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Date : 20120601

Dossier : IMM-7573-11

Référence : 2012 CF 675

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Toronto (Ontario), le 1er juin 2012

En présence de madame la juge Tremblay-Lamer

 

 

ENTRE :

 

KRISHNA AUROBINDO WILLIAM

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

           MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire visée au paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la Loi], concernant la décision d’une agente d’immigration [l’agente], rendue en date du 31 août 2011, de rejeter la demande de résidence permanente fondée sur des motifs d’ordre humanitaire que le demandeur a présentée de l’intérieur du Canada.

 

LES FAITS

 

[2]               Le demandeur, Krishna Aurobindo William, est un citoyen de Sainte‑Lucie né le 2 juin 1986. Il est arrivé au Canada le 4 septembre 2004 avec en main un visa d’étudiant. Au moment de son arrivée, il avait 18 ans et était accompagné par son tuteur légal, Narcisse Francis [M. Francis], qui était aussi son pasteur.

 

[3]               M. Francis était le tuteur du demandeur depuis quelque temps lorsqu’ils sont arrivés au Canada. Pendant cette période ainsi qu’après leur arrivée au Canada, M. Francis s’est livré à de la violence physique et sexuelle à l’égard du demandeur. Il a été accusé de voies de fait le 25 octobre 2004; il a plaidé coupable le 10 décembre suivant et a obtenu une absolution inconditionnelle. À la même époque, le demandeur a parlé à l’église de la violence dont il avait été victime et a dit que M. Francis était gay. En disgrâce, ce dernier est retourné à Sainte‑Lucie.

 

[4]               Le demandeur a demandé l’asile le 30 novembre 2004, alléguant qu’il craignait de subir des représailles de la part de M. Francis et de sa famille. Une mesure de renvoi a été prise à son égard le même jour. Sa demande a été rejetée le 11 janvier 2006. La Commission a déterminé que le demandeur s’était servi des voies de fait pour fabriquer une demande d’asile. Sa demande de contrôle judiciaire visant la décision de la Commission a été rejetée le 24 avril 2006.

 

[5]               Le demandeur a ensuite présenté une demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire et une demande d’examen des risques avant renvoi [l’ERAR]. Cette dernière demande a été rejetée le 26 août 2011 et la demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire, le 31 août 2011.

 

[6]               À l’origine, le demandeur voulait contester ces deux décisions dans le cadre de la présente demande de contrôle judiciaire. Celle‑ci a été modifiée de façon à viser seulement la décision relative à la demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire, conformément à l’ordonnance rendue par mon collègue le juge Campbell le 14 décembre 2011. Le juge Campbell a aussi, par la même ordonnance, reporté le renvoi du demandeur du Canada jusqu’à ce que la présente demande soit tranchée.

 

LA DÉCISION FAISANT L’OBJET DU PRÉSENT CONTRÔLE

 

[7]               L’agente a examiné la preuve relative à l’établissement du demandeur au Canada et a indiqué que cette preuve l’incitait à donner gain de cause au demandeur. Elle a cependant constaté que cet établissement s’était surtout déroulé après que la prise de la mesure de renvoi et que le demandeur s’était donc établi au Canada alors qu’il savait que son statut état incertain.

 

[8]               L’agente a pris en considération les liens du demandeur avec Sainte-Lucie et a souligné qu’il avait trois sœurs dans ce pays. Selon elle, le demandeur n’avait pas démontré qu’il ne serait pas en mesure de se trouver du travail ou un logement s’il retournait à Sainte‑Lucie. L’agente a aussi tenu compte du fait que le demandeur avait une conjointe de fait au Canada, mais elle a indiqué que leur relation avait commencé alors qu’ils savaient que le demandeur faisait l’objet d’une mesure de renvoi et qu’ils allaient peut‑être être séparés pendant un certain temps.

 

[9]               L’agente a reconnu qu’il serait dans l’intérêt de l’enfant canadien du demandeur qu’elle accueille la demande. Elle a toutefois fait remarquer que c’est principalement la mère de l’enfant qui s’occupe de lui et que le demandeur n’avait pas démontré que les besoins de l’enfant ne seraient pas comblés s’il était renvoyé du Canada. L’agente était d’avis qu’elle ne disposait pas d’une preuve suffisante établissant que le demandeur ne pourrait pas prendre soin de son fils à Sainte‑Lucie si les parents décidaient que celui‑ci devait partir avec son père.

 

[10]           Enfin, l’agente a tenu compte du risque de représailles de la part de M. Francis ou de sa famille. Elle a reconnu le rapport de police décrivant les attaques dont la famille du demandeur avait été victime en 2008, mais elle s’est appuyée sur la décision rendue par la Commission relativement à la demande d’asile et sur la preuve démontrant que le demandeur pourrait obtenir une protection de l’État adéquate s’il était réellement en danger.

 

[11]           Par conséquent, l’agente a conclu que la preuve de difficultés inhabituelles et injustifiées ou excessives était insuffisante.

 

[12]           Les décisions relatives à une demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire sont assujetties à la norme de la décision raisonnable (voir Kisana c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CAF 189, [2010] 1 RCF 360, au paragraphe 18).

 

LA DÉCISION EST-ELLE RAISONNABLE?

 

 

[13]           Le demandeur soutient que la décision est déraisonnable et que l’agente a omis de tenir compte de son établissement au Canada ou de l’intérêt supérieur de son fils. Je ne suis pas de cet avis. Le demandeur prétend en particulier que l’agente n’a pas appliqué le bon critère pour évaluer le risque qu’il courrait à son retour; au soutien de sa prétention, il cite un certain nombre de décisions concernant les analyses du risque différentes qui doivent être effectuées dans le cadre d’une demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire et d’une demande d’ERAR.

 

[14]           Je ne partage pas cet avis. L’agente a examiné la preuve que le demandeur avait produite et a indiqué que son établissement au Canada et son fils canadien l’incitaient à accueillir la demande, mais que, au bout du compte, la preuve démontrant que le renvoi du demandeur causerait des difficultés était insuffisante. Le demandeur n’est pas d’accord avec l’agente sur ce point, mais il n’a mentionné aucun élément de preuve ou renseignement précis qui n’avait pas été pris en compte.

 

[15]           Il n’a pas non plus démontré que l’évaluation du risque était erronée. Il ressort clairement de sa décision que l’agente connaissait le critère approprié et qu’elle l’a appliqué : [traduction] « Les critères ou les normes qui servent à déterminer les facteurs de risque dans le cadre d’une demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire sont différents de ceux utilisés dans le cas d’un examen des risques avant renvoi. En fait, lorsque la question du risque est en cause dans une demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire, ce risque est évalué de manière plus générale en tenant compte des difficultés que le demandeur pourrait subir. » Je mentionne également que le risque allégué par le demandeur est le même que dans le cas de sa demande d’asile et de sa demande d’ERAR, de sorte qu’on ne saurait reprocher à l’agente d’avoir tenu compte de la décision de la Commission dans son évaluation. En conséquence, je suis convaincue que l’agente n’a pas commis une erreur susceptible de contrôle dans son évaluation du risque auquel le demandeur serait exposé.

 

[16]           La demande de contrôle judiciaire est donc rejetée.

 


JUGEMENT

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

                                                                                                     « Danièle Tremblay-Lamer »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

Christiane Bélanger, LL.L.

 

 


 

 

COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-7573-11

 

INTITULÉ :                                      KRISHNA AUROBINDO WILLIAM c

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                            ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :              Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :             Le 31 mai 2012

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                            LA JUGE TREMBLAY-LAMER

 

DATE DES MOTIFS :                     Le 1er juin 2012

 

 

COMPARUTIONS :

 

Sunny Vincent

 

                            POUR LE DEMANDEUR

 

Jocelyn Espejo Clarke

                            POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Sunny Vincent

Avocat et notaire public

Toronto (Ontario)

 

                            POUR LE DEMANDEUR

 

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

                            POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

 

 

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