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Date : 20120611

Dossier : IMM-8579-11

Référence : 2012 CF 731

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Toronto (Ontario), le 11 juin 2012

En présence de monsieur le juge Campbell

 

ENTRE :

 

OLAWUNMI ISLAMIYAT RAJI ET MALIK AJIBOLA T. RAJI

 

 

 

demandeurs

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

           MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

[1]               La présente demande concerne la décision d’un agent de Citoyenneté et Immigration Canada (l’agent) qui a refusé de dispenser la demanderesse, pour des motifs d’ordre humanitaire ou pour des raisons liées à l’intérêt public, de l’application des critères de sélection applicables aux demandes de résidence permanente présentées au Canada. La demanderesse est une Nigériane qui fonde sa demande sur le risque auquel elle serait exposée en cas de retour au Nigeria, sur son niveau d’établissement au Canada et sur l’intérêt supérieur de ses enfants au Canada. La demanderesse a deux enfants au Canada : un fils de onze ans, qui est Nigérian, et une fille de quatre ans, née au Canada.

 

[2]               Dans son analyse relative à l’intérêt supérieur des enfants, l’agent tire les conclusions suivantes :

[TRADUCTION]

[…] Je ne crois pas que les équipements médicaux au Nigeria soient inaptes à corriger les troubles médicaux de sa fille si elle décide de l’emmener avec elle au Nigeria. Je ne suis pas convaincu que la fille de la demanderesse serait soumise personnellement à un risque pour sa vie si elle allait vivre au Nigeria. Je ne crois pas que la fille de la demanderesse serait exposée à un risque de mort au Nigeria ni que les difficultés entraînées par son retour au Nigeria avec sa mère pour la présentation d’une demande de résidence permanente seraient des difficultés inhabituelles et injustifiées ou démesurées.

 

[…]

 

[…] J’ai pris en compte le fait que la fille de la demanderesse est née au Canada; cependant, je ne crois pas que les conséquences générales de la réinstallation au Nigeria avec sa mère auraient pour elle des conséquences défavorables importantes qui équivaudraient à des difficultés inhabituelles et injustifiées ou démesurées. […]

 

Je relève que les enfants sont âgés de onze et quatre ans respectivement et, bien que je compatisse aux difficultés émotionnelles que celui de onze ans pourrait connaître après qu’il aura été séparé de ses camarades d’école, la preuve ne me permet pas de conclure que le fait pour lui d’être séparé de ses amis ici au Canada entraînerait des difficultés inhabituelles et injustifiées ou démesurées. Quels que soient les ajustements que les enfants devront subir au Nigeria, ils auront le soutien de leur mère, la personne sur laquelle ils comptent dans leurs vies. Je reconnais qu’ils auront un peu de mal à retourner au Nigeria et à s’y réinstaller, cependant la preuve qui m’a été soumise ne me permet pas de dire que les enfants devront rompre des liens qui ont été établis avec leurs amis ou avec leur famille, et je ne suis pas convaincu que le fait de retourner au Nigeria avec leur mère les privera des choses nécessaires à la vie. Par ailleurs, je ne crois pas que les difficultés entraînées par leur retour au Nigeria en vue d’y obtenir un visa de résidence permanente au

 

Canada seraient des difficultés inhabituelles et injustifiées ou démesurées.

 

[Non souligné dans l’original.]

 

(Décision, aux pages 13 à 16.)

 

L’avocat de la demanderesse soutient que ces conclusions font apparaître une erreur susceptible de contrôle. Il se fonde sur la décision E.B. c Canada (MCI), 2011 CF 110, où la juge Mactavish fait les observations suivantes, aux paragraphes 11 à 13 :

Le premier réside dans le critère ou les critères que l’agent semble avoir utilisés pour apprécier l’intérêt supérieur des enfants. À différents endroits dans son analyse, l’agent a traité de l’intérêt supérieur des enfants en se demandant si les enfants seraient confrontés à des difficultés « inhabituelles, injustifiées et excessives » s’ils étaient contraints à retourner en Guyane. Toutefois, ce critère n’est pas approprié lorsqu’il s’agit d’apprécier l’intérêt supérieur des enfants : voir Arulraj c. Canada (MCI), 2006 CF 29, [2006] A.C.F. no 672 (QL) et Hawthorne c. Canada (MCI), 2002 CAF 475, 297 N.R. 187, paragraphe 9.

 

Je suis consciente du fait que le simple emploi de l’expression « difficultés inhabituelles, injustifiées ou excessives » dans le contexte d’une analyse de l’intérêt supérieur des enfants ne rend pas automatiquement une décision CH déraisonnable. L’utilisation de l’expression suffirait toutefois s’il était clair à la lecture de la décision dans son ensemble que l’agent a appliqué le bon critère et a procédé à une analyse adéquate : Segura c. Canada (MCI), 2009 CF 894, [2009] A.C.F. n°1116 (QL), paragraphe 29.

 

Il est loin d’être clair que l’agent a appliqué le bon critère en l’espèce. En plus de l’emploi répété de l’expression [traduction« difficultés inhabituelles et injustifiées ou excessives » dans son l’analyse de l’intérêt supérieur des enfants, l’agent a également examiné leur situation pour voir s’ils étaient confrontés à une [traduction« situation exceptionnelle » ou une [traduction« circonstance inhabituelle qui pourrait justifier de lever tout ou partie des critères applicables ». Aucun de ces critères n’est approprié lorsqu’il s’agit d’apprécier l’intérêt supérieur des enfants.

 

[3]               La demanderesse fait valoir que l’emploi constant, par l’agent, de l’expression « difficultés inhabituelles et injustifiées ou démesurées » a fait de cette expression une partie intégrante de la décision portant sur l’existence de motifs d’ordre humanitaire, ce qui a banalisé son analyse relative à l’intérêt supérieur des enfants. Je souscris à cet argument.

 

[4]               En outre, l’analyse faite par l’agent ne s’accorde pas avec ce qui constitue, selon moi, un examen « réceptif, attentif et sensible » de l’intérêt des deux enfants de la demanderesse (voir la décision Kolosovs c Canada (MCI), 2008 CF 165, aux paragraphes 9 à 12).

 

[5]               Pour les motifs susmentionnés, j’arrive à la conclusion que la décision de l’agent est entachée d’une erreur susceptible de contrôle.

 

 


ORDONNANCE

 

LA COUR ORDONNE :

 

1.                  La décision contestée est annulée, et l’affaire est renvoyée à un autre agent pour nouvelle décision.

 

2.                  Il n’y a pas de question à certifier.

 

« Douglas R. Campbell »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

Julie Boulanger, LL.M.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-8579-11

 

INTITULÉ :                                      OLAWUNMI ISLAMIYAT RAJI ET MALIK AJIBOLA T. RAJI c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :              TORONTO (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :             Le 11 juin 2012

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                      LE JUGE CAMPBELL

 

DATE DES MOTIFS

ET DE L’ORDONNANCE :           Le 11 juin 2012

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Osborne G. Barnwell

POUR LES DEMANDEURS

 

Negar Hashemi

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Osborne G. Barnwell

Avocat

Toronto (Ontario)

 

POUR LES DEMANDEURS

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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