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Date : 20120517

Dossier : IMM-6593-11

Référence : 2012 CF 600

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Toronto (Ontario), le 17 mai 2012

En présence de monsieur le juge Campbell

 

ENTRE :

 

JANICE VALNEY JANETTA GEORGE

 

 

 

demanderesse

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

           MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

[1]               Il s’agit d’une demande visant à contester la décision par laquelle une agente du ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration du Canada (l’agente) a rejeté la demande présentée au Canada par la demanderesse afin d’obtenir la résidence permanente pour des motifs d’ordre humanitaire. Dans le cadre de sa demande, la demanderesse a fait valoir principalement qu’elle était pleinement établie au Canada et qu’elle subirait des difficultés inhabituelles et injustifiées ou excessives si elle était tenue de présenter sa demande de l’extérieur du Canada. Pour les motifs qui suivent, je conclus que la décision défavorable de l’agente à l’égard de cet aspect de la demande de la demanderesse rend la décision déraisonnable.

 

[2]               Dans sa demande de redressement, la demanderesse s’est présentée comme une citoyenne de St‑Vincent âgée de 55 ans qui vit au Canada depuis 23 ans, qui élève deux adolescents canadiens à charge, qui est financièrement indépendante, qui subvient à ses besoins et à ceux de ses enfants en faisant des ménages et en s’occupant d’enfants, qui agit comme enseignante hors école et pendant la classe de religion du dimanche et qui jouit du soutien actif de sa collectivité religieuse.

 

[3]               Le guide opérationnel IP 5, intitulé Demande présentée par des immigrants au Canada pour des motifs d’ordre humanitaire (les lignes directrices), et en particulier la section 11.5, peut orienter l’agent chargé de se prononcer en matière d’établissement :

On peut mesurer le degré d’établissement du demandeur à l’aide de questions comme les suivantes :

 

·     Le demandeur a‑t‑il des antécédents d’emploi stable?

·     Le demandeur a‑t‑il des antécédents de bonne gestion financière?

·     Le demandeur est‑il demeuré dans la même collectivité ou a‑t‑il déménagé souvent?

·     Le demandeur s’est‑il intégré à la collectivité en s’impliquant auprès d’organismes communautaires, en faisant du bénévolat ou par d’autres activités?

·     Le demandeur a‑t‑il entrepris des études professionnelles, linguistiques ou autres qui montrent une intégration à la société canadienne?

·     Le demandeur et les membres de sa famille ont‑ils un bon dossier civil au Canada (par exemple, aucune accusation criminelle ni aucune intervention d’agents d’exécution de la loi ou d’autres autorités pour violence familiale ou violence à l’égard d’enfants)?

 

L’agent peut examiner l’établissement du demandeur jusqu’au moment de l’évaluation de l’étape 1. Le fait que le demandeur a un certain degré d’établissement au Canada ne satisfait pas nécessairement au critère relatif aux difficultés : (Diaz Ruiz c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 465, 147 A.C.W.S. (3d) 1050 (C.F.); Lee c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 413, 138 A.C.W.S. (3d) 350 (C.F.)).

 

 

[4]               Lorsqu’elle a évalué le degré d’établissement de la demanderesse, l’agente a analysé la question de la façon suivante :

[traduction] La demanderesse n’a aucun statut en matière d’immigration au Canada depuis le 28 avril 1989, soit plus de 22 ans. Sa demande fait état d’antécédents d’emploi au Canada depuis 1998. Elle n’a jamais demandé ni obtenu de permis de travail. Elle affirme qu’elle travaille à son propre compte comme gardienne d’enfants, qu’elle fait des ménages dans des maisons et qu’elle fait du nettoyage dans le cadre d’un contrat pour une société de nettoyage (Jeeves Janitorial and Carpet Cleaning Services Inc., de Pickering, en Ontario) depuis septembre 1998. Elle a fourni une lettre datée du 6 novembre 2008 dans laquelle Don Carmichael affirme l’avoir engagée à ses bureaux (Index Strategy Inc., de Richmond Hill, en Ontario) et pour nettoyer sa résidence deux fois par mois. Elle a également produit une lettre du 28 février 2008 dans laquelle Kelly et David Jones affirment l’avoir embauchée pour nettoyer leur résidence et pour s’occuper de leurs enfants, une lettre du 24 janvier 2008 de Robin Kalbrleisch, qui mentionne que la demanderesse a travaillé comme domestique pour eux, une lettre du 7 février 2008 de Wes Mills, voulant que la demanderesse travaille pour lui comme domestique, ainsi qu’une lettre d’emploi du l5 février 2008 de Jeeves Janitorial & Carpet Cleaning, de Pickering, en Ontario, dans laquelle on affirme que la demanderesse travaille à temps partiel comme nettoyeuse sous‑traitante pour cette entreprise depuis 1998. La demanderesse affirme avoir avisé les autorités fiscales au Canada depuis son arrivée en 1989.

 

[…]

 

Je n’ai pas accordé un grand poids à l’établissement de la demanderesse au Canada pour plusieurs raisons. Premièrement, je ne suis pas convaincue que son établissement tenait à des circonstances indépendantes de sa volonté. Deuxièmement, je ne suis pas convaincue qu’elle se soit établie au Canada à un degré inhabituel. Elle occupe différents emplois à temps partiel, elle loue un appartement, elle a des amis et de la famille au Canada, elle participe à la vie au sein de sa collectivité religieuse et elle fait du bénévolat à son église. Il s’agit d’un établissement raisonnable au Canada sur une période de 22 ans. Je signale que son travail auprès des jeunes à l’église est louable; je n’estime pas que ce soit une raison suffisante pour faire droit à sa demande. La preuve dont je suis saisie ne me permet pas de conclure qu’elle ne pourrait pas trouver du travail analogue et s’établir au même degré dans la collectivité à St‑Vincent. En outre, la demanderesse n’a pas présenté une preuve suffisante établissant qu’elle bénéficie d’un soutien financier adéquat au Canada. Elle n’a pas fourni de déclarations de revenus ni de renseignements ou d’éléments de preuve à jour en matière d’emploi.

 

[Non souligné dans l’original.]

 

(Dossier de demande, aux pages 14 et 15)

 

L’avocat de la demanderesse invoque les arguments suivants en ce qui concerne les conclusions de l’agente :

[traduction] Avec égards, l’agente d’immigration n’a pas tenu compte de façon appropriée de l’établissement réussi accompli par la demanderesse pendant sa présence d’environ 23 ans au Canada. Dans ses motifs, l’agente d’immigration a accordé un poids favorable à la majorité des facteurs relatifs à l’établissement, comme la durée de la période que la demanderesse a passée au Canada; ses antécédents d’emploi stable pendant cette période; le fait qu’elle est demeurée à Toronto durant toute cette période; sa participation active aux activités de l’église; ses liens familiaux au Canada et son bon dossier civil. Dans ses motifs, l’agente d’immigration s’est indûment préoccupée du fait que la demanderesse n’avait pas obtenu de permis de travail – ce que cette dernière n’aurait pu faire légalement puisqu’elle était sans statut –, de son omission de payer de l’impôt sur le revenu pendant la période passée au Canada et du fait qu’elle n’avait pas d’économies au Canada – même si elle savait que la demanderesse était la seule source de revenus pour elle‑même et ses enfants et qu’elle ne recevait aucun soutien des pères de ses enfants nés au Canada – et elle a agi de façon déraisonnable en tirant ces conclusions.

 

(Mémoire de la demanderesse, au paragraphe 18)

 

Je suis d’accord avec cet argument. En effet, il ressort d’une interprétation libérale de la preuve que la demanderesse a satisfait à tous les critères énoncés dans les lignes directrices, sauf un : elle n’a pas entrepris des études professionnelles ou linguistiques plus approfondies.

 

[5]               L’agente a conclu que l’établissement de la demanderesse tenait à des circonstances qui n’étaient pas indépendantes de sa volonté et elle n’a accordé que peu de poids au témoignage rendu par la demanderesse pour prouver ce fait. Il semble que cette conclusion se fonde sur la croyance selon laquelle la demanderesse aurait dû ou pouvait se conformer à la conduite dont on s’attend d’une personne qui a un statut au Canada. Le critère que devait respecter la demanderesse englobait donc le fait d’être titulaire d’un permis de travail, d’avoir un certain genre d’emploi et de payer des impôts. Selon moi, le fait que la demanderesse ne s’est pas conformée à cette attente a nui à une appréciation équitable de la preuve montrant qui est la demanderesse, à savoir une personne qui s’est profondément enracinée au Canada. À mon avis, les lignes directrices mettent l’accent sur cette situation, laquelle découle des circonstances particulières de chaque cas.

 

[6]               Par conséquent, je conclus que la décision faisant l’objet du présent contrôle est déraisonnable.


ORDONNANCE

 

LA COUR ORDONNE :

1.                  La décision faisant l’objet du présent contrôle est annulée et l’affaire est renvoyée à un tribunal différemment constitué afin qu’une nouvelle décision soit rendue.

 

2.                  Il n’y a aucune question à certifier.

 

 

« Douglas R. Campbell »

Juge

 

Traduction certifiée conforme

Christiane Bélanger, LL.L.

 

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-6593-11

 

INTITULÉ :                                      JANICE VALNEY JACETTA GEORGE c

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :              Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :             Le 16 mai 2012

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                      LE JUGE CAMPBELL

 

DATE DES MOTIFS :                     Le 17 mai 2012

 

 

COMPARUTIONS :

 

Donald M. Greenbaum

                                 POUR LA DEMANDERESSE

 

Rachel Hepburn Craig

                                 POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Donald M. Greenbaum

Avocat et notaire public

 

 

                                 POUR LA DEMANDERESSE

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

 

                                 POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

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