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Date : 20120625

Dossier : IMM‑7832‑11

Référence : 2012 CF 807

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Toronto (Ontario), le 25 juin 2012

En présence de monsieur le juge Zinn

 

 

ENTRE :

 

GJERGJ CELAJ

ALMA CELAJ

JOHN CELAJ

PETER CELAJ

 

 

demandeurs

 

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Les demandeurs forment une famille. Gjergj Celaj et son épouse, Alma Celaj, sont des citoyens de l’Albanie. Leurs enfants, John et Peter, sont des citoyens des États‑Unis de naissance. Leurs demandes d’asile fondées sur l’article 96 et le paragraphe 97(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27, ont été rejetées par la Commission de l’immigration et du statut de réfugié.

 

Le contexte

[2]               Les demandeurs adultes ont quitté l’Albanie et sont arrivés aux États‑Unis en 2002. L’année suivante, ils ont demandé l’asile, affirmant qu’ils craignaient d’être persécutés en Albanie parce que le demandeur principal était un ancien policier et qu’ils craignaient d’être agressés par des criminels qu’il avait arrêtés et qui avaient ensuite été mis en liberté. Ils prétendaient également craindre le Parti socialiste, étant donné que le demandeur principal avait travaillé pour son rival, le Parti démocratique. En 2004, leurs demandes d’asile ont été rejetées et, en janvier 2007, leurs appels devant la Commission d’appel de l’immigration et la Cour d’appel des États‑Unis pour le troisième circuit avaient été rejetés. Leurs deux fils sont nés pendant qu’ils étaient aux États‑Unis.

 

[3]               Les demandeurs sont venus au Canada en janvier 2008 et ont présenté des demandes d’asile ayant un fondement différent. Ils alléguaient que, en octobre 2006, le frère du demandeur principal, Pjeter Celaj, avait, pour se défendre, tué par balle un voisin, Prec Melaj, à la suite d’une dispute de longue date au sujet d’un terrain. La famille Melaj avait immédiatement déclaré une vendetta contre la famille Celaj, forçant ainsi les hommes de cette famille à vivre reclus. La famille Celaj avait tenté en vain de mettre un terme à la vendetta et d’obtenir la protection de la police.

 

[4]               La Commission a statué que les demandes d’asile des fils devaient être rejetées car la preuve ne démontrait pas qu’ils seraient persécutés aux États‑Unis. En ce qui concerne les demandes d’asile des parents, elle a conclu que les questions déterminantes étaient celle de la crédibilité et, subsidiairement, celle de la protection de l’État. La Commission a estimé que le demandeur principal n’était pas crédible et, subsidiairement, qu’il était possible d’obtenir la protection de l’État en Albanie. Ces deux conclusions soulèvent les deux questions formulées par les demandeurs, lesquels cherchent à faire annuler la décision de la Commission.

 

La crédibilité

[5]               Les demandeurs soutiennent qu’aucune des cinq raisons données par la Commission pour conclure au manque de crédibilité du demandeur principal ne justifie la conclusion à laquelle elle est parvenue, ni séparément ni cumulativement.

 

            Le défaut de parler de la présumée vendetta aux autorités américaines

[6]               Les demandeurs sont demeurés illégalement aux États‑Unis après le rejet de leur appel. Le demandeur principal a indiqué dans son témoignage que, au début de 2007, des agents d’exécution en matière d’immigration avaient encerclé sa résidence, car ils étaient à sa recherche, mais il n’était pas présent à ce moment‑là. Malgré cela, il n’a pas cherché à mentionner sa crainte liée à la vendetta aux autorités américaines. Il a expliqué que les autorités américaines ne tiennent pas compte des vendettas, mais la Commission a rejeté cette explication. Elle a fait référence à la preuve indiquant que le président du Comité de réconciliation nationale, M. Gjin Marku, avait déclaré au Parlement européen que les États‑Unis avaient bien accordé l’asile aux personnes exposées à une menace en raison d’une vendetta. La Commission a aussi mentionné que, même si elle avait d’autres sérieuses réserves quant à la crédibilité de la preuve de M. Marku, elle ne voyait aucune raison pour laquelle ce dernier aurait trompé les législateurs européens sur ce point précis. La Commission a conclu que le fait que le demandeur n’avait pas mentionné aux autorités américaines sa crainte liée à la vendetta, même si celles‑ci voulaient le renvoyer, remettait en question le fait qu’il craignait pour sa vie en Albanie.

 

[7]               Les demandeurs soutiennent que cette conclusion pose de nombreux problèmes. Premièrement, ils font valoir qu’ils ont présenté leur demande d’asile aux États‑Unis en 2002, soit quatre ans avant que la vendetta soit déclarée, de sorte qu’ils ne pouvaient pas en faire mention dans cette demande. Je souligne cependant que rien dans les motifs de la Commission ne laisse croire que celle‑ci ignorait ce fait ou qu’elle a indiqué de manière abusive que les demandeurs auraient dû invoquer, au soutien de leur demande d’asile, un fait qui n’était pas encore survenu.

 

[8]               Deuxièmement, les demandeurs soutiennent que la Commission n’a pas indiqué quelle demande ou quel argument elle s’attendait à ce qu’ils présentent à cause de la vendetta afin d’éviter leur renvoi des États‑Unis. Ils affirment qu’il fallait que la Commission le fasse pour pouvoir tirer une conclusion défavorable relativement à la crédibilité pour cette raison. Je ne suis pas de cet avis. La Commission faisait une observation très simple. Lorsqu’une personne est sur le point d’être renvoyée vers un pays où sa vie est en danger, on s’attend raisonnablement, peu importe les recours à sa disposition, à ce qu’elle le dise aux autorités. Si elle ne le fait pas, on peut raisonnablement conclure qu’elle n’a aucune crainte.

 

[9]               Troisièmement, on soutient que, même si M. Marku a raison lorsqu’il affirme que les autorités américaines ont déjà accordé une protection à des victimes potentielles de vendetta, la raison pour laquelle ces autorités ont agi ainsi demeure inexpliquée parce que la notion élargie de « personne à protéger » qui existe au Canada n’existe pas aux États‑Unis. Or, contrairement à ce que les demandeurs laissent entendre, la question n’est pas de savoir si les États‑Unis pouvaient accorder une protection, mais plutôt si l’on pouvait s’attendre à ce que le demandeur principal demande une protection. La Commission n’a pas laissé entendre que le demandeur principal pouvait présenter une demande de protection aux États‑Unis. Elle a plutôt dit simplement et clairement que, en règle générale, les gens ne restent pas silencieux lorsqu’ils sont sur le point de se trouver dans une situation où leur vie est en danger.

 

[10]           Pour les mêmes raisons, je rejette la dernière prétention selon laquelle la Commission n’avait aucune raison de conclure que le fait que le demandeur principal n’avait pas mentionné la vendetta aux autorités américaines de l’immigration en 2007 jette un doute sur l’authenticité de sa crainte de retourner en Albanie, parce que son avocat américain lui avait dit que les autorités américaines de l’immigration ne considéraient pas qu’une vendetta justifiait l’octroi de l’asile.

 

            L’omission d’un incident survenu en 1999 dans le FRP

[11]           Le demandeur principal a indiqué que, en 1999, son frère a tenté de construire une maison sur le terrain revendiqué par la famille Melaj. Il a reçu des menaces de mort de la part de celle‑ci et il n’a pas construit la maison à cet endroit. La Commission a toutefois fait remarquer que le demandeur principal ne pouvait pas expliquer pourquoi cet incident important n’était pas décrit dans son FRP, autrement qu’en disant qu’il avait parlé de choses plus problématiques. La Commission a jugé que cette explication n’était pas raisonnable car il s’agit d’éléments clés du récit, et elle a tiré une conclusion défavorable concernant la crédibilité en conséquence.

 

[12]           La demande d’asile des demandeurs est fondée sur une présumée vendetta, sur les faits ayant mené à la déclaration de celle‑ci et, plus particulièrement, sur les coups de feu tirés par le frère du demandeur principal en 2006 desquels découle directement la déclaration. Ces faits semblent être les plus importants et le demandeur a mis l’accent sur eux dans son FRP. Il a toutefois mentionné d’autres faits dans son FRP concernant la dispute au sujet du terrain et de la vendetta qui sont vraisemblablement moins importants; il a notamment allégué que les coups de feu avaient été tirés à cause d’une dispute au sujet d’un terrain qui avait commencé au début des années 1990, lorsque le gouvernement octroyait des terres qui avaient été confisquées par les communistes, que les anciens propriétaires refusaient de se conformer à la loi et revendiquaient le terrain et que [traduction] « c’était le cas des terrains sur lesquels notre famille a construit la maison en Albanie ».

 

[13]           Les demandeurs estimaient que ces faits étaient suffisamment importants pour être mentionnés dans le FRP. Or, à mon avis, l’incident au cours duquel la vie du frère du demandeur principal a été menacée s’il construisait une maison sur le terrain faisant l’objet de la dispute est plus pertinent et plus important que les faits d’importance secondaire qui ont été mentionnés. En conséquence, je ne puis conclure que la Commission a agi de manière déraisonnable en considérant qu’il s’agissait d’un fait important; l’omission de ce fait justifiait une conclusion défavorable au regard de la crédibilité.

 

La preuve contradictoire relative au terrain faisant l’objet de la dispute

[14]           Le demandeur principal a fait un croquis de la propriété en question à l’intention de la Commission, a décrit le terrain faisant l’objet de la dispute et a également fourni un titre foncier de l’Albanie. La Commission a toutefois estimé que sa preuve n’était pas compatible avec le titre foncier pour ce qui est l’emplacement des rues bordant la propriété de sa famille ou des familles habitant autour de cette propriété. Selon le document officiel, la propriété de la famille est bordée au nord par la terre de la famille Gjeka. Selon le dessin et le témoignage du demandeur toutefois, le côté nord de la propriété est bordé par une rue de l’autre côté de laquelle habite la famille Melaj. Le demandeur ne pouvait pas expliquer pourquoi le nom de la famille Melaj ne figurait pas sur le document officiel, mais il a supposé que des noms différents étaient utilisés lorsque les anciennes méthodes d’enregistrement étaient en vigueur. Il a insisté sur le fait que la famille Melaj et la famille Gjeka sont une seule et même famille.

 

[15]           L’explication du demandeur principal selon laquelle la famille Melaj était inscrite sous son ancien nom tiré de l’ancien registre n’a pas convaincu la Commission. Celle‑ci a fait remarquer que le titre foncier, qui était daté du 12 septembre 2008, indiquait que M. Fran Zef Celaj, le nom habituel du père du demandeur principal, était le propriétaire du terrain en litige. Lui aussi avait un ancien nom qui aurait probablement été inscrit si les noms avaient été pris dans l’ancien registre.

 

[16]           La conclusion de la Commission était raisonnable et la question concerne le fondement des allégations des demandeurs. Plus particulièrement, la Commission pouvait, à la lumière du dossier, tirer une conclusion défavorable au regard de la crédibilité du fait que la preuve du demandeur principal concernant les noms des voisins et l’emplacement des terres bordant la propriété faisant l’objet de la dispute ne concordait pas avec le titre foncier.

 

La preuve vague et incohérente concernant les rapports avec la police

[17]           Dans son FRP, le demandeur principal indique que, immédiatement après le meurtre commis au début d’octobre 2006, sa famille a demandé la protection de la police, mais que celle‑ci n’a rien fait. Il allègue en outre que, à la fin du mois de décembre de la même année, les forces policières ont de nouveau été priées d’assurer une protection, mais qu’aucune protection n’a été offerte.

 

[18]           À l’audience, le demandeur principal a déclaré que son frère avait téléphoné au poste de police local le jour du meurtre afin de demander une protection. Le témoignage du demandeur au sujet du fait que sa famille avait « peut‑être » demandé la protection de la police à un autre moment était vague. Questionné à ce sujet, le demandeur a affirmé que sa sœur s’était rendue au poste de police local quelques jours après l’incident. Il ne sait pas si la police a été jointe par la suite ni à quel moment ces mesures auraient été prises, et il ignore également si un membre de sa famille s’est adressé aux autorités supérieures de la police ou à d’autres autorités. La Commission a estimé que non seulement le témoignage du demandeur concernant la protection de la police était vague, mais il ne concordait pas avec l’information contenue dans l’exposé circonstancié de son FRP.

 

[19]           La Commission était d’avis que les documents des demandeurs n’étaient d’aucune aide à cet égard. Par exemple, une lettre de la police ne parle pas de démarches faites par la famille ou de demandes d’aide. Bien que le demandeur principal ait expliqué que la police ne voulait pas reconnaître l’existence d’une vendetta, la Commission a indiqué que cela n’expliquait pas l’omission, étant donné en particulier qu’il est question de réclusion dans la lettre – la réclusion est un élément important des vendettas. La Commission a fait référence à de nombreuses autres lettres produites par les demandeurs, qui traitaient de la question des vendettas de différentes façons, mais elle a noté qu’aucune de ces lettres ne faisait référence aux efforts que la famille aurait déployés pour obtenir la protection de l’État. En conséquence, la Commission a conclu que la famille des demandeurs ne s’était pas adressée à la police pour obtenir une protection et que la preuve vague et incohérente des demandeurs sur cette question minait davantage leur crédibilité.

 

[20]           Les demandeurs font valoir que la Commission n’a pas reconnu que le demandeur principal ne se trouvait pas en Albanie lors de ces faits et qu’elle ne pouvait donc pas s’attendre à ce qu’il sache en détail quand la police avait été contactée pour de l’aide ou combien de fois elle l’avait été. Contrairement à ce que la Commission a écrit dans ses motifs, le demandeur principal n’a pas dit que sa famille avait « peut‑être » à nouveau demandé l’aide de la police; il était certain qu’elle l’avait fait, mais il ne savait pas exactement combien de fois ou quand la police avait été contactée. En outre, en ce qui concerne le fait que la Commission a appuyé sa conclusion sur cette question en mentionnant que les documents du demandeur ne confirmaient pas que de telles démarches avaient été faites, les demandeurs soutiennent que la Commission a, à tort, mis l’accent sur ce que les documents n’indiquaient pas, et non sur ce qu’ils indiquaient, ce qui constitue une erreur susceptible de contrôle selon eux : Mahmud c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1999), 167 FTR 309. Les documents avaient principalement pour but de confirmer l’existence de la vendetta et les dangers auxquels la famille Celaj était exposée en conséquence, non de démontrer les rapports avec la police.

 

[21]           Ma lecture de la transcription de l’audience confirme que la preuve du demandeur principal concernant les efforts déployés par sa famille pour obtenir la protection de la police était vague à certains égards. Il y avait des incohérences mineures dans sa preuve et dans son FRP; ces seules incohérences n’auraient probablement pas soulevé de doutes quant à sa crédibilité. Je suis d’accord avec les demandeurs lorsqu’ils disent qu’il ressortait clairement du témoignage que la famille en Albanie avait demandé l’aide de la police.

 

[22]           Cependant, la Commission a aussi examiné une lettre rédigée par un avocat retenu par les demandeurs pour les aider à obtenir des documents. Elle a constaté que cette lettre ne fait état d’aucune démarche entreprise dans le but d’obtenir une protection. Elle souligne que « [l]e demandeur d’asile n’a pas pu expliquer cette omission ». À mon avis, cette remarque était appropriée et révélatrice. La lettre émane d’une personne dont les demandeurs ont retenu les services pour les aider. Ils sont présumés savoir qu’ils devront établir qu’ils ne pouvaient pas obtenir la protection de l’État. Comme aucun autre document ne fait état d’efforts déployés pour obtenir cette protection et que les demandeurs ne se trouvaient pas dans le pays à l’époque, il est raisonnable de s’attendre, comme la Commission l’a fait, à ce qu’il soit question de ces efforts dans la lettre de l’avocat – si de tels efforts ont été faits. Compte tenu de la preuve dont elle disposait, la Commission a raisonnablement conclu que, selon la prépondérance des probabilités, la famille des demandeurs en Albanie ne s’était pas adressée à la police pour obtenir une protection. Si cette conclusion est maintenue, la preuve contraire du demandeur principal touche en fait à la crédibilité.

 

            Les autres problèmes concernant les documents

[23]           À la première séance de l’audience, on a demandé au demandeur principal pourquoi il n’avait pas produit de documents comme des rapports de police ou de poursuite et des certificats de décès. À la séance suivante, qui a eu lieu près d’un an plus tard, le demandeur principal a produit de tels documents, lesquels ont toutefois seulement suscité des doutes additionnels au sujet de la crédibilité.

 

[24]           Un document présenté comme le certificat de décès de Prec Melaj ne précise pas la cause du décès, alors que la Commission a cité des documents qui indiquaient qu’une cause est presque toujours indiquée dans les certificats de décès. La lettre d’un procureur de district fait état du décès, mais le demandeur principal ne pouvait pas expliquer pourquoi il n’y avait aucune mention de la présumée vendetta. À la question de savoir pourquoi une lettre du Comité de réconciliation nationale indique que le conflit entre les familles avait débuté en 1999 alors que, selon le demandeur principal, il avait commencé au début des années 1990, ce dernier a expliqué seulement que la situation s’était aggravée en 1999 lorsque son frère avait essayé de construire une maison sur le terrain faisant l’objet de la dispute. La Commission n’a pas jugé cette explication satisfaisante.

 

[25]           Je conviens avec le défendeur que la Commission pouvait tenir compte de la preuve documentaire contradictoire qui avait été produite et tirer une conclusion défavorable sur la foi de cette preuve. En particulier, la Commission a fait remarquer à juste titre que le certificat de décès présenté comme étant celui de l’homme tué par le frère du demandeur principal à l’aide d’une arme à feu ne précisait pas la cause du décès, même si la preuve documentaire émanant de la Direction des recherches indique que « la cause principale du décès [est] inscrite dans la plupart des cas ».

 

La conclusion globale concernant la crédibilité

[26]           Les conclusions de la Commission présentent des problèmes mineurs, mais ceux‑ci ne sont pas suffisants lorsqu’ils sont considérés ensemble pour que la Cour annule la conclusion globale de la Commission selon laquelle le demandeur principal n’était pas crédible.

 

La protection de l’État

[27]           Subsidiairement, la Commission a conclu que la demande d’asile des demandeurs devait être rejetée parce qu’ils n’avaient pas réussi à réfuter la présomption relative à la protection de l’État.

 

[28]           Les demandeurs soutiennent que la Commission a commis une erreur en refusant d’ajouter foi à leur preuve selon laquelle la famille avait demandé la protection de la police. Toutefois, comme je l’ai mentionné précédemment, j’estime que la décision de la Commission à cet égard était raisonnable.

 

[29]           Les demandeurs soutiennent également que la Commission a commis une erreur en concluant que la preuve documentaire citant M. Marku et le Comité de réconciliation nationale n’était pas crédible et en s’appuyant sur un présumé changement d’opinion de l’un des experts cités dans cette preuve. Je constate cependant que la Commission a finalement conclu que la preuve objective relative à la protection de l’État en Albanie n’était pas uniforme. Elle a reconnu plus particulièrement ce qui suit :

Bon nombre d’éléments de preuve portent à croire que les personnes qui craignent les vendettas sont aux prises avec de graves problèmes et que la protection fournie par l’État est loin d’être parfaite. Toutefois, des éléments de preuve fiables indiquent également que l’État a déployé d’importants efforts pour assurer une protection et que ces efforts ont donné des résultats favorables et concrets.

 

 

[30]           Enfin, les demandeurs soutiennent que la Commission a commis une erreur en ne disant rien des éléments de preuve qui contredisaient ses conclusions. Ils attirent l’attention de la Cour en particulier sur le paragraphe 26 d’un document sur lequel la Commission s’est appuyée, le rapport Alston de 2010, où il est écrit :

[traduction] Enfin, le gouvernement pourrait jouer un rôle plus important en matière de sensibilisation, en particulier en aidant les familles à se réconcilier, ce dont les familles elles‑mêmes et la société civile se sont occupées presque seules jusqu’à maintenant. Un certain nombre d’interlocuteurs m’ont dit qu’ils avaient communiqué avec le gouvernement pour obtenir de l’aide dans le but de mettre fin à leur isolement volontaire au moyen de la réconciliation, mais l’État a déployé peu d’efforts à cet égard.

 

 

Je constate cependant que le rapport Alston indique aussi que [traduction] « les meurtres liés aux vendettas seront bientôt en grande partie chose du passé ». La Commission n’a pas fait référence à ces passages du rapport. Toutefois, comme on l’a souvent répété, la Commission peut soupeser la preuve qui lui est présentée et elle n’est pas tenue de faire référence à chaque élément de preuve.

 

[31]           J’estime que la décision de la Commission appartenait aux « issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » et était donc raisonnable selon Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9. Aucune partie n’a proposé une question à des fins de certification.


JUGEMENT

 

LA COUR STATUE que la présente demande est rejetée, et aucune question n’est certifiée.

 

 

« Russel W. Zinn »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Christiane Bélanger, LL.B.

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                    IMM‑7832‑11

 

INTITULÉ :                                                  GJERGJ CELAJ ET AL c.
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                          Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                         Le 19 juin 2012

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                        LE JUGE ZINN

 

DATE DES MOTIFS :                                 Le 25 juin 2012

 

 

COMPARUTIONS :

 

D. Clifford Luyt

 

POUR LES DEMANDEURS

 

Christopher Ezrin

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

D. Clifford Luyt

Avocat

Toronto (Ontario)

 

POUR LES DEMANDEURS

 

Myles J. Kirvan

Sous‑procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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