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Cour fédérale

 

Federal Court

 


 

 


Date : 20120705

Dossier: IMM-8584-11

Référence : 2012 CF 853

Ottawa (Ontario), le 5 juillet 2012

En présence de monsieur le juge Simon Noël 

 

ENTRE :

 

JEAN PIERRE MARTIN SIBOMANA

JEANNETTE MUKASINE

CHANTAL UWIDUHAYE

ISHEMA TRACY SIBOMANA

RUTIGUNDA HERVÉ SIBOMANA

ITUZE LOÏC SIBOMANA

 

 

 

demandeurs

 

et

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

         MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire déposée en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [LIPR], à l’encontre d’une décision de prendre une mesure d’exclusion contre les demandeurs en application du paragraphe 44(2) de la LIPR. Cette décision a été rendue le 11 novembre 2011 par un délégué du ministre.

I.          Contexte et décision contestée

[2]               Les demandeurs, membres de la même famille, sont tous citoyens de la Belgique.

[3]               Monsieur Sibomana, le demandeur principal, est âgé de 41 ans. Il est entré au Canada le 6 juin 2008 afin de commencer un travail à Québec.

[4]               À son arrivée à l’aéroport, monsieur Sibomana a reçu un permis de travail dans le domaine de la technologie et de l’information d’une durée de 36 mois, avec comme date d’expiration initiale le 31 mai 2011.

[5]               La famille de monsieur Sibomana est entrée au Canada à son tour le 11 septembre 2009.

[6]               Monsieur Sibomana et sa famille ont quitté le Canada le 28 mai 2011, soit trois jours avant l’expiration du permis de travail. Ils sont revenus au poste de frontière Armstrong [poste Armstrong] le jour suivant, mais on a informé monsieur Sibomana qu’il devait trouver un nouvel employeur pour pouvoir renouveler son permis de travail. La famille a de nouveau quitté le pays le 1er juillet avant de revenir au poste Armstrong le 3 juillet 2011, où on leur a accordé le statut de visiteur jusqu’au 31 août 2011.

[7]               Le 15 août 2011, monsieur Sibomana a fait une demande de renouvellement de son permis de travail. Cette demande a été reçue le 18 août. Le 2 septembre, n’ayant pas reçu de réponse, la famille s’est présentée au poste Armstrong pour obtenir le permis. Un agent aurait alors prorogé le statut de visiteur des demandeurs jusqu’au 1er mars 2012, car une décision n’avait pas encore été prise quant au permis de travail.

[8]               La demande de permis de travail a finalement été refusée le 25 octobre 2011 car elle devait être faite en personne, ce qui n’avait pas été le cas.

[9]               Le 29 octobre 2011, la famille s’est de nouveau présentée au poste Armstrong, mais puisque le système informatique était en panne, on a fixé un rendez-vous avec eux pour le 11 novembre 2011. Le 30 octobre, un agent des services frontaliers écrit au Ministère de l’Immigration et des Communautés culturelles du Québec pour partager ses préoccupations quant à la demande de permis de travail de monsieur Sibomana (Dossier du tribunal aux pp 35-36):

[…] Le sujet s’est présenté à notre bureau le 29 octobre 2011 pour obtenir un permis de travail. Sa demande de permis envoyée à CIC Vegreville par la poste a été refusée le 25 octobre 2011 [cette demande se devait d’être faite en personne]. En personne le 29 octobre 2011, il nous a soumis la lettre d’offre d’emploi ci-jointe ainsi qu’un CAQ daté du 11 août 2011.

Il demande un permis de la catégorie des technologies de l’information pour un an avec exemption d’AMT de Service Canada.

Toutefois, un examen de la lettre d’offre d’emploi de CRM Conseils du 1052 rue du Prince-Albert Québec nous permet de douter de la situation réelle du sujet.

Tel que démontré par le lien internet annexé, les locaux de cet employeur présumé étaient vides en date du 27 octobre 2011.

L’immeuble est un duplex dont le sujet est propriétaire et il habite l’appartement voisin au 1050 rue du Prince-Albert.

Le registraire des entreprises du Québec donne à CRM Conseils 9247-9278 Québec Inc. le 1050 rue du Prince-Albert comme adresse de correspondance.

Le numéro de téléphone 418-717-3448 de CRM Conseils semble appartenir au sujet (voir 418-717-3448 Martin sur Kijiji).

 

Ainsi, nous avons des motifs raisonnables de croire que cette entreprise n’a jamais été active et qu’il en a fait le montage pour le seul bénéfice d’un permis de travail.

Nous doutons également de l’existence de votre correspondant Monsieur Jean Dubois (recrutement et ressources humaines) à qui vous avez confirmé l’offre d’emploi.

Nous allons rencontrer le sujet à nouveau le 11 novembre 2011 à 14h00 pour un contrôle complémentaire. Il sera décidé si un permis de travail lui sera délivré ou si nous entreprendrons une procédure d’interdiction de territoire.

 

Mes questions sont les suivantes:

 

-          À partir de ces quelques éléments, pouvons-nous toujours donné foi à son CAQ?

-          Diriez-vous que ce document n’est plus valide?

-          Le cas échéant, quelles informations à votre dossier nous permettraient de considérer que le sujet répond toujours aux exigences du Québec dans sa catégorie? […]

[10]           Un représentant du Ministère de l’Immigration et des Communautés culturelles a répondu le 2 novembre (Dossier du tribunal à la p 35):

[…] Les éléments que vous soulevez sont les mêmes qui ont suscité nos interrogations lors du traitement de la demande de CAQ. Suite à la réception de la demande, nous avions contacté monsieur Dubois qui a répondu à nos questions et nous a fait parvenir le plan d’affaires de la compagnie. Sur cette base, nous avons émis le CAQ pour monsieur Sibomana.

Suite à votre demande de renseignements, nous avons procédé à de nouvelles vérifications et celles-ci nous laissent assez perplexes et probablement qu’une demande serait jugée négative à ce jour […]

[11]           Le 3 novembre, monsieur Sibomana aurait contacté le Télécentre de Citoyenneté et Immigration et c’est alors qu’il aurait appris que sa demande de permis de travail avait été refusée.

[12]           Finalement, un rapport d’interdiction de territoire a été établi le 11 novembre 2011, en application de l’article 44 de la LIPR, dans lequel monsieur Sibomana a été déclaré un étranger interdit de territoire en vertu de l’alinéa 20(1)a) et de l’article 41 de la LIPR. Voici les provisions en question:

Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés,

LC 2001, ch 27

 

Obligation à l’entrée au Canada


20. (1) L’étranger non visé à l’article 19 qui cherche à entrer au Canada ou à y séjourner est tenu de prouver :



a
) pour devenir un résident permanent, qu’il détient les visa ou autres documents réglementaires et vient s’y établir en permanence;




[…]


Manquement à la loi


41. S’agissant de l’étranger, emportent interdiction de territoire pour manquement à la présente loi tout fait — acte ou omission — commis directement ou indirectement en contravention avec la présente loi et, s’agissant du résident permanent, le manquement à l’obligation de résidence et aux conditions imposées.

[…]


Rapport d’interdiction de territoire


44. (1) S’il estime que le résident permanent ou l’étranger qui se trouve au Canada est interdit de territoire, l’agent peut établir un rapport circonstancié, qu’il transmet au ministre.



Suivi


(2) S’il estime le rapport bien fondé, le ministre peut déférer l’affaire à la Section de l’immigration pour enquête, sauf s’il s’agit d’un résident permanent interdit de territoire pour le seul motif qu’il n’a pas respecté l’obligation de résidence ou, dans les circonstances visées par les règlements, d’un étranger; il peut alors prendre une mesure de renvoi.

Immigration and Refugee Protection Act, SC 2001, c 27

 

 

Obligation on entry

 


20. (1) Every foreign national, other than a foreign national referred to in section 19, who seeks to enter or remain in Canada must establish,


(a) to become a permanent resident, that they hold the visa or other document required under the regulations and have come to Canada in order to establish permanent residence; and


[…]


Non-compliance with Act


41. A person is inadmissible for failing to comply with this Act

(a) in the case of a foreign national, through an act or omission which contravenes, directly or indirectly, a provision of this Act; and

(b) in the case of a permanent resident, through failing to comply with subsection 27(2) or section 28.


[…]


Preparation of report



44. (1) An officer who is of the opinion that a permanent resident or a foreign national who is in Canada is inadmissible may prepare a report setting out the relevant facts, which report shall be transmitted to the Minister.


Referral or removal order


(2) If the Minister is of the opinion that the report is well-founded, the Minister may refer the report to the Immigration Division for an admissibility hearing, except in the case of a permanent resident who is inadmissible solely on the grounds that they have failed to comply with the residency obligation under section 28 and except, in the circumstances prescribed by the regulations, in the case of a foreign national. In those cases, the Minister may make a removal order.

 

[13]           Le rapport d’interdiction était fondé sur les renseignements suivants (Dossier du tribunal aux pp 14-15):

Le sujet n’a plus de permis de travail valide depuis mai 2011. Il a déposé une demande de permis de travail au centre de traitement de Vegreville qui l’a refusée en octobre 2011. Il s’est présenté au poste frontalier de Armstrong en novembre 2011 pour obtenir un permis de travail, mais ce permis lui est refusé au motif qu’il ne respecte pas les exigences fédérales dans cette catégorie en ce qui concerne sa lettre d’offre d’emploi. Depuis mai 2011, le sujet a déposé des demandes de permis de travail hors délai et hors statut. Il s’est présenté à la frontière canadienne dans le but de renouveler son statut de visiteur alors qu’il se comporte en réalité comme un immigrant sans visa au Canada. Il n’a pas demandé ni obtenu la résidence permanente au Canada.

[14]           Les observations inscrites électroniquement le 23 novembre expliquent davantage la décision du délégué du ministre (Dossier du tribunal aux pp 16-23):

S’est présenté à la frontière canadienne dans le but de renouveler son statut de visiteur alors qu’il se comporte en réalité comme un immigrant sans visa au Canada. Il n’a pas demandé ni obtenu la résidence permanente au Canada.

Lettre d’offre d’emploi douteuse de la part d’un présumé employeur dont la place d’affaire est un logement voisin d’où habite le sujet et dans un immeuble dont le sujet est propriétaire. En octobre 2011, la place d’affaire de ce présumé employeur (CRM Conseils), soit le 1050 Prince Albert, Québec, était vide. Motifs de croire que le sujet a monté une entreprise fictive pour le seul but d’avoir un permis de travail. Informé de cette situation, Immigration Québec remet en question le bien-fondé du CAQ du sujet. Depuis son congédiement de CGI, le sujet a continué de travailler pour d’autres employeurs sur le même permis sans en demander un nouveau, contrairement aux conditions imposées. Depuis mai 2011, soit la fin de son permis, le sujet est demeuré au Canada et a déposé 2 demandes refusées par Vegreville. Il s’est présenté à la frontière à maintes reprises chercher un statut de visiteur en attente de Vegreville et devant la menace de devoir interrompre les études de ses enfants. Devant le refus du point d’entrée de lui accordé un permis, le sujet persiste à vouloir rester au Canada, invoque l’avenir de sa famille, l’intention de sa conjointe de rester au Canada pour travailler comme infirmière, déclare qu’il a de hautes études et plusieurs offres d’emploi qui lui donne le droit de rester au Canada. Il déclare que sa famille n’a plus d’avenir en Belgique, victime de racisme, plus facile au Québec où il paie des taxes et impôt. Déclare impossible de partir car a fait l’achat d’une maison, 2 voitures et peut subvenir à ses besoins au Canada grâce à un revenu de loyer provenant de Belgique et des économies. Le sujet démontre qu’il n’a aucune obligation pouvant le forcer à retourner en Belgique, incitatif à demeurer au Canada avec sa famille. Il déclare que sa famille est québécoise au même titre que nous tous, dit que ses enfants ont le droit de devenir canadien. Le sujet se comporte et s’exprime comme un immigrant, mais n’a jamais déposé de demande en ce sens ni obtenu la [résidence permanente]. Devant ces faits, j’ai des motifs de croire qu’il est interdit de territoire parce qu’il veut devenir un résident permanent et qu’il ne détient pas les visas ou autres documents réglementaires.

[15]           Monsieur Sibomana a tenté de déposer un affidavit additionnel pour adresser les préoccupations concernant l’authenticité de l’offre d’emploi de CRM Conseil. Aucune demande particulière ne fut présentée à ce sujet. Toutefois, cette preuve ne se trouvait pas dans le dossier devant le délégué du ministre et ne sera donc pas considérée dans le cadre de ce contrôle judiciaire de la décision du délégué.

[16]           Le 25 novembre 2011, monsieur Sibomana a déposé cette demande d’autorisation et demande de contrôle judiciaire contre la mesure d’exclusion prise par le délégué du ministre, visant à faire annuler les mesures et à obtenir une déclaration qu’ils avaient un statut de visiteurs au Canada lors de la prise de ces mesures.

II.        Questions en litige

[17]           Les demandeurs soulèvent les questions suivantes:

1.      L’obligation d’équité procédurale a-t-elle été violée par le délégué du ministre?

2.      Quelle est la portée du pouvoir discrétionnaire du délégué du ministre en vertu du paragraphe 44(1) de la LIPR?

3.      Les demandeurs avaient-ils un statut de visiteur valide lors de l’émission des mesures d’exclusion?

III.       Norme de contrôle applicable

[18]           La norme de contrôle applicable aux questions relatives à la portée de l’obligation d’agir équitablement est celle de la décision correcte (Cha c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CAF 126 au para 16, [2006] ACF 491 [Cha]). Quant à la révision de la décision même du délégué du ministre, cette Cour a appliqué la norme de la décision raisonnable dans des affaires semblables (de Lara c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 836 au para 22, [2010] ACF 1035).

IV.       Analyse

[19]           Les demandeurs soulèvent trois arguments. Premièrement, ils invoquent l’obligation d’équité procédurale découlant des importantes conséquences qu’a la mesure d’exclusion, c’est-à-dire l’impossibilité d’accéder au pays sans autorisation écrite du ministre. Sans le dire explicitement, les demandeurs argumentent que l’obligation d’équité procédurale n’a pas été respectée en l’espèce puisqu’ils n’auraient pas eu la possibilité « de présenter leur [sic] points de vue complètement ainsi que des éléments de preuve de sorte qu’ils soient considérés par le décideur », telle que décrite par la Cour suprême dans Baker c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 RCS 817 au para 22, [1999] ACS 39.

[20]           Le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration [le ministre] souligne qu’un rapport et une mesure d’exclusion en application des paragraphes 44(1) et 44(2) de la LIPR sont des décisions purement administratives pour lesquelles l’obligation d’équité procédurale est minimale (Cha, précité, aux paras 44-45). Dans Cha, la Cour d’appel fédérale a déterminé que les mesures suivantes répondaient aux exigences de l’obligation d’agir équitablement (Cha, précité, au para 52):

-     remettre à l’intéressé copie du rapport de l’agent d’immigration;

-     informer l’intéressé des allégations figurant dans ce rapport, de ce qu’il lui faudra démontrer et de la nature et des conséquences possibles de la décision devant être rendue;

-     faire passer une entrevue à l’intéressé, face à face, par vidéoconférence ou par téléphone;

-     donner à l’intéressé l’occasion de présenter des éléments de preuve pertinents et d’exprimer son point de vue.

[21]           Le ministre ajoute que de toute façon, même si une violation quelconque avait été commise en l’espèce, la décision du délégué n’aurait pas été différente et que cette Cour se doit de refuser de retourner le dossier dans la mesure où les demandeurs n’ont pas démontré que la décision aurait été différente n’eût été le manquement au principe de justice naturelle (Cha, précité, au para 67; Mobil Oil Canada Ltd c Office Canada-Terre-Neuve des hydrocarbures extracôtiers, [1994] 1 RCS 202 aux paras 49-54, [1994] ACS 14).

[22]           En ce qui concerne cet argument, les demandeurs n’ont pas détaillé le bris allégué et les parties n’ont pas décrit le déroulement de l’entrevue du 11 novembre avec monsieur Sibomana. Pourtant, il ressort du courriel du délégué du ministre en date du 30 octobre qu’une décision n’avait toujours pas été prise et qu’on attendait de voir les résultats de l’entrevue: « Nous allons rencontrer le sujet à nouveau le 11 novembre 2011 à 14h00 pour un contrôle complémentaire. Il sera décidé si un permis de travail lui sera délivré ou si nous entreprendrons une procédure d’interdiction de territoire » (Dossier du tribunal aux pp 35-36). Monsieur Sibomana aurait donc eu l’occasion de s’expliquer avant qu’une décision ne soit prise. De plus, monsieur Sibomana n’a soulevé aucune preuve au dossier qui remettrait en question les préoccupations du délégué quant à la demande du permis de travail. En conséquence, cette Cour est d’avis qu’il n’y a pas eu de bris de procédure.

[23]           Deuxièmement, les demandeurs avancent que le délégué du ministre aurait commis une erreur de droit en refusant d’exercer son pouvoir discrétionnaire en prenant de manière automatique les mesures d’exclusions. Toutefois, comme le démontre le ministre, la mesure d’exclusion s’imposait dans les circonstances, tel qu’il est prévu au sous-alinéa 228(1)c)(iii) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227 [RIPR]:

Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227

 

Section 2


Mesures de renvoi à prendre


Application du paragraphe 44(2) de la Loi : étrangers


228. (1) Pour l’application du paragraphe 44(2) de la Loi, […] dans le cas où elle ne comporte pas de motif d’interdiction de territoire autre que ceux prévus dans l’une des circonstances ci-après, l’affaire n’est pas déférée à la Section de l’immigration et la mesure de renvoi à prendre est celle indiquée en regard du motif en cause :


[…]


c
) en cas d’interdiction de territoire de l’étranger au titre de l’article 41 de la Loi pour manquement à :


[…]


(iii) l’obligation prévue à l’article 20 de la Loi de prouver qu’il détient les visa et autres documents réglementaires, l’exclusion […]

[Nous soulignons.]

Immigration and Refugee Protection Regulations,

SOR/2002-227

 

Division 2


Specified Removal Order


Subsection 44(2) of the Act -- foreign nationals


228. (1) For the purposes of subsection 44(2) of the Act, […] if a report in respect of a foreign national does not include any grounds of inadmissibility other than those set out in the following circumstances, the report shall not be referred to the Immigration Division and any removal order made shall be


[…]


(c) if the foreign national is inadmissible under section 41 of the Act on grounds of



[…]


(iii) failing to establish that they hold the visa or other document as required under section 20 of the Act, an exclusion order […]

 

 

[Emphasis added.]

[24]           Troisièmement, les demandeurs affirment qu’au moment de l’émission des mesures d’exclusion, ils avaient toujours un statut de visiteur valable jusqu’au 1 mars 2012, mais le ministre conteste cette déclaration. Le ministre affirme que l’admission à titre de visiteur jusqu’au 1 mars 2012 n’était plus valide parce que le demandeur principal a quitté le Canada à plusieurs reprises depuis que cette admission a été prorogée le 2 septembre 2012. Le ministre s’appuie sur l’alinéa  183(4)a) du RIPR:

Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227

 

Section 2


Conditions liées au statut



Période de séjour : fin


183. (4) La période de séjour autorisée du résident temporaire prend fin au premier en date des événements suivants :


a
) le résident temporaire quitte le Canada sans avoir obtenu au préalable l’autorisation d’y rentrer; […]

Immigration and Refugee Protection Regulations,

SOR/2002-227

 

Division 2


Conditions on Temporary Residents


Authorized period ends


183. (4) The period authorized for a temporary resident’s stay ends on the earliest of



(a) the day on which the temporary resident leaves Canada without obtaining prior authorization to re-enter Canada; […]

 

Pourtant, le dossier démontre que monsieur Sibomana a quitté le Canada dans le but de renouveler son permis de travail. Sa demande devait être déposée au poste Armstrong et monsieur Sibomana y a par la suite été convoqué pour une entrevue. Dans ces circonstances, le ministre ne peut s’appuyer sur le paragraphe 183(4) du RIPR pour invalider la présence de monsieur Sibomana au Canada lorsque ce dernier y était légalement avec un statut de visiteur valide jusqu’au 1er mars 2012.

[25]           Le rapport d’interdiction indique qu’en date de la prise de la mesure d’interdiction, le 11 novembre 2011, monsieur Sibomana n’avait plus de permis de travail valide depuis mai 2011. Monsieur Sibomana se serait alors présenté pour renouveler son statut de visiteur et celui-ci lui aurait été refusé. Le ministre affirme que la décision d’émettre une mesure d’exclusion sur la base du rapport d’interdiction était donc raisonnable.

[26]           Pour récapituler, la mesure d’exclusion prise contre monsieur Sibomana invoquait l’article 41 et l’alinéa 20(1)a) de la LIPR. Ainsi, le délégué du ministre était d’avis que monsieur Sibomana avait manqué à la LIPR (article 41) car il ne respectait pas l’obligation à l’entrée au Canada de détenir les visas ou autres documents réglementaires requis pour devenir un résident permanent (alinéa 20(1)a)):

Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés,

LC 2001, ch 27

 

Obligation à l’entrée au Canada


20. (1) L’étranger non visé à l’article 19 qui cherche à entrer au Canada ou à y séjourner est tenu de prouver :



a
) pour devenir un résident permanent, qu’il détient les visa ou autres documents réglementaires et vient s’y établir en permanence;




[…]


Manquement à la loi


41. S’agissant de l’étranger, emportent interdiction de territoire pour manquement à la présente loi tout fait — acte ou omission — commis directement ou indirectement en contravention avec la présente loi et, s’agissant du résident permanent, le manquement à l’obligation de résidence et aux conditions imposées.

 

Immigration and Refugee Protection Act, SC 2001, c 27

 

 

Obligation on entry

 


20. (1) Every foreign national, other than a foreign national referred to in section 19, who seeks to enter or remain in Canada must establish,


(a) to become a permanent resident, that they hold the visa or other document required under the regulations and have come to Canada in order to establish permanent residence; and


[…]


Non-compliance with Act


41. A person is inadmissible for failing to comply with this Act


(a) in the case of a foreign national, through an act or omission which contravenes, directly or indirectly, a provision of this Act; and


(b) in the case of a permanent resident, through failing to comply with subsection 27(2) or section 28.

[27]           Selon les observations du délégué du ministre inscrites électroniquement le 23 novembre, ce dernier aurait donc eu « des motifs de croire [que monsieur Sibomana] est interdit de territoire parce qu’il veut devenir un résident permanent et qu’il ne détient pas les visas ou autres documents réglementaires » (Dossier du tribunal à la p 23). Toutefois, l’alinéa 20(1)a) s’applique uniquement à ceux qui cherchent à entrer au Canada ou à y séjourner pour devenir un résident permanent. Pourtant, il est clair selon le dossier que monsieur Sibomana ne s’était pas présenté au poste Armstrong pour devenir résident permanent et ne cherchait pas à ce moment à entrer au Canada pour cette raison. Le délégué du ministre le reconnaît même dans ses observations: « Il n’a pas demandé ni obtenu la résidence permanente au Canada » (Dossier du tribunal à la p 16). Le rapport d’interdiction le confirme également: « Il s’est présenté à la frontière canadienne dans le but de renouveler son statut de visiteur » (Dossier du tribunal à la p 15). Même dans son courriel du 30 octobre, le délégué affirme que l’objectif du rendez-vous du 11 novembre était de décider si un permis de travail serait délivré (Dossier du tribunal à la p 36).

[28]           Quant à son intention de devenir résident permanent à l’avenir, les demandeurs affirment que même s’ils envisageaient la possibilité d’obtenir le statut de résident permanent, ils avaient l’intention de quitter le pays à l’expiration du statut temporaire. Ce type de double intention est justement prévu et permis en vertu de l’article 22 de la LIPR:

Loi sur l’immigration et la protection des réfugié,

LC 2001, ch 27

 

Résident temporaire


22. (1) Devient résident temporaire l’étranger dont l’agent constate qu’il a demandé ce statut, s’est déchargé des obligations prévues à l’alinéa 20(1)b) et n’est pas interdit de territoire.



Double intention


(2) L’intention qu’il a de s’établir au Canada n’empêche pas l’étranger de devenir résident temporaire sur preuve qu’il aura quitté le Canada à la fin de la période de séjour autorisée.

Immigration and Refugee Protection Act, SC 2001, c 27

 

 

Temporary resident


22. (1) A foreign national becomes a temporary resident if an officer is satisfied that the foreign national has applied for that status, has met the obligations set out in paragraph 20(1)(b) and is not inadmissible.


Dual intent


(2) An intention by a foreign national to become a permanent resident does not preclude them from becoming a temporary resident if the officer is satisfied that they will leave Canada by the end of the period authorized for their stay.

 

Le délégué du ministre ne semble pas s’être penché sur cette provision de la LIPR ni même d’avoir distingué entre ces deux intentions. En conséquence, la décision du délégué, justifié selon lui par l’alinéa 20(1)a) et l’article 41 de la LIPR, ne peut être maintenu. Cette décision n’appartient tout simplement pas aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit (Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9 au para 47, [2008] 1 RCS 190).

[29]           Bien que certaines des préoccupations soulevées par le délégué quant à l’offre d’emploi pourraient possiblement entraîner l’inadmissibilité des demandeurs en raison de fausses déclarations, en application de l’alinéa 40(1)a) de la LIPR, ce n’est pas la décision qui a été prise par le délégué du ministre dans ce cas et cette Cour n’a donc pas à se pencher sur cette question.

Loi sur l’immigration et la protection des réfugié,

LC 2001, ch 27

 

Fausses déclarations


40. (1) Emportent interdiction de territoire pour fausses déclarations les faits suivants :

 


a) directement ou indirectement, faire une présentation erronée sur un fait important quant à un objet pertinent, ou une réticence sur ce fait, ce qui entraîne ou risque d’entraîner une erreur dans l’application de la présente loi; […]

Immigration and Refugee Protection Act, SC 2001, c 27

 

 

Misrepresentation


40. (1) A permanent resident or a foreign national is inadmissible for misrepresentation

 

(a) for directly or indirectly misrepresenting or withholding material facts relating to a relevant matter that induces or could induce an error in the administration of this Act; […]

[30]           En conclusion, pour les motifs énumérés ci-dessus, la décision du délégué du ministre est annulée et l’affaire est renvoyée à un autre délégué qui devra réexaminer le dossier et déterminer les étapes à suivre conformément à la loi.

[31]           Les parties furent invitées à soumettre une question aux fins de certification, mais aucune ne fut soumise.

 


JUGEMENT

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est accueillie et le dossier est retourné à un autre délégué du Ministre afin qu’il puisse réexaminer le dossier et déterminer les étapes à suivre conformément à la loi. Aucune question ne sera certifiée.

 

                                                                                                                  « Simon Noël »

Juge


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-8584-11

 

INTITULÉ :                                      JEAN PIERRE MARTIN SIBOMANA ET AL 

                                                            c LE MINISTRE DE LA CIOYENNETÉ

                                                            ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :              Québec (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :             Le 13 juin 2012

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                            LE JUGE SIMON NOËL

 

DATE DES MOTIFS :                     Le 5 juillet 2012

 

 

COMPARUTIONS :

 

Me Ornella Saravalli

 

POUR LES DEMANDEURS

 

Me Michel Pépin

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Me Ornella Saravalli

Avocat

Montréal (Québec)

POUR LES DEMANDEURS

 

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

 

 

 

 

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