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Cour fédérale

 

Federal Court

 

 


Date : 20120517

Dossier: IMM-8771-11

Référence : 2012 CF 603

Montréal (Québec), le 17 mai 2012

En présence de monsieur le juge Lemieux 

 

ENTRE :

 

LUIS ALBERTO BAEZ BAEZ

 

 

partie demanderesse

 

et

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

 

partie défenderesse

 

 

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

I.          Introduction

 

[1]               Le demandeur, né en 1983, est un citoyen du Mexique. Le 27 octobre 2008, il fuit son pays natal pour demander l’asile au Canada. Le 2 novembre 2011, sa demande est rejetée. Le tribunal a jugé son témoignage « clair, direct, cohérent, sans contradictions; ses réponses étaient sans exagérations ».

 

[2]               L’agent persécuteur de la famille est le Cartel du Golfe, une organisation criminelle, active dans le trafic des narcotiques, dans les extorsions et les rançons.

 

[3]               Au début du mois d’octobre 2007, le Cartel cible le père du demandeur, propriétaire d’une bijouterie; celui-ci devient victime d’une série d’extorsions, notamment, de demandes de paiements d’argent sur une base mensuelle; à défaut de payer, ses enfants en subiront les conséquences. On avertit le père de ne pas se plaindre à la police.

 

[4]               Le père s’est plaint à la police qui lui aurait dit qu’elle ne pouvait pas tout contrôler et que les membres du Cartel étaient inconnus.

 

[5]               Les événements suivants se succèdent : refus de payer, menaces, bijouterie vandalisée, demandes de paiements par le Cartel, d’autres plaintes à la police, enlèvements de la sœur du demandeur le 23 mars 2008 et au mois d’avril 2008, elle fut libérée suite au paiement d’une rançon, rencontre entre le père du demandeur et plusieurs commerçants aussi visés avec la sous-procureur générale à Mexico, D.F. qui aurait confirmé que la police était incapable de contrôler toute cette violence et aurait promis d’en parler avec le directeur en charge de l’État.

 

[6]               Le 2 août 2008, le demandeur aurait été victime d’une agression physique pour rappeler à son père qu’il n’avait pas payé les mille cinq cents dollars du mois d’août. Après le départ du demandeur vers le Canada, son frère, Victor, aurait été kidnappé le 5 novembre;  pour obtenir sa libération, son père a payé la rançon.

 

[7]               La sœur du demandeur qui avait accompagné son frère au Canada et avait réclamé l’asile a renoncé à sa demande et elle est retournée au Mexique en décembre 2009 pour rejoindre ses parents à Madero. La famille quitte cette ville pour aller vivre à Tampico afin d’exploiter une autre bijouterie. Retracé à nouveau par le Cartel, la sœur du demandeur et ses parents sont déménagés dans l’État de Mexico pour ouvrir une bijouterie et son frère déménage dans la capitale où il exerce un commerce.

 

II.         La décision du tribunal

 

[8]               Les points saillants de la décision du tribunal sont :

·        Le tribunal reconnaît que le demandeur avec son père sont allés à la police à plusieurs reprises et que celle-ci a reconnu qu’elle ne contrôlait pas tout.

·        Il est fort plausible que certains membres du Cartel étaient en contact avec la police et qu’il est plausible que des éléments corrompus se trouvaient au sein de la police.

·        Suite à l’aveu qu’elle ne pouvait pas tout contrôler, il fallait se trouver une protection privée, prendre des mesures de sécurité personnelle, allant jusqu’à suggérer de payer les montants demandés pour acheter la paix en attendant que les choses se calment.

 

[9]               Nonobstant les constatations du tribunal sur les failles de la protection de l’État, le tribunal écrit :

1.      Il demeure que le Mexique n’est pas un état en banqueroute. C’est un pays démocratique, qui fonctionne et qui est fonctionnnel. La police et l’armée restent fonctionnels et ils pallient aux faiblesses des institutions. Aujourd’hui, les cartels des narcotrafiquants sèment la terreur en kidnappant, en extorquant, en créant une situation de violence généralisée dans certaines municipalités et dans certains états. Il reste que, dans plusieurs états mexicains et dans plusieurs villes, la police et l’armée prennent des mesures pour protéger les populations.

 

2.      Cette situation de violence généralisée due aux narcotrafiquants est vécue par toute la population mexicaine en général, à différents niveaux et degrés.

 

3.      Il ressort clairement que l’État mexicain est aux prises avec une guerre à finir avec les narcotrafiquants. L’État prend les moyens et les résultats apparaissent plus ou moins probants. Dans un premier temps, parce que les cartels se font la guerre entre eux pour occuper les territoires, et de son côté, l’État a déployé une double attaque par son armée et sa police, d’une part, et aussi en nettoyant les corps policiers des éléments de corruption ou des policiers qui travaillent au service des narcotrafiquants. La preuve documentaire décrit les mesures législatives prises par le gouvernement du Mexique pour combattre les enlèvements contre rançon, y compris les types d’enlèvements, la protection offerte aux victimes, l’efficacité des mesures de lutte contre les enlèvements et la complicité de certains agents de police (2007-avril 2009).

 

4.      La preuve indique que les parents du demandeur qui ont été ciblés par les kidnappeurs et extorqués, ont déménagé à deux reprises, tout en gardant ouvert leur gagne-pain, depuis juin 2011. Ils sont aujourd’hui à Mexico D.F. pour essayer de redémarrer à nouveau la bijouterie.

 

5.      Le tribunal estime que les parents du demandeur, qui eux aussi étaient visés, ont jugé que Mexico D.F. représentait une alternative de fuite intérieure. Il ne serait donc pas ni déraisonnable ni trop sévère que le demandeur aille ou déménage  à Mexico D.F.

 

6.      Le demandeur qui fait face à une violence généralisée pourrait retourner aller vivre avec ses parents à Mexico D.F. et travailler avec ses parents dans la bijouterie. Et si, le demandeur estimait que ce serait dangereux de travailler dans la bijouterie, parce que ce genre d’activité attirerait davantage des extorqueurs, il pourrait se chercher un autre emploi. Le demandeur est un ingénieur en génie électrique, avec une spécialisation en exploitation. Il pourrait alors se chercher un autre emploi dans l’industrie où il a de la capacité pour se trouver du travail à Mexico D.F., entre autres.

 

7.      Compte tenu de l’ensemble des éléments de preuve, le tribunal estime que le demandeur fait face à une violence généralisée causée par les narcotrafiquants et qu’il ne s’est pas déchargé de son fardeau de preuve pour justifier l’exception qu’exigent l’alinéa de l’article 97(1)b)(ii) de la Loi. [reproduit dans son intégrité]

 

Conclusion

 

[10]           Bien que dans ce dossier cette Cour a des doutes sérieux du bien-fondé de la décision du tribunal sur sa conclusion qu’en l’espèce la violence vécue par le demandeur était une violence généralisée au sens de l’article 97 et que malgré l’aveu des autorités que dans ce cas précis elles ne pouvaient pas protéger le demandeur et sa famille, la conclusion du tribunal sur l’existence d’une possibilité d’un refuge intérieure pour le demandeur est déterminante.

 

[11]           Dans l’arrêt Thirunavukkarasu c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1994] 1 CF 589, le juge Linden, au nom de la Cour d’appel fédérale, explique que la possibilité de refuge dans une autre partie du même pays est simplement une expression commode qui désigne une situation de fait dans laquelle une personne risque d’être persécutée dans une partie du pays, mais pas dans une autre partie du même pays. Le demandeur de statut de réfugié est tenu, compte tenu des circonstances individuelles, de chercher refuge dans une autre partie du même pays, pour autant que ce ne soit pas déraisonnable de le faire. C’est un critère objectif et le fardeau de la preuve appartient au demandeur.


 

JUGEMENT

 

LA COUR STATUE que cette demande de contrôle judiciaire soit rejetée. Aucune question n’est certifiée.

 

 

 

 

« François Lemieux »

Juge


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-8771-11

 

INTITULÉ :                                       LUIS ALBERTO BAEZ BAEZ  et  MCI

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               le 14 mai 2012

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LE JUGE LEMIEUX

 

DATE DES MOTIFS :                      le 17 mai 2012

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Claude Whalen

 

POUR LA PARTIE DEMANDERESSE

 

Leticia Mariz

POUR LA PARTIE DÉFENDERESSE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Claude Whalen

Montréal (Québec)

POUR LA PARTIE DEMANDERESSE

 

 

Myles J. Kirvan 

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)

POUR LA PARTIE DÉFENDERESSE

 

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