA PARTIE DÉFENDERESSE

 

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