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Date : 20120705

Dossier : T‑1184‑10

Référence : 2012 CF 740

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 5 juillet 2012

En présence de monsieur le juge Zinn

 

 

ENTRE :

FOURNIER PHARMA INC. et
FOURNIER LABORATORIES IRELAND LTD.

 

demanderesses

 

et

 

LE MINISTRE DE LA SANTÉ,
ALKERMES PHARMA IRELAND LIMITED et
SANDOZ CANADA INC.

 

défendeurs

 

 

 

*MOTIFS PUBLICS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

(Motifs confidentiels du jugement et jugement rendus le 15 juin 2012)

 

Les instances relatives aux avis de conformité « ne constituent pas des actions touchant la validité ou la contrefaçon d’un brevet, mais […] sont de la nature d’instances en contrôle judiciaire, qui doivent être instruites avec célérité et qui visent à déterminer si le ministre peut délivrer l’avis de conformité demandé » : Apotex Inc c Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien‑être social), [1997] ACF no 1251 (CAF), au paragraphe 6.

 

Par ailleurs, comme l’instance n’a qu’une portée administrative et qu’elle n’aboutira pas à une décision définitive du type de celles qui sont rendues après un procès, il est raisonnable que la Cour exige des parties qu’elles se concentrent, dans leurs observations écrites et orales, sur les deux ou trois questions sérieuses et crédibles en litige. La présente instance ne doit pas être considérée par les parties comme une occasion de soumettre n’importe quoi au juge chargé d’instruire les demandes pour voir ce qui pourrait « marcher ».

 

Des motifs ont été rendus en même temps dans deux demandes connexes : T‑1184‑10, jugement 2012 CF 740, et T‑991‑10, jugement 2012 CF 741. Ces deux décisions concernent le fénofibrate, mais se rapportent chacune à un brevet différent. Elles résultent du fait que Sandoz Canada Inc. souhaite obtenir l’autorisation de commercialiser sa composition de fénofibrate au Canada. L’issue de l’une des demandes n’est pas déterminante pour celle de l’autre, quoique certaines questions de fond et de procédure sont communes dans les deux affaires.

Voici la table des matières.

TABLE DES MATIÈRES

 

                                                                                                                   PARAGRAPHE

 

APERÇU............................................................................................................................. 1

 

L’instance et son historique..................................................................................... 1

Le fardeau de la preuve........................................................................................... 9

Le médicament et le brevet 054............................................................................. 10

Le brevet 054......................................................................................................... 12

 

LA PREUVE..................................................................................................................... 13

 

Personne versée dans l’art...................................................................................... 15

Témoignage d’expert déposé par Fournier............................................................ 17

 

M. Fernando Muzzio (sur la contrefaçon)................................................. 17

M. Fernando Muzzio (sur la validité)........................................................ 23

 

Témoignage d’expert déposé par Sandoz.............................................................. 29

 

M. Grégoire Leclair.................................................................................... 29

M. Abu Serajuddin.................................................................................... 35

M. Isadore Kanfer..................................................................................... 41

M. Michael Mayersohn.............................................................................. 44

 

Preuve d’expert additionnelle................................................................................ 48

Contestations des avis d’experts........................................................................... 54

 

L’INTERPRÉTATION DU BREVET 054...................................................................... 68

 

Bioéquivalence et profil pharmacocinétique.......................................................... 70

Au moins un stabilisant de surface et exempt de phospholipides......................... 82

La composition se redisperse dans un milieu biologiquement pertinent................ 84

Taille des particules de fénofibrate dans la composition....................................... 88

Revendication 20................................................................................................... 93

Conclusion de l’interprétation du brevet 054........................................................ 98

 

CONTREFAÇON........................................................................................................... 102

 

ANTÉRIORITÉ.............................................................................................................. 134

 

ÉVIDENCE.................................................................................................................... 140

 

PORTÉE PLUS LARGE DES REVENDICATIONS/INUTILITÉ/PRÉDICTION VALABLE   148

 

DIVULGATION INSUFFISANTE............................................................................... 150

 

CONCLUSION.............................................................................................................. 152

 

 


 

APERÇU

L’instance et son historique

[1]               Fournier Pharma Inc. commercialise LIPIDIL EZ en comprimés de 48 mg et de 145 mg. L’ingrédient pharmaceutique actif de LIPIDIL EZ est le fénofibrate, une substance qui abaisse le taux de cholestérol LDL (le « mauvais » cholestérol) et augmente le taux de cholestérol HDL (le « bon » cholestérol) chez les patients.

 

[2]               Sandoz Canada Inc. (Sandoz) a demandé l’approbation du ministre de la Santé (le ministre) pour commercialiser Sandoz Fenofibrate E (le comprimé de Sandoz), sa version générique de LIPIDIL EZ. Dans sa présentation abrégée de drogue nouvelle (PADN) soumise au ministre, Sandoz mentionne LIPIDIL EZ [traduction] « pour la détermination des caractéristiques de bioéquivalence ou de biodisponibilité » du comprimé de Sandoz. Trois brevets sont inscrits au registre concernant LIPIDIL EZ : le brevet canadien 2,219,475 (le brevet 475), le brevet canadien 2,372,576 (le brevet 576) et le brevet canadien 2,487,054 (le brevet 054).

 

[3]               Le Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité), DORS/93‑133 (le Règlement sur les MBAC), modifié, prévoit que la personne qui sollicite un avis de conformité (AC) (Sandoz en l’espèce), que la législation désigne comme la « seconde personne », doit signifier un avis d’allégation à celle qui a déposé la présentation de drogue nouvelle dont il est fait mention dans sa PADN (Fournier Pharma Inc. en l’espèce), que la législation désigne comme la « première personne ».

 

[4]               Sandoz a signifié un avis d’allégation différent pour chacun des brevets susmentionnés. Fournier Pharma Inc. a introduit trois demandes distinctes devant la Cour et réclame dans chacune d’elles, aux termes du paragraphe 6(1) du Règlement sur les MBAC, une ordonnance interdisant au ministre de délivrer à Sandoz un AC relativement à ses comprimés oraux de fénofibrate de 48 mg et 145 mg avant l’expiration des brevets canadiens pertinents. Fournier Laboratories Ireland Ltd., cotitulaire du brevet 054, s’est jointe à Fournier Pharma Inc. à titre de demanderesse dans le cadre de la présente demande (elles seront collectivement désignées sous le nom de Fournier). Les trois demandes et les brevets en cause sont les suivants :

a.       dossier de la Cour T‑991‑10 déposé le 24 juin 2010, à l’égard du brevet 576;

b.      dossier de la Cour File T‑1054‑10 déposé le 30 juin 2010, à l’égard du brevet 475;

c.       dossier de la Cour T‑1184‑10 déposé le 22 juillet 2010, à l’égard du brevet 054.

 

[5]               Le 25 janvier 2012, Fournier s’est désistée de l’instance relative au dossier de la Cour T‑1054‑10. La demande relative au dossier de la Cour T‑1184‑10 a été entendue la semaine du 26 mars 2012, et celle qui se rapporte au dossier de la Cour T‑991‑10, la semaine suivante. Chaque demande a été entendue séparément; cependant, comme nous l’avons noté plus loin, une ordonnance rendue avant les audiences autorisait les parties à une instance à se référer à certains des éléments de preuve déposés dans le cadre de l’autre.

 

[6]               À moins que Fournier n’obtienne une ordonnance d’interdiction, il est défendu au ministre de délivrer un AC à Sandoz, et ce, jusqu’à vingt‑quatre (24) mois après l’introduction de la présente instance, c’est‑à‑dire jusqu’au 22 juillet 2012, à moins que la Cour ne déclare avant cette date le brevet 054 invalide, ou que l’une ou l’autre des conditions énoncées à l’alinéa 7(2)b) du Règlement sur les MBAC soit remplie.

 

[7]               Sandoz prétend que son comprimé ne contrefait pas le brevet 054 parce que la taille des particules de fénofibrate contenues dans le comprimé de Sandoz ne se situe pas dans la plage granulométrique établie dans les revendications du brevet 054. Elle fait également valoir que dans l’éventualité d’une contrefaçon, le brevet 054 est invalide.

 

[8]               La défenderesse Alkermes Pharma Ireland Limited (Alkermes), cotitulaire du brevet 054, a déposé un dossier durant l’instance, mais n’a pas soumis de mémoire des faits et du droit ni d’observations orales. Son avocat a assisté à l’audience.

 

Le fardeau de la preuve

[9]               Le paragraphe 43(2) de la Loi sur les brevets, LRC 1985, c P‑4, prévoit que, « sauf preuve contraire », le brevet délivré est présumé valide. Si, lors d’une instance régie par le Règlement sur les MBAC, un élément de preuve au dossier est susceptible d’établir, s’il est accepté, l’invalidité du brevet, il incombe à la demanderesse de démontrer, selon la prépondérance des probabilités (la norme civile), que les allégations d’invalidité ne sont pas fondées : Abbott Laboratories c Canada (Ministre de la Santé), 2007 CAF 153. En l’espèce, le dossier contient un tel élément de preuve; par conséquent, la Cour doit se demander si Fournier a prouvé, selon la prépondérance des probabilités, que l’ensemble des allégations soulevées par Sandoz ne sont pas fondées.

 

Le médicament et le brevet 054

[10]           On sait que le fénofibrate réduit le taux de mauvais cholestérol dans le sang et le risque de crise cardiaque; toutefois, le médicament pose deux problèmes cruciaux. Premièrement, il est presque insoluble dans l’eau. Par conséquent, le patient doit prendre de fortes doses pour qu’une quantité efficace de fénofibrate puisse se retrouver dans la circulation sanguine. Deuxièmement, les propriétés pharmacocinétiques (absorption et distribution) du fénofibrate varient selon que le patient prend le médicament à jeun ou non. Le fénofibrate est mieux absorbé lorsqu’il est administré avec de la nourriture, en particulier avec des aliments gras. M. Mayersohn a qualifié de « diabolique » le fait qu’on demande au patient de prendre du fénofibrate avec des aliments gras alors qu’il doit au contraire éviter ce type d’aliments puisqu’on lui demande par ailleurs de suivre un régime pauvre en cholestérol. Le brevet 054 concerne le problème de la bioéquivalence à jeun ou avec prise de nourriture.

 

[11]           Le mémoire descriptif du brevet 054, intitulé « Préparations de fibrate nanoparticulaire », fait état de ces problèmes et indique que [traduction] « la présente invention répond à ces besoins ». On y explique ceci :

[traduction] Étant donné que les fibrates, notamment le fénofibrate, sont si insolubles dans l’eau, une biodisponibilité importante peut s’avérer problématique. De plus, les préparations classiques de fibrate, notamment le fénofibrate, présentent des effets radicalement différents selon que le patient est à jeun ou non. Enfin, avec les préparations classiques de fibrate, notamment le fénofibrate, il faut avoir recours à des doses relativement fortes pour obtenir les effets thérapeutiques souhaités. Il y a un besoin dans le domaine pour des préparations de fibrate nanoparticulaire qui permettent de surmonter ces problèmes et d’autres problèmes associés aux anciennes préparations classiques de fibrate sous forme microcristalline. La présente invention répond à ces besoins.

 

Le brevet 054

[12]           Selon Fournier, le comprimé de Sandoz contrefait deux séries distinctes de revendications : [traduction] « a) les revendications 10, 27, 28 et 38, puisqu’elles dépendent des revendications 1 à 3; et b) la revendication 20, qui viserait expressément le comprimé de Sandoz de 145 mg ». Les revendications pertinentes du brevet 054 sont reproduites à l’annexe A.

 

LA PREUVE

[13]           La présentation de la preuve a été partiellement inversée : Fournier et Alkermes ont d’abord produit leur preuve sur la contrefaçon et leur preuve factuelle sur l’invalidité. Sandoz a ensuite soumis l’ensemble de sa preuve relative à la demande, puis Fournier et Alkermes ont produit en réponse leur preuve d’expert sur l’invalidité.

 

[14]           Fournier a déposé deux affidavits, tous deux souscrits par l’expert qu’elle a présenté, M. Fernando Muzzio : le premier concerne la question de la contrefaçon et le second, les questions qui touchent à l’invalidité. Alkermes a produit deux affidavits : le premier a été fait sous serment par M. Stephen B. Ruddy, l’un des inventeurs mentionnés dans le brevet 054, et l’autre par M. Cory J. Berkland, qui a effectué des essais de dissolution sur les comprimés de Sandoz. Pour sa part, Sandoz a soumis les affidavits souscrits par les quatre experts qu’elle a présentés : MM. Grégoire Leclair, Abu Serajuddin, Isadore Kanfer et Michael Mayersohn. Elle a aussi déposé l’affidavit de Deborah Zak, technicienne juridique, auquel elle a joint en pièces les antériorités citées par Sandoz dans son avis d’allégation, ainsi que l’affidavit de Christoph Heinemann, technicien juridique, attestant que des échantillons de comprimés de Sandoz ont été livrés à Fournier et à Alkermes. Comme nous le verrons plus loin, Sandoz exhortait la Cour à tirer une inférence défavorable du fait que Fournier n’a soumis aucun résultat d’essai sur les comprimés de Sandoz qui lui avaient été fournis.

 

Personne versée dans l’art

[15]           Identifier la personne versée dans l’art revient à définir la personne ou le groupe de personnes à qui le brevet est destiné. Cette personne peut donc apporter son assistance à la Cour, qui est peu susceptible de bien connaître le domaine auquel se rapporte le brevet. Cependant, cette assistance est limitée, comme le faisait remarquer le juge Hughes dans Merck & Co c Pharamscience Inc, 2010 CF 510, au paragraphe 70 :

Les experts peuvent aider la Cour de deux manières : premièrement, ils peuvent la renseigner sur les connaissances que la personne versée dans l’art aurait possédées à l’époque pertinente, de manière à ce que ces connaissances soutiennent la lecture à la fois de la description et des revendications; deuxièmement, l’expert peut aider à expliquer les termes techniques qui ne font pas partie de l’expérience que la Cour est censée posséder.

 

[16]           L’expert de Fournier, M. Fernando Muzzio, atteste que la personne versée dans l’art [traduction] « aurait un doctorat en sciences pharmaceutiques ainsi qu’une à trois années d’expérience dans le domaine de la formulation de produits pharmaceutiques. Subsidiairement, cette personne pourrait avoir une maîtrise en sciences pharmaceutiques et cinq à sept années d’expérience dans le domaine de la formulation de produits pharmaceutiques ». Cette description de la personne versée dans l’art en l’espèce n’est pas bien différente de celle qu’ont proposée les experts de Sandoz, et j’accepte qu’il s’agit là de l’énoncé des qualités de la personne versée dans l’art. La même description a été acceptée dans le dossier T‑991‑10.

 

Témoignage d’expert déposé par Fournier

M. Fernando Muzzio (sur la contrefaçon)

[17]           M. Muzzio est titulaire d’un baccalauréat en génie chimique de l’Université de Mar del Plata, en Argentine, et d’un doctorat en génie chimique de l’Université du Massachusetts. Il est professeur de génie chimique de niveau II à l’Université Rutgers et donne un cours intitulé Opérations unitaires pharmaceutiques, qui comprend des conférences sur la réduction de la taille des particules et le broyage. Il dirige une équipe d’environ 130 personnes au National Science Foundation Engineering Research Center (NSFERC), où il supervise des projets portant, en partie, sur la stabilisation nanoparticulaire des produits pharmaceutiques. Dans le cadre du programme de mentorat en industrie du NSFERC, il interagit et collabore étroitement avec 120 autres représentants. Il est également directeur du programme national de formation en sciences, génie et recherche dans le domaine du génie nanopharmaceutique à l’Université Rutgers. M. Muzzio donne également des cours à l’intention de l’industrie et des organismes de réglementation comme la Food and Drug Administration américaine, en plus d’être l’auteur d’environ 200 articles et chapitres d’ouvrages scientifiques évalués par les pairs sur des sujets portant notamment sur les principes élémentaires du mélange des poudres, ainsi que sur le mélange et la ségrégation des poudres dans des mélangeurs à tambour.

 

[18]           Dans son affidavit sur la contrefaçon, M. Muzzio mentionne que l’allégation de Sandoz selon laquelle le comprimé de Sandoz ne contreferait aucune des revendications du brevet 054 est erronée. Il donne son interprétation des revendications du brevet 054 et souligne que la seule allégation de non‑contrefaçon de Sandoz relative aux revendications 1 à 3 et 24 à 31 est la suivante :

[traduction] La dispersion utilisée pour préparer les comprimés de Sandoz avant la formulation en une forme pharmaceutique solide (le comprimé) renferme des particules qui ne sont pas du fénofibrate à proprement parler et/ou qui n’entrent pas dans les plages granulométriques revendiquées. De plus, une fois formulés et sous leur forme pharmaceutique définitive, les comprimés de Sandoz ne renferment pas de particules de fénofibrate à proprement parler se situant dans la plage granulométrique revendiquée.

 

[19]           M. Muzzio examine le procédé de fabrication du comprimé de Sandoz et renvoie à divers tableaux et données figurant dans la PDAN de Sandoz concernant la granulométrie du fénofibrate. Selon lui, il ne fait aucun doute que la taille des particules de fénofibrate du comprimé de Sandoz se situe à l’intérieur des plages revendiquées du brevet 054. Enfin, il souligne qu’il n’y aucune étape de fabrication […]

[…]

[…] de telle sorte que les comprimés de Sandoz, une fois formulés et sous leur forme pharmaceutique définitive, ne renferment pas de particules de fénofibrate à proprement parler situées dans la plage de distribution granulométrique revendiquée.

 

[20]           M. Muzzio répond à l’allégation de Sandoz selon laquelle les revendications 13 à 16 ne sont pas contrefaites parce que la méthode utilisée pour mesurer le Tmax n’est pas définie dans le brevet 054, en soulignant que ce Tmax aurait pu être mesuré dans le cadre d’une procédure bien connue en mai 2004.

 

[21]           Pour répondre à l’allégation de Sandoz selon laquelle les revendications 34 à 38 ne seraient pas contrefaites parce que le comprimé de Sandoz n’a pas la dissolution requise, M. Muzzio fournit un tableau illustrant la dissolution du fénofibrate dans le comprimé de Sandoz et mentionne que celle‑ci se situe dans toutes les plages des revendications 34 à 38.

 

[22]           […]

[…]

[…]

[…]

 

M. Fernando Muzzio (sur la validité)

[23]           M. Muzzio est d’avis que l’idée originale du brevet 054 est la suivante : a) la biodisponibilité à jeun et avec prise de nourriture est essentiellement la même; b) la granulométrie D50 du fénofibrate est inférieure à environ 200 ou 150 nm; c) la vitesse de dissolution est rapide; d) la composition est redispersée pour atteindre une taille de particule d’au plus 2 μm; et e) l’invention permet une réduction de la dose.

 

[24]           Selon M. Muzzio, aucune des antériorités mentionnées par Sandoz ne divulgue l’idée originale du brevet 054 ni ne permet à la personne versée dans l’art d’y parvenir. De plus, il affirme que l’idée originale du brevet 054 n’aurait pas été évidente pour la personne versée dans l’art. À son avis, une telle personne ignorait qu’il était possible d’obtenir sensiblement la même biodisponibilité chez des sujets à jeun et des sujets non à jeun avec des compositions de fénofibrate. Les antériorités comprenaient de nombreuses tentatives visant à réduire l’effet des aliments, mais aucune n’a conduit au résultat revendiqué et atteint par le brevet 054, c’est‑à‑dire l’élimination de l’effet des aliments. M. Muzzio mentionne des exemples donnés dans le brevet 054 qui, à son avis, portent à conclure que la formulation de fénofibrate 145 mg de l’invention serait bioéquivalente à la formulation de 200 mg des antériorités.

 

[25]           M. Muzzio déclare que ce sont les différents aspects de l’idée originale qui rendent le brevet 054 utile. Il n’est pas d’accord avec l’allégation de Sandoz selon laquelle le brevet 054 ne pouvait être valablement prédit. Selon lui, la taille des particules était prédite grâce aux exemples 5 et 6 du brevet 054; des directives étaient données concernant le choix de stabilisants de surface, le brevet 054 indiquant d’ailleurs les stabilisants privilégiés et faisant référence au Handbook of Pharmaceutical Excipients; de plus, la dose réduite pouvait être prédite grâce à l’exemple 8.

 

[26]           M. Muzzio ne partage pas l’opinion des experts de Sandoz selon laquelle les inventeurs du brevet 054 ne pouvaient revendiquer aucune composition de fénofibrate, à l’exception de la composition précise figurant dans l’exemple 5 du brevet 054. Il met en évidence un des énoncés du mémoire descriptif sur lequel il s’appuie :

[traduction] Les exemples qui suivent servent à illustrer la présente invention. Par contre, il faut comprendre que l’invention ne doit pas se limiter aux conditions ou aux détails spécifiques décrits dans ces exemples.

 

D’après M. Muzzio, la personne versée dans l’art aurait compris que l’invention revendiquée n’était pas la formulation de l’exemple 5, mais plutôt le fait qu’il est possible de fabriquer des compositions de fénofibrate avec les tailles de particule revendiquées et que ces compositions présenteront une bioéquivalence chez des sujets à jeun et des sujets non à jeun.

 

[27]           M. Muzzio écrit que le brevet 054 présentait un raisonnement valable permettant de prédire que d’autres stabilisants de surface ne figurant pas dans l’exemple cité seraient tout aussi efficaces. Selon lui, le profil de dissolution n’était pas trop général et il a été exposé dans l’exemple 8. Dans le même ordre d’idées, il fait remarquer que les tailles de particules étaient indiquées aux tableaux 1, 4, 5 et 7.

 

[28]           M. Muzzio aborde et réfute la déclaration de M. Kanfer selon laquelle les limites des revendications ne sont pas définies. De l’avis de M. Muzzio, la personne versée dans l’art aurait compris que l’invention se limitait aux compositions exemptes de phospholipides, destinées à une administration par voie orale, présentant une bioéquivalence à jeun et avec prise de nourriture. Aucune expérimentation excessive n’aurait été nécessaire pour arriver aux formulations visées par l’invention décrite dans le brevet 054.

 

Témoignage d’expert déposé par Sandoz

M. Grégoire Leclair

[29]           M. Leclair est titulaire d’un doctorat en sciences pharmaceutiques de l’Université de Montréal, où il occupe actuellement un poste de professeur adjoint. En ce moment, ses travaux de recherche portent notamment sur les compositions nanoparticulaires pour l’administration d’ingrédients actifs ayant une faible solubilité dans l’eau.

 

[30]           M. Leclair fait remarquer que les exemples 5 et 6 du brevet 054, qui visent les comprimés renfermant 160 mg de fénofibrate nanoparticulaire, sont les seuls exemples montrant une bioéquivalence à jeun et avec prise de nourriture. À son avis, la personne versée dans l’art ne conclurait pas que les autres plages granulométriques sont bioéquivalentes chez des sujets à jeun et des sujets non à jeun et par conséquent, selon lui, les plages granulométriques revendiquées dans le brevet 054 sont trop générales. Dans la même veine, il ajoute que la redispersion de la taille des particules est trop générale parce que les revendications ne comportent pas de limite. Les revendications du brevet 054 indiquent simplement que la taille des particules redispersées peut être déterminée en renvoyant à un autre brevet américain.

 

[31]           Selon M. Leclair, l’absence de limite concernant les stabilisants de surface dans les revendications du brevet 054 rend également la portée de celles‑ci trop large. Il précise que toutes les formulations préconisées citées dans le brevet 054 utilisent le docusate sodique et l’hypromellose comme stabilisants de surface. Il ajoute que la personne versée dans l’art saurait que les inventeurs ne pouvaient pas prédire quels autres stabilisants permettraient d’obtenir des compositions bioéquivalentes à jeun et avec prise de nourriture puisque, comme le brevet 054 l’indique, ce ne sont pas tous les stabilisants qui fonctionnent.

 

[32]           En outre, M. Leclair avance qu’aucun raisonnement valable n’est invoqué pour expliquer pourquoi les tailles de particule inférieures à 2 μm fonctionneraient, ni pourquoi d’autres stabilisants de surface seraient efficaces. Il observe aussi que le brevet 054 ne décrit pas comment mesurer la taille des particules dans la composition.

 

[33]           Enfin, selon M. Leclair, l’affirmation de M. Muzzio voulant que le fénofibrate contenu dans le comprimé de Sandoz possède la même granulométrie que dans la suspension utilisée dans le procédé de fabrication du comprimé est erronée. À son avis, l’agrégation sera inévitable […]

[…]. M. Leclair décrit une méthode qu’il a mise au point pour déterminer la granulométrie minimale du fénofibrate dans le comprimé de Sandoz, puis déclare que M. Muzzio a supposé, à tort, qu’il n’y avait aucune agglomération dans le comprimé de Sandoz. Les résultats de M. Leclair révèlent que la taille moyenne des particules de fénofibrate du comprimé de Sandoz est supérieure à […], avec une valeur D50 supérieure à […] et une valeur D90 supérieure à […]. De plus, […]

[…]

[…].

 

[34]           Pour terminer, M. Leclair n’est pas d’accord avec M. Muzzio pour dire que les inventeurs du brevet 054 ont résolu le problème de l’effet des aliments en fabriquant de très fines particules. Selon lui, les inventeurs n’ont fait aucune comparaison avec d’autres tailles de particules. En outre, il conteste la déclaration de M. Muzzio selon laquelle [traduction] « les inventeurs signalent que le comprimé de fénofibrate nanoparticulaire de l’invention était aussi efficace à une dose de 160 mg qu’à la dose de 200 mg divulguée dans les antériorités. » M. Leclair reprend la déclaration des inventeurs :

[traduction] Enfin, comme le montrent les données du tableau 16, ci‑dessous, l’administration à jeun d’un comprimé de fénofibrate nanoparticulaire de 160 mg n’est pas bioéquivalente à l’administration d’une gélule classique de fénofibrate sous forme microcristalline de 200 mg (TRICOR®) avec des aliments, et ce, parce que l’intervalle de confiance à 90 % (IC à 90 %) pour les deux traitements se situe en dehors des valeurs de 0,80 à 1,25 pour l’aire sous la courbe (ASC) et la Cmax. [Souligné par M. Leclair.]

 

M. Abu Serajuddin

[35]           M. Serajuddin a obtenu son baccalauréat en pharmacie de l’Université de Dhaka en 1967, sa maîtrise en sciences pharmaceutiques de l’Université Columbia en 1976 et son doctorat en pharmacie industrielle de l’Université St. John’s en 1982. Sa thèse portait sur la solubilité et la dissolution des médicaments faiblement solubles. Depuis septembre 2008, il est professeur de pharmacie industrielle à l’Université St. John’s. Avant d’obtenir cet emploi, M. Serajuddin a travaillé pendant plus de 30 ans au sein de l’industrie pharmaceutique, où il a occupé divers postes liés à la mise au point de formulations pharmaceutiques.

 

[36]           M. Serajuddin explique les connaissances générales de la personne versée dans l’art au moment pertinent et déclare que les avantages décrits dans le brevet 054 ci‑dessous [traduction] « décrivaient l’utilité de l’invention du brevet 054 promise par les inventeurs » :

[traduction] 1) un comprimé ou une autre forme pharmaceutique solide de plus petite taille; 2) des doses plus faibles de médicament requises pour obtenir le même effet pharmacologique; 3) une biodisponibilité accrue; 4) des profils pharmacocinétiques sensiblement similaires de compositions de fibrate nanoparticulaire, de préférence de fénofibrate, lorsqu’elles sont administrées à jeun et non à jeun; 5) des profils pharmacocinétiques améliorés; 6) une bioéquivalence des compositions de fibrate nanoparticulaire, de préférence de fénofibrate, lorsqu’elles sont administrées à jeun et non à jeun; 7) une vitesse de dissolution accrue des compositions de fibrate nanoparticulaire, de préférence de fénofibrate; 8) des compositions de fibrate, de préférence de fénofibrate, bioadhésives; et 9) les compositions de fibrate nanoparticulaire, de préférence de fénofibrate, peuvent être utilisées en association avec d’autres agents actifs utiles dans le traitement de la dyslipidémie, de l’hyperlipidémie, de l’hypercholestérolémie, de maladies cardiovasculaires ou d’affections connexes.

 

[37]           M. Serajuddin passe en revue les revendications du brevet 054, et il estime qu’elles ont une portée plus large que l’invention elle‑même. D’après lui, tous les avantages [traduction] « portent sur ce que la composition de l’invention fait ou est censée faire, mais non sur ce qu’elle est ». Il souligne également que malgré la difficulté de choisir le stabilisant de surface à utiliser, les inventeurs mentionnent un large groupe de stabilisants de surface qui pourraient être utilisés dans les compositions, puis font référence à des milliers de stabilisants de surface et de combinaisons possibles. Selon M. Serajuddin, la personne versée dans l’art saurait que cela ou toute autre caractéristique de l’invention n’a rien d’inventif. En outre, il soutient que les avantages promis ne peuvent être prédits pour les compositions revendiquées. À son avis, la personne versée dans l’art n’aurait pas pu prédire que la composition était physiquement stable et qu’elle serait bioéquivalente chez des sujets à jeun comme chez des sujets non à jeun.

 

[38]           M. Serajuddin croit également que la personne versée dans l’art devrait mener une expérimentation pour mettre en pratique ce qui est présenté dans l’invention. À cet égard, il souligne le très large éventail de stabilisants. Selon lui, le choix de ceux qui fonctionneraient tel que promis nécessiterait davantage que de simples essais.

 

[39]           M. Serajuddin examine les publications antérieures et soutient que la personne versée dans l’art aurait été en mesure, à la lecture de chacune d’elles, de préparer les compositions visées par les revendications qu’il a relevées dans le brevet 054.

 

[40]           M. Serajuddin ne souscrit pas à la conclusion de M. Muzzio selon laquelle le comprimé de Sandoz contreferait le brevet 054. Plus précisément, il est en désaccord avec la déclaration de M. Muzzio voulant qu’un comprimé pris par voie orale se redispersera dans les liquides gastro‑intestinaux pour atteindre la même taille que les particules d’origine utilisées pour préparer la formulation. M. Serajuddin renvoie au brevet américain 6,375,986 (brevet américain 986) dans lequel on révélait que la redispersion pour atteindre la même granulométrie que dans la suspension originale posait un problème. Il déclare :

[traduction] Le brevet américain 986 montre clairement que la déclaration de M. Muzzio est erronée. Dans ce brevet, Elan soutient qu’elle a découvert une combinaison de surfactants et de stabilisants de surface (p. ex. docusate sodique, laurylsulfate de sodium et polyvidone) qui ont permis d’améliorer la granulométrie des matières redispersées. Toutefois, la taille moyenne des particules de la redispersion était encore plus de 20 fois supérieure à celle de la suspension d’origine […]

 

M. Isadore Kanfer

[41]           M. Kanfer est titulaire d’un baccalauréat en sciences (pharmacie) de même que d’un baccalauréat en sciences (spécialisé) et d’un doctorat (pharmacie) de l’Université Rhodes, en Afrique du Sud. Il est actuellement professeur et doyen émérites de la faculté de pharmacie de l’Université Rhodes, où il enseigne au niveau du baccalauréat, de la maîtrise et du doctorat. Il y donne des cours sur l’analyse biopharmaceutique, la biodisponibilité, la dissolution, la bioéquivalence, l’interaction médicamenteuse, l’absorption des médicaments et la règlementation en matière de médicaments.

 

[42]           M. Kanfer examine le brevet 054 et fait écho à la déclaration de M. Serajuddin selon laquelle les avantages énumérés dans le mémoire descriptif constituent les promesses de l’invention. M. Kanfer ajoute que la personne versée dans l’art comprendrait également que les inventeurs promettaient des compositions nanoparticulaires stables. Il présente des graphiques et tableaux afin d’expliquer qu’aucune des promesses du brevet 054 n’était démontrée ni ne pouvait être prédite de façon valable.

 

[43]           Selon M. Kanfer, les revendications du brevet 054 ont une portée trop large et visent des formulations qui ne fonctionneraient pas. Il insiste sur le fait que rien n’indique quels stabilisants de surface fonctionneraient et, par conséquent, il est impossible de prédire la bioéquivalence à jeun et avec prise de nourriture; une expérimentation excessive serait nécessaire.

 

M. Michael Mayersohn

[44]           M. Mayersohn est titulaire d’un baccalauréat en pharmacie de l’Université Columbia et a obtenu un doctorat en sciences pharmaceutiques/pharmacocinétique de l’Université d’État de New York en 1971. Depuis 1983, il est professeur titulaire de sciences pharmaceutiques à l’Université de l’Arizona. Il a dirigé des projets de recherche portant sur l’examen et la caractérisation de la biodisponibilité par voie orale et des propriétés pharmacocinétiques des médicaments et de leurs métabolites chez l’animal et l’humain.

 

[45]           M. Mayersohn compare le brevet 054 aux antériorités. À son avis, le brevet canadien 2,423,335 (le brevet 335) et le brevet WO 02/24193 (le brevet WO 193) décrivent et rendent réalisables des formulations de fénofibrate dont la granulométrie se situe entre 100 nm et 2 µm idéalement et, bien que ces brevets antérieurs préconisent l’emploi de stabilisants à base de phospholipides, ils décrivent et rendent également réalisable l’emploi de stabilisants de surface qui ne sont pas des phospholipides. Il ajoute que ces deux formes de stabilisants peuvent être administrées avec ou sans aliments. Même si le brevet 054 n’était pas antériorisé, tout dans les antériorités rendait l’idée originale évidente.

 

[46]           D’après M. Mayersohn, l’idée originale des revendications 1 à 3 est la suivante : a) une composition de fénofibrate nanoparticulaire stable; b) une taille de particules précise pour le fénofibrate; c) au moins un stabilisant de surface; d) une bioéquivalence; et e) une redispersion dans un milieu biologiquement pertinent. Il affirme que la personne versée dans l’art ne conclurait pas qu’un agent exempt de phospholipides fait partie de l’idée originale puisque le brevet 054 énumère des stabilisants utiles qui contiennent des phospholipides. En revanche, la possibilité que l’agent soit exempt de phospholipides aurait été évidente pour la personne versée dans l’art.

 

[47]           M. Mayersohn examine les antériorités et déclare que le brevet 335, le brevet WO 193, le brevet américain 5,145,684 (brevet américain 684), le brevet américain 5,510,118 (brevet américain 118), le brevet WO 01/21154 (brevet WO 154), le brevet américain 6,177,103 (brevet américain 103) et le brevet américain 6,368,620 (brevet américain 620) décrivent et rendent réalisables l’invention du brevet 054. Il ajoute que ces brevets antérieurs rendent évidente l’idée originale du brevet 054.

 

Preuve d’expert additionnelle

[48]           Comme dans le dossier T‑991‑10, la présente demande soulève une question importante quant à la taille des particules de fénofibrate contenues dans le comprimé de Sandoz. Quelques jours avant l’audition de ces demandes, Fournier a présenté une requête visant l’obtention d’une ordonnance qui autoriserait le renvoi à certains affidavits et transcriptions de contre‑interrogatoires se rapportant aux dossiers de la Cour T‑1184‑10 et T‑991‑10, au motif que la preuve déposée par Sandoz dans ces deux demandes au sujet de la taille des particules de fénofibrate de ses comprimés était contradictoire, et qu’il était dans l’intérêt de la justice que l’ensemble de cette preuve soit soumise au juge chargé d’instruire les demandes dans les deux dossiers.

 

[49]           Sandoz s’est opposée à la requête, faisant valoir, d’une part, que la preuve n’était pas contradictoire et, d’autre part, qu’elle subirait un préjudice parce qu’elle n’avait pas eu la possibilité de déposer une preuve d’expert qui aurait aidé la Cour à établir si la preuve était effectivement contradictoire.

 

[50]           J’ai fait droit à la requête pour les motifs suivants :

[traduction] [I]l est dans l’intérêt de la justice que la Cour dispose de l’ensemble de la preuve pertinente et qu’on évite que des conclusions de fait contradictoires l’emportent sur tous les préjudices du type invoqué par Sandoz. Par ailleurs, il n’est pas certain que le genre de preuve d’expert qu’elle affirme vouloir déposer soit nécessaire ou utile à la Cour pour évaluer ce qui constitue des déclarations de fait de la part des divers témoins experts.

 

[51]           La question de savoir si la preuve était effectivement contradictoire devait être tranchée dans le cadre de la décision sur le fond relative à chaque demande, le cas échéant.

 

[52]           Les parties de l’ordonnance pertinentes au regard de la présente demande sont les paragraphes 1 et 2, qui prévoient :

[traduction
1. Les parties de l’affidavit de M. Muzzio daté du 21 février 2011, déposé dans le dossier T‑991‑10, relatives à la taille des particules, ainsi que les parties de la transcription de son contre‑interrogatoire sur le même sujet sont intégrées au dossier des demanderesses dans le dossier de la Cour T‑1184‑10.

2. Les parties des affidavits de MM. Bogardus et Fairhurst dans le dossier T‑991‑10 relatives à la taille des particules ainsi qu’une partie des transcriptions de leur contre‑interrogatoire sur le même sujet sont intégrées au dossier des demanderesses dans le dossier de la Cour T‑1184‑10.

 

[53]           La preuve exposée dans ces documents et son éventuelle pertinence au regard de la présente demande seront abordées plus loin.

 

Contestations des avis d’experts

[54]           Fournier et Sandoz se sont plaintes toutes les deux des experts proposés par la partie adverse et ont présenté des observations sur l’admissibilité de cette preuve et le poids qu’il convenait de lui accorder, le cas échéant.

 

[55]           Au paragraphe 12 de son mémoire des faits et du droit, Fournier demande à la Cour d’aborder avec circonspection la preuve des experts présentée par Sandoz :

[traduction] Sandoz présente un affidavit de 413 paragraphes de M. Mayersohn (un pharmacien), un affidavit de 384 paragraphes de M. Serajuddin (un pharmacien), un affidavit de 361 paragraphes de M. Kanfer (un pharmacien) et un affidavit de 241 paragraphes de M. LeClair (un pharmacien). Les experts de Sandoz n’ont pas toujours été directs durant le contre‑interrogatoire, ils étaient difficiles, refusaient de répondre à des questions importantes et se pliaient aux directives de l’avocat de Sandoz pour éviter de répondre aux questions. Non seulement ces témoins étaient des défenseurs de la position de Sandoz, mais encore ils ont maintenu obstinément leur position déraisonnable avec une agressivité peu commune et, dans certains cas, ont livré un témoignage qui n’était pas crédible. Pire encore, Sandoz a présenté dans cette affaire des témoins qui ont exprimé des opinions s’opposant directement à la position qu’elle défend dans l’avis d’allégation se rapportant au dossier T‑991‑10. Si l’issue de l’une des questions soulevées dans la présente demande en vient à reposer sur l’appréciation de la crédibilité, nous faisons respectueusement valoir que la preuve des experts de Sandoz doit être envisagée avec circonspection, compte tenu des préoccupations précitées [renvois omis].

 

[56]           Pour sa part, Sandoz a contesté la preuve fournie par l’expert de Fournier, M. Muzzio, aux paragraphes 12 et 13 de son mémoire des faits et du droit :

[traduction]

Le seul expert de Fournier, M. Muzzio, reconnaît ne pas avoir les compétences de la personne à qui le brevet 054 est destiné, telles qu’il les a lui‑même définies.

 

Fournier n’a pas contesté les qualifications des experts de Sandoz ni fait valoir qu’ils n’avaient pas l’expertise requise pour formuler les avis contenus dans leurs affidavits, et aucun de ces avis n’a été ébranlé lors du contre‑interrogatoire. Sandoz conteste les qualifications de l’expert de Fournier, M. Muzzio. Fournier n’a pas permis à Sandoz de terminer son contre‑interrogatoire. [Renvois omis.]

 

[57]           Peu avant que la présente demande ne soit entendue, Sandoz a introduit une requête pour que soit supprimés du dossier de demande relatif à la présente instance les affidavits de M. Muzzio au motif que ce dernier s’était montré peu réceptif et prolixe, et parce que la défenderesse n’a pas pu terminer le contre‑interrogatoire bien qu’un délai supplémentaire lui ait été accordé. J’ai rejeté cette requête et fourni les brefs motifs suivants à l’appui :

[traduction

Je reconnais que les réponses de M. Muzzio aux questions posées n’étaient ni succinctes ni directes. C’était, comme l’a indiqué l’avocat, un témoin difficile. Cependant, Sandoz l’a contre‑interrogé pendant quatre jours au terme desquels elle n’a pas demandé plus de temps pour poursuivre le contre‑interrogatoire. Elle ne peut à présent, quelques jours avant l’audience sur le fond, réclamer à titre de mesure réparatoire la suppression de cette preuve alors qu’elle n’a pas réclamé plus de temps au moment propice.

On fait également valoir que « M. Muzzio a violé le code de déontologie auquel il a souscrit en se fondant sur des analyses qu’il n’a pas effectuées dans son laboratoire pour étayer son avis sur la prédiction valable, alors qu’il n’en a pas fait mention dans son affidavit sur la validité. » Je ne suis pas convaincu, suivant la prépondérance des probabilités, que le témoin avait à l’esprit les analyses contestées ni qu’elles ont servi de fondement partiel à l’avis énoncé dans son affidavit. Il m’apparaît plus probable qu’il s’en soit rappelé au moment du contre‑interrogatoire et qu’il ne les a mentionnées que pour mieux appuyer son avis. J’estime qu’il n’y a pas eu de violation du code de déontologie. Si j’avais conclu le contraire, eu égard à la nature du manquement, je n’aurais pas supprimé la preuve de M. Muzzio mais aurais réévalué en conséquence le poids susceptible de lui être accordé en présence d’autres éléments de preuve contradictoires.

 

[58]           Il convient de noter que la plainte soulevée par Fournier quant aux difficultés rencontrées lors du contre‑interrogatoire des experts de Sandoz trouve son pendant dans la plainte de celle‑ci concernant le témoin de Fournier, à l’égard de laquelle la Cour s’est prononcée. Pour les raisons que j’ai exposées lorsque j’ai rejeté la requête en radiation de Sandoz, je n’accorderai pas plus de poids à la plainte de Fournier. Je reprends les motifs donnés en ajoutant ceci : les témoins de Sandoz se sont parfois montrés difficiles, mais Fournier a terminé leur contre‑interrogatoire et n’a pas demandé plus de temps pour poursuivre ce contre‑interrogatoire ou pour obtenir des réponses aux questions pour lesquelles il y a eu une objection.

 

[59]           La prétention voulant que les experts aient plaidé le point de vue de Sandoz me semble inappropriée et injuste. Chaque témoin a fourni un affidavit, comme l’exige l’article 52.2 des Règles des Cours fédérales, DORS/98‑106, attestant qu’il a lu le code de déontologie régissant les témoins experts et qu’il accepte de s’y conformer. Les articles 1 et 2 de ce code prévoient :

1. Le témoin expert désigné pour produire un rapport qui sera présenté en preuve ou pour témoigner dans une instance a l’obligation primordiale d’aider la Cour avec impartialité quant aux questions qui relèvent de son domaine de compétence.

 

2. Cette obligation l’emporte sur toute autre qu’il a envers une partie à l’instance notamment envers la personne qui retient ses services. Le témoin expert se doit d’être indépendant et objectif. Il ne doit pas plaider le point de vue d’une partie. [Non souligné dans l’original.]

 

[60]           Les objections de Fournier ayant trait à l’impartialité de ces témoins se trouvent dans les notes de bas de page 21 et 22 de son mémoire des faits et du droit. Ces notes contiennent les deux allégations graves suivantes : selon un témoin, [traduction] « certains calculs – non divulgués, ce qui est contraire au code de déontologie – ont donné une différence de 10 % et il est indiqué 61 % », et certaines parties des affidavits de MM. Serajuddin et Mayersohn laissent voir des similarités dans la formulation.

 

[61]           Je rejette la prétention voulant qu’un témoin de Sandoz ait enfreint le code en omettant de faire une divulgation, comme on l’a laissé entendre. À l’appui de cette allégation, Fournier cite les questions 664 à 669 et 754 à 770 du contre‑interrogatoire de M. Mayersohn mené le 28 octobre 2011. Je ne vois rien dans ces passages qui renvoie à des calculs ayant produit une différence de 10 %. M. Mayersohn a déclaré, en réponse à la question 665, qu’il avait [traduction] « sorti ce [chiffre] au hasard » et précisé, en réponse à la question 750 qu’il s’agissait d’une [traduction] « conjecture ». J’estime que Fournier offre une description inexacte de la preuve de M. Mayersohn à cet égard, et que l’observation selon laquelle il a contrevenu au code de déontologie est sans fondement.

 

[62]           S’agissant de l’allégation voulant qu’un témoin ait emprunté les mots d’un autre dans son affidavit, j’ai fait remarquer, dans la décision Janssen‑Ortho Inc c Novopharm Limited, 2010 CF 42, que « l’équité et la raison exigent que, lorsqu’une partie a l’intention de prétendre que les mots contenus dans un affidavit sont ceux d’un autre et ne traduisent pas l’opinion du déposant, elle doit soumettre la question au déposant afin qu’il puisse y répondre ». [Non souligné dans l’original.] Après avoir examiné le contre‑interrogatoire de M. Serajuddin, je conclus que c’est exactement ce que Fournier a fait.

 

[63]           M. Serajuddin a déclaré, en réponse à une question directe, qu’aucune partie de son affidavit ne reprenait celui de M. Mayersohn, qu’il n’avait pas parlé à ce dernier, qu’il n’avait pas de copie de son affidavit et ne lui avait pas non plus fourni de copie du sien. Il a décrit la méthode suivie pour préparer son affidavit : il rédigeait le texte, l’avocat de Sandoz l’interrogeait sur ce qui était écrit, il [traduction] « essayait de fournir des explications » et [traduction] « on me proposait alors parfois de formuler de manière un peu différente certains passages, j’examinais la proposition et je l’acceptais éventuellement ». Cette façon de préparer la preuve d’expert par affidavit pour assister la Cour n’est ni choquante ni inappropriée. Il serait surprenant que l’avocat de Fournier procède bien autrement lorsque ses témoins experts élaborent et mettent la dernière main à leurs affidavits.

 

[64]           En fin de compte, il faut tenir compte de deux éléments importants lorsqu’on examine les affidavits d’experts. Premièrement, les affidavits doivent être utiles pour la Cour. Ils doivent être rédigés de manière qui soit compréhensible pour les juges, qui ne sont pas des experts dans le domaine. De nombreux experts, notamment parmi la communauté scientifique semble‑t‑il, ont du mal à y parvenir sans assistance. Un affidavit rédigé dans un langage technique qui n’est compréhensible que pour un autre expert n’a que peu d’utilité pour un tribunal. Deuxièmement, et c’est le plus important, il faut que les termes utilisés dans l’affidavit expriment l’avis du déposant. M. Serajuddin a déclaré lors du contre‑interrogatoire : [traduction] « [C]’était mon opinion et c’est pourquoi j’ai signé l’affidavit. » Fournier ne conteste pas vraiment cette affirmation.

 

[65]           Pour ces motifs, je rejette la prétention de Fournier selon laquelle la preuve des experts de Sandoz doit être envisagée avec circonspection. Cette preuve, comme toute preuve, doit être soupesée et considérée dans le contexte de l’ensemble de l’affaire, des autres preuves et des observations des parties.

 

[66]           La prétention de Sandoz selon laquelle M. Muzzio ne possède pas les compétences de la personne versée dans l’art, telles qu’il les a lui‑même définies, est fondée. Il n’affirme pas les détenir; dans son affidavit souscrit le 23 février 2011; il déclare plutôt à propos de la personne versée dans l’art : [traduction] « J’ai travaillé avec de nombreuses personnes qui possèdent ces compétences et peux parler de ce qu’elles comprennent de ce domaine scientifique et de leurs aptitudes. » Une partie de la preuve de M. Muzzio devrait être plus exactement qualifiée de [traduction] « ouï‑dire scientifique », dans la mesure où il s’agit de la preuve d’un témoin scientifique n’ayant pas la formation requise et offrant un avis sur ce que des scientifiques compétents peuvent comprendre d’un brevet qui leur est destiné. En poussant à l’extrême, ce serait comme si un physicien déclarait qu’il a travaillé avec des biologistes et des chimistes et qu’il peut donc parler de ce qu’ils comprennent d’un document qui leur est destiné. La preuve fournie par ce physicien ne se verrait accorder que peu de poids.

 

[67]           Le cas de M. Muzzio n’est pas aussi exagéré que cet exemple. Ses études et son expertise sont pertinentes, et je ne suis par conséquent pas disposé à radier tout simplement son affidavit. En tant qu’ingénieur chimique, il peut notamment s’exprimer sur le sens de certains des termes utilisés dans le brevet 054 et aider la Cour à comprendre la chimie de base et les préparations pertinentes au regard de l’invention. Cependant, si sa preuve est incompatible avec celle des experts de Sandoz, ou qu’elle n’est pas étayée par celle d’un autre expert ou une autre preuve scientifique fournie par un expert dans le domaine, j’accorderai préséance à ces preuves étant donné que Fournier n’a pas contesté les compétences ou la qualité d’expert des témoins de son adversaire et que ceux‑ci satisfaisaient à la définition de la personne versée dans l’art.

 

L’INTERPRÉTATION DU BREVET 054

[68]           Quelle est l’invention visée par le brevet 054? La Cour suprême a indiqué que les revendications de brevet doivent faire l’objet d’une interprétation téléologique qui repose sur « l’identification par la cour, avec l’aide du lecteur versé dans l’art, des mots ou expressions particuliers qui sont utilisés dans les revendications pour décrire ce qui, selon l’inventeur, constituait les éléments “essentiels” de son invention » [Non souligné dans l’original.] : Whirlpool Corp c Camco Inc, 2000 CSC 67, au paragraphe 45. L’interprétation des revendications est une question de droit : Bristol‑Myers Squibb Co c Apotex Inc, 2007 CAF 379, au paragraphe 27. L’approche téléologique doit être privilégiée lorsqu’on interprète le brevet dans son ensemble. Le but est d’établir ce que l’inventeur estimait avoir inventé, comment cette invention doit être réalisée ou comment utiliser le procédé décrit, comment l’invention doit être employée ou quels sont le résultat du procédé inventé, et ce que l’invention fait.

 

[69]           Quels sont donc les éléments essentiels du brevet 054? C’est là que réside le désaccord fondamental entre les parties. La réponse à cette question aidera à résoudre de nombreux autres points litigieux.

 

Bioéquivalence et profil pharmacocinétique

[70]           Chacune des trois revendications indépendantes (revendications 1 à 3) prévoit que la composition [traduction] « présente une bioéquivalence, qu’elle soit administrée à un sujet humain non à jeun ou à un sujet humain à jeun ». Ces revendications définissent comment la bioéquivalence doit être « établie », c’est‑à‑dire par [traduction] « a) un intervalle de confiance à 90 % pour l’aire sous la courbe (ASC), compris entre 80 et 125 % et b) un intervalle de confiance à 90 % pour la Cmax, compris entre 80 et 125 % ». Il s’agit du profil pharmacocinétique (profil PK) de l’invention. Fournier soutient que ce profil PK constitue un élément essentiel; Sandoz prétend le contraire.

 

[71]           Les témoins conviennent qu’il est possible d’appliquer deux séries de lignes directrices différentes lorsqu’on parle de bioéquivalence à jeun et avec prise de nourriture : les lignes directrices de la Food and Drug Administration américaine (USFDA) et celles de l’Agence européenne des médicaments (EMEA).

 

[72]           M. Kanfer informe la Cour que, selon les exigences de l’USFDA, [traduction] « la bioéquivalence est établie par un [intervalle de confiance] à 90 % pour l’ASC et la Cmax, compris entre 80 et 125 % [tandis que], selon les exigences de l’EMEA, la bioéquivalence est établie par un [intervalle de confiance] à 90 % pour l’ASC, compris entre 80 et 125 % et un [intervalle de confiance] à 90 % pour la Cmax, compris entre 70 et 143 %. » Comme il le souligne, [traduction] « les exigences de l’EMEA autorisent une plage plus étendue pour la Cmax pour établir la bioéquivalence entre deux produits ». Il est également évident qu’une composition qui est bioéquivalente selon les lignes directrices de l’USFDA le sera également selon les lignes directrices de l’EMEA, mais que l’inverse ne sera pas nécessairement vrai.

 

[73]           D’après Sandoz, le profil PK indiqué dans les revendications 1 à 3 ne constitue pas un élément essentiel de l’invention pour deux raisons principales. Premièrement, Sandoz souligne que cela est ambigu parce qu’il est fait mention des lignes directrices de l’EMEA ailleurs dans le mémoire descriptif, et que le profil PK indiqué dans les revendications 1 à 3 [traduction] « est incompatible avec les revendications 4 à 7 qui en dépendent, lesquelles comprennent des compositions ne se situant pas dans les intervalles de confiance de l’USFDA ». Deuxièmement, Sandoz affirme que la Cmax du profil PK n’est pas essentielle pour établir la bioéquivalence.

 

[74]           En ce qui concerne la première allégation de Sandoz, je note qu’une composition commercialisée au Canada en tant que bioéquivalente doit satisfaire aux lignes directrices de l’USFDA. Le profil PK cité dans les revendications 1 à 3 est conforme à ces lignes directrices. Je ne peux admettre que le profil PK soit arbitraire puisqu’il correspond exactement à l’exigence de l’USFDA en matière de bioéquivalence. Étant donné que les inventeurs du brevet 054 cherchaient à établir une bioéquivalence, que le Canada exige que la bioéquivalence soit établie selon les lignes directrices de l’USFDA et que le brevet 054 est un brevet canadien pour une invention qui sera commercialisée au Canada, je conclus que le profil PK, tel qu’il est mentionné dans les revendications 1 à 3, constitue une exigence minimale et une caractéristique essentielle de l’invention.

 

[75]           M. Kanfer et M. Mayersohn soulignent la différence entre les ASC mentionnées dans les revendications 4 à 7 et font remarquer que ces dernières comprennent des compositions qui ne respectent pas les lignes directrices de l’USFDA. Par conséquent, selon eux, le profil PK ne peut pas constituer un élément essentiel. Ce point de vue semble être confirmé par M. Mayersohn qui a déclaré sous serment [traduction] « [qu’]un travailleur moyen versé dans l’art ne considérerait pas l’observance stricte de cet élément comme étant importante en ce qui a trait à la fonction de l’invention ». Par contre, en contre‑interrogatoire, il a admis que l’observance stricte des lignes directrices de l’USFDA, mais non celles de l’EMEA, était une exigence des revendications et qu’une personne versée dans l’art interpréterait les revendications du brevet 054 en fonction de cette exigence :

[traduction]

1161         Q. D’accord, vous devez donc vous conformer aux exigences canado‑américaines?

                 R. Absolument.

 

1162         Q. Je comprends. De plus, la bioéquivalence est déterminée par l’intervalle de confiance à 90 % pour l’ASC et la Cmax, compris entre 80 et 125 %?

                 R. C’est bien ça.

 

1163         Q. Et c’est ainsi que la personne versée dans l’art comprendrait les revendications 1 à 3 du brevet 054?

                 R. La seule raison pour laquelle j’hésite, Maître, c’est que je veux être certain d’être cohérent avec ce qui constitue, selon moi, l’invention revendiquée, soit le paragraphe 17, et cela comprend la bioéquivalence. Donc, la réponse est oui.

 

[76]           Même si j’ai accepté le raisonnement de Sandoz, je dirais tout au plus que les revendications 4 à 7 rendent la situation nébuleuse ou ambiguë quant à savoir quel profil PK constitue une bioéquivalence dans l’esprit des inventeurs. De là, je serais d’accord avec Fournier pour dire que le mémoire descriptif du brevet 054, aux pages 62 à 64, prévoit clairement que le respect des lignes directrices de l’USFDA est ce qui rend la composition bioéquivalente chez un sujet à jeun et chez un sujet non à jeun, et qu’il s’agit d’un élément essentiel de l’invention. Dans ces pages, les inventeurs analysent les données présentées au tableau 14 et les paramètres pharmacocinétiques de l’invention divulgués lors des essais. Ils examinent également ces données en fonction précisément des lignes directrices de l’UDFDA et d’aucune autre, et déclarent ce qui suit :

[traduction] Par conséquent, conformément aux lignes directrices réglementaires [de l’USFDA], un comprimé de fénofibrate nanoparticulaire administré à un sujet à jeun est bioéquivalent à un comprimé de fénofibrate nanoparticulaire administré à un sujet non à jeun. Ainsi, l’invention englobe une composition de fibrate pour laquelle l’administration à un sujet à jeun est bioéquivalente à l’administration à un sujet non à jeun. [Non souligné dans l’original.]

 

[77]           En outre, à la page 63 du brevet 054, lorsqu’ils comparent le comprimé nanoparticulaire de 160 mg au comprimé TRICOR de 200 mg (le produit existant), les inventeurs mentionnent que, d’après le tableau 16, leur produit administré à un sujet à jeun n’est pas bioéquivalent au TRICOR administré à un sujet non à jeun [traduction] « parce que [l’intervalle de confiance] à 90 % pour les deux traitements se situe en dehors de la plage de 0,80 à 1,25 pour l’ASC et la Cmax [en caractères gras et en italique dans l’original] », ce qui signifie qu’il se situe en dehors des valeurs mentionnées dans les lignes directrices de l’USFDA. Fondamentalement, comme l’a souligné Fournier, la plage de 1,08 à 1,304 pour la Cmax dans cet exemple est conforme aux lignes directrices de l’EMEA, dans lesquelles, selon le critère de bioéquivalence, la limite supérieure est de 1,43, tandis que dans les lignes directrices de l’USFDA, elle est de 1,25. À mon avis, il en ressort très clairement que, pour les inventeurs, la bioéquivalence est établie seulement si les lignes directrices de l’USFDA sont respectées.

 

[78]           La deuxième allégation de Sandoz, à savoir que la Cmax n’est pas essentielle, s’appuie sur la règle de Dalton. Cette règle, d’après le paragraphe 98 de l’affidavit de M. Mayersohn, indique que [traduction] « si la moyenne arithmétique pour l’ASC et la Cmax diffère de moins de 10 % ou de moins de 5 %, un travailleur moyen versé dans l’art comprendrait que [l’intervalle de confiance] à 90 % pour l’ASC et la Cmax, compris entre 80 et 125 %, respectivement, serait respecté ».

 

[79]           Cet argument a été soumis à un autre expert de Sandoz, M. Kanfer, qui a répondu ceci :

[traduction]

407.     Q. Si vous présentiez à la FDA la preuve d’une différence entre les moyennes de moins de 10 p. cent, mais aucune autre preuve de bioéquivalence, on vous dirait : « Ce n’est pas suffisant »?

R. On me dirait : « Calculez les intervalles de confiance. »

 

408.     Q. Vous ne pouvez pas calculer les intervalles de confiance en vous fondant uniquement sur la différence entre les moyennes, n’est‑ce pas?

R. Il faut consulter l’étude, il faut vérifier que l’étude a une puissance suffisante.

 

409.     Q. Bien sûr.

R. C’est beaucoup plus compliqué que d’examiner seulement une simple différence entre des moyennes ou un ratio.

 

[80]           Cet échange explique que la moyenne arithmétique ne peut à elle seule permettre d’établir les intervalles de confiance requis pour obtenir l’approbation de l’USFDA. Pour cette raison, si l’invention ne fournit pas un intervalle de confiance compris entre 80 et 125 % pour la Cmax, elle n’obtiendra pas forcément une approbation. À mon avis, ce constat est suffisant pour rejeter la deuxième allégation de Sandoz.

 

[81]           J’arrive à la conclusion qu’une bioéquivalence établie par un intervalle de confiance à 90 % pour l’ASC et la Cmax, compris entre 80 et 125 % est essentielle pour l’invention et les revendications 1 à 3.

 

Au moins un stabilisant de surface et exempt de phospholipides

[82]           Chacune des revendications indépendantes 1 à 3 précise que la composition est exempte de phospholipides. Selon Fournier, il s’agit d’un élément essentiel de l’invention. Sandoz affirme que ce n’est pas le cas et que cette caractéristique a été incluse dans les revendications pour éviter le rapprochement avec le brevet WO 02/24193, une référence d’antériorité contenant des phospholipides.

 

[83]           Le brevet 054 exige « au moins un stabilisant de surface » et les deux parties conviennent qu’il s’agit d’un élément essentiel de l’invention. Elles s’entendent aussi sur le fait qu’une « composition stable de fénofibrate » est un élément essentiel de l’invention. À la page 7 du mémoire descriptif du brevet WO 03/013474, une référence d’antériorité sur laquelle s’appuie Sandoz, il est mentionné que [traduction] « les suspensions de fénofibrate stabilisées uniquement avec des phospholipides sont déclarées comme étant non stables ». Par conséquent, si l’élément essentiel, à savoir « au moins un stabilisant de surface », était un phospholipide, alors l’invention ne fonctionnerait pas puisqu’elle ne serait pas stable. Pour cette raison, je suis d’accord avec Fournier pour dire que, selon la formulation du brevet 054, le fait que la composition doit être exempte de phospholipides constitue un élément essentiel de l’invention.

 

La composition se redisperse dans un milieu biologiquement pertinent

[84]           Dans la revendication 1, on emploie le terme [traduction] « disperse », tandis que dans les revendications 2 et 3, on utilise le terme [traduction] « redisperse ». Ce léger écart terminologique n’a cependant aucune incidence. Ce que cela signifie, c’est que les éléments de la composition sont diffusés dans un « milieu biologiquement pertinent ». M. Serajuddin informe la Cour que la granulométrie du fénofibrate redispersé serait inférieure à 2 µm :

[traduction] La revendication 1 utilise le terme « disperse » et les revendications 2 et 3, le terme « redisperse ». La taille des particules lors de la redispersion serait restreinte par la signification de composition pharmaceutique « stable ». Ainsi, la taille des particules serait limitée à moins de 2 µm.

 

M. Muzzio est d’accord : [traduction] « J’estime que la personne versée dans l’art, à la lecture du brevet 054 dans son ensemble en mai 2004, comprendrait que l’idée originale des revendications exige des compositions qui se dispersent ou se redispersent dans un milieu biologiquement pertinent pour atteindre une taille de particules inférieure à 2 microns (2 000 nm). »

 

[85]           M. Serajuddin précise à la Cour que la personne versée dans l’art saurait qu’il existe deux milieux biologiquement pertinents pour la composition de fénofibrate : le liquide gastrique et le liquide intestinal. M. Kanfer ajoute que la personne versée dans l’art connaîtrait les recettes pour formuler des simulations de ces liquides.

 

[86]           Le fait que la composition se redisperse pour atteindre une granulométrie inférieure à environ 2 µm constitue‑t‑il un élément essentiel? J’estime que oui. M. Muzzio a été longuement contre‑interrogé sur la taille des particules de fénofibrate redispersées. Il nous informe, comme le font les antériorités, que la biodisponibilité du fénofibrate s’améliore à mesure que la taille des particules diminue. Dans son mémoire des faits et du droit, Sandoz estime que cela fait partie des connaissances générales courantes de la personne versée dans l’art :

[traduction] On pourrait accroître la vitesse de dissolution des médicaments faiblement solubles dans l’eau en diminuant la taille des particules, augmentant de ce fait la superficie des particules de médicaments, ce qui devrait accroître la biodisponibilité et réduire ou éliminer l’effet des aliments pour des médicaments comme le fénofibrate.

 

En outre, la Cour s’appuie sur l’observation de M. Serajuddin selon laquelle la composition doit être « stable », ce qui signifie, selon celui‑ci, que la taille des particules serait inférieure à 2 µm.

 

[87]           Par conséquent, pour que l’invention fonctionne, les particules doivent demeurer de petite taille lorsqu’elles se redispersent dans un milieu biologiquement pertinent, et la composition doit être stable. Pour que ces critères soient respectés, le brevet 054 précise que les particules doivent se redisperser pour atteindre une taille inférieure à 2 µm. Il s’agit donc d’un élément essentiel des revendications.

 

Taille des particules de fénofibrate dans la composition

[88]           Les trois revendications indépendantes, les revendications 1 à 3, portent sur la taille des particules de fénofibrate dans la « composition destinée à une administration par voie orale », c’est‑à‑dire dans le comprimé.

 

[89]           M. Muzzio affirme, et je suis d’accord avec lui, qu’une bonne partie de la solution des inventeurs au problème cité dans les antériorités concernant les différences entre l’administration de fénofibrate à des sujets à jeun et à des sujets non à jeun consistait en l’utilisation de « très fines particules de fénofibrate ». La distribution granulométrique est mentionnée dans les trois revendications indépendantes du brevet 054.

 

[90]           Selon la revendication 1, la composition contiendra des particules de fénofibrate ayant une granulométrie D50 inférieure à environ 500 nm, c’est‑à‑dire que 50 % des particules de fénofibrate posséderont une granulométrie d’environ 500 nm ou moins. Selon la revendication 2, la composition contiendra des particules de fénofibrate ayant une granulométrie D90 inférieure à environ 700 nm, c’est‑à‑dire que 90 % des particules de fénofibrate posséderont une granulométrie d’environ 700 nm ou moins. Enfin, selon la revendication 3, la composition contiendra des particules de fénofibrate ayant une granulométrie moyenne inférieure à environ 500 nm, c’est‑à‑dire que la taille moyenne des particules est d’environ 500 nm.

 

[91]           La revendication 28, qui est l’une des revendications dépendantes invoquées par Fournier dans la présente demande, limite davantage la granulométrie à une valeur D50, D90, ou à une granulométrie moyenne inférieure à environ 150 nm.

 

[92]           À mon avis, la granulométrie du fénofibrate est un élément essentiel du brevet 054. Ce point n’est pas sérieusement contesté. En ce qui concerne la contrefaçon, il s’agit de déterminer si Fournier a établi ou non, selon la prépondérance des probabilités, que la granulométrie du fénofibrate contenu dans le comprimé de Sandoz contrefait la plage de distribution granulométrique indiquée dans le brevet 054.

 

Revendication 20

[93]           La revendication 20 vise une [traduction] « composition de l’une ou l’autre des revendications 1 à 19 comprenant une dose d’environ 145 mg de fénofibrate » avec deux restrictions supplémentaires : [traduction] « a) la dose est thérapeutiquement efficace; et b) la composition est bioéquivalente à un comprimé de fénofibrate micronisé de 160 mg ou à une gélule de fénofibrate micronisé de 200 mg, où la bioéquivalence, lorsque la composition est administrée à un humain, est établie par un intervalle de confiance à 90 % pour la Cmax et l’ASC, compris entre 0,80 et 1,25 ». [Non souligné dans l’original.]

 

[94]           La question en litige entre les parties sur la bonne façon d’interpréter la revendication 20 consiste à déterminer si cette revendication exige que la composition soit bioéquivalente aux deux compositions, soit celle de 160 mg et celle de 200 mg, ou seulement à l’une ou l’autre. Ce litige est pertinent au regard d’une prétention relative à l’utilité faite par Sandoz, en ce sens que le fait que le produit de Fournier n’est pas bioéquivalent à la composition de 160 mg, mais bioéquivalent à la composition de 200 mg seulement, n’est pas contesté.

 

[95]           Fournier soutient, et je suis d’accord avec elle, que cette prétention de Sandoz a été soulevé par son avocat et non par ses experts, dont l’interprétation du brevet 054 ne mentionne pas clairement que la personne versée dans l’art comprendrait que la composition doit être bioéquivalente à la composition de 160 mg et à celle de 200 mg. Néanmoins, cette question doit être portée à l’attention de la Cour puisqu’il s’agit d’une question d’interprétation du brevet, qui est une question de droit que doit trancher la Cour et non les experts.

 

[96]           Sandoz s’appuie sur les décisions Abbott Laboratories c Canada (Ministre de la Santé), 2005 CF 1095, le juge von Finkenstein, et Abbott Laboratories c Canada (Ministre de la Santé), 2005 CF 1332, le juge Phelan; toutefois, j’estime que ces décisions ne sont d’aucune utilité. D’abord, les deux affaires traitent d’un brevet différent de celui en cause en l’espèce. Ensuite, la revendication qui est interprétée dans ces affaires utilisait la conjonction « et » et non « ou » comme dans la présente instance.

 

[97]           À mon avis, la signification simple et sans équivoque de la revendication 20, c’est que la composition doit être bioéquivalente soit à la composition de 160 mg soit à la composition de 200 mg, sans nécessairement être bioéquivalente aux deux. Ce point de vue concorde avec celui de M. Serajuddin qui a déclaré sous serment au paragraphe 186 de son affidavit que [traduction] « la revendication 20 vise la bioéquivalence de la dose de 145 mg et de la gélule de fénofibrate micronisé de 160 mg ou de 200 mg (c.‑à‑d. sans l’effet des aliments) ».

 

Conclusion de l’interprétation du brevet 054

[98]           L’approche téléologique à l’égard de l’interprétation axée sur « des mots ou expressions particuliers qui sont utilisés dans les revendications pour décrire ce qui, selon l’inventeur, constituait les éléments “essentiels” de son invention », comme l’a prescrit la Cour suprême dans Whirlpool, m’amène à conclure que la bonne interprétation à donner à ce brevet est celle qui suit.

 

[99]           La première série de revendications, les revendications 10, 27, 28 et 38, qui dépendent des revendications 1 à 3, comporte les éléments essentiels suivants :

a.       la composition présente une bioéquivalence, qu’elle soit administrée à un humain à jeun ou à un humain non à jeun (comme l’indiquent les revendications 1 à 3), selon la définition de l’USFDA;

b.      la composition est exempte de phospholipides (comme l’indiquent les revendications 1 à 3);

c.       la granulométrie des particules de fénofibrate lors de la dispersion ou de la redispersion dans un milieu biologiquement pertinent (liquide gastrique ou liquide intestinal) est inférieure à 2 µm (comme l’indiquent les revendications 1 à 3);

d.      la granulométrie D50, D90 ou la taille moyenne des particules de fénofibrate dans le comprimé est inférieure à environ 500 nm, 700 nm ou 500 nm (comme l’indiquent les revendications 1 à 3) et l’un ou l’autre de ces critères est inférieur à 150 nm (comme l’indique la revendication 28);

e.       la différence de l’ASC de la composition lorsqu’elle est administrée à un humain non à jeun et à un humain à jeun est inférieure à environ 5 % (comme l’indique la revendication 10);

f.       au moins 80 % de la composition se dissout en 10 minutes ou moins (comme l’indique la revendication 38).

 

[100]       La deuxième série de revendications, soit la revendication 20, comporte les éléments essentiels suivants :

a.       les éléments essentiels de l’une ou l’autre des revendications 1 à 19 à une dose d’environ 145 mg;

b.      la dose est thérapeutiquement efficace;

c.       la composition est bioéquivalente, selon la définition de l’USFDA, à a) un comprimé de fénofibrate micronisé de 160 mg, ou à b) un comprimé de fénofibrate micronisé de 200 mg.

 

[101]       Cette interprétation étant faite du brevet 054, j’examinerai maintenant les allégations importantes de contrefaçon et d’invalidité formulées par Fournier.

 

CONTREFAÇON

[102]       Si la taille des particules de fénofibrate du comprimé de Sandoz se situe dans les plages de distribution granulométrique précisées dans le brevet 054, le comprimé de Sandoz contrefait le brevet 054. Toutes les prétentions des parties quant à la taille des particules dans le comprimé de Sandoz sont fondées sur la preuve de la taille des particules à un stade antérieur (la dispersion) ou à un stade ultérieur (la redispersion). La granulométrie du fénofibrate dans le comprimé de Sandoz ne repose sur aucun élément de preuve direct et précis; personne n’a vraiment mesuré les particules contenues dans ces comprimés. En contre‑interrogatoire, M. Muzzio signale que la microscopie électronique à balayage avec spectroscopie dispersive en énergie aurait permis de déterminer la taille des particules dans le comprimé de Sandoz, mais que ce test n’a pas été effectué :

[traduction] La taille des particules dans les comprimés de Sandoz, c’est ce qui aurait été mesuré si quelqu’un s’était donné la peine d’utiliser la bonne méthode, soit la microscopie électronique à balayage (MEB) avec spectroscopie dispersive en énergie (SDE), une méthode avec laquelle vous pouvez en fait voir les particules, puis en connaître la taille. […] La bonne méthode consistait à employer la SDE. Personne ne l’a fait, donc la réponse exacte à votre question est ailleurs. [Non souligné dans l’original.]

 

[103]       L’avocat de Fournier a décrit la preuve comme étant une combinaison de preuves directes et circonstancielles; toutefois, Fournier s’appuie principalement sur le témoignage de M. Muzzio. Il convient de noter à cet égard que, lorsqu’on l’a contre‑interrogé et qu’on lui a précisément demandé quelle était la taille des particules de fénofibrate dans les comprimés Sandoz, M. Muzzio a répondu ceci : [traduction] « Je peux vous donner une estimation éclairée, et cette estimation est que cette taille sera similaire ou légèrement supérieure à la […] de départ, à l’exception de la mise en garde qu’il pourrait y avoir une croissance modérée. » [Non souligné dans l’original.] Plus tard, il ajoute : « Je suppose qu’il y a de très bonnes chances qu’en fait la valeur soit inférieure à […]. » [Non souligné dans l’original.] Les réserves exprimées dans ces réponses sont les raisons pour lesquelles je rejette l’opinion de M. Muzzio concernant la granulométrie du fénofibrate dans le comprimé de Sandoz, en l’absence d’éléments de preuve à l’appui et corroborants.

 

[104]       Les éléments de preuve présentés à la Cour concernant la taille des particules dans le comprimé de Sandoz nécessitent une compréhension générale du procédé de fabrication et de dissolution des compositions. Dans son affidavit souscrit le 23 février 2001, M. Muzzio, après avoir examiné le procédé de fabrication de Sandoz, déclare que [traduction] « le procédé de Sandoz correspond étroitement à chaque étape du procédé décrit dans le brevet 054 ». Il n’y a aucune preuve du contraire.

 

[105]       L’exemple 5 cité dans le brevet 054 décrit le procédé de fabrication de l’invention selon les étapes suivantes :

[traduction]

1.         Une dispersion de fénofibrate nanoparticulaire est préparée en combinant du fénofibrate et d’autres composants, notamment des stabilisants de surface, puis en broyant la dispersion jusqu’à ce que le fénofibrate soit réduit à une taille nanoparticulaire.

1.               Une dispersion d’alimentation granulée est préparée en combinant la dispersion de fénofibrate nanoparticulaire avec d’autres composants, notamment des stabilisants de surface.

2.             La dispersion d’alimentation granulée est ensuite pulvérisée sur de très fines particules de lactose, la préparation est ensuite séchée pour devenir une poudre.

3.             Cette poudre constituée de particules de lactose séchées et recouvertes de fénofibrate est ensuite transformée en comprimés.

4.             Lorsque le patient prend le comprimé, les particules de fénofibrate contenues dans le comprimé se redispersent.

 

En résumé, le procédé comporte quatre étapes : 1) la création d’une dispersion contenant des nanoparticules de fénofibrate, 2) la pulvérisation de la dispersion sur le lactose, puis le séchage de la préparation, 3) la compression du fénofibrate séché et réduit en poudre, et 4) la redispersion du fénofibrate administré au patient.

 

[106]       Les parties reconnaissent que la granulométrie du fénofibrate dans le comprimé est pertinente pour établir s’il y a contrefaçon ou non. L’allégation de non‑contrefaçon de Sandoz est présumée vraie. Par conséquent, Fournier doit réfuter cette allégation selon la prépondérance des probabilités. Selon Fournier, la preuve démontre que la distribution granulométrique du fénofibrate dans les comprimés de Sandoz se situe dans la plage de distribution granulométrique indiquée dans le brevet 054. Par contre, Sandoz soutient que la taille des particules de fénofibrate dans ses comprimés est supérieure […], bien en dehors de la portée du brevet 054.

 

[107]       L’expert de Fournier, M. Muzzio, est d’avis que, selon les données tirées de la PADN de Sandoz, la granulométrie du fénofibrate contenu dans le comprimé de Sandoz contrefait le brevet 054. Son opinion repose sur les données obtenues de la PADN de Sandoz, qui montrent la granulométrie du fénofibrate dans quatre échantillons de dispersion différents […]. […]

[…]

[…]. Si ces distributions granulométriques sont également présentes dans le comprimé de Sandoz, ce dernier contrefait le brevet 054.

 

[108]       Afin de déterminer la granulométrie du fénofibrate sous forme de comprimé par rapport à celle sous forme de dispersion, Fournier s’appuie sur le témoignage de M. Muzzio ainsi que sur certains extraits des témoignages de M. Kanfer et de M. Fairhurst.

 

[109]       M. Muzzio affirme que rien dans le procédé de fabrication utilisé par Sandoz ne pourrait accroître sensiblement la taille du fénofibrate de cette étape du procédé à l’étape du comprimé.

[traduction]

J’ai examiné le procédé de fabrication de Sandoz, et je suis d’avis que la taille des particules de fénofibrate mesurée par Sandoz après 11 heures dans la suspension sera essentiellement la même que la taille des particules de fénofibrate contenu dans les comprimés de Sandoz. […]

[…]

 

[…]

[…]

 

[110]       Fournier fait valoir que l’opinion de M. Muzzio selon laquelle la taille des particules dans la dispersion resterait inchangée lorsque la composition est compressée est en partie étayée par le témoignage de M. Kanfer.

 

[111]       En contre‑interrogatoire, M. Kanfer a convenu que le brevet 054 indique qu’un stabilisant est ajouté au fénofibrate dans le procédé de broyage pour faire en sorte que le fénofibrate conserve sa petite taille tout au long du procédé de fabrication jusqu’à la pulvérisation et au séchage de la dispersion sur le lactose. Le témoignage de M. Kanfer ci‑dessous permet de conclure que la taille du fénofibrate séché sur le lactose est la même que celle dans la dispersion après le broyage :

[traduction]

694      Q. Merci. Dans l’exemple 5 [du brevet 054], une dispersion de particules ayant une taille moyenne de 169 nanomètres a été préparée et pulvérisée sur du lactose. Est‑ce exact?

R. Oui.

 

695      Q. Puis cette matière a été comprimée?

R. À partir d’une forme intermédiaire, elle a été granulée.

 

696      Q. D’accord.

R. Puis comprimée.

 

697      Q. Donc, ce qui se trouve dans le comprimé, ce sont les particules provenant de la dispersion qui sont pulvérisées sur le lactose sur lequel elles sont séchées; est‑ce bien ça?

R. Oui.

 

698      Q. Et l’une des raisons pour lesquelles vous voulez une dispersion stable, c’est pour que les particules conservent leur petite taille d’origine tout au long du procédé de pulvérisation. Est‑ce exact?

R. Oui, lorsque le… oui.

 

699      Q. Vous avez donc une dispersion stable dans laquelle les particules ne s’agglomèrent pas et vous la pulvérisez sur du lactose sur lequel elle sèche...

R. Mmm.

 

700      Q. ... de façon à fixer ces particules nanométriques sur le lactose?

R. Pour les maintenir à cette taille.

 

701      Q. Pour les maintenir à cette taille sur le lactose?

R. C’est bien cela.

[Non souligné dans l’original.]

 

[112]       Au mieux, le témoignage de M. Kanfer n’étaye qu’en partie l’opinion de M. Muzzio; la taille du fénofibrate demeure inchangée après le procédé de broyage tout au long du procédé de pulvérisation et de séchage, pourvu que la dispersion soit stable.

 

[113]       Fournier s’appuie également sur le témoignage de M. Fairhurst, un expert présenté par Sandoz dans l’affaire T‑991‑10, témoignage qui, comme il a déjà été mentionné, devait constituer une partie du dossier en l’espèce.

 

[114]       Au paragraphe 83(9) de son affidavit souscrit le 11 juin 2011, M. Fairhurst atteste ce qui suit :

[…]

[…]

[…]

[…]

[…]

[…]                                         [Non souligné dans l’original.]

 

[115]       Lors de son contre‑interrogatoire au sujet de cette affirmation, il a affirmé que la granulométrie du fénofibrate dans le comprimé de Sandoz était inférieure à […] :

Q. Donc, ce que vous dites au [paragraphe 83(9)], c’est que lorsqu’un patient prend le comprimé de Sandoz, et nous sommes ici préoccupés par la dissolution et la biodisponibilité, 90 p. cent des particules contenues dans le comprimé auraient une taille inférieure à […]?

R. Oui.

 

Q. Et c’est votre opinion dans ce cas‑ci?

R. D’après les données qu’on m’a présentées, oui.

[Non souligné dans l’original.]

 

 

[116]       Le témoignage de M. Fairhurst concernant la granulométrie D90 du fénofibrate dans le comprimé de Sandoz coïncide avec […]

[…]. Ainsi, le témoignage de M. Fairhurst semble confirmer que la granulométrie du fénofibrate dans le comprimé de Sandoz n’est pas substantiellement différente de celle dans la dispersion; cet élément de preuve confirme le témoignage de M. Muzzio. Toutefois, à l’instar de M. Muzzio, M. Fairhurst ne fournit aucun fondement scientifique indépendant à l’appui de la thèse selon laquelle les particules de fénofibrate ne s’aggloméreront pas au cours de la période commençant à la fin du procédé de broyage et prenant fin après la compression.

 

[117]       M. Serajuddin et M. Leclair présentent des éléments de preuve qui contredisent la position de M. Muzzio.

 

[118]       Selon M. Serajuddin, [traduction] « lorsque les nanoparticules sont en contact étroit les unes avec les autres à l’état sec, elles vont s’agglomérer parce que le stabilisant se diffuse loin des zones de haute énergie entre deux particules ». Pour appuyer cet énoncé figurant au paragraphe 333 de son affidavit, il se fonde sur un article de L. Pelonen et autres intitulé « Pharmaceutical nanocrystals by nanomilling : critical process parameters, particle fracturing and stabilization methods » (nanocristaux pharmaceutiques par nanobroyage : paramètres de procédé critiques, fracturation des particules et méthodes de stabilisation). Il cite le passage suivant de l’article, qui se trouve sous la rubrique « Amount of Stabilizer » (quantité de stabilisant) :

[traduction] Il est important de se rappeler que même si la stabilisation stérique des chaînes polymériques peut s’avérer suffisante dans des suspensions aqueuses, sous une forme sèche elle pourrait ne plus maintenir la répulsion stérique de façon efficace. De plus, dans une suspension, les particules floculées pourraient entraîner une agrégation irréversible en fonction du temps. Lorsque les particules sont proches les unes des autres, il est possible que le stabilisant se diffuse lentement loin des zones de haute énergie entre deux particules séparées, et l’effet stabilisant est perdu. [Non souligné dans l’original.]

 

[119]       Cette référence est loin d’être aussi irréfutable que le témoignage de M. Serajuddin. Rien n’indique que les nanoparticules à l’état sec vont s’agglomérer. On souligne plutôt, lors de l’évaluation de la quantité de stabilisant à utiliser, qu’il existe des différences entre l’état aqueux et l’état sec, et que ce qui pourrait constituer une quantité suffisante pour maintenir la stabilisation stérique à l’état aqueux pourrait ne pas l’être à l’état sec. Les auteurs rappellent au formulateur que lorsque des particules sont proches les unes des autres, il est possible que le stabilisant se diffuse lentement loin des zones de haute énergie entraînant ainsi, avec le temps, l’agglomération des particules. Il faut sans doute tenir compte de cette possibilité au moment de déterminer la quantité de stabilisant à utiliser. Toutefois, même si le fondement scientifique sur lequel repose l’opinion de M. Serajuddin n’est pas aussi irréfutable qu’il le laisse entendre, ce fondement étaye la thèse selon laquelle la taille des particules augmente au cours de la période après la création de la dispersion et la création d’un comprimé.

 

[120]       M. Serajuddin ajoute que le procédé de compression lui‑même entraînera une agglomération des particules :

[traduction] En outre, durant l’étape de compression, les particules de fénofibrate seront davantage comprimées de sorte qu’il se produira un contact supplémentaire entre les particules, formant ainsi une agglomération. De plus, le procédé de compression prévoit l’application d’une pression très élevée sur les ingrédients en vue de former un comprimé solide. Cette pression amène les particules de fénofibrate à entrer en contact les unes avec les autres et à former des ponts entre elles.

 

[121]       Pour étayer son point de vue, il cite le brevet américain 986. Ce brevet indique qu’une composition nanoparticulaire solide granulée par pulvérisation contenant un agent actif faiblement soluble dans l’eau (comme le fénofibrate), au moins un stabilisant de surface et du docusate sodique se redisperse, l’agent actif ayant alors une taille de particules supérieure à sa taille dans la dispersion avant son incorporation en une forme pharmaceutique solide. En contre‑interrogatoire, M. Serajuddin (dossier de la demanderesse, vol. 4, page 845) explique que l’échantillon E figurant dans les tableaux 5 et 6 révèle que la taille des particules de la dispersion à la redispersion a au moins décuplé :

[traduction]

Q. La fourchette de multiplicateurs étayés par le brevet américain 986 est de l’ordre de 10 à 20 fois; est‑ce votre opinion?

R. Si vous examinez la formulation E au tableau 5, puis la formulation E au tableau 6 n’ayant pas été soumise à la sonication, vous verrez que les chiffres sont 2 186, 2 163, 2 544 et 2 000 2 203. Ce sont donc les valeurs moyennes. C’est ainsi que j’ai déterminé que le résultat devait être au moins dix fois supérieur lorsqu’on effectue le test de dispersion.

 

Je note que d’après le tableau 6, si l’échantillon E est soumis à une sonication pendant une minute, la taille des particules diminue considérablement (297, 357, 436, 291 et 292), mais elle augmente encore, pour atteindre près du double de la taille initiale dans la suspension.

 

[122]       Malgré un contre‑interrogatoire serré, M. Serajuddin a fermement déclaré qu’il n’y aurait pas d’agglomération des particules dans la dispersion avant la pulvérisation, bien qu’une agglomération puisse se produire dans le procédé de séchage par pulvérisation. Plus important encore, il est tout aussi convaincu qu’il n’y aurait pas d’agglomération dans la redispersion pourvu que la composition contienne un stabilisant :

[traduction]

Q. Êtes‑vous d’accord avec moi pour dire que l’agglomération sommaire pourrait se produire dans le procédé de séchage par pulvérisation?

R. Oui.

 

Q. Et qu’une certaine ré‑agglomération pourrait survenir dans la dispersion?

R. Pas dans la dispersion. Elle pourrait survenir dans le procédé de séchage par pulvérisation parce qu’une fois que vous prenez de la matière séchée par pulvérisation et que vous la placez dans un solvant, il n’y a aucune possibilité de ré‑agglomération. Si les particules sont agglomérées, c’est qu’elles l’ont été durant le séchage par pulvérisation, et non durant la dispersion.

 

 

Q. S’il y a une quantité suffisante de stabilisant de surface et qu’aucune mesure n’est prise pour prévenir la ré‑agglomération, il pourrait donc y avoir une certaine ré‑agglomération des particules dans le milieu de redispersion avec le temps, n’est‑ce pas?

R. Il n’y a aucun risque de ré‑agglomération dans un milieu de dispersion parce que ces formulations, si vous les examinez, si vous examinez le tableau 5, pour commencer, sont de très fines particules et rien n’indique qu’il ne s’agit pas de formulations stabilisées. On double les formulations ici, puis on les met dans un comprimé et une fois que les particules sont dispersées à partir du comprimé, elles donnent de très fines particules. Il n’y a donc aucun risque. Lorsque vous dispersez quelque chose – si j’ai un comprimé ou des granulés et qu’ils se dispersent, cela veut dire que les particules s’échappent de cet état aggloméré ou solide et qu’elles se dispersent. Il n’y a donc pas d’autre force pour les ramener plus tard dans un milieu de dispersion. Par conséquent, il ne peut y avoir de ré‑agglomération ultérieurement.

 

[123]       En résumé, selon son témoignage fondé sur le brevet américain 986, la taille des particules de fénofibrate dans la redispersion correspondra à la taille des particules sous la forme solide et, d’après une augmentation confirmée par un facteur d’au moins dix, M. Serajuddin est d’avis que la granulométrie D50 du fénofibrate contenu dans le comprimé de Sandoz devrait être d’au moins […], bien en dehors de la plage de distribution granulométrique du brevet 054.

 

[124]       De plus, Sandoz a déposé la preuve de M. Leclair. Celui‑ci affirme aussi que la granulométrie du fénofibrate dans le comprimé est supérieure à celle de la dispersion. Au paragraphe 25 de son affidavit, il déclare ce qui suit :

[traduction] Les procédés de fabrication servant à produire un comprimé d’une nanosuspension pharmaceutique comprennent le séchage par pulvérisation ou la granulation par pulvérisation et la compression. Ces procédés provoqueront l’agglomération des particules primaires. La granulométrie d’une dispersion de particules médicamenteuses soumises au séchage par pulvérisation ou à la granulation par pulvérisation augmentera.

 

[125]       D’après un test de redispersion qu’il a effectué, il estime que la granulométrie D50 devrait être d’au moins […], bien en dehors des plages de distribution granulométrique mentionnées dans le brevet 054.

 

[126]       Toutefois, je n’accorde aucun poids au test de redispersion réalisé par M. Leclair. Il n’est pas un expert dans ce type de tests. C’est le premier test qu’il a effectué. Après avoir mis les comprimés de Sandoz dans le milieu pertinent, sans ajout de surfactant ou de stabilisant, il a remué le mélange pendant environ 45 minutes avant de le filtrer pour déterminer la taille des particules. La preuve indique clairement qu’en l’absence d’un agent stabilisant, les particules de fénofibrate vont s’agglomérer. Par conséquent, aucun fondement scientifique raisonnable ne nous porte à conclure que la taille des particules déterminée au moyen de ce test équivaut à la taille des particules sous forme solide.

 

[127]       Toutefois, à l’instar de M. Serajuddin, et s’appuyant en partie sur le brevet américain 986, M. Leclair est d’avis que la granulométrie sous forme solide sera plus grande que dans la dispersion et que la compression augmentera la taille des particules en raison des pressions exercées dans ce procédé.

 

[128]       Cela résume la preuve concernant la granulométrie du fénofibrate dans le comprimé de Sandoz.

 

[129]       Je ne peux pas conclure que Fournier a établi, selon la prépondérance des probabilités, que la granulométrie du fénofibrate dans la dispersion divulguée dans la PADN de Sandoz correspond à la taille des particules de fénofibrate dans le comprimé de Sandoz. Aucune publication ou étude scientifique ne vient étayer les témoignages de M. Muzzio et de M. Fairhurst. Je privilégie plutôt les témoignages de M. Serajuddin et de M. Leclair, qui sont étayés par le brevet américain 986, et qui révèlent qu’une composition nanoparticulaire solide granulée par pulvérisation ou un comprimé se redisperse, la taille de particules de l’agent actif étant alors supérieure à celle dans la dispersion avant son incorporation en une forme pharmaceutique solide.

 

[130]       Nous savons, d’après la divulgation de Sandoz, que la taille des particules dans sa dispersion présente une valeur D50 […] et une valeur D90 de […]. Nous savons également que ces particules peuvent s’agglomérer. Il a été établi que la taille moyenne des particules dans des dispersions similaires est multipliée par un facteur d’au moins 10 à 20 par rapport à la taille initiale, à la suite d’une agglomération. Il ressort ainsi de la preuve scientifique que la granulométrie augmente, et que cette augmentation pourrait être suffisante pour faire en sorte que la granulométrie du comprimé de Sandoz se situe en dehors des plages de distribution granulométrique du brevet 054. Par conséquent, je conclus que Fournier n’a pas démontré, selon la prépondérance des probabilités, que les allégations de non‑contrefaçon de Sandoz étaient injustifiées.

 

[131]       Avant de clore la discussion, j’aimerais aborder brièvement une prétention de Sandoz, qui a fourni un certain nombre de ses comprimés à Fournier, probablement pour que celle‑ci puisse analyser le produit. Aucun résultat d’analyses n’a été déposé dans le cadre de la présente demande et Sandoz demande à la Cour de conclure que ces analyses ont bel et bien été effectuées, mais que leurs résultats n’ont pas été divulgués parce qu’ils n’appuyaient pas la position de Fournier. Elle fait valoir que la Cour doit appliquer la présomption issue de la common law selon laquelle « lorsqu’une des parties ne produit aucune preuve touchant un fait qu’elle est la mieux à même de démontrer, la Cour en inférera que les faits sont contraires à l’intérêt de cette partie. »

 

[132]       La difficulté en l’espèce vient du fait que Fournier n’était pas en meilleure position que Sandoz pour établir la taille des particules au moyen d’analyses du type de celles qu’a proposées M. Muzzio, directement effectuées sur les comprimés. Il faut reconnaître que le fardeau de la preuve incombe à Fournier et non à Sandoz; cependant, celle‑ci était tout à fait en mesure d’effectuer les analyses et d’établir de manière concluante si ses comprimés contrefaisaient ou non le brevet 054. Fournier soutient que si une inférence défavorable doit être tirée, elle doit l’être à l’encontre de Sandoz. Je ne suis pas d’accord. Aucune inférence défavorable à l’une ou l’autre des parties n’est justifiée dans les circonstances.

 

[133]       La conclusion de non‑contrefaçon à laquelle je suis parvenu suffit pour trancher la présente demande puisque Fournier ne peut obtenir l’ordonnance d’interdiction qu’elle réclame que si elle parvient à réfuter, selon la prépondérance des probabilités, toutes les allégations de Sandoz qui, en l’absence de réfutation, permettraient au ministre de délivrer un AC. Cependant, par souci d’exhaustivité, j’examinerai brièvement les allégations d’invalidité soulevées par Sandoz et auxquelles Fournier a répondu.

 

ANTÉRIORITÉ

[134]       Pour qu’il y ait antériorité, il faut qu’un même document de l’art antérieur divulgue tous les éléments essentiels de l’invention contestée : Eli Lilly & Co c Apotex Inc, 2009 CF 991, au paragraphe 410. Il peut y avoir antériorité même lorsqu’un élément essentiel de l’invention n’est pas expressément divulgué par l’antériorité, mais que sa réalisation contrefait le brevet en cause. Dans ce cas, l’invention se heurte à une antériorité même si personne ne s’en était rendu compte à l’époque de cette antériorité. Cependant, dans ce cas [traduction] « la contrefaçon doit représenter davantage qu’une simple conséquence possible, voire même probable, de la réalisation de l’invention divulguée par l’antériorité. Celle‑ci doit nécessairement l’impliquer : Synthon BV c Smithkline Beecham plc, [2005] UKHL 59, au paragraphe 23.

 

[135]       Pour établir si l’antériorité divulgue l’invention, les essais ne sont pas permis. Comme le faisait remarquer la Cour suprême dans Sanofi‑Synthelabo Canada Inc c Apotex Inc, 2008 CSC 61 [Sanofi‑Synthelabo], aux paragraphes 25 et 27 :

En ce qui concerne la divulgation, la personne versée dans l’art [traduction] « est censée tenter de comprendre ce que l’auteur de la description [dans le brevet antérieur] a voulu dire » (par. 32). À cette étape, les essais successifs sont exclus. La personne versée dans l’art se contente de lire le brevet antérieur pour en comprendre la teneur.

[…]

Dès lors que l’objet de l’invention est divulgué dans un brevet antérieur, on suppose que la personne versée dans l’art est disposée à procéder par essais successifs pour arriver à l’invention. Bien que de tels essais soient exclus à l’étape de la divulgation, ils ne le sont pas pour les besoins du caractère réalisable, car la question n’est plus de savoir si la personne versée dans l’art saisit la teneur de la divulgation du brevet antérieur, mais bien si elle est en mesure de réaliser l’invention.

 

[136]       J’estime que la bioéquivalence, telle que définie dans le brevet 054, est un élément essentiel de cette invention. Pas une seule des nombreuses techniques antérieures citées par Sandoz ne mentionne ni ne décrit expressément la bioéquivalence, encore moins telle qu’elle est définie dans le brevet 054. Si le brevet 054 se heurte à l’un des documents d’antériorité, sa réalisation doit aboutir à la contrefaçon de ce brevet, c’est‑à‑dire à la bioéquivalence décrite. Rien n’indique que les documents d’antériorité remplissent ce critère : je conclus par conséquent que le brevet 054 n’a pas été divulgué dans des antériorités.

 

[137]       Si j’avais conclu que le brevet 054 avait fait l’objet d’une divulgation antérieure, j’aurais eu à me demander si cette divulgation était réalisable. Le brevet antérieur fournit‑il assez d’informations pour que l’invention ultérieurement planifiée puisse être réalisée sans difficultés excessives? Les essais de routine sont acceptables et ne seront pas assimilés à des difficultés de ce genre, mais les expériences et les essais successifs ne doivent pas se prolonger même dans les domaines où ils sont monnaie courante. Les essais successifs prolongés ou ardus ne sont pas tenus pour courants.

 

[138]       Dans l’ensemble, j’accepte toutes les observations présentées par Fournier sur le caractère réalisable et, en particulier, celle selon laquelle la preuve de M. Kanfer démontre que même s’il y a divulgation, l’antériorité n’établit pas le caractère réalisable. Au paragraphe 301 de son affidavit, M. Kanfer déclare au sujet du brevet 054 qu’[traduction] « une personne versée dans l’art ne serait pas en mesure de préparer les compositions visées par la revendication 1, c’est‑à‑dire qui seraient différentes de celles mentionnées dans les exemples, sans devoir mener d’expériences excessives ». [Non souligné dans l’original.] Je suis d’accord avec l’avocat de Fournier : [traduction] « Les personnes versées dans l’art qui tentent d’exécuter le [brevet 054] connaissent les antériorités, et pourtant M. Kanfer indique qu’elles ne seraient pas en mesure d’exécuter le brevet et de réaliser les inventions revendiquées même à la lumière des antériorités et du [brevet 054], ce qui contredit carrément l’allégation voulant que l’antériorité permette de réaliser l’invention. »

 

[139]       Par conséquent, je conclus que Fournir a démontré, selon la prépondérance des probabilités, que l’allégation de Sandoz touchant l’antériorité n’est pas fondée.

 

ÉVIDENCE

[140]       Le caractère évident doit être établi conformément à l’analyse en quatre volets décrite par la Cour suprême dans l’arrêt Sanofi‑Synthelabo au paragraphe 67 :

1) Identifier la « personne versée dans l’art » et déterminer les connaissances générales courantes pertinentes de cette personne;

 

2) Définir l’idée originale de la revendication en cause, au besoin par voie d’interprétation;

 

3) Recenser les différences, s’il en est, entre ce qui ferait partie de « l’état de la technique » et l’idée originale qui sous‑tend la revendication ou son interprétation;

 

4) Abstraction faite de toute connaissance de l’invention revendiquée, ces différences constituent‑elles des étapes évidentes pour la personne versée dans l’art ou dénotent‑elles quelque inventivité?

 

Aux paragraphes 69 et 70, la Cour suprême propose des facteurs additionnels à envisager à la quatrième étape, celle dite de l’« essai allant de soi » :

a. Est‑il plus ou moins évident que l’essai sera fructueux? Existe‑t‑il un nombre déterminé de solutions prévisibles connues des personnes versées dans l’art?

 

b. Quels efforts – leur nature et leur ampleur – sont requis pour réaliser l’invention? Les essais sont‑ils courants ou l’expérimentation est‑elle longue et ardue de telle sorte que les essais ne peuvent être qualifiés de courants?

 

c. L’art antérieur fournit‑il un motif de rechercher la solution au problème qui sous‑tend le brevet?

 

d. Les mesures concrètes ayant mené à l’invention.

 

[141]       On a déjà reconnu que la personne versée dans l’art devait être titulaire d’un doctorat en sciences pharmaceutiques et avoir à son actif une à trois années d’expérience dans le domaine de la préparation de produits pharmaceutiques, ou encore qu’elle devait avoir une maîtrise en sciences pharmaceutiques et cinq à sept années d’expérience.

 

[142]       La promesse se rapporte à l’usage que l’inventeur revendique pour son invention et c’est l’énoncé de cet usage qui lui a permis de se voir accorder un monopole à l’égard de son invention. Le juge O’Reilly l’a expliqué en ces termes, dans la décision Hoffman‑La Roche c Apotex Inc, 2011 CF 875, au paragraphe 20 :

[D]ans son interprétation d’un brevet, la Cour doit désigner l’invention revendiquée, à savoir l’objet ayant censément un caractère de nouveauté et d’utilité. Pour savoir si les inventeurs ont respecté l’exigence de l’utilité, la Cour examinera si les inventeurs ont donné « un objet nouveau ou meilleur ou moins dispendieux ou si elle accorde au public un choix utile » (Consolboard Inc c. MacMillan Bloedel (Sask) Ltd, [1981] 1 R.C.S. 504, par. 521). [Non souligné dans l’original.]

 

[143]       À mon avis, l’invention contenue dans le brevet 054 promet de résoudre les problèmes se rapportant au fénofibrate et aux compositions précédentes de ce principe actif. Le mémoire descriptif l’indique clairement :

[traduction] Étant donné que les fibrates, notamment le fénofibrate, sont si insolubles dans l’eau, une biodisponibilité importante peut s’avérer problématique. De plus, les préparations classiques de fibrate, notamment le fénofibrate, présentent des effets radicalement différents selon que le patient est à jeun ou non. Enfin, avec les préparations classiques de fibrate, notamment le fénofibrate, il faut avoir recours à des doses relativement fortes pour obtenir les effets thérapeutiques souhaités. Il y a un besoin dans le domaine pour des préparations de fibrate nanoparticulaire qui permettent de surmonter ces problèmes et d’autres problèmes associés aux anciennes préparations classiques de fibrate sous forme microcristalline. La présente invention répond à ces besoins. [Non souligné dans l’original.]

 

[144]       De plus, les revendications explicites et les nombreuses analyses sur la bioéquivalence citées dans la divulgation montrent bien que les inventeurs promettaient une bioéquivalence chez les patients à jeun et ceux qui ne l’étaient pas, tels que ces états sont définis dans le brevet 054.

 

[145]       En bref, l’invention promet une composition de fénofibrate biodisponible, sans qu’il faille administrer de doses importantes pour atteindre l’effet thérapeutique, et une efficacité qui ne dépend pas du fait que le patient soit à jeun ou pas, tels que ces états sont définis par les lignes directrices de l’USFDA.

 

[146]       Fournier soutient que même si l’on savait que le fait d’accroître la dissolution augmenterait la biodisponibilité et que la dissolution est accrue par une réduction de la taille des particules, rien dans les connaissances courantes de la personne versée dans l’art n’indiquait que cela entraînerait la réduction ou l’élimination de l’effet des aliments. Cette opinion est étayée par l’expert de Sandoz, M. Kanfer qui, en contre‑interrogatoire, a déclaré que personne n’aurait su que la réduction de la taille des particules éliminerait l’effet des aliments :

724.        Q. En ce qui concerne les connaissances générales courantes et les antériorités que vous avez examinées, êtes‑vous d’accord avec la proposition suivante : un travailleur moyen versé dans l’art se serait attendu, dans le cas de formulations contenant des nanoparticules de fénofibrate qui se redispersent, c’est‑à‑dire qui ne s’agglomèrent pas de façon marquée dans les milieux biologiquement pertinents, que ces formulations présenteraient une biodisponibilité accrue, ce qui aurait pour effet de réduire ou d’éliminer l’effet des aliments?

 

R. Un travailleur moyen versé dans l’art aurait besoin de renseignements supplémentaires.

 

725.        Q. Vous n’êtes donc pas d’accord avec cet énoncé?

 

R. Je ne suis pas d’accord.

 

726.        Q. Un formulateur raisonnable croirait‑il en cet énoncé? Ou pensez‑vous que ce n’est pas raisonnable?

 

R. Un formulateur raisonnable accepterait également cet énoncé. Qu’il examinerait la formulation, puis qu’il devrait réaliser beaucoup d’expériences pour s’assurer qu’il n’y a rien de prévisible en ce qui concerne toutes les autres possibilités. Il comprendrait alors que « c’est ce qui fonctionne, mais cela pourrait ne pas fonctionner pour bien d’autres choses ».

 

727.        Q. Vous dites donc qu’un formulateur raisonnable serait d’accord avec vous?

 

R. Oui.

 

728.        Q. Et qu’un formulateur raisonnable serait en désaccord avec l’énoncé dont je vous ai parlé? Aucun formulateur raisonnable ne serait de cet avis?

 

R. Qu’on prévoirait une augmentation de la biodisponibilité ou une bioéquivalence?

 

729.        Q. Qu’il y aurait une biodisponibilité accrue, ce qui aurait pour effet de réduire ou d’éliminer l’effet des aliments?

 

R. Je crois qu’il faut tout de même faire une distinction entre les deux. Parce qu’il y a ici des composantes qui concernent le nano‑dimensionnement et la micronisation. De plus, nous savons que c’est une des façons d’améliorer la solution et probablement d’accroître la biodisponibilité. Mais en ce qui concerne le résultat final, soit la bioéquivalence, nous n’en savons rien.

 

730.        Q. Ce que je vous demande, c’est si vous êtes d’accord avec l’énoncé... Je répète la question : par rapport aux connaissances générales courantes dans l’art antérieur, un travailleur moyen versé dans l’art se serait attendu, dans le cas de formulations contenant des nanoparticules de fénofibrate qui se redispersent… c’est‑à‑dire qu’elles ne s’agglomèrent pas de façon marquée dans les milieux biologiquement pertinents, que ces formulations présenteraient une biodisponibilité accrue, ce qui aurait pour effet de réduire ou d’éliminer l’effet des aliments?

 

R. Je suis d’accord avec la moitié de cet énoncé.

 

731.        Q. Mais vous n’êtes pas d’accord avec la seconde moitié?

 

R. C’est bien cela.

 

732.        Q. Et je vous demande si un formulateur raisonnable arriverait à la conclusion que les deux moitiés de cet énoncé sont vraies?

 

R. Il serait également d’accord avec la moitié de l’énoncé.

 

733.        Q. Aucun formulateur raisonnable ne serait d’accord avec les deux moitiés?

 

R. Aucun.

 

[147]       Par conséquent, j’estime qu’il n’était pas évident pour la personne versée dans l’art que la réduction de la taille des particules de fénofibrate entraînerait une bioéquivalence, telle qu’elle est définie par les lignes directrices de l’USFDA. Fournier a montré, selon la prépondérance des probabilités, que les allégations de Sandoz sur le caractère évident ne sont pas fondées.

 

PORTÉE PLUS LARGE DES REVENDICATIONS/INUTILITÉ/PRÉDICTION VALABLE

[148]       Sandoz fait valoir que le brevet 054 a une portée trop large parce qu’il ne se limite pas à la seule préparation mentionnée à titre d’exemple dans le brevet et dont les inventeurs ont prouvé qu’elle fonctionnait. Cette allégation fait intervenir la doctrine de la prédiction valable comme le faisait observer la juge Mactavish dans Aventis Pharma Inc c Apotex Inc, 2005 CF 1283, au paragraphe 156 :

Il est clairement établi en droit que le breveté n’est pas limité aux composés spécifiques qu’il a effectivement fabriqués ou testés avant de réclamer la protection conférée par le brevet. Le breveté peut revendiquer une protection plus vaste qui s’étend à une catégorie de composés, à condition que sa revendication soit fondée sur une prédiction valable.

 

[149]       Le brevet 054 apprend à la personne versée dans l’art qu’il existe des combinaisons et des concentrations de stabilisants de surface qui ne sont pas fructueuses et en révèle une qui fonctionne. Par ailleurs, et plus important encore, le brevet 054 fait état de limites fonctionnelles et énumère les tests devant être effectués pour établir quelles préparations s’y conforment ou non. J’accepte l’observation de Fournier selon laquelle la preuve montre que ces analyses relèvent des aptitudes courantes de la personne versée dans l’art et que les allégations sur la portée trop générale, l’absence de prédictions valables et l’inutilité ne sont donc pas fondées.

 

DIVULGATION INSUFFISANTE

[150]       Sandoz allègue que la personne versée dans l’art devra effectuer des analyses qui vont au‑delà des simples expériences courantes pour obtenir les préparations visées par les revendications du brevet 054. Elle s’appuie à cet égard sur l’affidavit de M. Ruddy, qui explique les difficultés qu’ont dû surmonter les inventeurs du brevet 054. Sandoz déclare plus précisément ceci : [traduction] « Le brevet 054 n’indique pas que la concentration dans la suspension de nanocristaux dispersés était critique, ou qu’il fallait employer du laurylsulfate de sodium, du docusate sodique et du sucrose. »

 

[151]       L’allégation de Sandoz doit être rejetée. M. Ruddy n’a jamais dit que ces problèmes appelaient davantage que des expériences courantes et, qui plus est, il décrivait celles qui étaient requises avant l’invention du brevet 054. Les efforts qu’ont dû déployer les inventeurs pour réaliser cette invention la première fois n’ont aucune pertinence au regard de la question qui nous occupe. Contrairement aux inventeurs du brevet 054, la personne versée dans l’art disposera dudit brevet lorsqu’elle tentera de réaliser l’invention. J’accepte la proposition de Fournier selon laquelle cette personne prendrait conscience des difficultés évoquées et pourrait les surmonter grâce à des expériences courantes. Je ne souscris pas à l’opinion de Sandoz selon laquelle un certain degré d’inventivité était requis pour mettre en pratique ce qui était décrit dans la revendication.

 

CONCLUSION

[152]       Comme Fournier n’a pas établi, selon la prépondérance des probabilités, que toutes les allégations de Sandoz ne sont pas fondées, la présente demande doit être rejetée. Sandoz a droit au remboursement de dépens raisonnables. Si les parties ne sont pas en mesure de s’entendre sur un montant, elles peuvent en aviser la Cour qui donnera d’autres directives.


JUGEMENT

 

LA COUR STATUE que :

 

1.                  La demande est rejetée;

 

2.                  Sandoz Canada Inc. a droit aux dépens conformément aux présents motifs.

 

 

« Russel W. Zinn »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Sandra de Azevedo, LL.B.

 


ANNEXE A

 

Revendications pertinentes du brevet 054

 

[traduction]

 

1. Une composition stable de fénofibrate destinée à une administration par voie orale contenant :

 

a) des particules de fénofibrate ayant une granulométrie D50 inférieure à environ 500 nm;

 

b) au moins un stabilisant de surface;

 

laquelle composition présente une bioéquivalence, qu’elle soit administrée à un sujet humain non à jeun ou à un sujet humain à jeun;

 

dans laquelle :

 

(i) la bioéquivalence est établie par :

 

a) un intervalle de confiance à 90 % pour l’ASC, compris entre 80 et 125 %;

 

b) un intervalle de confiance à 90 % pour la Cmax, compris entre 80 et 125 %;

 

(ii) la composition se disperse dans un milieu biologiquement pertinent;

 

(iii) la composition est exempte de phospholipides.

 

 

 

2. Une composition stable de fénofibrate destinée à une administration par voie orale contenant :

 

a) des particules de fénofibrate ayant une granulométrie D90 inférieure à environ 700 nm;

 

b) au moins un stabilisant de surface;

 

laquelle composition présente une bioéquivalence, qu’elle soit administrée à un sujet humain non à jeun ou à un sujet humain à jeun;

 

dans laquelle :

 

(i) la bioéquivalence est établie par :

 

a) un intervalle de confiance à 90 % pour l’ASC, compris entre 80 et 125 %;

 

b) un intervalle de confiance à 90 % pour la Cmax, compris entre 80 et 125 %;

 

(ii) la composition se redisperse dans un milieu biologiquement pertinent;

 

(iii) la composition est exempte de phospholipides.

 

 

3. Une composition stable de fénofibrate destinée à une administration par voie orale contenant :

 

a) des particules de fénofibrate ayant une granulométrie moyenne inférieure à environ 500 nm;

 

b) au moins un stabilisant de surface;

 

laquelle composition présente une bioéquivalence, qu’elle soit administrée à un sujet humain non à jeun ou à un sujet humain à jeun;

 

dans laquelle :

 

(i) la bioéquivalence est établie par :

 

a) un intervalle de confiance à 90 % pour l’ASC, compris entre 80 et 125 %;

 

b) un intervalle de confiance à 90 % pour la Cmax, compris entre 80 et 125 %;

 

(ii) la composition se redisperse dans un milieu biologiquement pertinent;

 

(iii) la composition est exempte de phospholipides.

 

 

10. La composition de l’une ou l’autre des revendications 1 à 3, dans laquelle la différence de l’ASC de la composition de fénofibrate, lorsqu’elle est administrée à un sujet humain non à jeun par rapport à un sujet humain à jeun, est inférieure à environ 5 %.

 

 

20. La composition de l’une ou l’autre des revendications 1 à 19 comprenant une dose d’environ 145 mg de fénofibrate, pour laquelle :

 

a) la dose est thérapeutiquement efficace;

 

b) la composition est bioéquivalente à un comprimé de fénofibrate micronisé de 160 mg ou à une gélule de fénofibrate micronisé de 200 mg, où la bioéquivalence, lorsque la composition est administrée à un humain, est établie par un intervalle de confiance à 90 % pour la Cmax et l’ASC, compris entre 0,80 et 1,25.

 

 

27. La composition de l’une ou l’autre des revendications 1 à 22, dans laquelle la granulométrie D50, D90 ou la granulométrie moyenne des particules de fénofibrate est inférieure à environ 200 nm.

 

 

28. La composition de l’une ou l’autre des revendications 1 à 22, dans laquelle la granulométrie D50, D90 ou la granulométrie moyenne des particules de fénofibrate est inférieure à environ 150 nm.

 

 

36. La composition de l’une ou l’autre des revendications 1 à 35, dans laquelle :

 

a) dans un délai d’environ 5 minutes, au moins presque 40 % de la composition est dissoute;

 

b) dans un délai d’environ 10 minutes, au moins presque 60 % de la composition est dissoute; ou

 

c) dans un délai d’environ 20 minutes, au moins presque 90 % de la composition est dissoute;

 

composition dans laquelle la dissolution est mesurée dans un milieu aqueux discriminant qui contient du laurylsulfate de sodium à 0,025 M, et dans laquelle la méthode à pâles rotatives est utilisée pour mesurer la dissolution.

 

 

38. La composition de la revendication 36, dans laquelle dans un délai de 10 minutes, au moins 80 % de la composition est dissoute.

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                    T‑1184‑10

 

INTITULÉ :                                                  FOURNIER PHARMA INC. ET AUTRE c.
LE MINISTRE DE LA SANTÉ, ALKERMES PHARMA IRELAND LIMITED et SANDOZ CANADA INC.

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                          Toronto (Ontario)

 

 

DATE DE L’AUDIENCE :                         Du 26 au 29 mars 2012

 

MOTIFS PUBLICS DU

JUGEMENT ET JUGEMENT :                LE JUGE ZINN

 

 

DATE DES MOTIFS :                                 Le 5 juillet 2012

 

 

COMPARUTIONS :

 

Andrew J. Reddon/Steven Tanner/

Steven Mason

 

POUR LES DEMANDERESSES

 

Warren Sprigings / Mary Millan / Brian Daley

 

POUR LES DÉFENDEURS

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

McCarthy Tétrault LLP

Avocats

Ottawa (Ontario)

 

POUR LES DEMANDERESSES

Sprigings

Avocats

Toronto (Ontario)

POUR LES DÉFENDEURS

 

 



*    Conformément à l’usage, les motifs du jugement ont été communiqués aux parties sous forme de motifs confidentiels, en leur offrant la possibilité de présenter des observations touchant la suppression de certains renseignements confidentiels. Ces observations ont été examinées et les motifs publics tiennent compte des suppressions que la Cour juge nécessaires pour protéger les renseignements confidentiels.

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