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Cour fédérale

 

Federal Court

 

 


Date : 20120604

Dossier : T-789-10

Référence : 2012 CF 681

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 4 juin 2012

En présence de monsieur le juge Near

 

 

ENTRE :

 

SAMEH BOSHRA

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

 

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

           MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Le demandeur, Sameh Boshra, sollicite le contrôle judiciaire d’une décision rendue par le Tribunal de la dotation de la fonction publique (le TDFP) le 4 mars 2010. Le TDFP a alors rejeté, pour défaut de compétence fondé sur la Loi sur l’emploi dans la fonction publique, LC 2003, c 22 (la LEFP), la plainte du demandeur concernant un abus de pouvoir qui aurait été commis dans le cadre d’un processus de nomination.

 

I.          Questions préliminaires

 

[2]               Au début de l’audience, le demandeur, qui se représentait lui‑même, m’a demandé de me récuser parce que j’ai déjà travaillé pour le ministère de la Justice. Il a refusé de participer davantage à l’instance si je continuais à la présider.

 

[3]               Je ne voyais aucune raison de me récuser et j’ai refusé de le faire, soulignant qu’aucune requête en bonne et due forme n’avait été présentée et qu’aucune preuve à l’appui n’avait été produite, outre les allégations générales formulées dans le contexte d’une requête en réexamen de l’ordonnance que j’avais rendue précédemment et qui radiait l’avis de question constitutionnelle du demandeur. J’ai indiqué que j’allais instruire la demande principale. Le demandeur a affirmé qu’il ne participerait pas davantage à l’instance et j’ai confirmé que l’affaire allait être jugée sur la foi des documents écrits dont je disposais déjà.

 

[4]               Je m’appuie en outre sur les principes régissant les récusations qui ont été énoncés par mon collègue le juge Richard Mosley dans Canada (Procureur général) c Khawaja, 2007 CF 533, [2007] ACF no 724. Selon les Principes de déontologie judiciaire, on ne saurait appliquer à la lettre aux juges qui ont déjà travaillé dans la fonction publique les principes relatifs aux juges et à la participation de leurs anciens cabinets d’avocats. On recommande que j’« évite d’entendre une cause engagée par le bureau de l’institution gouvernementale » avant ma nomination comme juge. Or, ce n’est pas ce qui se passe en l’espèce.

 

[5]               Dans le cadre de mon ancien emploi au sein du ministère de la Justice, plus particulièrement auprès d’Environnement Canada, je n’ai rien appris au sujet du demandeur ni eu de rapports avec lui, je n’étais pas au courant des questions soulevées par sa demande en cause en l’espèce et je ne me suis pas occupé de son affaire. En conséquence, je ne vois aucun conflit d’intérêts et je ne pense pas qu’une personne bien renseignée qui étudierait la question en profondeur, de façon réaliste et pratique, conclurait qu’il existe une crainte raisonnable de partialité en l’espèce. J’ai donc estimé qu’il était nécessaire de rendre une décision sur la foi du dossier écrit, vu le refus du demandeur de participer à l’audience.

 

II.        Le contexte

 

[6]               Le demandeur a manifesté son intérêt pour un emploi au sein du Bureau de la condition des personnes handicapées (le BCPH) de Ressources humaines et Développement social Canada (RHDSC) après avoir terminé ses études de cycles supérieurs en 2007. Il a cependant reçu et accepté une offre d’emploi de Statistique Canada (StatCan).

 

[7]               En août 2008, le demandeur a déposé auprès de StatCan un grief concernant un incident survenu au travail.

 

[8]               Le 17 juillet 2009, alors qu’il était au service de StatCan, le demandeur a reçu un courriel du gestionnaire du BCPH, Guy Morissette, qui lui demandait s’il envisagerait de travailler pour le BCPH. Le 29 juillet 2009, le demandeur a rencontré M. Morissette, qui lui a dit qu’il voulait l’embaucher. Ils ont commencé à s’écrire au sujet des préparatifs en vue de son embauche, notamment son entrée en fonction possible le 17 août 2009. Il semble aussi que M. Morissette a entrepris certaines démarches pour préparer un bureau et installer une ligne téléphonique. Une demande de services de ressources humaines indiquait qu’il s’agirait d’une [traduction] « nomination pour une période indéterminée » fondée sur la [traduction] « mutation de Sameh Boshra ».

 

[9]               Le 31 juillet 2009, le demandeur a reçu un avis de cessation d’emploi de StatCan, qui faisait état de problèmes sur le plan de ses [traduction] « qualités personnelles ». Il a ensuite déposé un grief auprès de la Commission des relations de travail dans la fonction publique (la CRTFP) pour congédiement injustifié.

 

[10]           Le 4 août 2009, le demandeur a avisé M. Morissette par courriel du changement de son statut d’emploi auprès de StatCan.

 

[11]           Dans un courriel daté du 5 août 2009 (dont la première ébauche avait été préparée en vue d’un examen interne le 3 août 2009), M. Morissette a fait savoir au demandeur qu’il n’était pas en mesure de lui faire une offre d’emploi en bonne et due forme. L’approbation de la directrice générale (la DG) n’avait pas été obtenue à cause de restrictions budgétaires.

 

[12]           Le 29 décembre 2009, le demandeur a reçu une réponse à une demande d’accès à l’information et de protection des renseignements personnels (AIPRP). Après avoir examiné les documents de RHDSC, il a déposé une plainte auprès du TDFP concernant le processus de nomination non annoncé visant un poste EC‑04, alléguant qu’il y avait eu abus de pouvoir et révocation de l’offre qui lui avait été faite.

 

[13]           Le 1er février 2010, le demandeur a présenté une demande de prorogation du délai dans lequel il devait présenter sa plainte, étant donné qu’il venait tout juste d’obtenir les documents dont il avait besoin.

 

[14]           Le 12 février 2010, l’intimé devant le TDFP (RHDSC) a présenté une requête visant à faire rejeter la plainte parce qu’aucune nomination ni proposition de nomination n’avait été effectuée au moment où la plainte avait été présentée.

 

[15]           Le TDFP a fait connaître sa décision dans une lettre datée du 4 mars 2010. C’est cette décision que la Cour doit maintenant examiner.

 

III.       La décision faisant l’objet du présent contrôle

 

[16]           Le TDFP a souligné que le droit d’un employé de présenter une plainte en vertu de l’article 77 de la LEFP est subordonné au fait qu’une nomination ou une proposition de nomination a été effectuée. Comme le demandeur n’avait pas fait l’objet d’une nomination, le TDFP a statué qu’il n’avait pas compétence pour instruire la plainte.

 

[17]           En outre, s’il était effectivement prévu que le poste soit doté par voie de mutation, le TDFP n’avait pas compétence pour instruire la plainte et statuer sur elle. Le paragraphe 53(1) de la LEFP prévoit expressément qu’une mutation ne constitue pas une nomination. En conséquence, ni une mutation ni sa révocation ne relèvent de la compétence attribuée au TDFP en vertu de l’article 77 de la LEFP.

 

[18]           Le TDFP a rejeté la plainte parce qu’il n’avait pas compétence pour l’instruire et il a laissé entendre qu’il n’était pas nécessaire de rendre une décision concernant la demande de prorogation de délai du demandeur.

 

IV.       Les dispositions pertinentes

 

[19]           Le paragraphe 88(2) décrit la mission du TDFP, qui consiste à instruire les plaintes présentées en vertu de la LEFP, dont celles relatives à des nominations ou à des propositions de nomination :

Mission

 

     (2) Le Tribunal a pour mission d’instruire les plaintes présentées en vertu du paragraphe 65(1) ou des articles 74, 77 ou 83 et de statuer sur elles.

Mandate

 

     (2) The mandate of the Tribunal is to consider and dispose of complaints made under subsection 65(1) and sections 74, 77 and 83.

 

 

 


[20]           Il doit y avoir eu une nomination ou une proposition de nomination pour qu’une plainte pour abus de pouvoir puisse être présentée en vertu du paragraphe 77(1). Cette disposition prévoit :

Motifs des plaintes

 

     77. (1) Lorsque la Commission a fait une proposition de nomination ou une nomination dans le cadre d’un processus de nomination interne, la personne qui est dans la zone de recours visée au paragraphe (2) peut, selon les modalités et dans le délai fixés par règlement du Tribunal, présenter à celui-ci une plainte selon laquelle elle n’a pas été nommée ou fait l’objet d’une proposition de nomination pour l’une ou l’autre des raisons suivantes :

 

     a) abus de pouvoir de la part de la Commission ou de l’administrateur général dans l’exercice de leurs attributions respectives au titre du paragraphe 30(2);

 

     b) abus de pouvoir de la part de la Commission du fait qu’elle a choisi un processus de nomination interne annoncé ou non annoncé, selon le cas;

 

c) omission de la part de la Commission d’évaluer le plaignant dans la langue officielle de son choix, en contravention du paragraphe 37(1).

 

Zone de recours

 

     (2) Pour l’application du paragraphe (1), une personne est dans la zone de recours si :

 

 

a) dans le cas d’un processus de nomination interne annoncé, elle est un candidat non reçu et est dans la zone de sélection définie en vertu de l’article 34;

 

b) dans le cas d’un processus de nomination interne non annoncé, elle est dans la zone de sélection définie en vertu de l’article 34.

Grounds of complaint

 

77. (1) When the Commission has made or proposed an appointment in an internal appointment process, a person in the area of recourse referred to in subsection (2) may — in the manner and within the period provided by the Tribunal’s regulations — make a complaint to the Tribunal that he or she was not appointed or proposed for appointment by reason of

 

 

 

 

(a) an abuse of authority by the Commission or the deputy head in the exercise

of its or his or her authority under subsection 30(2);

 

 

(b) an abuse of authority by the Commission in choosing between an advertised and a non-advertised internal appointment process; or

 

(c) the failure of the Commission to assess the complainant in the official language of his or her choice as required by subsection 37(1).

 

Area of recourse

 

(2) For the purposes of subsection (1), a person is in the area of recourse if the person is

 

(a) an unsuccessful candidate in the area of selection determined under section 34, in the case of an advertised internal appointment process; and

 

 

(b) any person in the area of selection determined under section 34, in the case of a non-advertised internal appointment process.

 

 

[21]           Les plaintes relatives à la révocation d’une nomination sont présentées conformément à l’article 74 :

Plaintes au Tribunal

 

74. La personne dont la nomination est révoquée par la Commission en vertu du paragraphe 67(1) ou par l’administrateur général en vertu des paragraphes 15(3) ou 67(2) peut, selon les modalités et dans le délai fixés par règlement du Tribunal, présenter à celui-ci une plainte selon laquelle la révocation n’était pas raisonnable.

Complaint

 

74. A person whose appointment is revoked by the Commission under subsection 67(1) or by the deputy head under subsection 15(3) or 67(2) may, in the manner and within the period provided by the Tribunal’s regulations, make a complaint to the Tribunal that the revocation was unreasonable.

 

 

[22]           Toutefois, les mutations ne constituent pas des nominations et sont donc exclues de la compétence du TDFP de statuer sur une plainte connexe, suivant le paragraphe 53(1) :

Précision

 

 

53. (1) Les mutations ne constituent pas des nominations pour l’application de la présente loi.

Deployment not an appointment

 

53. (1) A deployment is not an appointment within the meaning of this Act.

 

 

[23]           Le terme « mutation » est défini au paragraphe 2(1) pour l’application de la LEFP :

« mutation » Transfert d’une personne d’un poste à un autre sous le régime de la partie 3.

 

“deployment” means the transfer of a person from one position to another in accordance with Part 3.

 

[24]           Les dispositions suivantes régissent aussi les mutations effectuées sous le régime de la partie 3 :

Droit d’effectuer des mutations

 

 

     51. (1) Sauf disposition contraire de la présente loi ou de toute autre loi, l’administrateur général peut muter des fonctionnaires à l’administration relevant de sa compétence ou au sein de cette administration.

 

Mutations en provenance d’organismes distincts

 

     (2) Sauf disposition contraire de la présente loi ou de toute autre loi, l’administrateur général peut muter à l’administration relevant de sa compétence des employés d’un organisme distinct dans lequel les nominations ne relèvent pas exclusivement de la Commission, si celle-ci, après avoir étudié, sur demande de l’organisme distinct, le régime de dotation de celui-ci, a approuvé les mutations en provenance de l’organisme.

 

Mouvements de personnel

 

 

     (3) La mutation peut s’effectuer à l’intérieur d’un groupe professionnel ou, sauf exclusion par les règlements pris en vertu de l’alinéa 26(1)a), entre groupes professionnels.

 

Modalités

 

 

      (4) Dans le cas d’une administration figurant aux annexes I ou IV de la Loi sur la gestion des finances publiques, la mutation se fait selon les modalités fixées par le Conseil du Trésor et conformément à ses règlements.

 

Maintien de la situation du fonctionnaire

 

     (5) Aucune mutation ne peut :

 

a) constituer une promotion — au sens des règlements du Conseil du Trésor dans le cas d’une administration figurant aux annexes I ou IV de la Loi sur la gestion des finances publiques ou au sens donné au terme par l’organisme distinct en cause dans le cas d’un organisme distinct dans lequel les nominations relèvent exclusivement de la Commission;

 

b) changer la durée des fonctions d’une personne de déterminée à indéterminée.

 

 

Consentement du fonctionnaire

 

     (6) La mutation ne peut s’effectuer sans le consentement de la personne en cause, sauf dans les cas suivants:

 

a) le consentement à la mutation fait partie des conditions d’emploi de son poste actuel;

 

 

b) l’administrateur général dont elle relève conclut après enquête qu’elle a harcelé une autre personne dans l’exercice de ses fonctions et la mutation se fait au sein de la même administration.

 

Authority of deputy heads to deploy

 

51. (1) Except as provided in this or any other Act, a deputy head may deploy employees to or within the deputy head’s organization.

 

 

 

 

Deployment from separate agencies

 

(2) Except as provided in this or any other Act, a deputy head may deploy to the deputy head’s organization persons who are employed in a separate agency to which the Commission does not have the exclusive authority to make appointments if the Commission has, after reviewing the staffing program of the separate agency at the agency’s request, approved deployments from it.

 

 

 

Deployment within or between groups

 

(3) A deployment may be made within an occupational group or, unless excluded by regulations under paragraph 26(1)(a), between occupational groups.

 

 

Treasury Board directives and regulations

 

(4) A deployment to or within an organization named in Schedule I or IV to the Financial Administration Act shall be made in the manner directed by the Treasury Board and in accordance with any regulations of the Treasury Board.

 

Employment status preserved

 

 

(5) The deployment of a person may not

 

(a) constitute a promotion, within the meaning of regulations of the Treasury Board, in the case of an organization named in Schedule I or IV to the Financial Administration Act, or as determined by the separate agency, in the case of a separate agency to which the Commission has the exclusive authority to make appointments; or

 

 

(b) change a person’s period of employment from a specified term to indeterminate.

 

Consent to deployment

 

 

(6) No person may be deployed without his or her consent unless

 

 

 

(a) agreement to being deployed is a condition of employment of the person’s current position; or

 

(b) the deputy head of the organization in which the person is employed finds, after investigation, that the person has harassed another person in the course of his or her employment and the deployment is made within the same organization.

 

V.        Les questions en litige

 

[25]           La présente demande soulève les questions suivantes :

 

a)         Le TDFP a-t-il fait défaut d’exercer sa compétence en rejetant la plainte?

 

b)         Le TDFP a-t-il manqué à la justice naturelle ou à l’équité procédurale en n’enquêtant pas sur les allégations formulées dans la plainte?

 

c)         Le TDFP a-t-il commis une erreur en concluant qu’il n’y avait eu aucune nomination ou proposition de nomination par suite de laquelle une plainte pouvait être présentée en vertu de la LEFP?

 

VI.       La norme de contrôle

 

[26]           La norme de contrôle applicable aux questions de compétence et d’équité procédurale est celle de la décision correcte (voir Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12, 2009 CarswellNat 434, aux paragraphes 42 et 43).

 

[27]           Il a été décidé par ailleurs que c’est la norme de la décision raisonnable qui s’applique aux décisions du TDFP concernant les procédures et la manière d’instruire les plaintes, ainsi qu’à son appréciation d’une affaire, car il s’agit de questions mixtes de fait et de droit (voir Lavigne c Canada (Sous‑ministre de la Justice), 2009 CF 684, [2009] ACF no 827, aux paragraphes 31 et 32).

 

[28]           Comme la Cour suprême du Canada l’a dit dans Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 RCS 190, au paragraphe 47, le caractère raisonnable « tient principalement à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel » ainsi qu’à « l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit ».

 

VII.     Analyse

 

A.        Le TDFP a-t-il fait défaut d’exercer sa compétence en rejetant la plainte?

 

[29]           Le demandeur soutient que le TDFP a fait défaut d’exercer sa compétence en rejetant sa plainte. Il conteste la conclusion du TDFP selon laquelle il n’avait pas compétence pour instruire la plainte car aucune nomination ou proposition de nomination n’avait été effectuée et qu’il était prévu que le poste soit doté par voie de mutation. Il met en avant la preuve des efforts déployés pour l’embaucher et pour préparer son arrivée, notamment le fait que des courriels internes laissent entendre que l’on installait un poste de travail et que la DG, Laura Oleson, avait approuvé son embauche malgré ce qu’il avait appris par la suite.

 

[30]           Le demandeur mentionne le document sur la dotation de Ressources humaines à titre de preuve additionnelle de la conclusion d’un processus de nomination. Le document parle d’une [traduction] « mutation », mais le demandeur insiste sur le fait qu’il n’était pas prévu initialement que le poste soit doté par voie de mutation comme le TDFP l’a laissé entendre. Il soutient que M. Morissette ne s’est informé de son statut auprès de StatCan qu’après lui avoir offert un emploi.

 

[31]           Aucune erreur de compétence n’a cependant été commise. La preuve démontre que le processus d’embauche du demandeur était très avancé, mais elle indique aussi une mutation plutôt qu’un processus de nomination. Le document sur la dotation de Ressources humaines est clair sur ce point particulier. Le demandeur laisse entendre que M. Morissette ne s’est pas informé au sujet de son statut, mais qu’il était connu qu’il travaillait pour la fonction publique à StatCan et que cela rendrait plus facile une mutation. Les éléments de preuve fondamentaux concernant cet aspect montrent donc qu’il s’agissait d’une mutation et non d’un processus de nomination.

 

[32]           Le paragraphe 53(1) prévoit clairement qu’une mutation n’est pas une nomination au sens de la LEFP. Le TDFP n’est pas habilité à instruire les plaintes relatives à une mutation. En conséquence, il n’a pas commis d’erreur lorsqu’il a rejeté la plainte pour défaut de compétence au motif qu’il n’y avait eu ni nomination ni proposition de nomination et que la dotation devait se faire par voie de mutation.

 

B.        Le TDFP a-t-il manqué à la justice naturelle ou à l’équité procédurale en n’enquêtant pas sur les allégations formulées dans la plainte?

 

[33]           Le demandeur soutient qu’il y a eu atteinte à son droit de se faire entendre qui est prévu au paragraphe 79(1) de la LEFP. Compte tenu de la preuve produite et de l’incertitude du TDFP concernant sa compétence, le demandeur insiste sur le fait qu’une audience lui aurait permis d’aborder la question de la compétence et de présenter des observations relativement à la question de savoir si le processus de sélection avait été mené à terme et si une nomination avait été proposée ou effectuée.

 

[34]           Le demandeur n’a cependant pas systématiquement droit à une audience par suite de sa plainte. Le paragraphe 99(3) permet au TDFP de statuer sur une plainte sans tenir d’audience. Selon le juge Michel Shore dans Lavigne, ci‑dessus, au paragraphe 92, « il faut interpréter [cette disposition] comme confirmant que le Tribunal n’est pas dans l’obligation de tenir des audiences dans tous les cas ». Le juge Shore a aussi affirmé au paragraphe 97 que le TDFP n’avait pas commis d’erreur en exerçant son pouvoir discrétionnaire de tenir ou non une audience car le plaignant avait eu toute la possibilité de faire valoir ses points de fait et ses arguments par écrit et le TDFP avait suffisamment d’informations pour rendre sa décision sans tenir d’audience.

 

[35]           Je ne suis pas disposé à conclure qu’il y a eu manquement à la justice naturelle ou à l’équité procédurale simplement parce que le demandeur n’a pas eu une audience pour présenter ses arguments et sa preuve, étant donné en particulier que le TDFP était d’avis qu’il n’avait pas compétence pour instruire la plainte.

 

C.        Le TDFP a-t-il commis une erreur en concluant qu’il n’y avait eu aucune nomination ou proposition de nomination par suite de laquelle une plainte pouvait être présentée en vertu de la LEFP?

 

[36]           Le demandeur conteste en outre le caractère raisonnable de la décision du TDFP selon laquelle aucune nomination ou proposition de nomination n’avait été effectuée et que toute mesure allait être prise en lien avec une mutation selon la preuve. Il rappelle à nouveau tous les préparatifs faits en vue de son embauche. Selon lui, cette preuve justifiait un examen plus poussé de la part du TDFP. Plus précisément, le demandeur insiste sur le fait que le TDFP devait procéder à une analyse plus approfondie de la question de savoir s’il y avait eu nomination ou proposition de nomination et s’il était effectivement prévu que le poste soit doté par voie de mutation.

 

[37]           Compte tenu de la preuve contenue dans le document de dotation des Ressources humaines qui indique clairement qu’il était prévu de procéder par voie de mutation, les conclusions du TDFP n’étaient pas déraisonnables. Ces conclusions sont compatibles avec la preuve démontrant que, bien que des démarches aient été entreprises en vue de l’embauche du demandeur, le processus d’embauche n’était pas terminé et il avait trait à une mutation. En outre, cette mutation aurait pu être impossible vu que le demandeur n’avait plus de statut au sein de la fonction publique. 

 

[38]           Le TDFP était justifié de soupeser la preuve comme il l’a fait et de conclure qu’il devait rejeter la plainte pour des raisons de compétence liées à la question de savoir s’il s’agissait d’une nomination ou d’une mutation en l’espèce. La Cour doit se montrer déférente à l’égard de ses conclusions de fait.

 

VIII.    Conclusion

 

[39]           La décision du TDFP de rejeter la plainte ne constitue pas un défaut d’exercer sa compétence ou un manquement à la justice naturelle ou à l’équité procédurale découlant du refus de tenir une audience. De plus, elle n’est pas déraisonnable en ce qui a trait à la conclusion selon laquelle il n’y a eu ni nomination ni proposition de nomination. Peu importe les préoccupations du demandeur au regard de ses rapports avec M. Morissette, tout indique que ces rapports avaient trait à une mutation, laquelle n’ouvre pas droit à un recours devant le TDFP en vertu de la LEFP.

 

[40]           En conséquence, la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.


JUGEMENT

 

LA COUR STATUE que la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

 

« D. G. Near »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

Christiane Bélanger, LL.L.

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                              T-789-10

 

INTITULÉ :                                            BOSHRA c

                                                                  PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                    Ottawa

 

DATE DE L’AUDIENCE :                   Le 16 janvier 2012

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                  LE JUGE NEAR

 

DATE DES MOTIFS :                           Le 4 juin 2012

 

 

COMPARUTIONS :

 

Sameh Boshra

 

                            POUR SON PROPRE COMPTE

Michel Girard

 

                            POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Sameh Boshra

Ottawa (Ontario)

 

                            POUR SON PROPRE COMPTE

Michel Girard

Ministère de la Justice

Ottawa (Ontario)

 

                            POUR LE DÉFENDEUR

 

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