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Cour fédérale

 

Federal Court

Date : 20120510


Dossier : T-1737-11

Référence : 2012 CF 567

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 10 mai 2012

En présence de madame la juge Gleason

 

 

ENTRE :

 

JULIA SLOANE

 

 

 

demanderesse

 

et

 

 

 

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

           MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Dans la présente demande de contrôle judiciaire, Julia Sloane demande à la Cour d’annuler la décision du Tribunal des anciens combattants (révision et appel) [le TACRA ou le Tribunal], rendue le 3 octobre 2011, de lui refuser le droit à une pension d’invalidité en vertu du paragraphe 21(2) de la Loi sur les pensions, LRC 1985, c P‑6.

 

[2]               Mme Sloane a passé sa carrière dans les Forces armées canadiennes [les FC]. Elle s’est enrôlée en 1970 et a pris sa retraite récemment. Le ministère de la Défense nationale s’est chargé de ses soins médicaux lorsqu’elle était dans les FC, comme il le fait pour tous les militaires (Conseil de révision des pensions, décision d’interprétation I‑25 [la décision I‑25], à la page 2; Gannon c Canada (Procureur général), 2006 CF 600, au paragraphe 20, 292 FTR 280). 

 

[3]               Au début de sa carrière, Mme Sloane a développé une tumeur bénigne dans l’oreille. Comme il est décrit de manière plus détaillée ci‑dessous, il a fallu beaucoup de temps pour diagnostiquer la tumeur, malgré les visites répétées de Mme Sloane chez le médecin de la base et ses plaintes fréquentes relatives à l’aggravation des symptômes. La tumeur a évolué rapidement et, une fois qu’elle a été découverte, Mme Sloane a dû subir une intervention chirurgicale. À cause de la taille de la tumeur, des complications ont suivi : perte auditive permanente, paralysie faciale partielle permanente, troubles de l’élocution et abrasion cornéenne. Mme Sloane affirme que la gravité de la tumeur et les complications qu’elle a subies sont attribuables au traitement médical inadéquat qu’elle a reçu du médecin de la base, lequel n’a pas effectué les examens appropriés ou ne l’a pas dirigée vers un spécialiste en temps utile.

 

[4]               Mme Sloane n’a présenté une demande de pension qu’en 1990, lorsque son état s’est détérioré. Sa demande a été rejetée par la Commission canadienne des pensions (qui a été remplacée depuis par le TACRA). Elle n’a interjeté appel de cette décision qu’en 2004; la Loi sur le Tribunal des anciens combattants (révision et appel), LC 1995, c 18 [la Loi sur le TACRA] ne fixant aucun délai d’appel, l’appel a été instruit sur le fond. Le TACRA l’a rejeté en 2006. Mme Sloane a demandé à un comité d’appel de l’admissibilité du TACRA de réviser cette décision en 2009. N’ayant pas eu gain de cause, elle a demandé le réexamen de la décision du comité d’appel de l’admissibilité et, le 22 avril 2010, le TACRA a rejeté sa demande. Mme Sloane a présenté à la Cour une demande de contrôle judiciaire visant cette décision du TACRA. Celle‑ci a été annulée par une ordonnance sur consentement rendue le 18 janvier 2011. Le juge Zinn a alors statué que le TACRA avait commis une erreur de droit en ne tirant pas les conclusions appropriées de la preuve à la lumière des faits et du dossier, ainsi que de l’article 39 de la Loi sur le TACRA. Il a ordonné que la demande de réexamen de Mme Sloane soit renvoyée à une formation différente du TACRA. C’est la décision de cette formation qui fait l’objet de la présente demande de contrôle judiciaire.

 

[5]               Mme Sloane fait valoir que la décision rendue par le TACRA le 3 octobre 2011 devrait être annulée parce que celui‑ci :

a.       n’a pas tenu compte de manière appropriée des articles 3 et 39 de la Loi sur le TACRA en établissant la norme de preuve et le fardeau de la preuve applicables aux allégations de mauvaise administration médicale;

b.      a commis une erreur de droit en entravant l’exercice de son pouvoir discrétionnaire lorsqu’il a considéré la décision I‑25 du Conseil de révision des pensions comme un précédent – auquel il devait se conformer – établissant la façon de déterminer les cas dans lesquels une pension peut être accordée pour des invalidités liées à un traitement médical inadéquat;

c.       a commis une erreur de droit en ne tirant pas de conclusions favorables de la preuve médicale et de la preuve par affidavit, contrairement à l’article 39 de la Loi sur le TACRA;

d.      a donné des motifs insuffisants, violant ainsi les règles de justice naturelle.

 

[6]               Pour sa part, le défendeur fait valoir que la décision était raisonnable et qu’elle devrait être maintenue. Plus précisément, il affirme que la façon dont le TACRA a tenu compte des articles 3 et 39 de la Loi sur le TACRA et les a traités était raisonnable, que le TACRA a correctement suivi et appliqué la décision I‑25 comme il devait le faire, que ses conclusions sont raisonnables et conformes aux exigences de l’article 39 de la Loi sur le TACRA et que, compte tenu de Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c Terre‑Neuve‑et‑Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62, [2011] 3 RCS 708 [Newfoundland Nurses], rendu récemment par la Cour suprême du Canada, l’insuffisance des motifs ne peut constituer à elle seule le fondement d’un contrôle judiciaire.

 

[7]               Pour les motifs exposés ci‑dessous, j’estime que le TACRA n’a pas entravé de manière inappropriée l’exercice de son pouvoir discrétionnaire et que la présumée insuffisance de ses motifs ne justifie pas l’intervention de la Cour. Cela étant dit, j’ai déterminé que la décision du TACRA doit être annulée parce que ses conclusions sont contraires à des éléments de preuve déterminants et que, à la lumière des exigences de l’article 39 de la Loi sur le TACRA, il ne pouvait pas raisonnablement tirer la conclusion à laquelle il est parvenu dans sa décision du 3 octobre 2011.

 

[8]               Les avocats des parties ont affirmé que la décision du TACRA du 3 octobre 2011 devait être lue de concert avec la décision du comité d’appel de l’admissibilité du TACRA du 22 avril 2010 (qui a été annulée par l’ordonnance du juge Zinn) et la décision du TACRA du 29 octobre 2009 (qui a fait l’objet des demandes de réexamen). Je conviens que ce contexte est important pour bien comprendre la décision du 3 octobre 2011 car chacune des décisions antérieures permet de connaître les circonstances dans lesquelles elle a été rendue.

 

[9]               Avant d’examiner les trois décisions cependant, il faut résumer la preuve médicale qui a été présentée au TACRA car la présente demande de contrôle judiciaire dépend en très grande partie de la nature du dossier factuel dont disposait le Tribunal.

 

I.     LE CONTEXTE FACTUEL

[10]           En plus des affidavits de Mme Sloane et de son mari et des différents dossiers médicaux relatifs à l’état et au traitement de Mme Sloane, le Tribunal disposait de quatre rapports médicaux : un rapport du Dr Hill Britton, un des chirurgiens qui ont retiré la tumeur de Mme Sloane, daté du 14 mars 1974; un rapport du Dr Hitselberger, l’autre chirurgien qui a retiré la tumeur, daté du 23 mars 1994; un rapport d’un expert indépendant, le Dr Sévigny, un oto-rhino-laryngologiste, daté du 8 avril 2009; un rapport de la Dre Slaunwhite, l’OSEM – Médecin‑chef employée par les FC, daté du 6 février 2006, qui était aussi un expert indépendant. Comme c’est généralement le cas, les experts indépendants ont fondé leurs rapports sur un examen des documents médicaux contenus dans le dossier.

 

[11]           Mme Sloane a consulté le médecin de la base pour la première fois en 1971 à cause d’un mal de gorge et de douleurs à l’oreille. Elle a vu le médecin à sept reprises au cours de l’année pour les mêmes symptômes. Le médecin lui a prescrit des antihistaminiques et des décongestionnants. En 1972, Mme Sloane a vu le médecin de la base à au moins six reprises et s’est plainte de symptômes additionnels, à savoir une sensation constante de plénitude lorsqu’elle mastiquait, un mal de gorge persistant, une congestion nasale et des maux de tête. Le médecin a diagnostiqué une infection de l’oreille moyenne et a continué de prescrire des antihistaminiques et des décongestionnants. Il n’a pas demandé un audiogramme ou un autre test auditif, malgré le fait qu’il avait facilement accès à l’équipement nécessaire sur la base militaire, où cet équipement était utilisé pour les tests auditifs des pilotes.

 

[12]           En février 1973, Mme Sloane a commencé à ressentir un engourdissement du visage. De sa propre initiative, elle a consulté le dentiste de la base le 20 février 1973. Le dentiste a conclu que ses symptômes n’étaient pas d’origine dentaire et l’a renvoyée au médecin de la base pour des examens plus poussés. Mme Sloane a vu le médecin de la base le jour même. Elle lui a dit qu’elle souffrait d’engourdissement facial, d’étourdissements et de douleurs dans l’oreille droite. Entre février et décembre 1973, elle a consulté le médecin à huit reprises, chaque fois pour des douleurs dans l’oreille droite, des étourdissements, un engourdissement du visage et une perte auditive. Le médecin a maintenu le diagnostic précédent – infection de l’oreille – et a continué de prescrire des décongestionnants et des antihistaminiques (il a aussi prescrit des gouttes pour les oreilles). Aucun test auditif n’a été effectué. Pendant cette période, Mme Sloane souffrait tellement qu’elle s’est même plainte des symptômes à son gynécologue et à un ophtalmologiste qu’elle a consulté. Elle et son mari ont finalement insisté pour que le médecin de la base l’envoie voir un oto-rhino-laryngologiste. Le médecin a finalement accepté de le faire à la fin de 1973.

 

[13]           L’oto-rhino-laryngologiste que Mme Sloane a vu en décembre 1973 a immédiatement effectué un audiogramme, qui a révélé une perte auditive importante de l’oreille droite. Le spécialiste a ensuite demandé à Mme Sloane de passer une radiographie et, grâce à ces investigations, il a diagnostiqué un neurinome du nerf auditif droit (ou une tumeur dans l’oreille). Peu de temps après, Mme Sloane a été dirigée vers les Drs Hill Britton et Hitselberger aux États‑Unis. En mars 1974, ces spécialistes renommés du traitement des tumeurs de cette nature ont procédé à une intervention visant à retirer la tumeur; comme il a été mentionné, à cause de la taille de celle‑ci, Mme Sloane a subi une perte auditive permanente et une paralysie faciale permanente qui a entraîné un défaut d’élocution. En 1990, elle a développé une abrasion cornéenne par suite du dommage causé à ses canaux lacrymaux pendant l’intervention.

 

[14]           Selon la preuve non contredite dont disposait le TACRA, les principaux symptômes de la présence d’un neurinome acoustique sont des douleurs, une atteinte auditive, un engourdissement facial et des étourdissements; cette preuve indiquait aussi que cela était connu en 1971. Elle établissait également que la tumeur de Mme Sloane avait grossi rapidement – elle mesurait de 2,5 à 3 cm de diamètre en janvier 1974 et de 3,5 à 4 cm de diamètre au début de mars 2004.

 

[15]           Plusieurs des rapports médicaux présentés au Tribunal indiquaient que, si la tumeur avait été diagnostiquée plus tôt, les complications que Mme Sloane avait subies auraient peut‑être pu être évitées ou être moins graves. En outre, plusieurs des rapports médicaux semblent laisser entendre que le traitement ordonné par le médecin de la base n’était pas aussi adéquat qu’on aurait pu s’y attendre.

 

[16]           Le Dr Hitselberger a émis l’avis suivant à cet égard :

[traduction] […] la période de mai 1972 à décembre 1973 qui s’est écoulée avant que Mme Sloane soit dirigée vers un oto-rhino-laryngologiste serait peut‑être considérée comme un délai déraisonnable étant donné […] que ses symptômes ne s’atténuaient pas – en fait, ils s’aggravaient. Je dirais certainement que cela aurait pu faire une différence au regard des perspectives de [Mme Sloane] […] La raison pour laquelle il est difficile d’évaluer la situation, c’est que ce dont nous parlons est survenu il y a plus de 20 ans. Il est très difficile d’appliquer les normes que nous avons en 1994 à un cas survenu en 1972. De nombreux progrès importants ont été réalisés sur le plan du diagnostic de ce type de lésions et je ne suis pas certain que, à cette époque particulière, [Mme Sloane] a bénéficié de soins et d’un traitement raisonnables compte tenu de [ses] symptômes […] J’ai peut‑être parlé trop vite quand j’ai dit que [Mme Sloane] aurait dû consulter un oto-rhino-laryngologiste un peu plus tôt. Il semble effectivement qu’un délai d’un an et demi avant d’être dirigée vers un oto-rhino-laryngologiste était peut‑être un peu long, étant donné en particulier que [ses] symptômes semblaient s’aggraver ou certainement pas s’atténuer pendant cette période.

 

 

[17]           Le Dr Sévigny avait une opinion beaucoup plus percutante. Il a conclu que les symptômes de Mme Sloane ne semblaient pas indiquer la présence d’un neurinome acoustique avant 1972. Selon lui cependant, le neurinome aurait dû être diagnostiqué en 1972, après que Mme Sloane eut commencé à se plaindre d’une perte auditive. Il a écrit à cet égard : 

Par contre, votre cliente a commencé à se plaindre de surdité droite en 1972. Je suis étonné de ne pas retrouver d’audiogramme au dossier avant celui demandé par l’oto‑rhino-laryngologiste en décembre 1973. À l’époque et même maintenant, l’audiogramme demeure un examen essentiel dans l’évaluation des problèmes otologiques. Chez les patients présentant un problème infectieux qui persiste malgré le traitement médical, l’audiogramme est utile pour permettre d’exclure une atteinte plus sévère de l’oreille moyenne ou encore de l’oreille interne. Dans le cas de votre cliente, le médecin qui la suivait aurait dû demander un audiogramme on aurait découvert la perte auditive relativement rapide s’étant développée en moins de 3 ans. Il faut comprendre que même si le médecin traitant avait demandé un audiogramme dans le but d’évaluer un problème infectieux, l’atteinte neurosensorielle aurait été découverte.

 

À l’origine de la présente expertise, vous me demandiez si le délai dans l’investigation et le diagnostic a pu causer préjudice à votre cliente. Les documents disponibles confirment que l’évolution de la lésion s’est faite très rapidement, les symptômes étant apparus essentiellement dans l’année qui a précédé l’investigation oto-rhino laryngologique. La lésion a donc évolué de façon significative durant cette période; l’audiogramme normal à l’enrôlement ainsi que l’évolution rapide des symptômes durant la dernière année confirment la croissance de la tumeur.

 

Il est évident que les risques et complications chirurgicales augmentent avec la grosseur de la lésion. Chirurgicalement, un neurinome acoustique est enlevé morceau par morceau et les structures anatomiques normales disséquées progressivement. Plus la lésion est grosse, plus la dissection est longue. Dans le cas de votre cliente, l’atteinte du nerf facial en est le témoin. Si votre cliente avait subi un audiogramme lorsqu’elle s’est plainte de trouble otologique, il y aurait eu de fortes chances d’éviter l’atteinte faciale puisque l’intervention chirurgicale aurait été pratiquée un an ou un et demi plus tôt.

 

However, your client began complaining of hearing loss on the right side in 1972. I am surprised to not find an audiogram on her file before that requested by the otolaryngologist in December 1973. Then and even now, an audiogram is an essential diagnostic tool in the assessment of otolaryngolic ailments.

For patients presenting with infections that continue despite medical treatment, audiograms allow the exclusion of more serious conditions of the middle or inner ear. In the case of your client, had the treating doctor requested an audiogram, the client’s loss of hearing that had occurred relatively rapidly in less than 3 years would have been discovered. It must be understood that even if the treating physician had ordered an audiogram to evaluate an infection, the patient’s neuro-sensory problems would have been discovered.  

 

In the present opinion, I was asked whether the delays in the evaluation and diagnosis caused harm to your client. The available documents confirm that the tumour developed very rapidly, and that symptoms began appearing in the year preceding the otolaryngolic assessment. The tumour thus developed significantly during this period; the patient’s normal audiogram when she enlisted, as well as the rapid development of symptoms in that last year confirm the tumour’s growth.

 

It is evident that risks and surgical complications increase with the size of the tumour. In surgery, an acoustic neuroma is removed piece by piece and healthy anatomical structures are increasingly impacted. The larger the tumour, the longer the surgery.  In your client’s case, the injury to the facial nerve is evidence of this problem. If your client had had an audiogram when she first complained of hearing problems, there is a strong chance she would have avoided facial paralysis because her surgery would have been performed a year to a year and one half earlier.

 

[Traduction non officielle]

 

 

 

[18]           Même la médecin des FC, la Dre Slaunwhite, corrobore ces propos dans une certaine mesure. Elle souligne que les dossiers médicaux des FC faisaient état de 25 évaluations cliniques [traduction] « dans lesquelles des symptômes plausibles d’un neurinome acoustique précoce étaient décrits », qui avaient eu lieu avant que Mme Sloane soit dirigée vers l’oto-rhino-laryngologiste. La Dre Slaunwhite mentionne ensuite qu’il est [traduction] « préoccupant » que Mme Sloane se soit sentie obligée de parler de ses symptômes à son gynécologue. Elle a dit ensuite :

[traduction] Il n’est pas possible de savoir avec certitude si les symptômes existant en 1971 et en 1972 étaient reliés ou non. Nous pouvons cependant être plus certains que l’engourdissement facial décrit en 1973 était clairement le signe d’une atteinte d’un nerf et qu’il aurait été suffisant pour justifier que Mme Sloane soit suivie de près, que son cas soit réévalué et qu’elle soit dirigée vers un spécialiste si le symptôme ne disparaissait pas complètement. Les notes (du dentiste et des médecins) n’indiquent pas que ce symptôme a donné lieu à une investigation sérieuse à l’époque. Dans le pire des cas, si la LCol Sloane avait un neurinome grossissant rapidement (capable de doubler de volume en une période de six mois à un an), le délai écoulé entre l’engourdissement facial et les radiographies, les tests auditifs et le diagnostic en décembre 1973, puis l’intervention chirurgicale en mars 1974, peut avoir créé un plus grand risque de symptômes irréversibles […] Il est également, à première vue, quelque peu curieux de compter 24 visites médicales pour des symptômes reliés à des problèmes touchant le nez, les oreilles et la gorge, sans qu’aucun spécialiste ne soit consulté plus tôt afin que d’autres causes sous‑jacentes soient recherchées.

 

Bref, on ne peut pas dire que le travail de cet omnipraticien ou de ce dentiste généraliste des FC ne respectait pas une norme canadienne de 1971 à 1973. Certes, ils ont laissé passer l’occasion d’intervenir relativement au symptôme plus inquiétant de l’engourdissement facial qui est apparu en février 1973, et d’autres médecins auraient pu faire des évaluations plus précises de ce symptôme […] Une consultation avec un spécialiste, un diagnostic et un traitement chirurgical auraient pu survenir plus tôt et […] les conséquences de la chirurgie auraient pu être moins graves. À mon avis, on peut dire qu’il existe un certain lien entre le traitement reçu et les suites de l’intervention chirurgicale. Bien que nous ne puissions pas affirmer avec certitude qu’il y a eu mauvaise pratique médicale, l’occasion manquée d’investiguer davantage sur les symptômes d’atteinte d’un nerf en février 1973 n’a pas été expliquée.

 

 

II.           LES DÉCISIONS DU TACRA

[19]           Dans la première des trois décisions en cause en l’espèce, qui a été rendue le 29 octobre 2009, le comité d’appel de l’admissibilité du TACRA a appliqué la décision I‑25 de la Commission de révision des pensions et a statué que, pour qu’une demande de pension soit accueillie, il faut que la preuve démontre que la [traduction] « norme de diligence juridique et professionnelle reconnue n’a pas été respectée », par exemple en établissant qu’il existait une obligation de diligence à l’égard du demandeur, que la norme de diligence requise n’a pas été respectée ou qu’une invalidité en avait résulté directement (à la page 9 de la décision). Dans un paragraphe à la toute fin de sa décision, le TACRA a appliqué ce critère aux faits relatifs à Mme Sloane et a conclu qu’il n’y avait pas eu mauvaise administration médicale et, en conséquence, que Mme Sloane n’avait pas droit à une pension. La conclusion concernant l’absence de mauvaise administration médicale reposait entièrement sur la remarque de la Dre Slaunwhite selon laquelle on ne pouvait pas dire que le travail de l’omnipraticien ou du dentiste généraliste des FC ne respectait pas une norme canadienne. Le TACRA a conclu que, même si la preuve médicale [traduction] « […] semblait indiquer que les conséquences chirurgicales auraient pu être moins graves si le diagnostic, la consultation d’un spécialiste et le traitement chirurgical étaient survenus plus tôt, […] on ne peut pas affirmer avec certitude qu’il y a eu mauvaise administration médicale ». Le Tribunal n’a accordé aucun poids aux différentes déclarations contradictoires contenues dans les rapports médicaux mentionnés ci‑dessus, et il n’a pas tenu compte de l’effet de l’article 39 de la Loi sur le TACRA lorsqu’il a tenté de concilier les opinions divergentes exprimées dans ces rapports.

 

[20]           Comme il a été mentionné, Mme Sloane a demandé le réexamen de la décision du comité d’appel de l’admissibilité du TACRA rendue le 29 octobre 2009. Dans ses deux demandes de réexamen, elle soutenait que le Tribunal n’avait pas appliqué correctement l’article 39 de la Loi sur le TACRA, lequel crée certaines présomptions en matière de droit et de preuve en faveur des personnes qui réclament une pension. La disposition est libellée ainsi :

 

39. Le Tribunal applique, à l’égard du demandeur ou de l’appelant, les règles suivantes en matière de preuve :

 

a) il tire des circonstances et des éléments de preuve qui lui sont présentés les conclusions les plus favorables possible à celui-ci;

 

b) il accepte tout élément de preuve non contredit que lui présente celui-ci et qui lui semble vraisemblable en l’occurrence;

 

c) il tranche en sa faveur toute incertitude quant au bien-fondé de la demande.

 

39. In all proceedings under this Act, the Board shall

 

(a) draw from all the circumstances of the case and all the evidence presented to it every reasonable inference in favour of the applicant or appellant;

 

(b) accept any uncontradicted evidence presented to it by the applicant or appellant that it considers to be credible in the circumstances; and

 

(c) resolve in favour of the applicant or appellant any doubt, in the weighing of evidence, as to whether the applicant or appellant has established a case.

 

 

 

[21]           Dans sa décision du 22 avril 2010 concernant la première demande de réexamen, le TACRA a appliqué la décision I‑25 et, tout en mentionnant les présomptions en matière de preuve prévues à l’article 39 de la Loi sur le TACRA, a statué que [traduction] « cette disposition exige une explication logique de la décision du comité de rejeter une preuve que le demandeur aurait pu juger favorable, mais elle n’exige pas qu’une décision favorable soit rendue ». Le Tribunal a rejeté la demande de réexamen et n’a pas déterminé comment l’article 39 s’appliquait aux différentes déclarations contenues dans les rapports médicaux étayant la thèse de Mme Sloane.

 

[22]           Comme il a été mentionné, cette décision a été annulée par l’ordonnance du juge Zinn portant que le TACRA avait commis une erreur susceptible de contrôle en ne tirant pas les conclusions appropriées de la preuve à la lumière des faits et de l’article 39 de la Loi sur le TACRA.

 

[23]           L’affaire a ensuite été renvoyée au TACRA pour que celui‑ci la réexamine en conformité avec les modalités de l’ordonnance du juge Zinn, et le Tribunal a rendu la décision du 3 octobre 2011, laquelle fait l’objet du présent contrôle judiciaire. Le raisonnement exposé dans cette décision est très semblable à celui décrit dans la décision du Tribunal du 22 avril 2010, malgré les instructions figurant dans l’ordonnance du juge Zinn. À cet égard, le TACRA a statué, dans sa décision du 3 octobre 2011, que la décision I‑25 exigeait que la personne qui réclame une pension prouve la mauvaise administration médicale, soit l’existence d’une obligation de diligence envers elle, le défaut de respecter la norme de diligence attendue et le fait qu’une invalidité en a découlé directement. Appliquant le critère à la preuve, le TACRA a statué que [traduction] « les rapports médicaux pouvaient laisser croire que la consultation d’un spécialiste, un diagnostic et un traitement plus rapides auraient pu mener à un meilleur résultat, mais il n’y avait aucune preuve indiquant que le traitement ne respectait pas une norme reconnue ou qu’il ne faisait pas partie d’un cadre de soins et de traitement raisonnables » [non souligné dans l’original]. Il a aussi statué qu’il n’avait pas fondé sa décision du comité d’appel de l’admissibilité du 29 octobre 2009 sur une interprétation erronée de l’article 39 de la Loi sur le TACRA parce qu’il n’avait pas exigé que Mme Sloane démontre [traduction] « avec certitude » qu’il y avait eu mauvaise administration médicale, mais qu’il avait plutôt employé l’expression [traduction] « avec certitude » uniquement en lien avec le rapport de la Dre Slaunwhite.

 

[24]           Avec égards, cette interprétation de la décision du 29 octobre 2009 est totalement indéfendable. La seule façon d’interpréter cette décision, c’est de considérer qu’elle repose sur la conclusion que Mme Sloane n’avait pas établi [traduction] « avec certitude » qu’il y avait eu mauvaise administration médicale. Comme il sera démontré ci‑dessous, une telle conclusion est contraire à l’article 39 de la Loi sur le TACRA.

 

[25]           En outre, la déclaration du Tribunal selon laquelle il n’y avait [traduction] « aucune preuve indiquant que le traitement ne respectait pas une norme reconnue ou qu’il ne faisait pas partie d’un cadre de soins et de traitement raisonnables » contredit directement la preuve dont disposait le TACRA. Les extraits tirés des rapports des Drs Hitselberger, Sévigny et Slaunwhite qui sont reproduits ci‑dessus indiquent, laissent entendre ou insinuent que le traitement reçu par Mme Sloane ne respectait pas une norme de diligence reconnue et ne faisait pas partie d’un cadre de soins et de traitement raisonnables.

 

III.        ANALYSE

[26]           La Cour peut disposer rapidement des prétentions selon lesquelles le TACRA a entravé de manière inappropriée l’exercice de son pouvoir discrétionnaire et a prononcé des motifs insuffisants.

 

[27]           L’avocat de Mme Sloane avance que le TACRA a entravé l’exercice de son pouvoir discrétionnaire en adoptant et en appliquant le raisonnement exposé dans la décision I‑25, affirmant que les tribunaux administratifs ne peuvent appliquer leurs décisions antérieures (ou les considérer comme des précédents déterminants) sans entraver de manière inappropriée l’exercice de leur pouvoir discrétionnaire. Aucune source n’a été invoquée au soutien de cette prétention, et celle‑ci est clairement sans fondement. Bien que la doctrine stare decisis ne s’applique pas aux tribunaux administratifs, il est à la fois courant et fortement souhaitable que ces tribunaux suivent et appliquent de manière constante les décisions qu’ils ont rendues précédemment afin que soit créée une jurisprudence prévisible et cohérente. Les cours de justice ont reconnu que les tribunaux administratifs peuvent se lancer dans de vastes discussions sur les politiques dans le but d’arriver à un consensus sur les interprétations importantes dans le domaine et qu’ils ne compromettent pas ainsi l’indépendance de leurs membres (voir, par exemple, SITBA c Consolidated‑Bathurst Packaging Ltd, [1990] 1 RCS 282, 68 DLR (4th) 524, aux paragraphes 47 et 51).

 

[28]           La thèse selon laquelle l’insuffisance des motifs du TACRA équivaut à une violation des principes de justice naturelle peut aussi être réglée rapidement. L’arrêt récent Newfoundland Nurses établit solidement que, pourvu que certains motifs soient donnés, les lacunes dont ils seraient entachés ne constituent pas des manquements à la justice naturelle. Selon la juge Abella, qui a rédigé les motifs au nom de la Cour :

Il m’apparaît inutile d’expliciter l’arrêt Baker en indiquant que les lacunes ou les vices dont seraient entachés les motifs appartiennent à la catégorie des manquements à l’obligation d’équité procédurale et qu’ils sont soumis à la norme de la décision correcte […] dans les cas où […] il y a [des motifs], on ne saurait conclure à un tel manquement. (Newfoundland Nurses, aux paragraphes 21 et 22)

 

 

[29]           Pour ce qui est des autres affirmations concernant l’appréciation de la preuve par le TACRA et l’application de l’article 39 de la Loi sur le TACRA, c’est la norme de contrôle de la raisonnabilité qui s’applique (Boisvert c Canada (Procureur général), 2009 CF 735, au paragraphe 36). Il s’agit d’une norme déférente qui exige que la Cour n’intervienne que si elle est convaincue que les motifs du Tribunal ne possèdent pas les qualités de la justification, de la transparence ou de l’intelligibilité et que le résultat n’appartient pas aux « issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » (Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 RCS 190, au paragraphe 47). Lorsque le contrôle vise à contester une conclusion factuelle d’un tribunal administratif fédéral, la norme de la raisonnabilité qui s’applique est décrite à l’alinéa 18.1(4)d) de la Loi sur les Cours fédérales, LRC 1985, c F‑7 [la LCF]. Cette disposition prévoit que les conclusions de fait peuvent être annulées seulement si elles ont été tirées de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments dont le tribunal administratif disposait. Une conclusion qui n’est pas étayée par la preuve présentée au tribunal est susceptible d’être annulée en vertu de cette disposition parce qu’elle a été tirée sans que le tribunal ne tienne compte de la preuve dont il disposait (voir, par exemple, Gannon c Canada (Procureur général), 2006 CF 600, aux paragraphes 29 à 31, 292 FTR 280; Syndicat des travailleurs et travailleuses des Postes c Healy, 2003 CAF 380, au paragraphe 25, [2003] ACF no 1517).

 

[30]           À mon avis, la décision du Tribunal était déraisonnable à deux égards : premièrement, sa conclusion erronée selon laquelle il n’y avait aucune preuve démontrant que le traitement reçu par Mme Sloane ne respectait pas une norme reconnue et, deuxièmement, son examen de l’article 39 de la Loi sur le TACRA, une disposition dont le Tribunal n’a pas tenu compte en fait. En résumé, compte tenu de la preuve dont il disposait et des exigences de l’article 39 de la Loi sur le TACRA, la seule conclusion raisonnable à laquelle le Tribunal pouvait parvenir était d’accueillir la demande de réexamen et d’accorder la pension d’invalidité à Mme Sloane. En fait, c’est exactement ce qui allait arriver selon l’ordonnance du juge Zinn.

 

[31]           La Cour a annulé à maintes reprises des décisions du TACRA concernant des affaires semblables à celles en cause en l’espèce. Dans Metcalfe c Canada (1999), 160 FTR 281, [1999] ACF no 22 [Metcalfe], le TACRA avait conclu que la preuve dont il disposait n’établissait pas avec certitude un lien de causalité entre la surdité du demandeur et son service militaire, malgré les avis médicaux indiquant qu’il y avait une forte possibilité ou probabilité que l’invalidité soit attribuable à l’exposition au bruit pendant le service. Le juge Evans a conclu que le Tribunal « ne peut être parvenu à sa décision qu’en se trompant sur l’effet de l’article 39 de la Loi sur le Tribunal des anciens combattants (révision et appel) » (au paragraphe 17). Il a dit que, même si « personne ne peut être sûr s’il existe un lien de causalité entre le bruit auquel le demandeur a été exposé pendant qu’il était en service militaire et sa surdité actuelle […] le demandeur a […] produit des éléments de preuve suffisamment crédibles relativement à la cause de sa perte d’audition et, si le Tribunal avait respecté les prescriptions de l’article 39, il aurait été contraint en droit d’accueillir la demande du demandeur » (au paragraphe 22). En conséquence, la décision de la Commission a été annulée.

 

[32]           De même, dans Schott c Canada (Procureur général), [2001] ACF no 126, 199 FTR 225, la juge Hansen a estimé que le TACRA avait mal interprété la preuve qui lui avait été présentée lorsqu’il avait conclu que les avis médicaux étaient basés sur des suppositions, alors qu’en fait ils indiquaient qu’un diagnostic erroné de la part des premiers médecins traitants « a certes joué » au regard du retard à détecter le cancer du demandeur, ce qui avait eu pour effet d’aggraver son invalidité et ses malaises (aux paragraphes 20 à 22). Comme le juge Evans dans Metcalfe, la juge Hansen a conclu, au paragraphe 26, que « le TAC aurait pu tirer sa conclusion uniquement en omettant de tenir compte de la preuve présentée par les [experts médicaux], en interprétant la preuve d’une façon erronée ou en se trompant au sujet de l’effet de l’article 39 de la Loi compte tenu de l’existence d’éléments de preuve vraisemblables et dignes de foi ».

 

[33]           Dans Smith c Canada (Procureur général), 2001 CFPI 857, 209 FTR 172, le juge MacKay a annulé une décision du Tribunal parce que celui‑ci avait exigé un « avis médical définitif » et qu’il n’avait pas ainsi tenu compte de l’article 39 de la Loi sur le TACRA (aux paragraphes 29 et 38). Il a dit, au paragraphe 33 : « Le Tribunal n’a pas reconnu que les avis médicaux fournis pour le demandeur ne font état que d’un seul diagnostic possible, lequel ne peut découler que d’une seule cause plausible. »

 

[34]           En ce qui concerne la présente affaire, le Tribunal n’a pas du tout tenu compte, comme il a été mentionné, de plusieurs passages des rapports médicaux des Drs Hitselberger, Sévigny et Slaunwhite, qui indiquaient ou laissaient entendre que le médecin de la base aurait dû effectuer des tests auditifs ou diriger Mme Sloane vers un spécialiste beaucoup plus tôt, ce qui aurait fait en sorte que la tumeur aurait été beaucoup plus petite au moment de l’intervention chirurgicale et, en conséquence, que le risque de complications aurait été plus faible. Toutes ces déclarations appuient une conclusion de mauvaise administration médicale.

 

[35]           En plus de ne pas avoir tenu compte d’éléments de preuve importants dont il disposait, le Tribunal a interprété l’article 39 de la Loi sur le TACRA de manière déraisonnable. Cette disposition prévoit que le TACRA tranche en faveur de la personne qui réclame une pension toute incertitude quant au bien‑fondé de la demande. En l’espèce, la preuve présentée au Tribunal quant à la question de savoir s’il y avait eu mauvaise administration médicale ou non était contradictoire : d’une part, il y a la simple affirmation figurant dans le rapport de la Dre Slaunwhite selon laquelle elle ne pouvait pas conclure que le travail du médecin de la base ne respectait pas une norme canadienne et, d’autre part, il y a l’affirmation contraire contenue dans le rapport du Dr Sévigny selon laquelle le médecin traitant n’avait pas fait subir à Mme Sloane un test de diagnostic essentiel, ainsi que le fait que les trois rapports indiquaient que les tests habituels n’avaient pas été effectués et qu’un délai déraisonnable s’était écoulé avant que Mme Sloane soit dirigée vers un oto-rhino-laryngologiste.

 

[36]           Les faits en l’espèce sont différents de ceux qui étaient en cause dans Canada (Procureur général) c Wannamaker, 2007 CAF 126, 361 NR 266 [Wannamaker]. Dans cet arrêt invoqué par le défendeur, la Cour d’appel fédérale a annulé la décision rendue par la Cour selon laquelle le TACRA avait rendu une décision déraisonnable parce qu’il n’avait pas accordé une attention suffisante à l’article 39. La juge Sharlow a rejeté cet argument et a écrit :

Le Tribunal disposait d’une preuve contradictoire quant à savoir si M. Wannamaker a souffert de blessures dorsales en 1959 et en 1961 comme il le prétend. La seule preuve directe provient de M. Wannamaker. […] La preuve de M. Wannamaker est aussi contredite par les dossiers médicaux contemporains. Par conséquent, il ne s’agit pas d’une situation qui déclenche l’application de l’alinéa 39b), lequel oblige le Tribunal à « accepte[r] tout élément de preuve non contredit » que lui présente le demandeur et qui lui semble « vraisemblable en l’occurrence ». (Au paragraphe 29.)

 

Contrairement à la situation dans Wannamaker, le Tribunal ne disposait pas d’une preuve contradictoire de cette nature en l’espèce. Le Tribunal avait en main une série d’avis médicaux qui indiquaient tous que les soins reçus par la demanderesse ne satisfaisaient pas aux normes habituelles de diligence à l’époque. Compte tenu de cette preuve et des exigences de l’article 39 de la Loi sur le TACRA, la seule conclusion raisonnable à laquelle le Tribunal pouvait parvenir consistait à maintenir la demande de Mme Sloane.

IV.       CONCLUSION

[37]           À la lumière de ce qui précède, la décision du TACRA datée du 3 octobre 2011 sera annulée et la demande de réexamen de Mme Sloane sera renvoyée au TACRA afin qu’une nouvelle décision soit rendue par une formation du Tribunal différemment constituée. 


JUGEMENT

 

LA COUR STATUE :

1.                  La présente demande de contrôle judiciaire visant la décision rendue par le TACRA en date du 3 octobre 2011 est accueillie et la décision est annulée.

2.                  La demande de réexamen de Mme Sloane est renvoyée au TACRA afin qu’une nouvelle décision soit rendue par une formation du Tribunal différemment constituée.

3.                  Mme Sloane a droit à ses dépens concernant la présente demande en conformité avec le tarif B des Règles des Cours fédérales, DORS/2004‑283, art 2.

 

 

 

« Mary J.L. Gleason »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

Christiane Bélanger, LL.L.

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        T-1737-11

 

INTITULÉ :                                      JULIA SLOANE c

                                                            LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :              Ottawa (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :             Le 23 avril 2012

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                            LA JUGE GLEASON

 

DATE DES MOTIFS :                     Le 10 mai 2012

 

 

COMPARUTIONS :

 

Stephen B. Acker

 

                            POUR LA DEMANDERESSE

 

Helene Robertson

                            POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Stephen B. Acker

Fasken Martineau DuMoulin, LLP

Ottawa (Ontario)

 

                            POUR LA DEMANDERESSE

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

                            POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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