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Cour fédérale

 

Federal Court

 Date : 20120503


Dossier : IMM-4772-11

Référence : 2012 CF 529

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 3 mai 2012

En présence de monsieur le juge Russell

 

 

ENTRE :

 

JAE BOK NOH; EUN MI HWANG;

MIN WOO NHO; MIN JI NOH

 

 

 

demandeurs

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

           MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

INTRODUCTION

[1]               Les demandeurs sollicitent, en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, ch 27 (la Loi), le contrôle judiciaire de la décision d’une agente des visas (l’agente), datée du 15 juillet 2011, qui a refusé la demande de résidence permanente fondée sur des considérations d’ordre humanitaire qu’ils avaient présentée en vertu du paragraphe 25(1) de la Loi.

CONTEXTE

[2]               Les demandeurs, tous citoyens de la Corée du Sud, vivent au Canada sans statut. Les demandeurs adultes sont mari et femme; les demandeurs mineurs sont leur fils, Min Woo, et leur fille, Min Ji.

[3]               Les demandeurs sont arrivés au Canada en juillet 2000 depuis le Sri Lanka. À l’époque, Min Woo était âgé de 12 ans et Min Ji de huit ans. Ils ont maintenant 24 et 20 ans respectivement. Citoyenneté et Immigration Canada (CIC) a admis les demandeurs au Canada à titre de visiteurs, mais a refusé le 31 janvier 2001 de prolonger leur statut de visiteurs. À cette date, un conseiller en immigration a conclu que les demandeurs avaient accompli l’objet initial de leur visite et qu’ils n’étaient plus de véritables visiteurs, et il a alors prononcé contre eux des mesures de départ volontaire.

[4]               Les demandeurs n’ont pas quitté le Canada après le refus de CIC de prolonger leur statut de visiteurs. Ils ont plutôt commencé à se construire s’établir ici : les demandeurs adultes ont commencé à travailler et les demandeurs mineurs sont allés à l’école. Depuis qu’ils sont au Canada, Min Woo a achevé ses études secondaires et travaille maintenant pour l’entreprise de son père. Min Ji a elle aussi terminé ses études secondaires; elle a fréquenté l’université York durant un semestre, mais a dû renoncer parce qu’elle ne pouvait plus payer les droits de scolarité. Simultanément, les demandeurs adultes exerçaient plusieurs emplois. À l’heure actuelle, le mari est propriétaire d’une entreprise (Sura Sushi) et son épouse est aussi une employée de Sura Sushi.

[5]               CIC a reçu leur demande de résidence permanente (la demande CH) le 26 juin 2009. À cette date, Min Woo était âgé de 21 ans et Min Ji de 17 ans. Dans leurs observations au soutien de leur demande CH, les demandeurs appelaient l’attention sur leur degré d’établissement au Canada, faisant observer que le mari était propriétaire de sa propre entreprise et que tous les demandeurs étaient maintenant intégrés dans la culture canadienne. Ils mettaient aussi en relief les difficultés qu’ils connaîtraient s’ils devaient retourner en Corée du Sud, parce que la situation économique dans ce pays leur offre peu de perspectives d’emploi. Finalement, les demandeurs affirmaient que l’intérêt supérieur des demandeurs mineurs commandait qu’ils restent au Canada avec leurs parents. Ils ajoutaient que les demandeurs mineurs ont été scolarisés dans le système canadien durant les 8 ans et demi qu’ils ont passés au Canada et qu’il leur sera très difficile d’accéder à l’éducation postsecondaire en Corée du Sud.

[6]               L’agente a examiné la demande CH et l’a refusée le 14 juillet 2011. Elle a notifié sa décision aux demandeurs par une lettre datée du 15 juillet 2011.

LA DÉCISION CONTRÔLÉE

[7]               La décision contestée est constituée de la lettre de l’agente datée du 15 juillet 2011 (la lettre de refus) et dans les motifs de sa décision (les notes), qu’elle a signés le 14 juillet 2011.

[8]               La lettre de refus informait les demandeurs que l’agente avait examiné leur demande CH, mais qu’elle avait décidé de ne pas leur accorder une dispense. Elle les informait aussi qu’ils étaient sans statut au Canada et qu’ils devaient quitter le Canada dans les 30 jours.

[9]               Les notes expliquent les motifs de la décision de l’agente de rejeter la demande CH. L’agente commençait par examiner les moyens invoqués par les demandeurs au soutien de leur demande, c’est‑à‑dire leur niveau d’établissement, les difficultés qu’ils connaîtraient et l’intérêt supérieur des demandeurs mineurs.

Niveau d’établissement

[10]           L’agente a noté que les demandeurs vivaient au Canada durant une bonne période et que les demandeurs adultes, à l’exception de brefs intervalles, avaient toujours travaillé. Elle a aussi souligné que le mari avait produit des déclarations de revenu depuis 2006, tout en concluant qu’il l’avait seulement fait parce que l’enregistrement de son entreprise rendait cela inévitable. Dans leurs observations, les demandeurs avaient dit que l’entreprise Sura Sushi employait deux citoyens canadiens et un résident permanent, mais l’agente a dit qu’il n’y avait aucune preuve attestant que tel était le cas. Les demandeurs avaient produit des éléments de preuve montrant qu’ils étaient impliqués dans des groupes communautaires et avaient noué des relations avec des proches et des amis au Canada, mais l’agente trouvait que ces activités ne sortaient pas de l’ordinaire et qu’elles étaient monnaie courante.

[11]           L’agente a dit qu’il lui était impossible de conclure que le séjour des demandeurs au Canada était indépendant de leur volonté. Ils y étaient restés après que CIC avait prononcé en 2001 des mesures d’interdiction de séjour et ils auraient pu retourner en Corée du Sud. S’ils étaient partis en temps opportun, ils auraient ensuite pu revenir au Canada avec les documents nécessaires.

Difficultés

[12]           Les demandeurs disaient que la situation économique en Corée du Sud leur causerait des difficultés, mais l’agente a conclu que la preuve était insuffisante pour établir que leurs perspectives d’emploi dans leur pays d’origine étaient limitées. Les demandeurs avaient produit des documents montrant que la Corée du Sud traversait une crise économique, mais l’agente a écrit que ces documents remontaient à 2008, ajoutant qu’elle ne pouvait présumer que la crise en Corée du Sud persistait. Selon elle, le mari avait des compétences transférables, grâce à son expérience acquise au Canada, ce qui lui conférerait un avantage en Corée du Sud.

[13]           Les demandeurs disaient aussi qu’ils n’avaient guère de contacts et aucun réseau de soutien en Corée du Sud, mais l’agente a estimé que ce n’était pas le cas. Le mari a cinq frères et sœurs en Corée du Sud. Les parents de l’épouse y vivent également, et les demandeurs bénéficieraient du soutien de leur famille. L’agente a mis en balance la famille que les demandeurs ont en Corée du Sud et le fait qu’ils n’ont pas de famille au Canada. Elle a conclu que leur retour en Corée du Sud contribuerait à resserrer leurs liens familiaux dans ce pays.

[14]           L’agente a affirmé que les demandeurs avaient surmonté des obstacles au Canada pour se faire une vie ici. Elle a accordé peu de poids à leur prétention selon laquelle ils se heurteraient à des obstacles à leur retour en Corée du Sud. Elle a aussi estimé que leur réadaptation à la vie en Corée du Sud serait moins difficile que ce qu’avait été leur adaptation à la vie au Canada.

Intérêt supérieur des enfants

[15]           Dans son analyse de l’intérêt des demandeurs mineurs, l’agente a relevé qu’ils avaient passé huit ans à l’école au Canada. Elle a aussi noté les conclusions suivantes des demandeurs : les demandeurs mineurs sont occidentalisés, ils devront faire face à des obstacles à leur retour en Corée du Sud et ils ont une faible connaissance de la langue coréenne. La demande CH appelait aussi l’attention sur le fait que le couple ne pourrait pas subvenir aux besoins de ses enfants en Corée du Sud.

[16]           L’agente a dit qu’elle était réceptive, attentive et sensible à l’intérêt des demandeurs mineurs. Selon elle, il n’était pas établi qu’il leur serait impossible de se réadapter à la vie en Corée du Sud. Elle a aussi estimé qu’ils auraient le soutien de leurs parents, de leurs grands-parents et d’autres proches en Corée du Sud. Elle a ajouté que les demandeurs mineurs maîtrisaient l’anglais et que cela leur donnerait un avantage en Corée du Sud. Ils pourraient aussi revenir au Canada grâce à des permis d’études s’ils souhaitaient poursuivre ici des études postsecondaires.

Conclusion de l’agente

[17]           Eu égard à la preuve soumise, l’agente a conclu que les demandeurs n’avaient pas établi l’existence de difficultés inhabituelles et injustifiées ou excessives. Sur ce fondement, elle a refusé d’accéder à leur demande de résidence permanente et de les dispenser de l’obligation habituelle de demander un visa de résident permanent depuis l’extérieur du Canada.

QUESTION EN LITIGE

[18]           En l’espèce, les demandeurs ont soulevé les questions suivantes :

a.                   L’agente a-t-elle manqué à l’équité procédurale en les privant de la possibilité de répondre et en se fondant sur des éléments de preuve extrinsèques?

b.                  L’agente a-t-elle appliqué le mauvais critère pour l’appréciation de l’intérêt supérieur d’un enfant?

c.                   L’agente a-t-elle appliqué le mauvais critère pour l’appréciation d’une demande CH?

d.                  La décision est-elle déraisonnable?

 

NORME DE CONTRÔLE

[19]           La Cour suprême du Canada, dans l’arrêt Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, a conclu qu’il n’est pas nécessaire dans tous les cas de faire une analyse visant à déterminer la norme de contrôle applicable. Lorsque la norme de contrôle applicable à une question qui est soumise à la cour est bien établie par la jurisprudence, la cour chargée du contrôle peut adopter cette norme. Ce n’est que lorsque cette recherche se révèle infructueuse que la juridiction de contrôle doit entreprendre l’examen des quatre facteurs constituant l’analyse relative à la norme de contrôle.

[20]           Le fait pour un décideur de se fonder sur une preuve extrinsèque qui n’avait pas été divulguée constitue un manquement à l’équité procédurale (voir la décision Tariku c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) 2007 CF 474, au paragraphe 2, et la décision Qureshi c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) 2009 CF 1081, au paragraphe 14). Pareillement, la possibilité de répondre aux préoccupations du décideur est elle aussi une question d’équité procédurale (voir la décision Karimzada c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) 2012 CF 152, au paragraphe 10, et la décision Guleed c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 22, aux paragraphes 11 et 12.

[21]           Dans l’arrêt Syndicat canadien de la fonction publique (S.C.F.P.) c Ontario (Ministre du Travail), 2003 CSC 29, la Cour suprême du Canada a écrit au paragraphe 100 qu’« [i]l appartient aux tribunaux judiciaires et non au ministre de donner une réponse juridique aux questions d’équité procédurale ». En outre, la Cour d’appel fédérale a conclu, dans l’arrêt Sketchley c Canada (Procureur général), 2005 CAF 404, au paragraphe 53, que « La question de l’équité procédurale est une question de droit. Aucune déférence n’est nécessaire. Soit le décideur a respecté l’obligation d’équité dans les circonstances propres à l’affaire, soit il a manqué à cette obligation. » La norme de contrôle applicable à la première question est celle de la décision correcte.

[22]           Dans la décision Herman c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 629, le juge Paul Crampton aconclu, au paragraphe 12, que la norme de contrôle applicable à la question de savoir si un agent s’est servi du bon critère pour évaluer une demande CH est celle de décision correcte. Le juge Michael Kelen est arrivé à la même conclusion dans la décision Ebonka c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 80, au paragraphe 16, tout comme le juge Michel Beaudry dans la décision Mooker c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 518, au paragraphe 15. Par ailleurs, la question de savoir si un agent a appliqué le bon critère pour juger de l’intérêt supérieur d’un enfant est une question qui doit être contrôlée selon la norme de la décision correcte (voir la décision Pillai c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 1312, au paragraphe 32). La norme de contrôle applicable aux deuxième et troisième questions est celle de la décision correcte.

[23]           Dans l’arrêt Baker c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 RCS 817 (QL), la Cour suprême du Canada a jugé que, dans l’examen d’une décision CH, « […] on devrait faire preuve d’une retenue considérable envers les décisions d’agents d’immigration exerçant les pouvoirs conférés par la loi, compte tenu de la nature factuelle de l’analyse, de son rôle d’exception au sein du régime législatif, du fait que le décideur est le ministre, et de la large discrétion accordée par le libellé de la loi » (paragraphe 62). Le juge Michael Phelan a appliqué cette approche dans la décision Thandal c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 489, au paragraphe 7. La norme de contrôle applicable à la quatrième question est celle de la décision raisonnable.

[24]           Lorsque le contrôle judiciaire d’une décision repose sur la norme de la décision raisonnable, l’analyse aura trait « à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit ». Voir l’arrêt Dunsmuir, précité, au paragraphe 47, et l’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12, au paragraphe 59. Autrement dit, la Cour n’interviendra que si la décision est déraisonnable, c’est-à-dire qu’elle n’appartient pas « aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit ».

DISPOSITIONS LÉGALES APPLICABLES

[25]           Les dispositions suivantes de la Loi s’appliquent en l’espèce :

11. (1) L’étranger doit, préalablement à son entrée au Canada, demander à l’agent les visas et autres documents requis par règlement. L’agent peut les délivrer sur preuve, à la suite d’un contrôle, que l’étranger n’est pas interdit de territoire et se conforme à la présente loi.

 

 

[…]

 

25. (1) Le ministre doit, sur demande d’un étranger se trouvant au Canada qui est interdit de territoire ou qui ne se conforme pas à la présente

loi, et peut, sur demande d’un étranger se trouvant hors du Canada, étudier le cas de cet

étranger; il peut lui octroyer le statut de résident permanent ou lever tout ou partie des critères

et obligations applicables, s’il estime que des considérations d’ordre humanitaire relatives

à l’étranger le justifient, compte tenu de l’intérêt supérieur de l’enfant directement touché.

 

 

[…]

11. (1) A foreign national must, before entering Canada, apply to an officer for a visa or for any other document required by the regulations. The visa or document may be issued if, following an examination, the officer is satisfied that the foreign national is not inadmissible and meets the requirements of this Act.

 

[…]

 

25. (1) The Minister must, on request of a foreign national in Canada who is inadmissible or who does not meet the requirements of this Act, and may, on request of a foreign national outside Canada, examine the circumstances concerning the foreign national and may grant the foreign national permanent resident status or an exemption from any applicable criteria or obligations of this Act if the Minister is of the opinion that it is justified by humanitarian and compassionate considerations relating to the foreign national, taking into account the best interests of a child directly affected.

[…]

 

ARGUMENTS

Les demandeurs

            Application du mauvais critère pour l’appréciation de l’intérêt supérieur de l’enfant

 

[26]           Les demandeurs soutiennent que l’agente a appliqué le mauvais critère lorsqu’elle a analysé l’intérêt des demandeurs mineurs. Ils invoquent l’arrêt Baker, précité, où la juge L’Heureux-Dubé a dit, au paragraphe 75, que :

[…] pour que l’exercice du pouvoir discrétionnaire respecte la norme du caractère raisonnable, le décideur devrait considérer l’intérêt supérieur des enfants comme un facteur important, lui accorder un poids considérable, et être réceptif, attentif et sensible à cet intérêt.

[27]           Les demandeurs relèvent aussi que, dans la décision Kolosovs c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 165, le juge Douglas Campbell, de la Cour fédérale, a examiné ce que veut dire, pour un agent, le fait d’être réceptif, attentif et sensible à l’intérêt supérieur d’un enfant.

[28]           Dans la présente affaire, l’agente n’a pas été suffisamment réceptive, attentive et sensible à l’intérêt des demandeurs mineurs. Elle n’a pas fait preuve d’une prise de conscience de leurs besoins, mais a simplement considéré qu’ils seraient en mesure de se réadapter à la vie en Corée du Sud. Elle n’a pas non plus été attentive au fait que les demandeurs mineurs ont passé de nombreuses années au Canada, ni aux effets d’une réinstallation en Corée du Sud sur leur éducation et leur bien‑être. Elle ne s’est pas non plus préoccupée de savoir dans quelle mesure les demandeurs mineurs souffriraient de devoir quitter le Canada. Finalement, elle ne s’est pas demandé dans quelle mesure le fait d’avoir perdu la maîtrise de la langue coréenne risquait de leur nuire en cas de retour.

[29]           Les demandeurs se fondent sur la décision Mughrabi c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 898, au paragraphe 23, où la Cour a annulé la décision d’un agent parce que :

L’agent ne fournit aucun fondement probatoire pour conclure que les [traduction] « [e]nfants sont résilients de nature », et il ne cherche pas à prendre en compte l’opinion bien arrêtée qu’on lui donne concernant les enfants touchés en l’espèce. Même si les enfants sont résilients de nature (ce qui est certes contraire à mon expérience), l’agent n’a pas été réceptif ni attentif à l’intérêt de ces enfants en particulier, compte tenu de la façon dont il a examiné la preuve psychologique détaillée dont il disposait.

 

[30]           Au lieu de se demander si les demandeurs mineurs pourraient s’adapter à la vie en Corée du Sud, l’agente aurait dû considérer leur dépendance à l’égard de leurs parents, leur niveau d’établissement au Canada, leurs liens avec la Corée du Sud et les conséquences d’un retour sur leur éducation.

[31]           L’agente était tenue de considérer les difficultés que les demandeurs mineurs connaîtraient en Corée du Sud, mais elle ne l’a pas fait. Bien qu’elle ait dit être réceptive et sensible à leurs intérêts, elle a conclu qu’ils seraient en mesure de se réadapter à la vie en Corée du Sud. Les demandeurs font observer que la question qu’elle devait trancher était de savoir si, eu égard à leur scolarité au Canada, à leur niveau d’établissement ici et à leur connaissance restreinte de la langue coréenne, il valait mieux pour eux d’être expulsés ou de rester au Canada. L’agente devait déterminer où résidait l’intérêt supérieur des demandeurs mineurs, puis mettre en équilibre cet intérêt et les autres facteurs relatifs à la demande CH.

[32]           Au lieu de déterminait l’intérêt supérieur des demandeurs mineurs et de les mettre en équilibre avec les autres facteurs relatifs à le demande CH, l’agente s’est uniquement demandé s’ils seraient en mesure de s’adapter à la vie en Corée. Elle a estimé que oui, ajoutant qu’ils pourraient revenir au Canada grâce à des permis d’études s’ils le souhaitaient. Cette analyse est non seulement fautive, mais également déraisonnable.

Preuve extrinsèque et équité procédurale

[33]           Les demandeurs soutiennent aussi que la décision de l’agente devrait être annulée parce que l’agente s’est fondée sur une preuve extrinsèque sans leur donner la possibilité d’y répondre. Ils mentionnent l’arrêt Muliadi c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1986] 2 CF 205, où la Cour d’appel fédérale s’est exprimé ainsi, au paragraphe 14 :

[…] Toutefois, j’estime qu’avant de statuer sur la demande et de prendre la décision à laquelle il était légalement tenu, l’agent aurait dû informer l’appelant de l’appréciation négative et lui donner la possibilité de la corriger ou de la réfuter. Je pense que c’est du même type de possibilité dont parlait la Chambre des lords dans Board of Education v. Rice, [1911] A.C. 179, dans cet extrait souvent cité des motifs du lord chancelier Loreburn, à la page 182 :

 

[traduction] Il peut obtenir des renseignements de la manière qu’il juge la meilleure, en donnant toujours aux parties engagées dans la controverse une possibilité suffisante de corriger ou de contredire toute déclaration pertinente portant préjudice à leur cause.

 

Ces propos s’appliquent en l’espèce même si la tenue d’une audition pleine et entière n’était pas envisagée. (Kane c. Conseil d’administration (Université de la Colombie-Britannique), [1980] 1 R.C.S. 1105, à la page 1113; voir également Randolph, Bernard et al. v. The Queen, [1966] R.C.É. 157, à la page 164.)

 

[34]           Dans la présente affaire, l’agente s’est fondée sur une preuve extrinsèque selon laquelle leurs aptitudes en anglais donneraient aux demandeurs mineurs un avantage en Corée du Sud. Elle n’a pas fait connaître aux demandeurs la preuve dont elle disposait sur ce point. C’est aux demandeurs qu’il revient de prouver qu’ils remplissent les conditions d’admission de leur demande CH, mais cela ne dispense pas l’agente de l’obligation d’agir équitablement (voir l’arrêt Muliadi, précité, au paragraphe 17). Les demandeurs invoquent la décision Thamotharampillai c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CF 836, où la juge Elizabeth Heneghan A écrit que la non-communication d’un document portait atteinte au droit du demandeur CH à l’équité procédurale. Dans la présente affaire, l’agente a commis la même erreur susceptible de contrôle.

Visas d’étudiant

[35]           Les demandeurs affirment aussi que la conclusion de l’agente selon laquelle les demandeurs mineurs pourraient revenir au Canada grâce à des visas d’étudiant est déraisonnable parce qu’elle est incompatible avec la preuve. L’agente n’a pas tenu compte du fait qu’ils sont visés par des mesures de renvoi et que, pour revenir au Canada, il leur faudrait une autorisation reposant sur un pouvoir discrétionnaire. Il n’est pas certain que les demandeurs mineurs puissent revenir au Canada grâce à des visas d’étudiant. L’agente n’a pas non plus pris en compte les probabilités pour eux d’obtenir des visas d’étudiants, ni le fait qu’il leur serait impossible de vivre au Canada sans leurs parents.

Difficultés inhabituelles et injustifiées

[36]           Les demandeurs soutiennent aussi que l’agente a fondé sa décision sur la capacité des demandeurs mineurs à quitter le Canada et sur les difficultés qu’ils connaîtraient par suite de leur renvoi. L’agente disait que [traduction] « les demandeurs auraient pu décider de retourner en Corée du Sud en 2001, obtenir des permis d’études et autorisations de travail du bureau des visas du Canada et revenir au Canada munis des documents d’immigration nécessaires ». Cela montre que l’agente a évalué les difficultés que les demandeurs mineurs connaîtraient en cas de renvoi, une analyse qui, selon la jurisprudence de la Cour, ne doit pas être utilisée pour déterminer l’intérêt des enfants.

Caractère déraisonnable de la décision

[37]           Les demandeurs disent aussi que la décision est déraisonnable parce que l’agente n’a pas bien analysé leur niveau d’établissement au Canada. Elle a estimé que, même si leurs antécédents en matière d’emploi étaient louables, les demandeurs adultes travaillaient au Canada sans statut. Elle a trouvé aussi que c’était par leur propre volonté qu’ils étaient restés au Canada. En se focalisant indûment sur la possibilité qu’ils avaient de quitter le Canada en 2001, l’agente ne s’est pas intéressée aux épreuves qu’ils auraient dû alors traverser. Elle n’a pas appliqué correctement le guide de CIC intitulé IP-5 – Demande présentée par des immigrants au Canada pour des motifs d’ordre humanitaire (les Lignes directrices), où l’on peut lire, à la page 12, que :

Il peut aussi exister des considérations d’ordre humanitaire suffisantes dans des cas où les difficultés occasionnées par le refus de la dispense ne seraient pas considérées comme « inhabituelles et injustifiées », mais auraient un impact déraisonnable sur le demandeur en raison de sa situation personnelle.

 

[38]           L’agente n’a pas exposé les éléments favorables du niveau d’établissement indiqués dans la demande CH, ni expliqué pourquoi ces éléments n’équivalaient pas à des difficultés excessives. Les demandeurs invoquent la décision Ranji c Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2008 CF 521, aux paragraphes 22 à 25, où le juge Russel Zinn s’exprimait ainsi :

Lorsque l’agente a conclu que l’établissement n’était pas plus important que ce à quoi l’on [traduction] « s’attend naturellement » de lui, cette conclusion devait être fondée sur la situation particulière du demandeur. Par conséquent, l’agente devait tenir compte de la preuve présentée quant à l’origine sociale et aux caractéristiques du demandeur.

M. Ranji est arrivé au Canada il y a environ dix ans. Son niveau de scolarité est la huitième année en Inde, où il travaillait comme agriculteur. Il n’est ni une personne instruite ni un travailleur qualifié.

Malgré cela, il a occupé des emplois non spécialisés d’une manière continue, sauf pendant une période de deux mois, ne gagnant pas plus de 50 000 $ par année. Il a tout de même réussi à épargner une somme considérable en banque, à acheter une maison avec son frère, à accumuler une valeur nette importante sur cette résidence, à cotiser à un REER, à appuyer financièrement sa famille en Inde et à inscrire ses deux enfants dans des écoles privées en Inde. Il a également présenté des lettres de soutien provenant de groupes communautaires et sociaux concernant ses activités au sein de ceux‑ci.

L’agente n’a pas mentionné la situation personnelle de M. Ranji décrite précédemment et rien n’indique qu’elle en ait tenu compte lorsqu’elle a conclu que les réalisations du demandeur ne dépassaient pas ce à quoi l’on s’attendait naturellement de lui.

 

[39]           En l’espèce, dans son évaluation, l’agente aurait dû considérer l’amélioration relative de la situation des demandeurs et combien il serait difficile pour eux d’y renoncer. Ce n’est pas ce qu’elle a fait puisqu’elle a commis une erreur en tirant des conclusions négatives à l’égard des demandeurs à partir d’éléments de leurs demandes qui auraient dû jouer en leur faveur.

Le défendeur

[40]           Le défendeur fait valoir que la Cour ne devrait pas modifier la décision parce que l’agente a accordé l’importance appropriée à tous les facteurs avancés par les demandeurs dans leur demande CH. Une dispense fondée sur des considérations humanitaires est une mesure exceptionnelle et discrétionnaire qui confère aux demandeurs un traitement spécial et additionnel. Le refus d’une telle dispense n’enlève aucun droit à la personne concernée.

L’agente a analysé correctement l’intérêt des demandeurs mineurs

[41]           L’agente a analysé correctement l’intérêt des demandeurs mineurs. Les demandeurs contestent simplement le poids respectif qu’elle a accordé à chacun des facteurs soulevés dans leur demande. L’agente a également appliqué le bon critère pour l’évaluation de l’intérêt supérieur des enfants et elle a correctement pris en compte les membres de la famille des demandeurs mineurs en Corée du Sud, leur santé, leur capacité de trouver du travail ou d’étudier en Corée du Sud, ainsi que d’autres facteurs. Les demandeurs se fondent sur la décision Kolosovs, précitée, dans lequel la Cour a jugé que l’intérêt supérieur des enfants devrait être évalué, mais c’est un précédent qui ne lie pas la Cour.

[42]           L’analyse de l’intérêt supérieur d’un enfant concerné était sans importance dans cette demande CH parce que les demandeurs mineurs sont maintenant adultes. Dans la décision Leobrera c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 587, le juge Michel Shore s’exprimait ainsi sur la question, aux paragraphes 79 et 80 :

Comme cela a été démontré, le terme « enfant » n’est pas défini dans la LIPR et il ressort clairement de la jurisprudence que l’analyse de l’intérêt supérieur de l’enfant a un lien particulier avec la Convention relative aux droits de l’enfant. Se fondant sur le raisonnement précité, la Cour est par conséquent d’avis que la jurisprudence antérieure sur cette question a indûment minimisé l’importance de la Convention relative aux droits de l’enfant.

 

La Cour comprend la position de la demanderesse, car, comme le reconnaît la Convention relative aux droits de l’enfant, la politique sous-jacente à l’analyse de l’intérêt supérieur de l’enfant repose en partie sur la vulnérabilité physique et intellectuelle des enfants; la Cour reconnaît aussi que les personnes handicapées peuvent également être vulnérables à divers degrés, mais elle ne peut convenir que la dépendance et la vulnérabilité constituent des caractéristiques qui définissent l’« enfance » pour l’application de l’article 25. Par conséquent, la Cour conclut que les adultes à charge ne doivent pas faire l’objet d’une analyse de l’intérêt supérieur de l’enfant.

 

[43]           En outre, les Lignes directrices renferment ce qui suit, à la page 15 :

Il faut tenir compte de l’intérêt supérieur de l’enfant pour toute demande impliquant un enfant âgé de moins de 18 ans au moment de la réception de la demande. Il peut toutefois arriver que la situation d’enfants plus âgés soit pertinente et doive être prise en considération dans l’examen d’une demande CH. Si, toutefois, l’enfant a plus de 18 ans, il ne s’agit pas d’un cas où l’intérêt supérieur de l’enfant entre en ligne de compte.

 

[44]           Comme l’agente n’était pas tenue de considérer l’intérêt supérieur des demandeurs mineurs, aucune erreur susceptible de contrôle ne peut résulter de l’analyse qu’elle a faite de ce facteur.

            Absence de preuve extrinsèque

[45]           L’agente ne s’est pas fondée sur une preuve extrinsèque. Lorsqu’elle a affirmé que les aptitudes des demandeurs mineurs en anglais seraient pour eux un avantage en Corée du Sud, elle exprimait une opinion fondée sur le bon sens. Cette conclusion n’a d’ailleurs pas été utilisée contre les demandeurs; ils disaient qu’ils seraient défavorisés par un retour en Corée du Sud, mais l’agente a estimé qu’ils jouiraient en fait d’un avantage dans ce pays. Les aptitudes des demandeurs mineurs en anglais n’étaient que l’un de divers facteurs considérés par l’agente.

            Permis d’études

[46]           Les demandeurs reprochent à l’agente d’avoir conclu que les demandeurs mineurs pourraient revenir au Canada grâce à des permis d’études, mais le défendeur soutient que c’était une conclusion raisonnable. Ils pourront en tout temps solliciter un permis d’études.

            Pertinence du critère appliqué

[47]           L’agente n’a pas commis d’erreur en appliquant le critère des difficultés à l’égard des demandeurs mineurs. Elle a appliqué le critère de l’intérêt supérieur de l’enfant ainsi que le critère des difficultés inhabituelles et injustifiées ou excessives. Ce dernier critère est celui qui est appliqué habituellement pour les demandes fondées sur le paragraphe 25(1), et il était donc raisonnable pour l’agente de l’appliquer.

Pouvoir discrétionnaire de pondérer tous les facteurs

[48]           Finalement, le défendeur affirme que l’agente avait le pouvoir discrétionnaire de pondérer tous les facteurs soulevés dans la demande CH, et elle les a appréciés correctement. Les demandeurs n’ont pas démontré qu’elle a exercé son pouvoir discrétionnaire d’une manière déraisonnable, et la Cour ne devrait donc pas intervenir. Par ailleurs, les demandeurs sont tout simplement en désaccord avec le poids accordé aux divers facteurs concernés. Il n’appartient pas à la Cour de pondérer à nouveau ces facteurs (voir l’arrêt Suresh c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CSC 1, aux paragraphes 34, 37 et 39).

La réponse des demandeurs

[49]           Les demandeurs soutiennent qu’une demande CH n’est pas un traitement spécial et additionnel, c’est en fait un traitement inscrit dans la Loi. Selon l’arrêt Baker, précité, les décisions CH sont d’une importance considérable pour les droits et intérêts concernés.

[50]           Les demandeurs affirment aussi qu’ils ne reprochent pas à l’agente la manière dont elle a pondéré les facteurs soulevés dans leur demande CH, mais plutôt les trois erreurs suivantes : elle n’a pas tenu compte du temps que les demandeurs mineurs ont passé au Canada, elle s’est méprise sur l’avantage que représente pour eux la connaissance de la langue anglaise, et elle a présumé à tort qu’ils pourraient revenir au Canada grâce à des permis d’études. L’agente ne s’est pas véritablement penché sur la manière dont les huit années passés ici par les demandeurs mineurs influence l’intérêt supérieur de ces derniers.

[51]           Le défendeur a soutenu que la décision Kolosovs, précitée, ne lie pas la Cour, mais les demandeurs affirment que la courtoisie judiciaire oblige la Cour à appliquer cette décision. Comme aucune des exceptions au principe de la courtoisie judiciaire ne s’applique ici, la Cour doit trancher la présente affaire conformément à la décision Kolosovs (voir la décision Cina c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 635).

[52]           Selon les demandeurs, les observations faites par le juge Shore dans la décision Leobrera, précitée, sont des remarques incidentes, et l’agente avait l’obligation de considérer l’intérêt supérieur des demandeurs mineurs. Ils invoquent la décision Yoo c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 343, la décision Ramsawak c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 636, et la décision Naredo c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2000] ACF n° 1250).

[53]           Par ailleurs, pour ce qui est du manquement à l’équité procédurale dont les demandeurs accusent l’agente, le défendeur n’y répond pas de manière satisfaisante en affirmant que l’agente ne faisait qu’exprimer son opinion en disant que la connaissance de l’anglais était un atout pour les demandeurs mineurs. Comme l’écrivait Min Woo dans son affidavit déposé dans cette procédure de contrôle judiciaire :

[traduction]

 

J’ai lu la [décision]. [L’agente] y écrit que la connaissance de la langue anglaise est compétence très recherchée en Corée du Sud, de sorte que ma sœur et moi-même détiendrions un avantage. Je ne sais pas où [elle] a obtenu cette information. [Elle] ne l’a certainement pas partagée avec nous et ne nous a pas donné l’occasion d’y répondre. Si [elle] l’avait fait, nous lui aurions expliqué que la connaissance de l’anglais ne conduit pas à de meilleurs emplois ni à de meilleures possibilités de s’instruire en Corée. Il est sans doute vrai que la connaissance de l’anglais est souhaitée par beaucoup de gens qui veulent quitter le pays. Mais, dans le cas d’une réinstallation en Corée du Sud, la connaissance de l’anglais n’apportera aucun avantage.

 

[54]           L’agente était tenue de communiquer aux demandeurs toute information sur laquelle elle s’était fondée pour arriver à cette conclusion, et elle était tenue de leur donner l’occasion d’y répondre.

[55]           Les demandeurs mineurs n’obtiendront pas de permis d’études s’ils en demandent un, et l’agente s’est trompée en disant qu’ils pourraient revenir au Canada de cette façon.

ANALYSE

[56]           Les demandeurs se sont donné un mal considérable pour démontrer que la décision de l’agente est soit déraisonnable, soit inéquitable sur le plan de la procédure. Certains de leurs arguments visent à introduire des complexités excessives dans ce qui est en réalité une décision très simple et certaines de leurs affirmations à propos de ce qui n’est pas traité dans la décision sont tout simplement inexactes.

[57]           Ce que l’agente a affirmé à propos du niveau d’établissement est tout à fait approprié puisque les demandeurs ont décidé de rester au Canada après s’être vu signifier en janvier 2001 des mesures de départ volontaire et qu’ils ont choisi de vivre et de travailler ici sans les documents d’immigration nécessaires. Comme le dit l’agente, [traduction] « les demandeurs ont travaillé sans statut durant tout leur séjour au Canada ». Les demandeurs voudraient donc utiliser le temps qu’ils ont passé sans autorisation ici, et le travail qu’ils y ont accompli, également sans autorisation, comme moyen d’acquérir un statut au Canada. Ils voudraient être récompensés et tirer profit de leur séjour non autorisé d’une manière qui serait injuste pour ceux qui respectent les règles de notre système d’immigration. La Cour a jugé que les gens tels que les demandeurs ne sauraient être récompensés de cette manière. Les propos tenus par le juge Nadon dans la décision Tartchinska c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2000] ACFn° 373 (QL), aux paragraphes 21 et 22, sont pertinents en ce qui concerne une grande partie de la conduite des demandeurs dans la présente affaire :

Chose plus importante, les directives ne laissent certainement pas entendre qu’un demandeur doit devenir autonome à tout prix et sans égard aux moyens. Par conséquent, je ne partage pas l’avis des demandeurs selon lequel [traduction] « il n’est pas pertinent de savoir si l’autonomie a été atteinte avec ou sans permis de travail ». À mon avis, la provenance de l’autonomie de l’intéressé est très pertinente; autrement, n’importe qui pourrait demander une dispense en se fondant sur l’autonomie, même si celle-ci découle d’activités illégales. Je comprends qu’en l’espèce, les demandeurs ont travaillé honnêtement, quoiqu’illégalement. Pourtant, les demandeurs ont sciemment tenté de contourner le système lorsqu’ils ont décidé de continuer à travailler sans autorisation. En effet, malgré le fait que les demandeurs ont été avisés à leur première entrevue qu’ils n’étaient pas autorisés à travailler et qu’ils devraient cesser de le faire, rien n’indiquait que les demandeurs avaient cessé de travailler au moment de la deuxième entrevue. En outre, leur avocat les avait prévenus des risques qu’ils couraient à travailler sans permis de travail ainsi que du prétendu avantage de démontrer l’autonomie (sans se soucier de sa provenance), et ils ont choisi de rester au Canada et d’y travailler illégalement.

 

Je crois comprendre que les demandeurs espéraient que le temps qu’ils passaient au Canada malgré la mesure d’interdiction de séjour contre eux pourrait leur être avantageux dans la mesure où ils pourraient démontrer qu’ils se sont bien adaptés à ce pays. Toutefois, à mon avis, les demandeurs ne peuvent ni ne doivent être « récompensés » pour avoir passé du temps au Canada alors qu’en fait, ils n’avaient pas le droit de le faire. Dans le même ordre d’idée, on doit légalement chercher à être autonome, et un demandeur ne doit pas pouvoir invoquer ses actes illégaux pour revendiquer par la suite un avantage comme une dispense ministérielle. Enfin, je souligne l’évidence même : le but de la dispense, en l’espèce, était de soustraire les demandeurs à l’exigence de devoir présenter leur demande de statut depuis l’étranger, et non de les dispenser d’autres dispositions législatives, comme l’exigence d’un permis de travail valide.

 

[58]           Quoi qu’il en soit, je crois que, dans son examen du niveau d’établissement, l’agente a bel et bien considéré ce que les demandeurs ont réalisé ici, à la lumière de la manière dont ils l’ont réalisé, et elle a conclu, avec raison selon moi, qu’un retour en Corée du Sud ne les exposera pas à des difficultés inhabituelles et injustifiées ou excessives.

[59]           Je ne crois pas non plus, contrairement à ce qu’affirment les demandeurs, que l’agente a rejeté sur les enfants la responsabilité de cette situation ou qu’elle a appliqué le critère des difficultés inhabituelles et injustifiées ou excessives à leur égard. Elle a analysé d’une manière totalement séparée l’intérêt supérieur des demandeurs mineurs, puis a expliqué pourquoi cela ne devrait pas favoriser les demandeurs.

[60]           L’affirmation des demandeurs selon laquelle l’agente n’a pas fait état de leur long séjour au Canada et des conséquences d’un renvoi sur l’éducation des enfants et qu’elle n’a pas tenu compte des épreuves que leur retour en Corée du Sud leur ferait subir est tout à fait erronée. La lecture de la décision révèle que l’agente était bien au fait de ce qui est en jeu pour cette famille et qu’elle a reconnu les difficultés qu’ils devront surmonter, mais la décision montre aussi que l’agente a expliqué cela ne justifie pas une dispense fondée sur l’article 25.

[61]           À mon avis, la seule vraie question à trancher est celle de savoir si l’agente a fait une analyse raisonnable et suffisante de l’intérêt supérieur des demandeurs mineurs.

[62]           Le défendeur affirme que les défendeurs mineurs n’étaient pas vraiment des enfants et qu’une analyse de leur intérêt n’était donc pas nécessaire, et ne le serait certainement pas nécessaire si cette affaire était renvoyée pour nouvel examen.

[63]           Toutefois, j’estime que l’agente avait le pouvoir discrétionnaire de considérer les demandeurs mineurs comme des enfants et que, en cas de renvoi de la présente affaire pour nouvel examen, le nouvel agent devra lui aussi se prononcer sur la question. D’après moi, la jurisprudence de la Cour ne prévoit pas que le statut d’enfant disparaît automatiquement à l’âge de 18 ans. Le juge Frederick Gibson devait se pencher sur une situation semblable dans l’affaire Naredo, précitée, où il s’exprimait ainsi, au paragraphe 20 :

[…] je conclus, compte tenu des exigences énoncées dans l’arrêt Baker, que l’analyse qui se reflète dans les motifs de décision de l’agente d’immigration est tout à fait insuffisante, dans la mesure où ces motifs ont trait à l’intérêt des enfants des demandeurs; je tire cette conclusion en ayant à l’esprit l’âge des enfants des demandeurs, dont un seul avait 18 ans ou moins à la date de la décision qui fait l’objet du présent contrôle. En effet, à cette époque, il avait presque 19 ans. Les deux fils des demandeurs, quel que soit leur âge, étaient toujours des « enfants » des demandeurs dont on pouvait raisonnablement s’attendre qu’ils soient considérablement ébranlés par le renvoi de leurs parents du Canada.

 

[Non souligné dans l’original.]

 

[64]           Dans des décisions ultérieures à la décision Naredo, la Cour a appliqué le raisonnement du juge Gibson, et ce, en dépit d’objections semblables formulées par le défendeur. Voir la décision Swartz c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CFPI 268, au paragraphe 14, la décision Ramsawak, précitée, au paragraphe 18, et la décision Yoo, précitée, aux paragraphes 29 et 30.

[65]           En outre, la preuve soumise à l’agente démontre que Min Ji (la fille des demandeurs) avait 17 ans lorsque les demandeurs ont déposé leur demande CH. Le défendeur soutient que, puisqu’elle est maintenant âgée de 20 ans, l’agente n’est pas tenue de considérer son intérêt. Je ne suis pas d’accord. Les propres Lignes directrices du défendeur disposent qu’« [i]l faut tenir compte de l’intérêt supérieur de l’enfant pour toute demande impliquant un enfant âgé de moins de 18 ans au moment de la réception de la demande ». Devant cette directive ministérielle clairement énoncée et accessible à tous, les demandeurs pouvaient légitimement s’attendre à ce que l’agente tienne compte, à tout le moins, de l’intérêt supérieur de Min Ji.

[66]           La présente affaire (comme d’autres affaires semblables) concerne des demandeurs CH qui auraient pu bénéficier de la prise en compte de l’intérêt supérieur d’un enfant qui n’est plus admissible à cette protection en raison seulement du temps écoulé entre le dépôt de la demande et son examen par le défendeur. Or, les délais administratifs de traitement des demandes sont généralement l’affaire du défendeur, et ce serait faire abstraction de cette réalité si l’on disait que les agents ne sont pas tenus de considérer l’intérêt supérieur d’un enfant directement concerné dans cette situation. Selon moi, le défendeur ne peut invoquer sa propre lenteur à évaluer la demande CH dont il s’agit ici pour éteindre une obligation qui lui aurait incombé s’il avait agi rapidement. L’agente était donc tenue de considérer l’intérêt supérieur de Min Ji au moment d’évaluer la demande CH.

[67]           Cela dit, l’agente a mal analysé l’intérêt supérieur de Min Ji et, selon moi, cela signifie que sa décision doit être renvoyée pour nouvel examen. Il est bien établi qu’un décideur CH doit être réceptif, attentif et sensible à l’intérêt supérieur de tout enfant directement touché par sa décision. Cela signifie que l’intérêt de l’enfant doit être cerné et défini, puis considéré en priorité.

[68]           En l’espèce, l’agente n’a pas bien cerné l’intérêt de Min Ji. Elle avait bien connaissance des circonstances de la demande – par exemple, Min Ji ne maîtrisait pas le coréen et aurait de la difficulté à faire des études postsecondaires –, mais elle ne s’est pas demandé si, eu égard à la preuve soumise, il était dans l’intérêt de Min Ji de rester au Canada ou plutôt de retourner en Corée du Sud. L’agente n’a pas non plus évalué s’il était dans l’intérêt de Min Ji que ses parents et son frère restent au Canada avec elle ou qu’ils retournent en Corée du Sud.

[69]           Plutôt que de s’acquitter de son obligation de déterminer en quoi consistait l’intérêt supérieur de Min Ji et de mettre en équilibre cet intérêt et les autres facteurs exposés dans la demande CH, l’agente a conclu que [traduction] « aucun élément de preuve ne permet de conclure que les enfants ne seraient pas en mesure de se réadapter à la vie en Corée ». Le critère qu’il fallait appliquer n’était pas de savoir si Min Ji pourrait ou non s’adapter à la vie en Corée du Sud. Comme je l’écrivais récemment dans la décision Williams c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 166, aux paragraphes 63 à 70 :

Lorsqu’il analyse l’intérêt supérieur d’un enfant, l’agent doit d’abord déterminer en quoi consiste l’intérêt supérieur de l’enfant, en deuxième lieu, jusqu’à quel point l’intérêt de l’enfant est compromis par une décision éventuelle par rapport à une autre et, enfin, à la lumière de l’analyse susmentionnée, le poids que ce facteur joue lorsqu’il s’agit de trouver un équilibre entre les facteurs positifs et les facteurs négatifs dont il a été tenu compte lors de l’examen de la demande fondée sur des raisons d’ordre humanitaire.

 

Il n’existe pas de norme minimale en matière de besoins fondamentaux qui satisferait au critère de l’intérêt supérieur. De plus, il n’existe pas de critère minimal en matière de difficultés suivant lequel à un certain point dans l’échelle des difficultés et seulement à ce point pourrait‑on considérer que l’intérêt supérieur de l’enfant est « compromis » au point de justifier une décision favorable. La question n’est pas celle de savoir si l’enfant « souffre assez » pour que l’on considère que son « intérêt supérieur » ne sera pas « respecté ». À cette étape initiale de l’analyse, la question à laquelle il faut répondre est la suivante : « en quoi consiste l’intérêt supérieur de l’enfant? »

 

Par exemple, l’agent ne devrait pas mettre fin à son analyse de l’intérêt supérieur de l’enfant après avoir conclu que ce dernier ne souffre ni de mauvais traitement ni de malnutrition ou, comme dans la présente décision, qu’on ne lui a pas carrément refusé l’accès à des soins médicaux. Pour qu’on puisse conclure qu’il a été « réceptif, attentif et sensible » à l’intérêt supérieur de l’enfant, il faut que l’agent ait tenu compte de la situation de l’enfant en se plaçant du point de vue de l’enfant pour ensuite déterminer ce en quoi consiste l’intérêt supérieur de ce dernier.

 

Ainsi que la Cour d’appel fédérale l’a fait observer dans l’arrêt Hawthorne [2002 CAF 474], et comme notre Cour l’a signalé également dans les décisions Arulraj [2006 CF 529] et Shchegolevich [2008 CF 527], les enfants méritent rarement, sinon jamais, d’être exposés à quelque difficulté que ce soit. Par conséquent, l’application d’un critère relatif aux difficultés injustifiées ou inhabituelles ou une conception de l’analyse de l’intérêt supérieur qui reposerait sur une norme minimale en matière de « besoins fondamentaux » comme celle que l’agent a appliquée en l’espèce ne permet pas de répondre de façon satisfaisante – d’une manière qu’on peut qualifier de « réceptive, attentive et sensible » – à la question de savoir en quoi consiste l’intérêt supérieur de l’enfant.

 

L’intérêt supérieur de l’enfant n’est certainement pas le facteur déterminant dans le cas d’une demande fondée sur des raisons d’ordre humanitaire et il ne constitue qu’un des facteurs dont il faut tenir compte. Cependant, le fait d’exiger que certains des intérêts de l’enfant n’aient pas été « respectés » ou que l’enfant « souffre assez » pour que ce facteur milite en faveur de l’octroi d’une dispense, voire qu’il joue un rôle déterminant dans la décision, a également pour effet de contredire le principe bien établi suivant lequel l’agent doit être particulièrement réceptif, attentif et sensible aux conséquences que la décision aura en se plaçant du point de vue de l’enfant. De plus, une telle façon de procéder irait vraisemblablement à l’encontre de la directive formulée par la Cour suprême du Canada, selon laquelle cet élément est un facteur crucial à considérer lors de l’examen des demandes fondées sur des raisons d’ordre humanitaire, qui ne doit pas être minimisé.

 

Dans l’arrêt Baker, ci‑dessus, la Cour suprême du Canada a jugé que, pour que l’exercice du pouvoir discrétionnaire prévu au paragraphe 25(1) de la Loi respecte la norme de la décision raisonnable, le décideur doit considérer l’intérêt supérieur de l’enfant comme un facteur important, lui accorder un poids considérable et être réceptif, attentif et sensible à cet intérêt. La juge L’Heureux‑Dubé écrit ce qui suit, au paragraphe 75 :

 

[…] pour que l’exercice du pouvoir discrétionnaire respecte la norme du caractère raisonnable, le décideur devrait considérer l’intérêt supérieur des enfants comme un facteur important, lui accorder un poids considérable, et être réceptif, attentif et sensible à cet intérêt. Cela ne veut pas dire que l’intérêt supérieur des enfants l’emportera toujours sur d’autres considérations, ni qu’il n’y aura pas d’autres raisons de rejeter une demande d’ordre humanitaire même en tenant compte de l’intérêt des enfants. Toutefois, quand l’intérêt des enfants est minimisé, d’une manière incompatible avec la tradition humanitaire du Canada et les directives du ministre, la décision est déraisonnable.

 

[Caractères gras ajoutés.]

 

Au paragraphe 73 de l’arrêt Baker, la Cour suprême du Canada a déclaré :

 

Les facteurs susmentionnés montrent que les droits, les intérêts, et les besoins des enfants, et l’attention particulière à prêter à l’enfance sont des valeurs importantes à considérer pour interpréter de façon raisonnable les raisons d’ordre humanitaire qui guident l’exercice du pouvoir discrétionnaire. Je conclus qu’étant donné que les motifs de la décision n’indiquent pas qu’elle a été rendue d’une manière réceptive, attentive ou sensible à l’intérêt des enfants de Mme Baker, ni que leur intérêt ait été considéré comme un facteur décisionnel important, elle constituait un exercice déraisonnable du pouvoir conféré par la loi et doit donc être infirmée.

 

Dans l’arrêt Kolosovs, ci‑dessus, la Cour fédérale explique ce qu’il faut entendre par obligation d’être être réceptif, attentif et sensible à l’intérêt supérieur de l’enfant :

 

Ce n’est qu’après que l’agent des visas s’est fait une bonne idée des conséquences concrètes d’une décision défavorable en matière de motifs d’ordre humanitaire sur l’intérêt supérieur de l’enfant qu’il pourra faire une analyse sensible de cet intérêt. Pour montrer qu’il est sensible à l’intérêt de l’enfant, l’agent doit pouvoir exposer clairement les épreuves qui résulteront pour l’enfant d’une décision défavorable, puis dire ensuite si, compte tenu également des autres facteurs, les épreuves en question justifient une dispense pour motifs d’ordre humanitaire.

 

[Non souligné dans l’original.]

 

[70]           Dans la présente affaire, l’agente se demandé si Min Ji serait en mesure de s’adapter à la vie en Corée du Sud, mais elle n’a pas appliqué le bon critère pour l’analyse de l’intérêt de Min Ji. Il s’agit d’une erreur susceptible de contrôle.

 

[71]           La demande de contrôle judiciaire est donc accueillie, et la décision de l’agente est renvoyée pour nouvel examen. J’ordonne expressément à l’agent qui réexaminera la demande CH de prendre en compte l’intérêt supérieur de Min Ji en fonction du critère que j’ai exposé plus haut.

[72]           Les avocats s’entendent pour dire qu’il n’y a aucune question à certifier et la Cour partage leur avis.

 

Traduction certifiée conforme

Jean-François Leclerc-Sirois, LL.B, M.A.Trad.Jur.


JUGEMENT

 

LA COUR STATUE que :

 

1.                  La demande de contrôle judiciaire est accueillie. La décision est annulée et l’affaire est renvoyée pour nouvel examen.

2.                  Il n’y a aucune question à certifier.

 

 

« James Russell »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Jean-François Leclerc-Sirois, LL.B, M.A.Trad.Jur.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-4772-11

 

INTITULÉ :                                      JAE BOK NOH; EUN MI HWANG;

                                                            MIN WOO NHO; MIN JI NOH

 

                                                                        -   et   -

 

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                            ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :              Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :             Le 26 mars 2012

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                            LE JUGE RUSSELL

 

DATE DU JUGEMENT

ET DES MOTIFS :                           Le 3 mai 2012

 

 

COMPARUTIONS :

 

Ronald Poulton                                                                       POUR LES DEMANDEURS

 

Judy Michaely                                                                         POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Poulton Law Office                                                                POUR LES DEMANDEURS

Professional Corporation

Toronto (Ontario)

 

Myles J. Kirvan, c.r.                                                                POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

 

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