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Cour fédérale

 

Federal Court

Date : 20120612

Dossier : IMM-6340-11

Référence : 2012 CF 704

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 12 juin 2012

En présence de monsieur le juge Pinard

ENTRE :

NIHAL TISSA SENADHEERA

 

demandeur

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire présentée par Nihal Tissa Senadheera (le demandeur) en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la Loi), visant la décision rendue par l’agent d’immigration désigné U. Atukorala (l’agent) le 24 juin 2011. L’agent a alors refusé la demande de visa de résident permanent présentée par le demandeur à titre de travailleur qualifié visé au paragraphe 12(2) de la Loi et à l’article 76 du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002‑227 (le Règlement).

 

[2]               Le demandeur est un citoyen du Sri Lanka. Il est titulaire d’un baccalauréat en sciences et d’une maîtrise en administration des affaires. Il possède et exploite sa propre compagnie, Fidelity International (Private) Ltd., depuis 1996.

 

[3]               En 2008, le demandeur a obtenu un avis sur un emploi réservé favorable (l’AER) relativement au poste de gestionnaire du développement au sein de la North American Tea & Coffee Inc., à Delta (Colombie‑Britannique). Il a présenté une demande de résidence permanente au Canada au titre du Programme des travailleurs qualifiés (fédéral) en décembre 2009. Dans la demande, il demandait au décideur d’envisager la possibilité de substituer son appréciation aux critères applicables, conformément au paragraphe 76(3) du Règlement, s’il n’obtenait pas le nombre de points requis.

 

[4]               Après avoir produit tous les autres documents demandés à l’appui de sa demande, le demandeur a reçu une lettre datée du 23 mai 2011 l’informant qu’il ne satisfaisait pas aux exigences prévues au paragraphe 75(2) du Règlement pour obtenir un visa de travailleur qualifié, en particulier parce qu’il n’avait pas produit une preuve suffisante de son expérience de travail. Son avocate a communiqué avec le gestionnaire de programme de Citoyenneté et Immigration Canada, B. Hudson, afin qu’il y ait un réexamen étant donné que des documents additionnels auraient dû être demandés s’il y avait des doutes au sujet de l’expérience de travail du demandeur. L’agent a décidé que sa première lettre de décision datée du 23 mai 2011 avait été expédiée par erreur et que le demandeur avait droit à une appréciation par points en vertu de l’article 76 du Règlement vu qu’il avait obtenu un AER favorable.

 

[5]               Le demandeur soulève les questions suivantes :

  1. L’agent a-t-il commis une erreur en ne reconnaissant pas l’expérience de travail du demandeur?
  2. L’agent a-t-il commis une erreur en n’exerçant pas son pouvoir discrétionnaire prévu au paragraphe 76(3) du Règlement?
  3. L’agent a-t-il commis une erreur en ne tenant pas compte des documents relatifs aux études postsecondaires de l’épouse accompagnant le demandeur ou de l’AER du demandeur?
  4. L’agent a-t-il omis de respecter les principes d’équité procédurale en donnant des motifs insuffisants?

 

 

 

[6]               Les décisions relatives à l’admissibilité d’un demandeur à la résidence permanente à titre de travailleur qualifié sont fondées sur des conclusions de fait discrétionnaires, de sorte qu’elles sont assujetties à la norme de contrôle de la raisonnabilité. En conséquence, la Cour ne peut les modifier que si le raisonnement de l’agent était déficient et que sa décision ne fait pas partie des « issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » (Dunsmuir c. Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190, au paragraphe 47). Bien qu’il puisse y avoir plus d’une issue possible, une cour de révision ne peut substituer la solution qu’elle juge appropriée à celle qui a été retenue si le processus décisionnel de l’agent respecte les principes de justification, de transparence et d’intelligibilité (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Khosa, 2009 CSC 12, [2009] 1 R.C.S. 339, au paragraphe 59).

 

[7]               L’obligation incombant à l’agent de déterminer s’il convient d’exercer le pouvoir discrétionnaire qui lui est conféré au paragraphe 76(3) du Règlement n’est toutefois pas discrétionnaire, et c’est la norme de la décision correcte qui s’applique dans ce cas (Miranda c. Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, 2010 CF 424). C’est aussi cette norme qui s’applique aux questions d’équité procédurale (Suresh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CSC 1, [2002] 1 R.C.S. 3).

 

i.    L’agent a-t-il commis une erreur en ne reconnaissant pas l’expérience de travail du demandeur?

 

[8]               Le demandeur prétend que, si l’agent avait des doutes au sujet de son expérience de travail, il avait l’obligation de l’en informer et de lui donner la possibilité de les dissiper (Torres c. Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, 2011 CF 818, aux paragraphes 37 à 40).

 

[9]               Le défendeur fait remarquer que la Liste de contrôle des documents précise les documents qui sont nécessaires pour prouver l’expérience de travail et indique : « Si vous n’êtes pas en mesure de fournir une lettre de recommandation de votre employeur actuel, veuillez joindre une lettre d’explications. »

 

[10]           Le défendeur a raison quand il dit que la Liste de contrôle des documents mentionne clairement les documents nécessaires pour prouver l’expérience de travail, plus particulièrement des lettres de recommandation de l’employeur actuel et des employeurs précédents. La Liste de contrôle indique aussi que les personnes qui ne peuvent fournir de lettres de recommandation doivent donner des explications. Le demandeur n’a pas produit les documents demandés et il n’a pas expliqué pourquoi il ne pouvait pas les obtenir. Je rejette son affirmation selon laquelle il n’avait aucun moyen de prouver son expérience de travail autre que ses propres déclarations. Comme le défendeur l’affirme, il aurait pu, par exemple, obtenir des lettres d’appui de ses clients dans lesquelles ses fonctions auraient été décrites de manière détaillée (Bandoo c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1997] A.C.F. no 603 (1re inst.) (QL)).

 

[11]           Je conviens également avec le défendeur que l’agent n’avait pas l’obligation d’informer le demandeur des lacunes de sa demande – il incombait au demandeur de présenter une demande complète qui établissait qu’il satisfaisait aux exigences relatives à l’obtention d’un visa de travailleur qualifié. Le demandeur n’ayant pas produit une preuve suffisante de son expérience de travail, il était raisonnable que l’agent ne lui attribue aucun point pour ce facteur.

 

[12]           Je souligne que, comme le demandeur n’a pas établi qu’il avait accumulé au moins une année continue d’expérience de travail à temps plein au cours des dix années ayant précédé la date de présentation de sa demande, il ne satisfaisait pas aux exigences minimales relatives à un travailleur qualifié aux termes du paragraphe 75(2) du Règlement. En conséquence, la demande aurait dû être refusée conformément au paragraphe 75(3) et aucune autre analyse n’aurait dû être effectuée. L’agent semble avoir cru que le demandeur avait droit à une appréciation par points en vertu de l’article 76 du Règlement parce qu’il avait un AER favorable. Or, un AER favorable ne dispense pas un demandeur de l’obligation de satisfaire aux exigences prévues au paragraphe 75(2) du Règlement.

 

[13]           Je ne vois rien dans la Loi, dans le Règlement ou dans les instructions ministérielles qui donne à penser qu’un demandeur est dispensé de l’obligation de satisfaire aux exigences du paragraphe 75(2) s’il dispose d’un AER favorable. Selon les instructions ministérielles, les demandes seront traitées immédiatement si le demandeur dispose d’un AER favorable, mais la demande doit tout de même respecter les exigences de la Loi et du Règlement. En conséquence, je ne peux pas comprendre pourquoi l’agent a déterminé que le demandeur avait droit à une appréciation par points alors que, selon lui, le demandeur n’avait pas fait la preuve de son expérience de travail ou, en d’autres termes, qu’il n’avait pas démontré qu’il satisfaisait aux exigences du paragraphe 75(2) du Règlement. Il me semble que la demande a été refusée avec raison conformément au paragraphe 75(3) la première fois, une décision qui n’a pas à être modifiée.

 

[14]           Pour ce motif, la présente demande de contrôle judiciaire sera rejetée étant donné que toutes les erreurs alléguées ont été commises dans le cadre de l’appréciation par points visée à l’article 76 du Règlement. Comme la demande n’a pas été examinée de façon appropriée sous le régime de l’article 76, ces erreurs n’auraient aucune incidence sur l’issue de l’affaire.

 

[15]           Je conviens avec les avocates des parties qu’il n’y a pas de question à certifier en l’espèce.

 


 

JUGEMENT

 

            La demande de contrôle judiciaire visant la décision de l’agent d’immigration désigné U. Atukorala de refuser, le 24 juin 2011, la demande de visa de résident permanent présentée par le demandeur à titre de travailleur qualifié visé au paragraphe 12(2) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27, et à l’article 76 du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002‑227, est rejetée.

 

 

« Yvon Pinard »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER                                                      IMM-6340-11

 

INTITULÉ :                                                  NIHAL TISSA SENADHEERA c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                          Vancouver (Colombie‑Britannique)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                         Le 8 mai 2012

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                        LE JUGE PINARD

 

DATE DES MOTIFS :                                 Le 12 juin 2012

 

 

COMPARUTIONS :

 

Chi-Young Lee                                                                       POUR LE DEMANDEUR

 

Kim Sutcliffe                                                                          POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

McCrea & Associates                                                             POUR LE DEMANDEUR

Vancouver (Colombie‑Britannique)

 

Myles J. Kirvan                                                                       POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

 

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