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Cour fédérale

 

Federal Court

 Date : 20120710


Dossier : IMM-6721-11

Référence : 2012 CF 872

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 10 juillet 2012

En présence de monsieur le juge Russell

 

 

ENTRE :

 

HANAAN MARIAN KAMBO

HANNAH MARIAMA KAMBO

SETH KAMBO

 

 

 

demandeurs

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

           MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

INTRODUCTION

[1]               La présente demande de contrôle judiciaire fondée sur le paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (la Loi), vise la décision en date du 15 septembre 2011 (la décision) par laquelle une agente d’immigration (l’agente) a refusé la demande de résidence permanente présentée au Canada pour motifs d’ordre humanitaire.

LE CONTEXTE

[2]               La demanderesse principale est citoyenne de la Sierra Leone; les demandeurs mineurs, soit sa fille, Hannah, et son fils, Seth, ont la citoyenneté de la Sierra Leone et celle des États‑Unis. À la date du dépôt de la demande de résidence permanente pour motifs humanitaires, le mari de la demanderesse principale (Samuel) vivait en Sierra Leone. La demanderesse principale et Samuel ont deux autres filles, Shaina – la jumelle d’Hannah – et Samantha, lesquelles vivaient aux États-Unis au moment du dépôt de la demande. Il appert du dossier certifié du tribunal (DCT) que tous les enfants vivent actuellement au Canada avec la demanderesse principale.

[3]               Avant de venir au Canada, les demandeurs habitaient aux États-Unis avec Samuel, Shaina et Samantha. Samuel avait été admis aux États-Unis en application d’un programme des Nations Unies qui accordait des visas d’étude et des permis de travail aux anciens membres du Conseil national provisoire en échange d’une cession paisible du pouvoir après un coup d’État en Sierra Leone. Au mois d’octobre 2006, les autorités de l’immigration aux États-Unis ont convoqué le couple en entrevue. Samuel a été arrêté, puis remis en liberté après une détention d’un an. Toute la famille est retournée en Sierra Leone après s’être fait refuser des cartes vertes.

[4]               Hannah est venue visiter ses grands‑parents au Canada le 16 mars 2009. Pendant sa visite, elle a été admise au Sick Kids Hospital le 26 mars 2009 pour anorexie mentale engageant le pronostic vital. Le 22 mai 2009, la demanderesse principale et Seth ont été admis au Canada en qualité de visiteurs. Ils voulaient apporter du soutien à Hannah pendant son traitement. Citoyenneté et Immigration Canada (CIC) a rencontré la demanderesse principale avant de lui accorder un visa de résidente temporaire (VRT), en 2009. Celle‑ci a alors déclaré qu’elle venait au Canada pour trois mois et qu’elle ramènerait ensuite ses deux filles en Sierra Leone. L’agent qui traitait la demande de VRT a inscrit dans ses notes que les deux autres enfants resteraient en Sierra Leone avec le mari.

[5]               Le 3 novembre 2009, la demanderesse principale a demandé la prolongation de son visa de visiteur, laquelle lui a été refusée pour non‑paiement des droits à l’égard des trois enfants inclus dans la demande.

[6]               Les demandeurs ont attendu jusqu’au 6 mai 2010 pour régulariser leur situation au Canada. Ils ont alors présenté une demande de résidence permanente pour motifs humanitaires, laquelle reposait principalement sur la poursuite du traitement dont Hannah avait besoin pour son anorexie. La demanderesse a aussi invoqué leur établissement au Canada et l’intérêt supérieur des demandeurs mineurs à titre de facteurs positifs.

[7]               L’agente a examiné la demande pour motifs humanitaires, et elle l’a rejetée le 15 septembre 2011. Elle a fait connaître sa décision aux demandeurs dans une lettre en date du 16 septembre 2011 (la lettre de refus).

LA DÉCISION SOUMISE AU CONTRÔLE

Établissement au Canada

[8]               Selon l’agente, l’établissement des demandeurs au Canada n’était pas suffisant pour justifier une dispense pour motifs humanitaires. Les demandeurs n’avaient pas établi si les enfants étaient inscrits à l’école ni fourni d’éléments de preuve démontrant que la demanderesse principale était bénévole à l’école de son fils, ainsi qu’elle l’affirmait. Considérant que les demandeurs mineurs pouvaient fréquenter l’école au Canada ou aux États-Unis, l’agente a estimé qu’aucun élément de preuve convaincant établissant que l’un ou l’autre des enfants mineurs allait à l’école n’avait été fourni.

[9]               L’agente a indiqué qu’un agent des visas avait conseillé la demanderesse lorsqu’elle avait été autorisée à venir au Canada et lui avait dit qu’elle devait se conformer au Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227 (le Règlement). Relevant que le défendeur avait retourné la demande de renouvellement de visa de la demanderesse principale en 2009 pour non-paiement des droits, l’agente a conclu que celle‑ci n’avait pas démontré qu’elle pouvait se conformer au Règlement et suivre des directives, un facteur qui intervenait dans la demande pour motifs humanitaires.

[10]           Les demandeurs n’avaient pas non plus fourni de preuve de la date à laquelle Hannah était entrée au Canada ni de preuve de son statut ici. Bien qu’une note d’un médecin d’Hannah indiquât que la présence de la mère était nécessaire au traitement de l’anorexie d’Hannah, l’agente a estimé que les demandeurs avaient joui d’un privilège par suite d’un geste humanitaire. Il s’agissait d’un facteur pertinent, mais non crucial, bien que l’agente lui ait donné un poids important. Les demandeurs n’avaient pas démontré qu’Hannah ne pouvait être traitée aux États-Unis. La demanderesse principale avait déclaré à l’agent des visas chargé de la demande de VRT qu’elle partirait avec ses enfants à la fin de son séjour de trois mois. L’agente a estimé qu’il n’y aurait pas de séparation si la demanderesse principale n’obtenait pas de dispense pour motifs humanitaires.

[11]           Selon l’agente, le fait qu’Hannah était venue au Canada et que la demanderesse principale était ensuite venue la retrouver indiquait que cette dernière avait laissé Hannah à la période la plus critique de son anorexie mentale. L’agente a également conclu qu’Hannah n’avait pas été admise légalement au Canada puisque son passeport portait un timbre d’entrée aux États‑Unis daté du 16 mars 2009.

[12]           Lors de l’entrevue pour l’obtention du VRT, la demanderesse principale a déclaré que deux de ses enfants vivaient en Sierra Leone. L’agente a conclu que deux des enfants étaient au Canada et deux, aux États-Unis, et qu’il n’y en avait aucun en Sierra Leone. Les enfants de la demanderesse principale possédant la citoyenneté américaine, ils pouvaient vivre aux États-Unis s’ils le voulaient. L’agente a reconnu qu’il serait difficile pour la demanderesse principale d’être séparée d’Hannah si cette dernière allait vivre aux États-Unis, mais a fait remarquer que la demanderesse était déjà séparée de Shaina et Samantha, qui vivaient aux États-Unis.

Soins de santé

[13]           L’agente a relevé qu’Hannah avait été hospitalisée au Canada après avoir cessé de s’alimenter pendant qu’elle était en visite chez ses grands‑parents. La demanderesse principale avait obtenu un VRT l’autorisant à séjourner au Canada parce que l’un des médecins traitants lui avait demandé de venir afin d’aider à la guérison d’Hannah. L’agente a accordé un poids important à la maladie d’Hannah, mais elle a aussi jugé que rien n’indiquait qu’Hannah ne pourrait recevoir des soins équivalents aux États‑Unis. S’appuyant sur ses propres recherches indiquant qu’il y avait un hôpital moderne à Warren (Michigan) – où habitaient Shaina et Samantha – elle a conclu qu’Hannah avait droit à des services médicaux aux États‑Unis. Selon elle, en outre, la preuve documentaire n’établissait pas qu’Hannah suivait des séances de counselling au Canada, malgré la déclaration contraire des demandeurs.

[14]           L’agente a pris en compte la preuve émanant des médecins traitants d’Hannah et l’effet préjudiciable qu’un renvoi en Sierra Leone aurait sur la santé de cette dernière, mais elle a aussi indiqué que les médecins semblaient ignorer qu’Hannah était une citoyenne américaine et qu’elle avait deux sœurs qui vivaient aux États-Unis. Elle a accordé un poids important aux problèmes de santé d’Hannah mais a estimé qu’il n’existait pas de preuve suffisante que celle‑ci ne pourrait être traitée aux États-Unis.

Intérêt supérieur de l’enfant

[15]           L’agente a conclu que tous les enfants de la demanderesse principale étaient inscrits à l’école en Sierra Leone en 2008, de sorte qu’ils pourraient continuer à étudier dans ce pays s’ils y retournaient. Ils pourraient également continuer à étudier aux États-Unis, s’ils le voulaient, puisqu’ils étaient citoyens américains. Les demandeurs n’avaient donc pas prouvé que les enfants éprouveraient des problèmes d’accès à l’éducation; ce facteur a pesé beaucoup dans la décision.

[16]           L’agente a tenu compte de la preuve médicale selon laquelle Hannah ne pourrait être traitée en Sierra Leone mais elle a considéré que la jeune fille, étant citoyenne américaine, pourrait bénéficier aux États-Unis des mêmes services qu’au Canada. Elle n’a donc pas été convaincue que l’anorexie mentale d’Hannah ne pouvait être traitée qu’au Canada.

[17]           L’agente a accordé beaucoup de poids au facteur de la citoyenneté américaine des demandeurs mineurs. Elle a reconnu que, bien qu’il s’agisse d’un choix difficile, il fallait que la demanderesse principale décide si elle ramenait Hannah en Sierra Leone ou si elle l’envoyait aux États-Unis. Les demandeurs n’avaient pas démontré, selon elle, qu’Hannah ne pouvait vivre aux États-Unis sans sa mère, et rien n’empêchait la demanderesse principale de redemander un visa pour les États-Unis; sa demande antérieure avait été refusée à cause de Samuel. Les demandeurs n’avaient pas démontré que la demanderesse principale devait rester au Canada pour s’occuper de ses enfants.

Autres facteurs

[18]           L’agente a relevé que Samuel avait demandé un visa de visiteur au mois de novembre 2010, lequel lui avait été refusé, mais qu’il avait obtenu un visa le 20 juillet 2011 après avoir prouvé qu’il pouvait subvenir aux besoins de sa famille. Selon les déclarations faites aux autorités de l’immigration, tous les enfants se trouvaient au Canada, mais aucun élément de preuve n’étayait ces affirmations. La demande de visa portait également que deux des enfants vivaient avec lui en Sierra Leone. L’agente a attribué un poids important à l’irrégularité de la situation des demandeurs mineurs au Canada. Elle n’était pas convaincue que Samuel pourrait continuer à subvenir aux besoins de sa famille au Canada; son travail étant en Sierra Leone, il ne pourrait envoyer d’argent aux siens s’il s’installait ici.

            Conclusion

[19]           L’agente a conclu que les difficultés qu’occasionnerait le refus de la demande pour motifs humanitaires ne constitueraient pas des difficultés inhabituelles et injustifiées ou excessives, et que les considérations d’ordre humanitaire n’étaient pas suffisantes pour entraîner une décision positive sous le régime du paragraphe 25(1).

LES QUESTIONS LITIGIEUSES

[20]           Les demandeurs soulèvent les questions suivantes :

a.                   la décision est‑elle raisonnable;

b.                  l’agente a-t-elle porté atteinte au droit à l’équité procédurale en s’appuyant sur une preuve extrinsèque?

 

NORME DE CONTRÔLE

[21]           Dans Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, la Cour suprême du Canada a statué qu’il n’est pas toujours nécessaire de procéder à une analyse de la norme de contrôle. Lorsque la jurisprudence établit déjà de manière satisfaisante la norme de contrôle applicable à la question dont elle est saisie, la cour de révision peut l’adopter; c’est seulement lorsque la recherche jurisprudentielle ne porte pas fruit qu’elle doit examiner les quatre facteurs que comporte l’analyse relative à la norme de contrôle.

[22]           Il est établi que la norme de contrôle applicable à la décision d’un agent en matière humanitaire est celle de la raisonnabilité. Baker c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 RCS 817, pose qu’il faut « faire preuve d’une retenue considérable envers les décisions d’agents d’immigration exerçant les pouvoirs conférés par la loi, compte tenu de la nature factuelle de l’analyse, de son rôle d’exception au sein du régime législatif, du fait que le décideur est le ministre, et de la large discrétion accordée par le libellé de la loi » (paragraphe 62). En outre, la Cour d’appel fédérale a statué, dans Kisana c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CAF 189, au paragraphe 18, que les décisions en matière humanitaire sont contrôlées suivant la norme de la raisonnabilité. C’est donc cette norme qui s’applique à la première question.

[23]           Lorsqu’une décision est examinée selon la norme de la raisonnabilité, l’analyse s’attache à « la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » (voir Dunsmuir, précité, au paragraphe 47, et Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12, au paragraphe 59. Autrement dit, la Cour devrait intervenir seulement si la décision est déraisonnable au sens où elle n’appartient pas « aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit ».

[24]           Relevant de l’obligation d’équité, la question de savoir si l’agente a donné aux demandeurs la possibilité de répondre à des éléments de preuve extrinsèque appelle l’application de la norme de la décision correcte. On peut lire, au paragraphe 100 de S.C.F.P. c Ontario (Ministre du Travail), 2003 CSC 29, « [i]l appartient aux tribunaux judiciaires et non au ministre de donner une réponse juridique aux questions d’équité procédurale ». La Cour d’appel fédérale a en outre statué dans Sketchley c Canada (Procureur général), 2005 CAF 404, au paragraphe 53, que « [l]a question de l’équité procédurale est une question de droit. Aucune déférence n’est nécessaire. Soit le décideur a respecté l’obligation d’équité dans les circonstances propres à l’affaire, soit il a manqué à cette obligation ». La norme de contrôle applicable à la seconde question est donc celle de la décision correcte.

DISPOSITIONS LÉGISLATIVES APPLICABLES

[25]           Voici la disposition applicable en l’espèce :

25. (1) Le ministre doit, sur demande d’un étranger se trouvant au Canada qui est interdit de territoire ou qui ne se conforme pas à la présente loi, et peut, sur demande d’un étranger se trouvant hors du Canada, étudier le cas de cet étranger; il peut lui octroyer le statut de résident permanent ou lever tout ou partie des critères et obligations applicables, s’il estime que des considérations d’ordre humanitaire relatives à l’étranger le justifient, compte tenu de l’intérêt supérieur de l’enfant directement touché.

25. (1) The Minister must, on request of a foreign national in Canada who is inadmissible or who does not meet the requirements of this Act, and may, on request of a foreign national outside Canada, examine the circumstances concerning the foreign national and may grant the foreign national permanent resident status or an exemption from any applicable criteria or obligations of this Act if the Minister is of the opinion that it is justified by humanitarian and compassionate considerations relating to the foreign national, taking into account the best interests of a child directly affected.

 

ARGUMENTS

Les demandeurs

            Intérêt supérieur de l’enfant

[26]           La décision est déraisonnable parce que l’agente n’a pas examiné si la maladie d’Hannah pouvait être traitée en Sierra Leone. L’agente a présumé que les demandeurs retourneraient aux États-Unis, ce qui l’a empêché d’examiner s’il existait une possibilité de traitement en Sierra Leone, le seul endroit où la demanderesse principale et ses enfants peuvent tous résider ensemble. Elle n’a pas tenu compte de la preuve émanant des médecins d’Hannah, indiquant que cette maladie ne pouvait être traitée en Sierra Leone et qu’Hannah avait besoin du soutien de sa mère pour guérir. Elle a tenu pour acquis que les demandeurs seraient séparés, mais le soutien de la demanderesse principale dont Hannah avait besoin interdisait pareille supposition. Elle ne s’est pas montrée réceptive, attentive et sensible à l’intérêt supérieur d’Hannah comme le prescrit l’arrêt Baker, précité.

[27]           Relativement à l’intérêt supérieur d’Hannah, l’agente a commencé son analyse dans la perspective d’un renvoi du Canada. Elle a uniquement examiné si Hannah pouvait être traitée aux États-Unis sans envisager la possibilité que celle‑ci puisse demeurer au Canada.

[28]           L’analyse de l’agente relative à l’intérêt supérieur des demandeurs mineurs était également déraisonnable parce qu’elle faisait intervenir des facteurs non pertinents. L’agente a considéré le statut des demandeurs mineurs au Canada et le fait qu’ils étaient autorisés à étudier ici, alors qu’aucun de ces facteurs ne se rapportait à leur intérêt supérieur. De plus, il n’était pas raisonnable de faire mention de la possibilité que les demandeurs mineurs aillent rejoindre leurs sœurs aux États-Unis, puisque ces dernières n’y étaient plus. L’agente aurait dû savoir que Shaina et Samantha n’étaient pas aux États-Unis, parce que les demandeurs l’avaient informée par lettre le 9 août 2011 qu’elles les avaient rejoints au Canada.

[29]           En outre, la conclusion de l’agente qu’Hannah pourrait vivre à Warren (Michigan) ne reposait sur aucun élément de preuve. Il s’agit d’une supposition, ce qui rend la décision déraisonnable sur ce point.

Manquement à l’équité procédurale

[30]           L’agente a pris en compte des éléments de preuve extrinsèque sans en informer les demandeurs, portant ainsi atteinte à leur droit à l’équité procédurale. Elle a tenu compte des notes de l’entrevue avec l’agent des visas tenue en 2009 et a mentionné le défaut de cette dernière de renouveler son visa au Canada. Elle s’est également appuyée sur ses propres recherches au sujet des services hospitaliers existant à Warren (Michigan) où, suivant la demande pour motifs humanitaires, vivaient Shaina et Samantha. Elle a également présumé que Samuel vivait au Canada, alors que ce n’était pas le cas.

[31]           L’agente avait l’obligation de faire connaître aux demandeurs la preuve extrinsèque examinée et de leur donner l’occasion de formuler des commentaires. Elle ne l’a pas fait, les privant ainsi de la possibilité de fournir une réponse à cette preuve et portant atteinte à leur droit à l’équité procédurale. Voir Williams c Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2010 CF 274, aux paragraphes 52 à 55, et Scarlett c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) 2008 CF 1051.

Le défendeur

[32]           La décision est raisonnable, et l’agente n’a commis aucune erreur dans l’appréciation de l’intérêt supérieur des enfants. Il incombe aux auteurs de demandes pour motifs humanitaires de présenter une preuve suffisante des difficultés, et les demandeurs ne se sont pas acquittés de ce fardeau de preuve en l’espèce. La décision Velasquez Perez c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 1336, établit que simples affirmations relatives à l’existence de difficultés ne sont pas suffisantes et, suivant Buio c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 157, les demandes pour motifs humanitaires doivent être appuyées par des éléments de preuve.

[33]           L’agente s’est montrée réceptive, attentive et sensible à l’intérêt supérieur d’Hannah, et elle a procédé à une pondération de cet intérêt et des autres facteurs en jeu dans la demande pour motifs humanitaires. Le critère applicable à ces demandes n’est pas de savoir si l’on peut obtenir des soins de santé supérieurs ou moins chers au Canada. Voir Bichari c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 127, au paragraphe 28. Il a été établi dans Legault c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CAF 125, que l’intérêt supérieur de l’enfant n’est pas nécessairement déterminant pour l’issue d’une demande pour motifs humanitaires, même lorsqu’il favorise le maintien au Canada. Les demandeurs n’ont pas démontré la non‑disponibilité d’un traitement aux États-Unis. L’agente pouvait conclure que l’intérêt supérieur d’Hannah ne résidait pas dans l’octroi d’une dispense pour des motifs d’ordre humanitaire.

[34]           Le recours à des éléments de preuve extrinsèque ne constitue pas une erreur susceptible de contrôle. L’agente a conclu que les demandeurs n’avaient pas prouvé que le traitement n’était pas disponible aux États-Unis. Rosenberry c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 521, établit qu’un agent peut rejeter une demande pour motifs humanitaires lorsqu’elle procède simplement du fait que le demandeur préfère le système de santé canadien. L’agente a soupesé tous les facteurs positifs afférents à la demande pour motifs humanitaires, et la Cour ne devrait pas intervenir.

La réponse des demandeurs

[35]           La décision Bichari, précitée, se distingue de la présente espèce parce qu’il s’agissait d’une affaire d’interdiction de territoire pour raison médicale et parce que la question soulevée était celle de l’abordabilité des soins de santé, tandis que c’est leur disponibilité qui est en cause ici. L’agente disposait d’éléments de preuve établissant qu’il n’existait pas de traitement pour l’anorexie mentale en Sierra Leone. Les autres décisions invoquées par le défendeur à l’appui de l’argument que la santé n’est pas un facteur entrant dans l’examen des demandes pour motifs humanitaires ne s’appliquent pas ici parce qu’elles concernent le report de renvoi, non une dispense pour motifs d’ordre humanitaire.

[36]           Au lieu d’évaluer les difficultés qu’entraînerait un renvoi en Sierra Leone, où la maladie d’Hannah ne pouvait être traitée, l’agente a examiné si Hannah pouvait être traitée aux États‑Unis. La demanderesse principale étant sans statut aux États‑Unis, elle ne pouvait y être auprès d’Hannah. La preuve soumise à l’agente indique que la présence de la demanderesse principale est nécessaire à la guérison d’Hannah, or ce n’est qu’au Canada ou en Sierra Leone qu’elles peuvent être ensemble, de sorte que l’agente devait examiner si Hannah pouvait être soignée en Sierra Leone. Elle n’a pas pris cela en considération optant plutôt pour l’examen de la possibilité de soins aux États‑Unis. Cela rend sa décision déraisonnable.

[37]           Le défendeur invoque l’absence de preuve relative à la possibilité de traitement aux États‑Unis, mais les demandeurs affirment qu’ils n’ont pas présenté de preuve sur ce point parce qu’ils ne peuvent être ensemble aux États‑Unis.

ANALYSE

[38]           Dans Williams c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 166, aux paragraphes 58 à 67, j’ai exposé ce que l’agent saisi d’une demande pour motifs humanitaires devait garder à l’esprit lorsqu’il analyse l’intérêt supérieur de l’enfant :

Il est de jurisprudence constante que l’agent doit être « réceptif, attentif et sensible » à l’intérêt supérieur de l’enfant et qu’il ne doit pas « minimiser » l’intérêt supérieur de l’enfant susceptible d’être touché par sa décision.

 

Notre Cour a également bien précisé que l’obligation d’être « réceptif, attentif et sensible » à l’intérêt supérieur de l’enfant est distincte de l’analyse de la norme des difficultés « inhabituelles et injustifiées ou démesurées ». Ainsi que le juge Robert Barnes l’a déclaré dans le jugement Shchegolevich c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 527, au paragraphe 12 :

 

Il est clair que l’agente a commis une erreur en exigeant que M. Shchegolevich démontre que les effets préjudiciables de son renvoi sur son épouse et son beau‑fils seraient inhabituels et injustifiés ou excessifs. La norme ne s’applique qu’aux difficultés éprouvées par un demandeur qui doit présenter une demande à partir de l’étranger; elle ne s’applique pas à l’appréciation de l’intérêt supérieur d’un enfant touché par le renvoi d’un parent.

 

Dans le même ordre d’idées, notre Cour a déclaré ce qui suit dans la décision Arulraj, ci‑dessus, au paragraphe 14 :

 

[…] Les mots semblables que l’on trouve dans les Directives IP5, à savoir « inhabituelles », « injustifiées » ou « excessives », sont utilisés à propos de l’intérêt pour un demandeur de rester au Canada pour des motifs d’ordre humanitaire, plutôt que de devoir solliciter le droit d’établissement depuis l’étranger. Il est fautif d’intégrer de telles normes dans la décision portant sur l’existence de considérations humanitaires, du moins dans la partie de cette décision qui concerne l’intérêt des enfants. Cette précision est faite dans l’arrêt Hawthorne c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2003] 2 C.F. 555, 2002 CAF 475 (C.A.F.), au paragraphe 9, où le juge Robert Décary écrivait que « le concept de “difficultés injustifiées” n’est pas approprié lorsqu’il s’agit d’évaluer les difficultés auxquelles s’exposent les enfants innocents. Les enfants méritent rarement, sinon jamais, d’être exposés à des difficultés ».

 

Dans la décision récente Mangru, ci‑dessus, notre Cour a réaffirmé qu’on aurait tort d’intégrer le critère des difficultés inhabituelles et injustifiées ou excessives dans l’analyse de l’intérêt supérieur des enfants. Se référant à la décision Arulraj, ci‑dessus, le juge O’Keefe a expliqué que c’était une erreur de droit que d’intégrer le critère des difficultés inhabituelles et injustifiées ou excessives dans l’analyse de l’intérêt supérieur des enfants.

 

Dans la décision Mangru, la Cour a conclu que, non seulement l’agente n’avait pas décrit correctement le critère servant à l’analyse de l’intérêt supérieur des enfants, mais qu’elle avait également minimisé les conséquences de la décision forçant les enfants à quitter le Canada pour accompagner leurs parents en Guyana. L’agente n’avait donc pas tenu compte, dans son analyse, de l’incidence de la décision sur l’intérêt supérieur des enfants, de sorte que son analyse était incorrecte tant sur la forme que sur le fond. La Cour a conclu que « [l]’application par l’agente de l’exigence des difficultés inhabituelles, injustifiées ou excessives transpire dans son analyse de l’intérêt supérieur des enfants et aboutit ainsi à une conclusion inappropriée […] » (au paragraphe 27.) On peut en dire autant de l’analyse à laquelle l’agent s’est livré en l’espèce.

 

Lorsqu’il analyse l’intérêt supérieur d’un enfant, l’agent doit d’abord déterminer en quoi consiste l’intérêt supérieur de l’enfant, en deuxième lieu, jusqu’à quel point l’intérêt de l’enfant est compromis par une décision éventuelle par rapport à une autre et, enfin, à la lumière de l’analyse susmentionnée, le poids que ce facteur joue lorsqu’il s’agit de trouver un équilibre entre les facteurs positifs et les facteurs négatifs dont il a été tenu compte lors de l’examen de la demande fondée sur des raisons d’ordre humanitaire.

 

Il n’existe pas de norme minimale en matière de besoins fondamentaux qui satisferait au critère de l’intérêt supérieur. De plus, il n’existe pas de critère minimal en matière de difficultés suivant lequel à un certain point dans l’échelle des difficultés et seulement à ce point pourrait‑on considérer que l’intérêt supérieur de l’enfant est « compromis » au point de justifier une décision favorable. La question n’est pas celle de savoir si l’enfant « souffre assez » pour que l’on considère que son « intérêt supérieur » ne sera pas « respecté ». À cette étape initiale de l’analyse, la question à laquelle il faut répondre est la suivante : « en quoi consiste l’intérêt supérieur de l’enfant? »

 

Par exemple, l’agent ne devrait pas mettre fin à son analyse de l’intérêt supérieur de l’enfant après avoir conclu que ce dernier ne souffre ni de mauvais traitement ni de malnutrition ou, comme dans la présente décision, qu’on ne lui a pas carrément refusé l’accès à des soins médicaux. Pour qu’on puisse conclure qu’il a été « réceptif, attentif et sensible » à l’intérêt supérieur de l’enfant, il faut que l’agent ait tenu compte de la situation de l’enfant en se plaçant du point de vue de l’enfant pour ensuite déterminer ce en quoi consiste l’intérêt supérieur de ce dernier.

 

Ainsi que la Cour d’appel fédérale l’a fait observer dans l’arrêt Hawthorne, et comme notre Cour l’a signalé également dans les décisions Arulraj et Shchegolevich, les enfants méritent rarement, sinon jamais, d’être exposés à quelque difficulté que ce soit. Par conséquent, l’application d’un critère relatif aux difficultés injustifiées ou inhabituelles ou une conception de l’analyse de l’intérêt supérieur qui reposerait sur une norme minimale en matière de « besoins fondamentaux » comme celle que l’agent a appliquée en l’espèce ne permet pas de répondre de façon satisfaisante – d’une manière qu’on peut qualifier de « réceptive, attentive et sensible » – à la question de savoir en quoi consiste l’intérêt supérieur de l’enfant.

 

L’intérêt supérieur de l’enfant n’est certainement pas le facteur déterminant dans le cas d’une demande fondée sur des raisons d’ordre humanitaire et il ne constitue qu’un des facteurs dont il faut tenir compte. Cependant, le fait d’exiger que certains des intérêts de l’enfant n’aient pas été « respectés » ou que l’enfant « souffre assez » pour que ce facteur milite en faveur de l’octroi d’une dispense, voire qu’il joue un rôle déterminant dans la décision, a également pour effet de contredire le principe bien établi suivant lequel l’agent doit être particulièrement réceptif, attentif et sensible aux conséquences que la décision aura en se plaçant du point de vue de l’enfant. De plus, une telle façon de procéder irait vraisemblablement à l’encontre de la directive formulée par la Cour suprême du Canada, selon laquelle cet élément est un facteur crucial à considérer lors de l’examen des demandes fondées sur des raisons d’ordre humanitaire, qui ne doit pas être minimisé.

 

 

[39]           En l’espèce, l’agente ne s’est pas prononcée sur l’intérêt supérieur d’Hannah. Dire que [traduction] « il n’a pas été prouvé que l’enfant ne pourrait habiter aux États‑Unis sans sa mère ... » n’est pas examiner l’intérêt supérieur de l’enfant, pas plus que ne l’est la conclusion que [traduction] « aucun des enfants ne paraît se trouver légalement au Canada ».

[40]           Il est reconnu que l’intérêt supérieur de l’enfant n’oblige pas nécessairement à accueillir une demande pour motifs humanitaires. Voir Kisana, précité, aux paragraphes 24 et 37. Toutefois, il ne peut y avoir pondération des divers facteurs en cause sans que l’intérêt supérieur de l’enfant ait été circonscrit. Il ne l’a pas été.

[41]           En outre, comme les demandeurs le soulignent, l’agente n’a pas tenu compte, dans son analyse de l’intérêt supérieur de l’enfant, du fait qu’Hannah avait besoin de la présence de sa mère pour survivre à son anorexie mentale et se rétablir.

[42]           La demande était accompagnée d’une lettre des médecins d’Hannah décrivant l’état de leur patiente lorsqu’elle a été hospitalisée :

[traduction] Pendant cette hospitalisation, la maladie d’Hannah avait atteint un stade de gravité tel que son organisme ne pouvait tolérer de nourriture, et il a fallu recourir à des méthodes diagnostiques complexes et à des traitements invasifs.

 

 

[43]           Il est devenu clair que chaque fois qu’Hannah obtenait son congé, son état se détériorait rapidement. Les médecins ont ainsi décrit son état :

[traduction] La maladie d’Hannah est très grave, et son état physique et psychologique se dégrade rapidement lorsqu’elle n’est pas hospitalisée. Elle a en conséquence été hospitalisée à trois reprises.

[44]           Les médecins ont aussi expliqué qu’Hannah avait besoin de l’appui de sa famille pour survivre à cette maladie qui pouvait être mortelle :

[traduction] L’anorexie mentale est une maladie grave à taux de morbidité ou de mortalité élevé. Toutefois, elle répond à un traitement intensif. Hannah aura besoin de beaucoup de soutien de sa famille pour se remettre, ainsi que d’un traitement médical et psychiatrique intensif. [Je souligne.]

 

 

[45]           Les docteurs ont également abordé la question de la possibilité de soigner l’anorexie mentale en Sierra Leone :

[traduction] Nous avons effectué des recherches au sujet des soins médicaux disponibles en Sierra Leone et dans les pays voisins et, actuellement, il n’y a personne en Sierra Leone ou dans la région qui ait la formation requise pour diagnostiquer et traiter une maladie de la gravité de celle dont Hannah souffre.

 

 

[46]           Toutefois, lorsqu’elle a évalué l’intérêt supérieur de l’enfant, l’agente a présumé qu’Hannah retournerait aux États‑Unis plutôt qu’en Sierra Leone. Ce faisant, elle n’a jamais examiné si Hannah pouvait être traitée en Sierra Leone :

[traduction] J’accorde un poids important à ce facteur, mais rien n’indique que l’enfant ne pourrait être traitée dans son pays, les États‑Unis […]

 

Je comprends qu’il lui serait difficile de ne pas être auprès de son enfant si cela se produit, mais elle est déjà séparée de ses deux autres enfants vivant aux États‑Unis […]

 

Toutefois, rien n’indique qu’Hannah Mariama ne pourrait obtenir les mêmes soins aux États‑Unis. J’ai vérifié la disponibilité de ces services à Warren, où ses deux sœurs vivent, et mes recherches indiquent qu’il y a un hôpital moderne à Warren où tous les soins pourraient être prodigués.

 

 

[47]           L’agente n’a pas tenu compte de l’avis des médecins selon lequel la présence de la mère d’Hannah était nécessaire à la guérison de sa fille :

[traduction] J’accorde un poids important au choix de la demanderesse, et je comprends qu’il s’agit d’une décision douloureuse, mais il n’a pas été prouvé que l’enfant ne pourrait habiter aux États‑Unis sans sa mère et, bien que les parents n’aient pas pu obtenir de carte verte en 2008, rien ne les empêche de soumettre une nouvelle demande [...] On n’a pas prouvé de façon satisfaisante que la demanderesse doit demeurer au Canada pour prendre soin de ses enfants.

 

 

[48]           L’argument des demandeurs selon lequel l’agente a omis à tort d’examiner si Hannah pouvait recevoir des traitements en Sierra Leone est bien fondé. L’agente n’a examiné que la possibilité de traitement à Warren, aux États‑Unis et, à cause de cela, elle ne s’est pas arrêtée à la question de la possibilité de traitement en Sierra Leone, en dépit de la mise en garde des médecins.

[49]           Je retiens également l’argument des demandeurs selon lequel l’agente avait l’obligation – compte tenu de l’opinion exprimée par les médecins au sujet de la nécessité du soutien parental pour le traitement efficace de la maladie – de prendre en considération l’effet qu’aurait son retour en Sierra Leone avec ses parents et la disponibilité des traitements médicaux dans ce pays. L’agente ne pouvait simplement présumer qu’il y aurait séparation. Il s’agit d’une enfant de quinze ans souffrant d’une maladie dont l’issue peut être fatale.

[50]           La demanderesse principale a décrit dans sa demande pour motifs humanitaires à quel point sa présence était nécessaire au traitement de sa fille :

[traduction] ... il n’a pas été facile d’être le seul parent à la soutenir dans les hauts et les bas et de faire partie de l’équipe de traitement, les médecins ayant fortement recommandé que je sois présente à tous les traitements pour la soutenir et l’encourager pendant qu’ils essaient de rétablir son poids et traiter sa dépression.

 

 

[51]           En définitive, l’agente n’a tout simplement pas évalué l’intérêt supérieur d’Hannah. Compte tenu de la preuve dont elle disposait, il était évident qu’Hannah avait besoin de la présence de sa mère et que cela n’était possible qu’au Canada ou en Sierra Leone. L’agent a commis une erreur en n’évaluant pas les conséquences qu’aurait le retour d’Hannah en Sierra Leone avec sa mère.

[52]           Si l’agente s’était montrée réceptive, attentive et sensible à l’intérêt supérieur d’Hannah, elle aurait pris en considération le rôle crucial de la demanderesse principale dans la thérapie de sa fille et le fait que la mère et la fille ne pouvaient être ensemble qu’en Sierra Leone. Elle aurait donc dû tenir compte de l’avertissement des médecins au sujet de l’absence de traitement en Sierra Leone ainsi que des répercussions qu’aurait le retour d’Hannah en Sierra Leone avec sa mère.

[53]           L’affirmation de l’agente que [traduction] « il n’a pas été prouvé que l’enfant ne pourrait habiter aux États‑Unis » est manifestement erronée étant donné la preuve qui avait été présentée. Et dire que [traduction] « bien que les parents n’aient pas pu obtenir de carte verte en 2008, rien ne les empêche de soumettre une nouvelle demande » ne permet pas de fermer les yeux sur cette erreur. La demanderesse principale peut présenter une nouvelle demande aux États‑Unis, mais quant à savoir si, comment et quand elle serait acceptée demeure entièrement conjectural. L’agente semble avoir pensé qu’Hannah pouvait être envoyée aux États‑Unis rejoindre ses sœurs de quatorze et dix-sept ans (qui n’y étaient pas), même si la preuve médicale indiquait que la présence de la mère était cruciale pour le traitement de la très grave maladie de sa fille. Cette conclusion est déraisonnable.

[54]           Ce n’est pas tout ce qu’il y a à redire à la décision, mais l’analyse relative à l’intérêt supérieur de l’enfant revêt une telle importance pour la conclusion générale qu’il y a lieu de renvoyer l’affaire pour nouvel examen pour ce seul motif.

[55]           Les deux avocats conviennent qu’il n’y a aucune question à certifier, et la Cour partage leur avis.

 


JUGEMENT

 

LA COUR STATUE que :

 

1.                  La demande est accueillie. La décision est annulée et l’affaire est renvoyée pour nouvel examen par un autre agent.

2.                  Il n’y a aucune question à certifier.

 

« James Russell »

Juge

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Ghislaine Poitras, LL.L., Trad. a.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-6271-11

 

INTITULÉ :                                      HANAAN MARIAN KAMBO,

                                                            HANNAH MARIAMA KAMBO

                                                            SETH KAMBO 

                                                            -   et   -

 

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                            ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :              Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE:              Le 13 juin 2012

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                            LE JUGE RUSSELL

 

DATE DES MOTIFS :                     Le 10 juillet 2012

 

 

COMPARUTIONS :

 

Richard Wazana                                                                                  DEMANDEURS

 

Kareena R. Wilding                                                                            DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Wazanalaw                                                                                          DEMANDEURS

Toronto (Ontario) 

 

Myles J. Kirvan, c.r.                                                                            DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

 

 

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