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Cour fédérale

 

Federal Court

 

 

Date : 20120629


Dossier : IMM-7049-11

Référence : 2012 CF 830

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 29 juin 2012

En présence de monsieur le juge Zinn

 

ENTRE :

 

 

JOSE FRANCISCO SALDANA FAJARDO

IVAN FRANCISCO SALDANA MARTINEZ

 

 

 

demandeurs

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

         MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Jose Saldana Fajardo (M. Fajardo) et son fils âgé de 14 ans, Ivan Saldana Martinez, contestent la décision défavorable rendue relativement à leur examen des risques avant renvoi (l’ERAR). Pour les motifs qui suivent, leur demande est rejetée.

 

Le contexte

[2]               M. Fajardo et son frère Moises, qui est maintenant décédé, exploitaient un magasin de chaussures au détail. L’un de leurs concurrents était Tomas Zavala, un homme qui serait riche et puissant.

 

[3]               En juillet 2004, M. Zavala et plusieurs hommes ont enlevé Moises et quatre employés du magasin. Ils leur ont volé tous leurs effets personnels et leur ont fait signer des documents par lesquels ils cédaient leurs véhicules. La police est intervenue et M. Zavala a été interrogé, mais aucune accusation n’a été déposée contre lui en raison, selon ce que les demandeurs allèguent, de ses liens étroits avec la classe politique.

 

[4]               Moises a retrouvé son camion qui avait été volé et a exigé qu’il lui soit remis. M. Zavala a téléphoné à la police; Moises a été accusé de vol et emprisonné pendant environ un an. Il a ensuite été reconnu non coupable.

 

[5]               Le 16 mars 2006, M. Zavala et un autre homme ont agressé M. Fajardo et ont pointé une arme sur sa tête alors qu’il accompagnait son fils à l’école. On a dit à M. Fajardo de ne pas se mêler de la dispute entre M. Zavala et Moises s’il voulait rester en vie.

 

[6]               Craignant pour sa sécurité, M. Fajardo s’est enfui au Canada le 16 mars 2006, après avoir laissé son fils chez son oncle. Il a demandé l’asile, puis a pris des dispositions pour que son fils le rejoigne. Celui‑ci est arrivé en septembre 2006.

 

[7]               Moises est également venu au Canada avec sa femme et son enfant et a demandé l’asile. Le 26 janvier 2007, les demandes d’asile des demandeurs, collectivement avec celles de Moises et de sa famille, ont été rejetées à cause de problèmes graves concernant la crédibilité. La demande d’autorisation et de contrôle judiciaire a été accordée et, le 29 janvier 2008, la demande a été accueillie.

 

[8]               Le 19 avril 2009, la Section de la protection des réfugiés a rendu à nouveau une décision défavorable. Les demandeurs ont demandé l’autorisation de présenter une demande de contrôle judiciaire visant cette décision, mais l’autorisation leur a été refusée le 30 avril 2009.

 

Moises et sa famille sont retournés au Mexique. Le 4 novembre 2010, soit quelques semaines après son retour, Moises a été tué. M. Fajardo allègue qu’une note laissée sur les lieux du crime indiquait qu’il était le prochain à mourir.

 

[9]               Le 26 novembre 2009, M. Fajardo ne s’est pas présenté à l’entrevue préalable à son renvoi qui avait été fixée et un mandat d’arrêt a été lancé contre lui. Il a vécu dans la clandestinité au Canada jusqu’à ce qu’il soit arrêté le 8 novembre 2010 pour ne pas s’être présenté en vue d’être renvoyé. Il a ensuite été libéré et, le 22 novembre 2010, il a déposé une demande d’ERAR, qui s’est soldée par une décision défavorable.

 

[10]           L’agent d’ERAR a souligné que les nouveaux éléments de preuve appréciés conformément au paragraphe 113(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27, avaient trait au décès de Moises. M. Fajardo avait indiqué dans les documents déposés qu’un certificat de décès était inclus dans la demande, mais l’agent d’ERAR a dit qu’aucune copie ne se trouvait dans le dossier. De toute façon, selon l’agent d’ERAR, même si une copie avait été produite, cela n’aurait pas été suffisant pour établir le risque auquel M. Fajardo était exposé. Il a écrit :

[traduction] Même si le demandeur principal avait produit une copie du certificat afin d’établir le décès de son frère, la confirmation de ce décès ne serait pas en soi suffisante pour démontrer que les demandeurs avaient une crainte fondée pour l’un des motifs prévus par la Convention ou qu’il était plus probable que le contraire qu’ils soient personnellement exposés à une menace à leur vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités s’ils étaient renvoyés au Mexique. Je note que les déclarations du demandeur principal concernant les allégations n’ont pas été faites sous serment, qu’il n’a produit aucune preuve corroborant qu’il avait été en contact avec la police au Mexique au sujet de la mort de son frère, qu’il n’a produit aucune preuve corroborant que la police croyait que les agents de persécution nommés dans les demandes d’asile des demandeurs et dans les demandes d’ERAR étaient les hommes responsables de la mort de son frère ou qu’il existait un quelconque lien entre lui et ce décès. En outre, le demandeur n’a produit aucune preuve corroborant que le décès de son frère avait forcé sa belle‑sœur et les enfants de celle‑ci à vivre dans la clandestinité.

 

[11]           Peu de poids a été attribué aux déclarations de M. Fajardo car les nouvelles allégations de risque des demandeurs n’étaient pas corroborées par une preuve objective. Au bout du compte, l’agent d’ERAR a rappelé la conclusion de la SPR selon laquelle les demandeurs pouvaient obtenir la protection de l’État et a conclu qu’il ne disposait pas d’une preuve suffisante d’un risque futur. En conséquence, la demande a été rejetée.

 

Les questions en litige

[12]           Les demandeurs soulèvent deux questions : l’agent d’ERAR a-t-il commis une erreur en émettant des doutes concernant la crédibilité de M. Fajardo au regard du décès de son frère parce qu’il n’avait pas produit une preuve corroborante, et a‑t‑il commis une erreur en ne tenant pas une audience?

 

Analyse

[13]           À mon avis, l’extrait de la décision reproduit au paragraphe 10 ci‑dessus permet de trancher la première question. Même si l’agent d’ERAR a commis une erreur comme les demandeurs l’allèguent, cette erreur n’a pas été déterminante car l’agent a poursuivi son analyse de la demande comme si une preuve corroborante avait été produite.

 

[14]           Les demandeurs soutiennent que l’agent d’ERAR a exprimé des doutes concernant la crédibilité en faisant ressortir l’absence de preuve corroborante concernant la mort du frère de M. Fajardo au Mexique qui serait attribuable à M. Zavala. En conséquence, ils soutiennent qu’une audience aurait dû avoir lieu.

 

[15]           Le défendeur fait valoir que l’agent d’ERAR peut soupeser la preuve et tirer une conclusion concernant sa valeur probante et son caractère suffisant sans qu’il soit nécessaire de tenir une audience et que la Cour ne devrait pas apprécier la preuve à nouveau. Le fardeau de la preuve incombait aux demandeurs et ils ne s’en sont pas acquittés. Le défendeur souligne que la seule preuve dont disposait l’agent d’ERAR était une déclaration, que M. Fajardo n’avait pas faite sous serment, selon laquelle son frère avait été tué au Mexique et qu’il était le prochain à mourir. Le défendeur soutient que, lorsqu’un fait allégué est essentiel à la demande d’ERAR, il est loisible à l’agent d’exiger du demandeur des preuves corroborantes pour qu’il s’acquitte de son fardeau de la preuve : Ferguson c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 1067, au paragraphe 32. 

 

[16]           Je suis d’accord avec le défendeur. Il est tout à fait permis à un agent d’ERAR d’apprécier le caractère suffisant de la preuve sans tenir une audience. Il ressort clairement d’une lecture de la décision dans son ensemble – et du paragraphe suivant en particulier – que c’est exactement ce que l’agent d’ERAR a fait : 

[traduction] En l’absence d’une preuve objective corroborant les allégations du demandeur concernant les nouveaux risques auxquels il serait exposé, j’ai accordé peu de poids aux déclarations du demandeur principal et conclu qu’elles n’étaient pas suffisantes pour établir qu’il serait exposé à un risque s’il retournait au Mexique ou pour modifier la conclusion de la Commission relative à la possibilité d’obtenir la protection de l’État. J’ai lu et examiné la preuve documentaire [accessible au public] actuelle sur les conditions existant au Mexique dans la mesure où elle concerne le demandeur et je ne suis pas d’avis que je dispose d’une preuve objective suffisante démontrant que la situation a changé de manière importante au Mexique depuis la décision de la Commission ou me permettant de tirer une conclusion différente de celle à laquelle la Commission est parvenue [non souligné dans l’original et notes de bas de page omises].

 

[17]           Il ne fait aucun doute que la question en litige était le caractère suffisant de la preuve et non la crédibilité. C’est aux demandeurs qu’il incombait de produire une preuve suffisante. Même si l’agent d’ERAR avait ajouté foi à leurs déclarations, celles‑ci n’étaient pas suffisantes pour le convaincre.

 

[18]           Même si la Cour aurait peut‑être apprécié la preuve différemment, elle doit faire montre de déférence à l’égard des décideurs qui rendent des décisions dans leur domaine d’expertise.

 

[19]           En conséquence, la présente demande est rejetée. Aucune partie n’a proposé une question à des fins de certification.

 


 

JUGEMENT

LA COUR STATUE que la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée et qu’aucune question n’est certifiée.

 

 

« Russel W. Zinn »

Juge

 

Traduction certifiée conforme

Christiane Bélanger, LL.L.

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-7049-11

 

INTITULÉ :                                      JOSE FRANCISCO SALDANA FAJARDO ET AL c

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :              Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :             Le 16 mai 2012

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                            LE JUGE ZINN

 

DATE DES MOTIFS :                     Le 29 juin 2012

 

 

COMPARUTIONS :

 

Joseph S. Farkas

 

                           POUR LES DEMANDEURS

Samantha Reynolds

 

                           POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Joseph S. Farkas

Avocat

Toronto (Ontario)

 

                           POUR LES DEMANDEURS

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

                           POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

 

 

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