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Date : 20120710

Dossier : IMM‑8566‑11

Référence : 2012 CF 871

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 10 juillet 2012

En présence de monsieur le juge Russell

 

 

ENTRE :

 

AGHAHOWA OBAZEE

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

INTRODUCTION

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire, présentée en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (la Loi), de la décision rendue le 27 octobre 2011 (la décision) par laquelle la Section de la protection des réfugiés (la SPR) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié a refusé de reconnaître au demandeur la qualité de réfugié au sens de la Convention ou celle de personne à protéger au sens des articles 96 et 97 de la Loi.

CONTEXTE

[2]               Le demandeur, âgé de 48 ans, est citoyen du Nigeria et originaire de Benin City. Il craint d’être persécuté au Nigeria parce qu’il est chrétien.

[3]               Le demandeur est l’unique fils de ses parents et son père (Usiobaifo) était le grand prêtre et guérisseur au village d’Obe dans l’État d’Edo. Le demandeur a grandi en croyant qu’il succéderait un jour à son père. En conséquence, Usiobaifo l’a empêché de faire des études postsecondaires. Après avoir terminé ses études secondaires en 1983, le demandeur a commencé à aider son père dans l’exercice de ses fonctions au village et à apprendre le métier de son père.

[4]               En novembre 2009, le demandeur a rencontré une jeune femme d’une communauté voisine. Lorsqu’il est allé la rencontrer à son église, le pasteur l’a invité à entrer pour assister à l’office. Le demandeur a pris conscience qu’il vouait un culte à de fausses idoles et a commencé à pratiquer le christianisme en cachette. Le demandeur a refusé de participer aux pratiques spirituelles de son village, ce qui a provoqué une dispute avec Usiobaifo et les anciens de la communauté.

[5]               Usiobaifo a demandé aux gardes du sanctuaire du village de surveiller la maison du demandeur à Benin City. Le 1er février 2010, le demandeur a été enlevé par quatre gardes qui l’ont battu et l’ont détenu pendant une semaine dans le sanctuaire d’Awanuoro. Usiobaifo a menacé de tuer le demandeur à moins qu’il n’aide à célébrer un rituel qui allait avoir lieu sous peu et qu’il ne renonce au christianisme. Par crainte de ce qui pourrait lui arriver s’il refusait, le demandeur a accepté mais a dit qu’il devait retourner en ville pour régler certaines choses avant de pouvoir revenir au village définitivement. De retour à Benin City, le demandeur est allé à l’hôpital pour faire soigner ses blessures.

[6]               Le 23 février 2010, le demandeur a appris que son père était mort dans son sommeil. Les anciens de la communauté voulaient que le demandeur assume les responsabilités d’Usiobaifo. Les anciens sont devenus encore plus furieux lorsque le demandeur n’a pas répondu à leurs demandes. Il est allé voir le pasteur de l’église où il avait découvert le christianisme et celui‑ci a pris des dispositions pour l’aider à quitter le Nigeria. Ils ne se sont pas adressés à la police parce qu’ils croyaient que cela pourrait causer des ennuis à l’église. Le demandeur est arrivé au Canada et a demandé l’asile le 21 avril 2010.

LA DÉCISION FAISANT L’OBJET DU CONTRÔLE

[7]               La SPR a conclu le demandeur avait établi son identité et qu’il était un témoin crédible. En raison de son peu d’instruction et de son éducation en tant que fils du guérisseur d’un village, la SPR a reconnu l’authenticité de la conviction du demandeur que les anciens de sa communauté avaient des pouvoirs spéciaux qui leur permettraient de le retrouver n’importe où au Nigeria. Elle a également conclu qu’il avait véritablement une crainte subjective de persécution.

[8]               Toutefois, la SPR a également conclu que le demandeur disposait d’une possibilité de refuge intérieur (PRI) à Abuja, à Port Harcourt, à Warri ou dans tout autre grand centre du Nigeria. La SPR a renvoyé à l’arrêt Thirunavukkarasu c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1993] ACF no 1172, lequel établit que, lorsque la PRI est soulevée, la SPR doit être convaincue que le demandeur ne serait exposé à aucun risque sérieux à l’endroit proposé comme PRI et qu’il est raisonnable que celui‑ci déménage là‑bas. Une fois soulevée, il incombe au demandeur de réfuter l’existence de la PRI.

[9]               À la lumière de la preuve issue du cartable national de documentation et compte tenu de la faible notoriété du demandeur et de son expérience de travail en tant que camionneur, la SPR a conclu qu’il ne risquait pas sérieusement d’être persécuté s’il se réinstallait dans un grand centre urbain et qu’il serait raisonnable qu’il s’y réinstalle. La SPR a constaté qu’un grand nombre de chrétiens habitent à Abuja et dans ses environs et que le demandeur pourrait recevoir un soutien moral et spirituel s’il se réinstallait là‑bas.

LES QUESTIONS EN LITIGE

[10]           Le demandeur soulève les questions suivantes en l’espèce :

a.                   La conclusion de la SPR quant à la PRI était‑elle raisonnable?

b.                  La SPR a‑t‑elle porté atteinte à son droit à l’équité procédurale?

 

LA NORME DE CONTRÔLE

[11]           Dans l’arrêt Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, la Cour suprême du Canada a statué qu’il n’est pas toujours nécessaire de se livrer à une analyse relative à la norme de contrôle. Lorsque la norme de contrôle applicable à une question particulière dont la cour est saisie est bien établie en jurisprudence, la cour de révision peut tout simplement appliquer cette norme. Ce n’est que lorsque cette démarche s’avère infructueuse que la cour de révision doit examiner les quatre facteurs faisant partie de l’analyse relative à la norme de contrôle.

[12]           La norme de contrôle applicable à la conclusion de la SPR quant à la PRI est celle de la raisonnabilité. Voir Mejia c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 530, au paragraphe 10, Martinez c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 5, au paragraphe 8, Ponce c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 1360, au paragraphe 13, et Zavala c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 370, au paragraphe 5.

[13]           Lors du contrôle d’une décision selon la norme de la raisonnabilité, l’analyse s’attache « à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit ». Voir Dunsmuir, précité, au paragraphe 47, et Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12, au paragraphe 59. Autrement dit, la Cour ne devrait intervenir que si la décision est déraisonnable, en ce sens qu’elle n’appartient pas aux « issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit ».

[14]           Le demandeur affirme que la SPR a porté atteinte à son droit à l’équité procédurale en ne tenant aucun compte de sa preuve et de ses observations. Selon l’arrêt Baker c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 RCS 817, au paragraphe 22, l’équité procédurale comprend la possibilité de formuler des observations de sorte qu’elles soient considérées par le décideur. S’agissant d’un aspect de l’obligation d’équité, la seconde question est assujettie à la norme de la décision correcte. Dans l’arrêt Syndicat canadien de la fonction publique (S.C.F.P.) c Ontario (Ministre du Travail), 2003 CSC 29, la Cour suprême du Canada affirme, au paragraphe 100, qu’« [i]l appartient aux tribunaux judiciaires et non au ministre de donner une réponse juridique aux questions d’équité procédurale ». En outre, la Cour d’appel fédérale formule les observations suivantes au paragraphe 53 de Sketchley c Canada (Procureur général), 2005 CAF 404 : « La question de l’équité procédurale est une question de droit. Aucune déférence n’est nécessaire. Soit le décideur a respecté l’obligation d’équité dans les circonstances propres à l’affaire, soit il a manqué à cette obligation. »

LES DISPOSITIONS LÉGISLATIVES

[15]           Les dispositions suivantes de la Loi s’appliquent en l’espèce :

96. A qualité de réfugié au sens de la Convention — le réfugié — la personne qui, craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques :

 

    a) soit se trouve hors de tout pays dont elle a la nationalité et ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de chacun de ces pays;

 

[…]

 

97. (1) A qualité de personne à protéger la personne qui se trouve au Canada et serait personnellement, par son renvoi vers tout pays dont elle a la nationalité ou, si elle n’a pas de nationalité, dans lequel elle avait sa résidence habituelle, exposée :

 

a) soit au risque, s’il y a des motifs sérieux de le croire, d’être soumise à la torture au sens de l’article premier de la Convention contre la torture;

 

b) soit à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités dans le cas suivant :

 

(i) elle ne peut ou, de ce fait, ne veut se réclamer de la protection de ce pays,

 

 

(ii) elle y est exposée en tout lieu de ce pays alors que d’autres personnes originaires de ce pays ou qui s’y trouvent ne le sont généralement pas,

 

(iii) la menace ou le risque ne résulte pas de sanctions légitimes — sauf celles infligées au mépris des normes internationales — et inhérents à celles‑ci ou occasionnés par elles,

 

(iv) la menace ou le risque ne résulte pas de l’incapacité du pays de fournir des soins médicaux ou de santé adéquats.

 

[…]

96. A Convention refugee is a person who, by reason of a well‑founded fear of persecution for reasons of race, religion, nationality, membership in a particular social group or political opinion,

 

 

 

    (a) is outside each of their countries of nationality and is unable or, by reason of that fear, unwilling to avail themself of the protection of each of those countries; or

 

[…]

 

97. (1) A person in need of protection is a person in Canada whose removal to their country or countries of nationality or, if they do not have a country of nationality, their country of former habitual residence, would subject them personally

 

(a) to a danger, believed on substantial grounds to exist, of torture within the meaning of Article 1 of the Convention Against Torture; or

 

(b) to a risk to their life or to a risk of cruel and unusual treatment or punishment if

 

 

(i) the person is unable or, because of that risk, unwilling to avail themself of the protection of that country,

 

(ii) the risk would be faced by the person in every part of that country and is not faced generally by other individuals in or from that country,

 

(iii) the risk is not inherent or incidental to lawful sanctions, unless imposed in disregard of accepted international standards, and

 

 

 

(iv) the risk is not caused by the inability of that country to provide adequate health or medical care.

 

[…]

LES ARGUMENTS

Le demandeur

            Manquement à l’équité procédurale

[16]           La SPR a porté atteinte au droit du demandeur à l’équité procédurale en faisant abstraction de l’ensemble de son témoignage et de la preuve qu’il a présentée. Bien qu’elle ait jugé qu’il était un témoin crédible et que son témoignage était véridique, la SPR a fait abstraction de la preuve qu’il a soumise.

Conclusion déraisonnable au sujet de la PRI

[17]           La conclusion au sujet de la PRI était déraisonnable, car la SPR a écarté des éléments de preuve. Le demandeur a déclaré avoir subi un préjudice aux mains des gardes du sanctuaire d’Awanauro. Il a aussi produit des photographies montrant les blessures qui lui avaient été infligées lorsqu’il était détenu au sanctuaire. Le demandeur a témoigné qu’il était bien connu dans le village parce qu’il avait prêté assistance à Usiobaifo lors de cérémonies, et qu’il pourrait donc être retrouvé n’importe où dans le pays. Les personnes des quatre coins du Nigeria qui étaient venues voir son père pour obtenir son aide pourraient le retrouver partout où il irait, ce qui signifie qu’il est exposé à un risque en tout lieu au Nigeria. Il est indûment sévère de s’attendre à ce qu’il vive perpétuellement dans la peur, ce qui arrivera s’il doit se réinstaller au Nigeria.

Le défendeur

[18]           La conclusion au sujet de la PRI était raisonnable, car la SPR a appliqué le bon critère et a fondé sa conclusion sur la preuve dont elle disposait. La SPR s’est fondée sur l’Operational Guidance Note – Nigeria [directive opérationnelle] du Home Office du Royaume‑Uni. Selon ce document, qui se trouvait dans le cartable national de documentation de la SPR, la réinstallation interne est presque toujours possible au Nigeria. Le demandeur a affirmé qu’il ne disposait d’aucune PRI, mais il était loisible à la SPR de préférer la preuve documentaire à son témoignage. Bien que le demandeur ait déclaré que les agents d’Usiobaifo l’ont retrouvé à Benin City, cela ne prouve pas qu’il ne dispose pas d’une PRI au Nigeria.

[19]           Il était raisonnable pour la SPR de conclure que les dix à quinze anciens qui cherchaient le demandeur ne seraient pas en mesure de le retrouver dans un pays comptant 150 millions d’habitants. Il faut plus qu’une affirmation générale portant qu’il court un danger pour que le demandeur établisse qu’il n’existe aucune PRI. Comme l’indique la décision Abiona c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 1400, il incombait au demandeur d’établir qu’il existait une possibilité sérieuse de persécution partout au Nigeria. Il ne s’est pas acquitté de son fardeau. Même si le demandeur est en désaccord avec la conclusion de la SPR, il ne s’agit pas d’un motif valable pour justifier un contrôle judiciaire et il n’appartient pas à la Cour d’apprécier à nouveau la preuve dont disposait la SPR.

ANALYSE

[20]           Le demandeur affirme que l’appréciation par la SPR de l’ensemble de la preuve était manifestement déraisonnable, abusive et arbitraire. Il affirme également que la SPR a mal énoncé et mal compris des éléments de preuve importants dont elle disposait.

[21]           Ces simples affirmations ne sont pas étayées et n’ont été expliquées d’aucune façon. Le demandeur ne fait que répéter dans quelle situation il se trouve. Il répète qu’il a été battu et que la communauté était insultée et a décidé qu’il devait être tué parce qu’il s’est converti au christianisme. Rien de tout cela n’est pertinent pour la conclusion relative à la PRI sur laquelle repose la décision.

[22]           Il a ensuite réitéré ce qu’il avait dit à l’audience, à savoir que de nombreuses personnes provenant de divers États du Nigeria ont rendu visite à son père afin de le consulter et qu’[traduction] « il était certain que peu importe où il irait, il y aurait des personnes qui le connaîtraient, y compris des membres de sa famille, lesquels sont dispersés un peu partout ». Le demandeur soutient également dans son affidavit qu’[traduction] « il serait indûment sévère de s’attendre à ce [qu’il] déménage dans une autre région du pays et qu’il vive perpétuellement dans la crainte d’être capturé de nouveau après tout ce qu’il a enduré » et que [traduction] « les membres de sa famille et la communauté pourraient le retrouver si un seul membre de sa communauté découvrait qu’il résidait dans une région donnée du pays ». Son argument principal est le suivant :

[traduction]

Il est avancé que, en raison des déplacements constants de la population d’un État à l’autre au Nigeria, le demandeur ne pourrait jamais vivre en vase clos. Le fait de s’attendre à ce que le demandeur vive dans l’isolement constituerait en quelque sorte de la persécution. Il n’est pas marié, mais il aimerait assurément se marier, entretenir des relations avec des personnes et travailler. S’il fait l’une de ces choses, il est inévitable que le demandeur croise ou rencontre des personnes qui le reconnaîtraient.

 

 

[23]           Rien n’indique que la SPR a fait abstraction des inquiétudes du demandeur, du fait que celui‑ci croyait que la communauté le retrouverait ou d’éléments de preuve appuyant sa position.

[24]           Comme le souligne le défendeur, la SPR a décidé, à juste titre, d’appliquer le critère à deux volets relatif à la PRI adopté par la Cour d’appel dans l’arrêt Thirunavukkarasu, précité.

[25]           La conclusion de la SPR à savoir que la PRI proposée satisfaisait aux deux volets du critère était corroborée par la preuve et était raisonnable. La SPR a accordé beaucoup d’importance à la preuve documentaire objective dont elle disposait, plus particulièrement à l’Operational Guidance Note – Nigeria du Royaume‑Uni. Selon ce document, [traduction] « la réinstallation interne en vue d’échapper aux mauvais traitements infligés par des agents non étatiques est presque toujours possible et, en l’absence de circonstances exceptionnelles, la réinstallation dans le même pays ne représenterait pas un préjudice indu pour quiconque ». Il était loisible à la SPR de préférer cette preuve documentaire objective au témoignage du demandeur.

[26]           Le demandeur affirme avoir été retrouvé à Benin City, chez l’entreprise où il travaillait alors, et que cela démontre qu’il peut être retrouvé n’importe où au Nigeria. La SPR n’était pas persuadée qu’il était, de ce fait, probable qu’il soit retrouvé dans l’une des trois grandes villes envisagées comme PRI. Bien qu’il ait allégué que les anciens de la communauté, « au nombre de dix à quinze », étaient en colère contre lui, la SPR n’était pas persuadée qu’ils seraient en mesure de le retrouver dans un pays comptant 150 millions d’habitants. La SPR a souligné que le demandeur n’avait pas établi qu’il était particulièrement connu et que rien ne prouvait que l’agent de persécution présumé disposait de ressources spéciales ou avait des contacts. Il s’agissait d’une conclusion raisonnable qu’il était loisible à la SPR de tirer compte tenu de la preuve.

[27]           Dans le contexte particulier des décisions relatives aux PRI au Nigeria, il faut plus qu’une vague affirmation selon laquelle le demandeur serait en danger partout ailleurs au pays. Il incombe au demandeur d’établir, au moyen d’éléments de preuve convaincants, pourquoi une PRI envisagée ne serait pas viable. Dans la décision Abiona, précitée, la juge Anne Mactavish s’est exprimée ainsi au paragraphe 4 :

Il incombe au demandeur d’asile d’établir, selon la prépondérance de la preuve, qu’il existe une possibilité sérieuse de persécution dans tout le pays, y compris dans la région où il est allégué qu’il existe une PRI […].Bien que M. Abiona ait expliqué pourquoi Port Harbour n’était pas une PRI viable, il n’a présenté aucun élément de preuve établissant pourquoi il ne pourrait pas vivre en sécurité à Ibadan, outre sa déclaration générale suivant laquelle il ne serait en sécurité nulle part au Nigeria.

 

 

[28]           En fin de compte, ce n’est pas que la SPR a fait abstraction d’éléments de preuve importants, les a mal énoncés ou les a mal compris. La SPR n’a tout simplement pas retenu le point de vue et les éléments de preuve du demandeur expliquant pourquoi il ne disposait d’aucune PRI raisonnable ou viable au Nigeria et a plutôt fondé ses conclusions sur la preuve objective. Il ressort clairement des motifs que la SPR a examiné en profondeur la position du demandeur, et elle y explique pourquoi il est préférable de retenir d’autres éléments de preuve. Le demandeur se dit maintenant en désaccord avec les conclusions de la SPR. Toutefois, un désaccord ne constitue pas en soi un motif de contrôle judiciaire. Voir Abdollahzadeh c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 1310, au paragraphe 29, et Deol c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 406, aux paragraphes 70 et 71. À l’encontre de la preuve objective, le demandeur affirme que sa communauté et sa famille le retrouveront n’importe où au Nigeria. Il ressort de la jurisprudence de la Cour que, comme l’a souligné la juge Mactavish dans la décision Abiona, précitée, cette affirmation n’est pas suffisante pour rendre déraisonnables les conclusions de la SPR fondées sur des éléments de preuve objective.

[29]           Même si, à la lumière de la preuve, il aurait été raisonnable de souscrire au point de vue du demandeur, cela ne signifie pas que la décision relative à la PRI était déraisonnable. Voir Sinan c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 87, au paragraphe 11, et Medley c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 365, aux paragraphes 7 et 8. La décision à cet égard appartient aux issues décrites dans l’arrêt Dunsmuir et je ne puis intervenir même si je serais peut‑être parvenu à une conclusion différente au vu de la preuve.

[30]           Le second argument du demandeur, selon lequel la SPR a violé le principe d’[traduction] « équité naturelle », n’est pas du tout une question distincte. Le demandeur affirme que la SPR a reconnu sa crainte subjective mais [traduction] « a écarté l’ensemble du témoignage du demandeur et la preuve produite que la Commission avait jugés véridiques, en concluant que le demandeur disposait d’une PRI raisonnable ». Cependant, le demandeur n’a présenté aucun autre argument à cet égard. Il tente simplement de définir sa première question comme une question d’[traduction] « équité procédurale ». Tel qu’il ressort des motifs et du dossier, la SPR n’a pas fait abstraction du témoignage du demandeur relativement à la PRI. La SPR a reconnu les craintes subjectives du demandeur et a tenu compte de ses arguments quant à savoir pourquoi il n’y avait pas de PRI, puis a expliqué pourquoi elle ne pouvait pas souscrire à ce point de vue. La SPR a expressément fait référence à des éléments de preuve appuyant l’existence d’une PRI raisonnable et viable. Cette approche n’est entachée d’aucune erreur d’équité procédurale.

[31]           En résumé, je n’ai relevé aucune erreur susceptible de contrôle dans la décision. Je reconnais — à l’instar de la SPR — que le demandeur a véritablement des craintes subjectives, mais la crainte subjective ne constitue pas un motif suffisant pour justifier une demande d’asile aux termes de l’article 96 ou 97.

[32]           Les avocats conviennent qu’il n’y a aucune question à certifier et la Cour est du même avis.

 


JUGEMENT

 

LA COUR STATUE comme suit :

 

1.                  La demande est rejetée.

2.                  Il n’y a aucune question à certifier.

 

 

« James Russell »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Jenny Kourakos, LL.L.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                    IMM‑8566‑11

 

 

INTITULÉ :                                                  AGHAHOWA OBAZEE

 

                                                                        ‑   et   ‑

 

                                                                        LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                          Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                         Le 13 juin 2012

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                        LE JUGE RUSSELL

 

DATE DES MOTIFS :                                 Le 10 juillet 2012

 

 

COMPARUTIONS :

 

Mercy Dadepo

 

DEMANDEUR

 

Christopher Ezrin

 

DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Mercy Dadepo

Avocate

North York (Ontario)

 

DEMANDEUR

 

Myles J. Kirvan, c.r.

Sous‑procureur général du Canada

 

DÉFENDEUR

 

 

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