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Date : 20120525

Dossier : IMM-6890-11

Référence : 2012 CF 634

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 25 mai 2012

En présence de madame la juge Snider

 

 

ENTRE :

 

HEATHER NATASHA ALEXANDER

 

 

 

demanderesse

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

           MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

I.          Introduction

 

[1]               La demanderesse, Mme Heather Alexander, est une citoyenne de Saint‑Vincent‑et‑les Grenadines (Saint‑Vincent) qui est entrée au Canada en vertu d’un visa de visiteur en 1995 et qui n’est jamais repartie. Le 20 septembre 2011, un agent d’immigration (l’agent) a rejeté la demande qu’elle a présentée afin d’être autorisée, pour des motifs d’ordre humanitaire, à demander la résidence permanente à partir du Canada (la décision). La demanderesse sollicite le contrôle judiciaire de cette décision.

 

[2]               Les antécédents de la demanderesse en matière d’immigration sont longs et compliqués. Depuis 2007, elle a tenté à plusieurs reprises de régulariser son statut. La première demande de résidence permanente qu’elle a présentée pour des motifs d’ordre humanitaires au Canada a été rejetée en novembre 2007. En 2008. elle a présenté une demande d’asile qui a été rejetée en octobre 2010. En avril 2008, elle a présenté une demande au titre de la catégorie des époux et conjoints de fait au Canada. Au cours d’une entrevue avec des agents d’immigration en février 2010, elle a révélé que son premier mariage avait pris fin en mai 2008; sa demande a été convertie en une demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire en février 2010. La demanderesse a modifié à nouveau cette demande en juillet 2011, lorsqu’elle a informé les agents qu’elle avait un conjoint de fait avec lequel elle avait eu un enfant. Le 19 septembre 2011, la demanderesse a déposé des observations additionnelles indiquant qu’elle et son fils suivaient une thérapie par suite de la violence exercée par son conjoint de fait, duquel elle était maintenant séparée.

 

II.        Les questions en litige

 

[3]               La demanderesse soulève trois questions en l’espèce :

 

1.                  La décision était‑elle déraisonnable puisque l’agent n’a pas analysé de manière appropriée son établissement au Canada?

 

2.                  Les motifs étaient‑ils suffisants?

 

3.                  L’agent a-t-il omis de tenir compte des observations déposées par la demanderesse le 19 septembre 2011?

 

[4]               Pour les motifs qui suivent, je conclus que la décision doit être maintenue.

 

III.       Analyse

 

A.        La norme de contrôle

 

[5]               La norme de contrôle applicable à la première question est la raisonnabilité (voir, par exemple, Shah c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 1269, [2011] ACF no 1553; Inneh c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 108, [2009] ACF no 111; Tameh c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 1235, [2008] ACF no 1563; Ahmad c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 646, [2008] ACF no 814).

 

[6]               La demanderesse soutient que la question de l’insuffisance des motifs est assujettie à la norme de la décision correcte. Je ne suis pas de cet avis. Dans Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c Terre‑Neuve‑et‑Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62, [2011] 3 RCS 708, la Cour suprême du Canada a statué, au paragraphe 14, que l’insuffisance des motifs ne permet pas à elle seule de casser une décision. La cour de révision doit plutôt examiner les motifs en corrélation avec le résultat afin de déterminer si celui‑ci appartient « aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » (Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, au paragraphe 47, [2008] 1 RCS 190). Ainsi, cette deuxième question est simplement accessoire à la première. La question générale consiste à déterminer si la décision est raisonnable.

 

[7]               La troisième question a trait à l’équité procédurale. Ne pas tenir compte de renseignements susceptibles d’avoir une incidence importante sur la décision est une erreur susceptible de contrôle.

 

B.        Question no 1 : La raisonnabilité de la décision

 

[8]               La demanderesse soutient que la décision est déraisonnable parce que l’agent n’a pas examiné de façon appropriée son établissement au Canada. Selon elle, l’agent n’a pas tenu compte de ses antécédents en matière d’emploi, de sa stabilité financière ou de sa résidence au Canada. Il n’a pas tenu compte non plus de sa contribution à la collectivité ou du soutien de sa famille au Canada. Enfin, elle fait valoir que les motifs ne disent rien au sujet du traitement du cancer dont son père est atteint.

 

[9]               Les arguments de la demanderesse ne me convainquent pas.

 

[10]           Je souligne d’abord que l’agent a examiné chacun des aspects de l’établissement de la demanderesse au Canada. En outre, il a expliqué, pour chacune des prétentions, pourquoi la preuve n’était pas suffisante ou ne permettait pas de conclure que la demanderesse subirait des difficultés indues à cause de son établissement au Canada.

 

[11]           En ce qui concerne la raisonnabilité de la décision et le caractère suffisant des motifs de l’agent, il est utile de passer en revue les conclusions pertinentes suivantes de celui‑ci :

 

·                     la demanderesse n’avait pas démontré qu’elle ne pourrait pas suivre une thérapie à Saint‑Vincent relativement à la violence dont elle avait été victime;

 

·                     la demanderesse n’avait pas démontré qu’elle n’obtiendrait plus le soutien de sa famille canadienne si elle était renvoyée à Saint‑Vincent;

 

·                     la demanderesse n’avait pas démontré qu’elle ne pourrait pas continuer à avoir des rapports avec son père si elle était renvoyée à Saint‑Vincent;

 

·                     la demanderesse n’avait pas démontré qu’elle ne serait pas en mesure de se trouver un emploi et de subvenir à ses besoins à Saint‑Vincent si elle retournait à cet endroit.

 

[12]           Il ressort de mon examen du dossier que l’agent connaissait bien les grandes lignes de la demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire de la demanderesse et ses motifs montrent qu’il a examiné et soupesé tous les éléments positifs de cette demande. Les motifs indiquent clairement que la demanderesse n’a pas convaincu l’agent qu’elle subirait des difficultés inhabituelles et injustifiées ou excessives si elle était renvoyée et que c’est pour cette raison qu’il a rejeté sa demande. Je ne relève aucune erreur susceptible de contrôle au regard du caractère suffisant des motifs de l’agent ou de sa conclusion.

 

[13]           Je souligne également que la demanderesse avait peu de prétentions à faire valoir. Elle s’est contentée d’affirmer simplement qu’elle et son fils subiraient des difficultés à Saint‑Vincent – d’où elle pourrait demander de la façon habituelle la permission de revenir au Canada – sans toutefois décrire ces difficultés.

 

[14]           Comme le défendeur le fait remarquer, Owusu c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CAF 38, au paragraphe 8, [2004] 2 RCF 635, enseigne que « le demandeur a le fardeau de présenter les faits sur lesquels sa demande repose ». Même si la demanderesse affirme que seule une décision favorable pouvait être rendue sur la foi de son établissement au Canada, ce n’est tout simplement pas le cas. La preuve relative à son établissement au Canada démontrait que des membres de sa famille vivaient ici, qu’elle travaillait ici et qu’elle avait créé des liens avec la collectivité ici. Le fait que la procédure d’expulsion entraîne normalement des difficultés et qu’une dispense ne doit être accordée que lorsque ces difficultés dépassent les conséquences inhérentes à l’expulsion est indissociable des demandes fondées sur des motifs d’ordre humanitaire. L’agent a tenu compte de tous les éléments de preuve et a raisonnablement conclu que l’établissement de la demanderesse n’entraînerait pas de difficultés indues.

 

C.        Question no 2 : Présumée omission de tenir compte des observations du 19 septembre 2011

 

[15]           L’agent a reçu des observations additionnelles de la demanderesse le 19 septembre 2011. La décision est datée du 20 septembre 2011. La demanderesse soutient que l’agent n’a pas tenu compte de ces observations. Je ne suis pas d’accord avec elle.

 

[16]           Il ressort d’un examen de la décision que les observations du 19 septembre ont été prises en compte. L’agent y a fait expressément référence à différents endroits dans ses motifs. Par exemple, il mentionne, à la page 4 de ses motifs, que la demanderesse a dit, dans les observations mises à jour, qu’elle travaillait pour Bee Clean. La demanderesse n’ayant pas parlé de Bee Clean dans ses premières observations, il est évident que l’agent a examiné et pris en compte les observations additionnelles. La décision fait aussi état du cancer du père de la demanderesse, du soutien de la collectivité et de membres de sa famille, de sa séparation avec son conjoint de fait violent et de sa thérapie. Tous les aspects importants des observations du 19 septembre 2011 ont été abordés et pris en compte.

 

IV.       Conclusion

 

[17]           Même si la situation de la demanderesse inspire une certaine sympathie, je ne suis pas convaincue que la Cour devrait intervenir en l’espèce. La décision est raisonnable et l’agent a tenu compte de l’ensemble de la preuve lorsqu’il l’a rendue. Sa conclusion selon laquelle les difficultés que la demanderesse subirait n’étaient pas inhabituelles et injustifiées ou excessives appartenait « aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit ».

 

[18]           Aucune partie n’a proposé une question à des fins de certification.


JUGEMENT

 

LA COUR STATUE :

 

1.                  La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

2.                  Aucune question de portée générale n’est certifiée.

 

 

 

« Judith A. Snider »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

Christiane Bélanger, LL.L.

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-6890-11

 

INTITULÉ :                                      HEATHER NATASHA ALEXANDER c

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                            ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :              Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :             Le 17 mai 2012

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                            LA JUGE SNIDER

 

DATE DES MOTIFS :                     Le 25 mai 2012

 

COMPARUTIONS :

 

Nancy Lam

 

                            POUR LA DEMANDERESSE

 

Amy King

                            POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Nancy Lam

Avocate

Toronto (Ontario)

 

                            POUR LA DEMANDERESSE

 

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

                            POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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