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Cour fédérale

 

Federal Court


 


Date : 20120509


Dossier : IMM‑5977‑11

Référence : 2012 CF 560

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 9 mai 2012

En présence de monsieur le juge Simon Noël

 

 

ENTRE :

 

ERMINA AMOR PASCO PLA

 

 

 

demanderesse

 

et

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

      MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               La Cour est saisie, sous le régime du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la LIPR], d’une demande de contrôle judiciaire tendant à faire annuler une décision rendue le 13 juin 2011 par l’agent des visas Raymond Gabin [l’agent], du Centre de traitement des demandes pilote à Ottawa. L’agent a conclu que la demanderesse ne remplissait pas les conditions nécessaires pour se faire délivrer un visa de résident permanent à titre de membre de la catégorie des travailleurs qualifiés sous le régime du sous-alinéa 76(1)b)(ii) du Règlement de l’immigration et de la protection des réfugiés, DORS/2002‑227 [le RIPR], qui porte que le demandeur d’un tel visa doit disposer « de fonds transférables – non grevés de dettes ou d’autres obligations financières – d’un montant égal à la moitié du revenu vital minimum qui lui permettrait de subvenir à ses propres besoins et à ceux des membres de sa famille ».

I.          Le contexte et la décision contrôlée

[2]               Mme Ermina Amor Pasco Pla [la demanderesse], citoyenne philippine, a déposé une demande de résidence permanente à titre de membre de la catégorie des travailleurs qualifiés (fédéral) le 11 septembre 2007.

[3]               Dans la zone de son formulaire de demande où on la priait de donner son adresse électronique et qui portait la précision suivante : « En indiquant une adresse électronique, vous autorisez que toute correspondance, y compris vos renseignements personnels, soit envoyée à cette adresse électronique », Mme Pla a inscrit l’adresse courriel de son représentant, Premiers Management Consultancy (dossier modifié de la demanderesse [DMD], page 24).

[4]               Le 10 novembre 2011, l’agent a noté dans le Système mondial de gestion des cas [le SMGC] que la demanderesse avait prouvé qu’elle disposait d’un montant de 14 000 $ pour elle-même et son mari, ce qui remplissait la condition fixée par le sous-alinéa 76(1)b)(ii) du RIPR pour une famille de deux personnes (DMD, page 10).

[5]               Cependant, le 18 octobre 2010, pendant que sa demande de résidence permanente suivait le cours de la procédure, la demanderesse a donné naissance à une fille. Cette adjonction d’un nouveau membre à la famille a été notée dans le SMGC le 9 février 2011, après que la demanderesse eut envoyé à CIC une demande mise à jour accompagnée de copies du certificat de naissance et du passeport du bébé (DMD, page 10). Par suite, l’agent a envoyé le 7 avril 2011 au représentant de la demanderesse un courriel où il réclamait maintenant la preuve que cette dernière disposait d’au moins 17 000 $ pour elle-même, son mari et sa fille, conformément au RIPR. Ce courriel précisait aussi le délai applicable : [TRADUCTION] « Les renseignements et documents susdits devront parvenir à notre bureau dans les 60 jours suivant la date du présent message » [souligné dans l’original]. Voir les mémoire et affidavit du défendeur [MAD], affidavit de Martin Barry, pièce A.

[6]               Une note inscrite dans le SMGC le 12 mai 2011 indique que la demanderesse n’avait pas encore répondu à cette date, de sorte qu’on lui avait envoyé un deuxième courriel réitérant la demande de renseignements et lui donnant 30 jours pour y répondre (DMD, page 10). Ce deuxième courriel, également daté du 12 mai 2011, était ainsi rédigé (MAD, affidavit de Martin Barry, pièce B) :

 

[TRADUCTION]

 

Nous vous avons prié le 7 avril 2011 de produire ce qui suit afin que nous puissions poursuivre le processus de votre demande :

 

la preuve que vous disposez de fonds équivalents à au moins 17 000 dollars canadiens.

 

Nous ne pouvons continuer à traiter votre demande sans cette preuve. Nous devrons avoir reçu en un seul envoi tous les renseignements nécessaires, accompagnés de la présente lettre, dans les 30 jours suivant la date de celle‑ci. Veuillez produire tous les renseignements demandés immédiatement. Si vous ne le faites pas, votre demande pourrait être évaluée en fonction des seuls renseignements dont nous disposons, et je pourrais me voir obligé de la rejeter.

 

[Souligné dans l’original.]

 

[7]               Enfin, selon une note inscrite dans le SMGC le 13 juin 2011, l’agent n’avait toujours pas reçu de réponse à cette date. Il a conclu que la demanderesse ne disposait pas du montant minimum de fonds auquel le sous-alinéa 76(1)b)(ii) subordonne l’admissibilité à la sélection comme travailleur qualifié et il a en conséquence rejeté sa demande (DMD, page 10). Le représentant de la demanderesse a reçu un courriel notifiant cette décision à sa cliente le 13 juin 2011 à 20 h 11 (DMD, page 143). Ce courriel portait en pièce jointe le texte de la décision, qui informait la demanderesse de ce qui suit (DMD, page 144) :

 

Le dossier ne contient que des éléments établissant que vous disposez de fonds d’un montant équivalant à environ 14 000 dollars canadiens, alors qu’il faut 16 967 $CAN pour une famille de trois personnes. Je vous ai demandé le 7 avril 2011 de produire des éléments prouvant que vous disposez de fonds équivalant à au moins 17 000 $CAN, mais je n’ai pas reçu de réponse.

 

Le 12 mai, je vous ai envoyé un autre courriel où je vous demandais de me communiquer la preuve voulue sous 30 jours. J’y précisais aussi que, à défaut de réponse dans ce délai, votre demande risquait d’être rejetée. Or je n’ai à ce jour reçu de vous aucune réponse.

 

II.        Les positions respectives des parties

[8]               La demanderesse soutient que l’agent a manqué à son obligation d’équité procédurale en rendant sa décision le 13 juin 2011, soit avant l’expiration du délai de 30 jours qu’il lui avait donné le 12 mai. Elle conteste également la validité du raisonnement de l’agent, au motif qu’il a omis d’envisager une autre évaluation possible, par laquelle il aurait pu prendre en compte le fait qu’elle avait démontré disposer d’un montant de 14 000 $ moins de 10 mois plus tôt et qu’il était prouvé que son salaire mensuel dépassait les 4 000 $. Comme le montant dont elle devait prouver disposer était de 16 967 $, explique‑t‑elle, l’agent aurait pu facilement appliquer cet autre mode d’évaluation pour établir si elle remplissait la condition en question.

[9]               Le ministre répond qu’il n’y a pas eu manquement à l’équité procédurale, que la demanderesse a été invitée à produire les éléments nécessaires à deux reprises, qu’on lui a donné en tout 67 jours pour ce faire et qu’elle n’a tout simplement pas produit les renseignements voulus dans le délai imparti, [TRADUCTION] « c’est‑à‑dire au plus tard le 13 juin 2011 » (MAD, paragraphe 2). La demanderesse, fait aussi observer le ministre, reconnaît n’avoir communiqué les documents en question à son représentant que le 14 juin 2011 (paragraphe 20 de l’affidavit de la demanderesse et page 150 du DMD). La décision de l’agent était donc raisonnable, selon le ministre, étant donné l’absence de documents attestant qu’elle disposait de fonds suffisants. À l’audience, l’avocate du ministre a admis que la décision contestée aurait dû être prononcée le 14 juin 2011; néanmoins, a‑t‑elle ajouté, il serait inutile d’accorder à Mme Pla le recours qu’elle demande, soit le renvoi du dossier pour examen par un autre agent, puisque cela ne changerait pas la décision déjà rendue.

III.       Les questions en litige

[10]           La présente espèce soulève deux questions :

1.      A‑t‑on manqué à l’équité procédurale envers la demanderesse?

2.      L’agent a‑t‑il commis une erreur en concluant que la demanderesse ne remplissait pas la condition fixée au sous-alinéa 76(1)b)(i) du RIPR?

IV.       La norme de contrôle applicable

[11]           Le point de savoir si l’agent des visas a donné au demandeur en question une véritable possibilité de répondre à ses préoccupations est une question d’équité procédurale, qui relève de la norme de la décision correcte et ne commande pas la retenue judiciaire; voir Zare c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 1024, paragraphe 20, [2010] ACF 1283; Rahim c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 1252, paragraphe 12, [2006] ACF 1577; et Kuhathasan c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CF 457, paragraphe 18,  [2008] ACF 587.

 

[12]           Toutefois, l’évaluation par l’agent d’une demande de visa à titre de travailleur qualifié doit être contrôlée suivant la norme du caractère raisonnable; voir Maizel c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 1026, paragraphes 11 à 13, [2011] ACF 1290 [Maizel]. Cette norme commande la retenue judiciaire, et notre Cour, quand elle l’applique, n’intervient que si la décision contestée n’appartient pas aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit; voir Canada (Citoyenneté et Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12, paragraphe 59, [2009] ACS 12 [Khosa].

 

V.        Analyse

 

A. A‑t‑on manqué à l’équité procédurale envers la demanderesse?

[13]           Comme la demanderesse avait récemment donné naissance, l’agent a envoyé à son représentant le 7 avril 2011 un courriel lui prescrivant de fournir la preuve qu’elle disposait d’un montant d’au moins 17 000 $ pour elle-même, son mari et sa fille, conformément au sous-alinéa 6(1)b)(ii) du RIPR. La demanderesse, précisait l’agent, devait fournir cette preuve dans les 60 jours suivant la date du courriel, c’est‑à‑dire au plus tard le lundi 6 juin 2011. Quoique la demanderesse affirme que son représentant n’a jamais reçu ce courriel, cette défaillance de livraison supposée n’a pas été attestée par le retour dudit courriel dans la corbeille d’arrivée de CIC (MAD, affidavit de Martin Barry, paragraphe 6).

[14]           Je prends acte que lorsque le ministre a démontré avoir envoyé un courriel au demandeur, comme c’est ici le cas, c’est ce dernier qui assume le risque de défaillance de livraison; voir Alavi c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 969, paragraphe 5,  [2010] ACF 1197; et Zhang c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 75, paragraphe 14, [2010] ACF 65. Toutefois, le courriel expédié par l’agent le 12 mai 2011 enlève toute portée pratique à la question de la livraison de celui qui l’avait précédé. Dans le deuxième courriel, l’agent demande encore une fois les renseignements nécessaires et spécifie qu’ils doivent lui parvenir dans les 30 jours suivant la date dudit courriel, remplaçant ainsi par ce nouveau délai celui qui devait expirer le 6 juin 2011.

[15]           La demanderesse reconnaît que le nouveau délai de 30 jours expirait le 11 juin 2011, mais elle soutient que comme cette date tombait un samedi, la date limite aurait dû être reportée au premier jour de semaine suivant, soit au lundi 13 juin 2011. Le ministre, s’il conteste le recours de la demanderesse à la Loi d’interprétation, LRC 1985, c I‑21, pour calculer le délai, admet qu’elle avait jusqu’au 13 juin 2011 pour présenter l’attestation de fonds nécessaire (MAD, paragraphes 2, 22 et 25). Après examen du courriel et des instructions de l’agent, je conviens avec les parties qu’une interprétation raisonnable de ces instructions mène à la conclusion que la demanderesse avait jusqu’au lundi 13 juin 2011 pour présenter les éléments exigés.

[16]           Étant donné ce qui précède, il reste à trancher la question de savoir si l’agent a manqué à son obligation d’équité procédurale en rendant sa décision le jour même de l’expiration du délai. Pour l’examen de cette question, je prends acte que, lorsqu’il s’agit de demandes de résidence permanente formées à l’étranger, l’obligation d’équité procédurale est limitée, qu’elle est relativement peu rigoureuse dans ce contexte et que la charge de la preuve d’un manquement à cette obligation repose alors sur la personne qui invoque un tel manquement; voir Mei c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2009 CF 1040, paragraphe 16, [2009] ACF 1281; et Maizel, précitée, paragraphes 32 à 36. Au sujet de la possibilité pour la Cour fédérale d’intervenir lorsque le décideur a enfreint les règles de l’équité procédurale, la Cour suprême a fait observer que, « [e]n pareil cas, la prise de mesures est régie par les principes de common law, qui prévoient notamment l’abstention d’accorder réparation si l’erreur procédurale est un vice de forme et n’entraîne aucun dommage important ni déni de justice » [non souligné dans l’original] (Khosa, précité, paragraphe 43). Le juge Ian Binnie a formulé cette conclusion en citant avec approbation le paragraphe 9 de Pal c Canada (Minister of Employment and Immigration) (1999), 70 FTR 289, [1993] ACF 1301 [Pal], où notre Cour a posé en principe que la décision de prononcer des mesures correctives sous le régime du paragraphe 18.1(4) de la Loi sur les Cours fédérales, LRC 1985, c F‑7, est de nature discrétionnaire, et que la question à trancher dans ce contexte [TRADUCTION] « est le point de savoir si le manquement à la justice naturelle est tel qu’il ne pouvait avoir que peu ou pas d’effet sur la décision considérée dans son ensemble ».

[17]           Examinant donc cette question, je me vois obligé de tenir compte du fait que la demanderesse n’a pas respecté le délai qui lui était imparti. Qui plus est, comme la demanderesse confirme que son représentant ne l’a informée de la décision de l’agent que le 11 août 2011 (paragraphe 22 de l’affidavit de la demanderesse et page 149 du DMD), le fait que ce dernier avait rendu sa décision le 13 juin 2011 et que le représentant en avait reçu avis à 20 h 11 le même jour n’a manifestement joué aucun rôle dans le dépassement du délai de production des éléments exigés. Ainsi qu’elle l’explique dans son affidavit, la demanderesse n’a communiqué les relevés bancaires nécessaires à son représentant que le 14 juin 2011, et il apparaît que ce dernier ne les a pas transmis à l’agent (paragraphe 20 de l’affidavit de la demanderesse et page 150 du DMD). Par conséquent, comme je le disais plus haut, le fait que l’agent n’ait pas attendu au lendemain pour rendre sa décision n’a eu aucun effet sur l’issue de l’affaire.

[18]           Je compatis à la situation peu enviable de la demanderesse, qui se trouve dans la nécessité de présenter une nouvelle demande de résidence permanente après avoir attendu presque quatre ans la réponse à celle qui nous occupe, mais elle ne peut aujourd’hui invoquer un détail de procédure comme recours contre les conséquences de son omission de produire les éléments exigés dans le délai imparti. L’agent a agi avec diligence tout au long de la procédure : il lui a d’abord donné un délai de 60 jours pour confirmer qu’elle restait admissible au bénéfice de la résidence permanente, puis il lui a envoyé un deuxième avis où il faisait explicitement mention de son premier message et, par surcroît, prolongeait le délai d’une semaine. S’il est vrai que l’agent n’a pas attendu jusqu’au 14 juin 2011 pour rendre sa décision et qu’il l’aurait dû, je conclus que, étant donné l’ensemble des circonstances de cette décision et les événements qui l’ont suivie, cette erreur n’est pas fondamentale, mais plutôt de la nature définie au paragraphe 43 de Khosa, précité, et au paragraphe 9 de Pal, également précitée.

[19]           Si je tirais la conclusion contraire, accordais le recours demandé et renvoyais le dossier au ministère pour examen par un autre agent, celui‑ci se prononcerait en fonction du contenu qui était celui dudit dossier au moment de la décision rendue le 13 juin 2011.

[20]           La demanderesse n’a produit, et le dossier ne contient, aucun élément tendant à établir qu’elle-même ou son représentant aurait informé l’agent qu’ils n’avaient pas reçu le premier courriel ou que le nouveau délai de 30 jours ne serait pas suffisant pour obtenir l’attestation nécessaire. En fait, la demanderesse n’a pas accusé réception du courriel de l’agent et n’a donné aucune indication qu’elle allait produire les documents exigés. L’agent n’a jamais reçu non plus les relevés bancaires que la demanderesse déclare avoir communiqués au représentant, et il n’a été produit aucun élément tendant à en établir l’existence. Si la demanderesse avait pris l’une ou l’autre des mesures ci‑dessus, le résultat aurait pu être différent, possibilité qu’il est utile de rappeler malgré son caractère quelque peu conjectural, puisque la charge de fournir des renseignements satisfaisants et suffisants à l’appui de sa demande de résidence permanente pesait sur la demanderesse et que cette charge n’est pas échue par inversion à l’agent après le dépôt de la demande; voir Kaur c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 442, paragraphe 10,  [2010] ACF 587; et Pan c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 838, [2010] ACF 1037. Tout manquement supposé à l’obligation d’équité doit être examiné en fonction de l’ensemble de la preuve y afférente.

[21]           Le juge Décary a formulé la conclusion de principe suivante au nom de la Cour d’appel fédérale au paragraphe 24 de l’arrêt Uniboard Surfaces Inc c Kronotex Fussboden GmbH and Co, 2006 CAF 398, [2006] ACF 1837 :

24     […] dans un contexte donné, même s’il y a eu manquement à l’obligation d’équité procédurale ou manquement à une exigence de la loi, la cour peut quand même décider de refuser d’accorder la réparation demandée si elle estime que ce manquement ne tire pas à conséquence, est sans importance ou est purement formel.

 

[22]           Dans la présente espèce, comme on l’a vu plus haut, la demanderesse n’a pas communiqué les relevés bancaires à l’agent. Le dossier, s’il était renvoyé devant un autre agent, resterait dépourvu de cet élément essentiel, de sorte que le résultat final de l’examen serait le même. Or rien ne justifie le renvoi d’une affaire lorsque le résultat final n’est pas susceptible de changer. J’ai donné à l’avocate de la demanderesse un délai supplémentaire pour produire toute jurisprudence qui étaierait une approche différente, et, par souci d’équité, j’ai offert la même possibilité à l’avocate du défendeur. Elles m’ont proposé à ce sujet des observations que j’ai examinées.

[23]           Se fondant sur l’alinéa 18.1(3)b) de la Loi sur les Cours fédérales, l’avocate de la demanderesse m’invite à ordonner à l’agent devant qui le dossier serait renvoyé de demander la production des relevés bancaires avant de rendre sa décision. L’avocate du défendeur s’oppose à cette mesure au motif des circonstances décrites plus haut.

[24]           Au 14 juin 2011, la demanderesse n’avait toujours pas produit les relevés bancaires exigés. Elle se trouvait alors hors du délai imparti, qui avait expiré la veille. Ces documents n’ont pas été produits non plus à ce jour, et la Cour ne sait rien de leur contenu. La demanderesse souhaite aujourd’hui être déchargée des conséquences de son non-respect du délai prescrit, mais il n’empêche que le dossier doit être examiné en son état du 13 juin 2011. Même si l’agent avait rendu sa décision le 14 juin 2011, le résultat aurait donc été le même. En conséquence, je n’ordonnerai pas à un agent de demander la production de renseignements complémentaires, et la décision du 13 juin 2011 sera maintenue.

B.    L’agent a‑t‑il commis une erreur en concluant que la demanderesse ne remplissait pas la condition fixée au sous-alinéa 76(1)b)(i) du RIPR?

[25]           Bien que son avocate n’ait pas repris cet argument dans sa plaidoirie principale, la demanderesse conteste la validité du raisonnement de l’agent au motif qu’il n’a pas pris en compte le fait que, dix mois auparavant, elle avait prouvé disposer de fonds d’un montant de 14 000 $ et toucher un salaire mensuel de plus de 4 000 $. Cependant, aux termes du sous‑alinéa 76(1)b)(i) du RIPR, la demanderesse devait disposer « de fonds transférables – non grevés de dettes ou d’autres obligations financières – d’un montant égal à la moitié du revenu vital minimum qui lui permettrait de subvenir à ses propres besoins et à ceux des membres de sa famille ». En l’occurrence, le montant requis s’élevait à 16 967 $, et il était raisonnable de la part de l’agent de ne pas tirer de conclusion conjecturale sur la base des renseignements ci‑dessus et d’exiger plutôt de la demanderesse qu’elle prouve disposer des fonds nécessaires. Étant donné que la demanderesse n’a pas produit de nouveaux éléments établissant qu’elle possédait ce montant, la décision de l’agent appartient manifestement aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit (Khosa, précité, paragraphe 59).

[26]           La Cour a invité les parties à proposer, si elles le souhaitaient, des questions à la certification. Elles n’en ont proposé aucune.

 


JUGEMENT

 

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est rejetée et qu’aucune question ne sera certifiée.

 

                                                                                                 

                                                                        _________« Simon Noël »___________

                                                                                                Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

Christiane Bélanger, LL.L.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM‑5977‑11

 

INTITULÉ :                                      ERMINA AMOR PASCO PLA c

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :              Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :             Le 2 mai 2012

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                            LE JUGE NOËL

 

DATE DES MOTIFS :                     Le 9 mai 2012

 

 

COMPARUTIONS :

 

Jasmine De Guise

 

POUR LA DEMANDERESSE

Leticia Mariz

Lynne Lazaroff

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Lamarre‑Linteau & Montcalm

Montréal (Québec)

 

POUR LA DEMANDERESSE

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

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