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Cour fédérale

 

Federal Court

Date : 20120503


Dossier : IMM-6777-11

Référence : 2012 CF 525

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 3 mai 2012

En présence de monsieur le juge Russell

 

ENTRE :

 

PETRA CERVENAKOVA

 

 

demanderesse

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

INTRODUCTION

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire présentée en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (la Loi), à l’encontre de la décision de la Section de la protection des réfugiés (la SPR) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié, rendue le 31 août 2011 (la décision), dans laquelle la SPR a refusé de reconnaître à la demanderesse la qualité de réfugiée au sens de la Convention et celle de personne à protéger visées aux articles 96 et 97 de la Loi.

LE CONTEXTE

[2]               La demanderesse est une citoyenne de la République slovaque qui demande l’asile au Canada afin d’échapper à la persécution fondée sur son appartenance à l’ethnie rom. En tant qu’enfant adopté, la demanderesse demande également à être protégée contre sa famille biologique (la famille biologique), qui l’aurait menacée et battue pour la ramener dans son giron.

[3]               La demanderesse est venue au Canada le 19 octobre 2009 avec ses parents adoptifs, Gejza Cervenak (Gejza), son père adoptif, et Kvetoslava Cervenakova (Kvetoslava), sa mère adoptive. Tous trois (la famille adoptive) ont demandé l’asile pour échapper à la persécution fondée sur leur appartenance à l’ethnie rom. Après leur arrivée au Canada, la demanderesse et ses parents adoptifs ont chacun produit un formulaire de renseignements personnels (FRP); ils ont tous adopté un exposé circonstancié commun, rédigé par Gejza (l’exposé circonstancié original). Dans l’exposé circonstancié original, Gejza affirmait que des skinheads attaquaient leur demeure en République slovaque environ trois fois par mois. Les skinheads cassaient des vitres, lançaient des pierres et criaient des insultes.

[4]               En plus de l’exposé circonstancié original, la demanderesse a également répondu à plusieurs questions sur le questionnaire de son FRP. Elle a dit que les seuls membres de sa famille étaient ses parents adoptifs. La demanderesse a également indiqué dans le questionnaire de son FRP qu’elle avait été sans emploi entre octobre 1999 et octobre 2009 et qu’elle avait vécu en République slovaque depuis sa naissance jusqu’en octobre 2009.

[5]               La demanderesse a produit un exposé circonstancié modifié de son FRP (exposé circonstancié modifié) le 16 novembre 2010. Dans cet exposé circonstancié, elle affirmait qu’elle travaillait dans une usine appartenant à Samsung (l’usine Samsung) en 2007. Alors qu’elle travaillait à l’usine Samsung, elle avait rencontré une femme qui prétendait être sa tante biologique. Plus tard, la femme avait présenté plusieurs autres personnes à la demanderesse dans le local où celle-ci travaillait à l’usine; ces personnes avaient dit que la demanderesse rentrerait à la maison avec eux. La demanderesse est rentrée chez ses parents adoptifs, mais elle ne leur a pas dit ce qui s’était passé.

[6]               Plus tard ce soir-là, la demanderesse affirme qu’une femme qui prétendait être sa mère biologique (la mère biologique) a téléphoné chez la famille adoptive. La mère biologique a injurié Kvetoslava et a dit qu’elle venait chercher la demanderesse. Quelque temps après, des gens qui prétendaient être des membres de la famille biologique de la demanderesse ont attaqué Gjezsa. Ils lui ont crié après et l’ont poussé contre un mur, et ils ont tenté de s’emparer de la demanderesse par la force. La demanderesse a réussi à leur résister, et elle a appelé la police. La police a dit que les familles devraient régler leurs problèmes entre elles.

[7]               La demanderesse affirme que sa sœur biologique lui a envoyé un message texte disant que la famille biologique voulait qu’elle travaille comme prostituée. Cela a tellement bouleversé la demanderesse qu’elle a tenté de se suicider. Elle a avalé des comprimés, mais elle s’est réveillée le lendemain à l’hôpital. Elle a regretté sa tentative de suicide et a décidé de résister aux tentatives de la famille biologique de la recruter comme prostituée. La demanderesse a tenté de trouver du travail dans la République slovaque, mais elle n’a pas pu trouver d’emploi, parce qu’elle est rom. Elle a finalement commencé à travailler dans un marché aux puces en République tchèque (le marché aux puces) comme vendeuse.

[8]               Un jour, alors que la demanderesse travaillait au marché aux puces, un groupe de skinheads néonazis a attaqué le marché aux puces (l’attaque du marché aux puces). Un des skinheads a projeté la demanderesse au sol et l’a rouée de coups de pied jusqu’à ce qu’elle en perde connaissance. Cette attaque a donné à la demanderesse une thrombose au pied.

[9]               La demanderesse s’est rendue dans un hôpital à Bratislava, en Slovaquie, pour être traitée pour les blessures qu’elle avait subies lors de l’attaque du marché aux puces. Elle a par la suite été transférée à un hôpital à Presov, en République slovaque. Dans cet hôpital, la demanderesse affirme que les infirmières ont fait de la discrimination contre elle, parce qu’elle est rom. Elles ne l’aidaient pas à obtenir de la nourriture, même si la demanderesse ne pouvait pas marcher. Les infirmières lui ont également fait panser elle-même ses plaies et l’ont obligée à uriner dans un seau. Après avoir vécu cette discrimination, la demanderesse a conclu qu’elle ne pouvait plus vivre en République slovaque. Elle continuait également à craindre sa famille biologique, parce que celle-ci ne cessait pas de tenter d’incendier sa demeure et d’insulter sa famille adoptive. La famille adoptive a décidé de venir au Canada, où elle est arrivée le 19 octobre 2009. Les membres de la famille ont demandé l’asile le 21 octobre 2009.

[10]           Kvetoslava et Gjezsa ont retiré leur demande d’asile le 12 juillet 2011. Le 9 juin 2009, la SPR a avisé la demanderesse qu’elle tiendrait une conférence de mise au rôle de sa demande d’asile le 27 juin 2011. Ce premier avis informait la demanderesse que, si elle avait un conseil, elle devrait comparaître avec une lettre du conseil confirmant qu’il la représentait et indiquant six dates de disponibilité en vue d’une audition sur le fond de la demande d’asile de la demanderesse. La SPR a envoyé à la demanderesse un avis de comparution à une deuxième audience le 29 juin 2011, qui contenait les mêmes instructions que le premier avis de comparution. Le deuxième avis donnait instruction à la demanderesse de comparaître pour une conférence de mise au rôle le 18 juillet 2011 (la conférence de mise au rôle).

[11]           George Kubes (Me Kubes) – un avocat exerçant sa profession à Toronto – affirme, dans une lettre télécopiée à l’avocat actuel de la demanderesse, que celle-ci a communiqué avec lui avant la conférence de mise au rôle pour lui demander de la représenter. Me Kubes affirme qu’il a avisé la demanderesse d’assister à la conférence de mise au rôle et lui a donné six dates auxquelles il serait disponible pour la représenter lors de l’audition de sa demande d’asile. Il affirme également qu’il a dit à la demanderesse de communiquer avec lui si les dates qu’il lui avait données ne convenaient pas à la SPR, afin qu’il puisse trouver une date d’audience à laquelle il pourrait la représenter. Selon Me Kubes, celui-ci n’a reçu aucune autre communication de la demanderesse. Après que Gejza et Kvetoslava se furent désistés de leur demande d’asile, Me Kubes a télécopié à la SPR un exposé circonstancié modifié du FRP de la demanderesse qui relatait des événements spécifiques à sa demande (l’exposé circonstancié modifié).

[12]           La SPR a examiné la demande de la demanderesse sur le fond, lors d’une audience tenue le 30 août 2011 (l’audience de la SPR). La demanderesse n’était pas représentée lors de cette audience, bien qu’elle ait dit à la SPR que Me Kubes était son avocat. Elle a également affirmé qu’elle avait tenté de communiquer avec Me Kubes, mais que celui-ci ne lui avait pas répondu, et qu’il lui avait donné différentes dates qu’elle avait présentées à la conférence de mise au rôle. La SPR a affirmé que son dossier indiquait que la demanderesse avait assisté à la conférence de mise au rôle, et la demanderesse a confirmé que cela était exact. Cependant, la SPR a également affirmé que ses dossiers indiquaient que la demanderesse n’était pas représentée. Le formulaire d’examen initial de la SPR, dont une déclaration de signification indique que la SPR l’a signifié à la demanderesse le 18 août 2011, indique que la demanderesse n’avait pas de conseil à cette époque.

[13]           La SPR a affirmé qu’étant donné que la date fixée pour l’audition de la demande d’asile de la demanderesse était péremptoire, elle devait aller de l’avant ce jour-là. Elle a noté que Me Kubes n’avait rien fourni pour dire qu’il représentait la demanderesse. La SPR a également mentionné que Me Kubes n’avait pas indiqué qu’il ne serait pas en mesure d’assister à l’audience. La demanderesse a affirmé qu’on lui avait dit, à la conférence de mise au rôle, qu’elle pouvait se représenter elle-même, et elle avait répondu dit qu’elle souhaitait plaider en tant que demanderesse se représentant elle-même. En conséquence, la SPR a tenu l’audience en présence de la demanderesse se représentant elle-même.

[14]           La lettre de Me Kubes indique que le Roma Advocacy Center à Toronto a communiqué avec lui le 26 septembre 2011 et lui a dit que la demanderesse avait assisté à l’audition de sa demande d’asile sans représentation et qu’elle avait reçu une décision défavorable. Me Kubes a ensuite communiqué avec la demanderesse, et celle-ci lui a dit que la SPR avait rejeté les six dates qu’il avait proposées et avait fixé l’audience au 30 août 2011. La lettre de Me Kubes indique que la demanderesse lui a dit qu’elle avait présumé qu’il comparaîtrait à l’audience de la SPR, parce qu’elle croyait que la SPR l’aviserait de la nouvelle date d’audience.

[15]           Après avoir tenu son audience, la SPR a prononcé sa décision le 31 août 2011 et a avisé la demanderesse le 9 septembre 2011.

LA DEMANDE FAISANT L’OBJET DU PRÉSENT CONTRÔLE

[16]           La SPR a conclu que la demanderesse n’avait ni qualité de réfugiée au sens de la Convention aux termes de l’article 96 de la Loi, ni qualité de personne à protéger aux termes de l’article 97 de la Loi. Elle a fondé sa décision sur ses conclusions selon lesquelles la demanderesse n’avait pas réfuté la présomption de protection de l’État et qu’elle n’était pas un témoin crédible.

La question préliminaire – la demanderesse non représentée

[17]           Avant d’analyser sa demande d’asile sur le fond, la SPR a traité du fait que la demanderesse n’était pas représentée à l’audience. Elle a noté que la demanderesse avait dit qu’elle avait tenté de communiquer avec Me Kubes et que celui-ci ne l’avait pas rappelée. La SPR a également noté que Me Kubes n’avait pas communiqué avec la SPR et que la demanderesse avait dit qu’elle était prête à aller de l’avant sans conseil. La SPR a dit qu’elle avait expliqué à la demanderesse les questions que soulevait l’affaire avant de tenir l’audience.

La crédibilité

[18]           La SPR a conclu que la demanderesse n’était pas un témoin crédible ni digne de foi, à cause de divergences entre le questionnaire de son FRP, son exposé circonstancié modifié et son témoignage de vive voix à l’audience de la SPR. La SPR a tout d’abord fait remarquer que le témoignage d’un demandeur d’asile est présumé véridique (voir Maldonado c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1980] 2 CF 302 (CA)) et que des contradictions ainsi que des invraisemblances dans le témoignage du demandeur d’asile, y compris des omissions, constituent un motif valable de conclure qu’un demandeur d’asile n’est pas crédible.

[19]           La SPR e conclu que les réponses que la demanderesse avait données aux questions du questionnaire de son FRP contredisaient son exposé circonstancié modifié, et elle en a tiré une inférence négative quant à sa crédibilité. Dans son témoignage de vive voix et dans son exposé circonstancié modifié, la demanderesse a dit qu’elle travaillait à l’usine Samsung, où sa tante biologique était venue la voir pour lui parler de sa famille biologique. Dans le questionnaire de son FRP, elle avait dit qu’elle avait été sans emploi entre 1999 et 2009 et que ses seuls parents étaient Kvetoslava et Gjezsa. La demanderesse avait également dit dans le questionnaire de son FRP qu’elle avait vécu à Tichy Potok, en République slovaque, entre octobre 1999 et octobre 2009. La SPR a noté que la demanderesse avait déclaré, dans l’exposé circonstancié modifié, que sa sœur biologique lui avait envoyé un message texte et qu’elle vivait à Galanta, en République slovaque, à l’époque où elle travaillait à l’usine Samsung.

[20]           La SPR a donné à la demanderesse la possibilité d’expliquer les contradictions entre l’exposé circonstancié modifié, le questionnaire de son FRP et son témoignage de vive voix à l’audience de la SPR, mais elle a rejeté les explications que la demanderesse a données. Elle a affirmé qu’elle et ses parents ne savaient pas comment remplir les FRP et qu’ils s’étaient fiés à leur interprète à cet égard. La demanderesse a également affirmé qu’elle ne voulait plus rien savoir de ses parents adoptifs après qu’ils eurent retiré leur demande d’asile. La SPR a fait remarquer que la demanderesse avait déclaré que son FRP était véridique, complet et exact et qu’il lui avait été lu par un interprète; elle avait confirmé cela au début de l’audience de la SPR. La SPR a trouvé non convaincantes les explications de la demanderesse, et elle a conclu des contradictions dans le témoignage de la demanderesse que celle-ci n’était pas crédible. Elle a également conclu que la demanderesse avait inventé l’histoire au sujet de sa famille biologique.

[21]           La SPR a également conclu que les prétentions de la demanderesse selon lesquelles elle avait été attaquée au marché aux puces n’étaient pas vraisemblables. Elle a examiné le témoignage de vive voix de la demanderesse en notant que celle-ci ne parvenait pas à se souvenir durant quels mois, en 2009, elle avait travaillé au marché aux puces, en République tchèque. La SPR a trouvé le témoignage de la demanderesse évasif sur ce point, parce que celle-ci n’était pas parvenue à se souvenir durant quels mois elle avait travaillé au marché aux puces. En outre, le récit de la demanderesse allait contre le bon sens, parce que l’attaque aurait touché d’autres vendeurs qui auraient appelé la police.

[22]           La SPR a également conclu que la demanderesse n’était pas crédible, parce que le questionnaire de son FRP n’indiquait pas qu’elle avait déjà travaillé en République tchèque. La SPR a affirmé que les réponses de la demanderesse au sujet de ses séjours, de son emploi et de sa résidence en République tchèque étaient évasives. La SPR a tiré une conclusion défavorable quant à la crédibilité fondée sur le caractère évasif du témoignage de la demanderesse, les contradictions entre le FRP et l’exposé circonstancié modifié ainsi que l’invraisemblance de l’attaque du marché aux puces. La SPR a également conclu que les éléments de preuve documentaire présentés par la demanderesse n’étaient pas fiables ni dignes de foi.

La preuve documentaire

[23]           La SPR a conclu que la demanderesse n’avait pas produit d’éléments de preuve documentaire pour démontrer qu’elle avait été hospitalisée ni qu’elle avait travaillé à l’usine Samsung. Elle n’a pas admis la raison invoquée par la demanderesse pour expliquer pourquoi elle n’avait pas de documents médicaux – son médecin avait détruit ses dossiers – et la SPR a conclu que la demanderesse aurait pu demander des documents des hôpitaux où elle avait été traitée. La SPR n’a pas admis non plus la raison que la demanderesse a invoquée pour expliquer pourquoi elle n’avait pas certains documents – elle les avait laissés dans un tramway – et la SPR a fait remarquer qu’elle avait le reste de ses documents dans une chemise à l’audience. La SPR a conclu que la demanderesse n’aurait pas laissé certains documents dans un tramway tout en en conservant d’autres. La SPR a également conclu que l’absence de documents était de toute façon une question théorique, puisque la demanderesse ne les avait pas fait traduire en anglais. Faute de disposer de traductions anglaises, la SPR n’aurait pas été en mesure d’examiner les documents de la demanderesse.

[24]           La SPR a cité le Guide des procédures et critères à appliquer pour déterminer le statut de réfugié du Haut-commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, qui énonce :

Il est possible qu’après que le demandeur se sera sincèrement efforcé d’établir l’exactitude des faits qu’il rapporte, certaines de ses affirmations ne soient cependant pas prouvées à l’évidence. […] un réfugié peut difficilement « prouver » tous les éléments de son cas et, si c’était là une condition absolue, la plupart des réfugiés ne seraient pas reconnus comme tels. Il est donc souvent nécessaire de donner au demandeur le bénéfice du doute.

 

Néanmoins, le bénéfice du doute ne doit être donné que lorsque tous les éléments de preuve disponibles ont été réunis et vérifiés et lorsque l'examinateur est convaincu de manière générale de la crédibilité du demandeur. Les déclarations du demandeur doivent être cohérentes et plausibles, et ne pas être en contradiction avec des faits notoires.

.

[25]           La SPR a conclu qu’elle ne pouvait pas donner le bénéfice du doute à la demanderesse, parce que celle-ci n’avait pas démontré qu’elle s’était sincèrement efforcée de fournir des éléments de preuve au sujet d’aspects importants de sa demande d’asile. Elle avait livré un témoignage vague et évasif, et elle n’était pas un témoin crédible ni digne de foi.

La protection de l’État

[26]           La SPR a également conclu que la demanderesse n’avait pas réfuté la présomption de protection de l’État. La SPR a examiné le droit sur la protection de l’État, en notant que l’arrêt Canada (Procureur général) c Ward, [1993] 2 RCS 689, établit une présomption selon laquelle les États sont capables de protéger leurs citoyens et que cette présomption peut seulement être réfutée au moyen d’éléments de preuve fiables et probants de l’incapacité de l’État d’assurer une protection. En outre, la SPR a fait remarquer que les omissions locales ne démontraient pas que l’État était incapable d’assurer une protection, et que le fardeau incombant aux demandeurs d’asile de démontrer qu’ils ont épuisé tous les recours disponibles pour assurer leur protection sera plus lourd dans les États qui sont plus démocratiques.

[27]           La SPR a conclu que la demanderesse avait seulement demandé l’aide des services de police une fois en République slovaque : lorsque sa famille biologique avait tenté de l’enlever de chez elle et avait poussé Gjezsa contre un mur. La SPR a mentionné qu’elle trouvait ce récit non crédible.

[28]           En s’appuyant sur un rapport du Département d’État des États-Unis d’Amérique intitulé Country Reports on Human Rights Practices for 2010: Slovak Republic (le rapport du Département d’État des États-Unis), la SPR a également examiné les éléments de preuve documentaire dont elle disposait au sujet de la protection de l’État. Elle a conclu que les Roms en République slovaque étaient généralement victimes de discrimination. D’autres renseignements contenus dans le cartable national de documentation de la SPR concernant la République tchèque indiquaient que des groupes néo-nazis harcelaient les Roms. La SPR a toutefois conclu qu’il existait un cadre juridique en République slovaque qui permettait au gouvernement slovaque de lutter contre ces problèmes. La SPR a cité le Third Report on the Implementation of the Framework Convention for the Protection of National Minorities in the Slovak Republic du gouvernement de la République slovaque (le rapport sur les minorités), et elle a conclu que ce rapport établissait que la demanderesse disposait de plusieurs recours pour obtenir une protection.

[29]           La SPR a également conclu que les éléments de preuve documentaire indiquaient que les interventions des services de police dans les cas de crimes à caractère raciste en République slovaque s’étaient améliorées. La SPR a relié cette conclusion au témoignage de la demanderesse selon lequel la police n’était pas venue à son secours lorsqu’elle l’avait appelée, après que sa famille biologique les eut attaqués, elle et Gjezsa. La SPR a également conclu que le rapport sur les minorités indiquait que les peines infligées aux auteurs de crimes à caractère raciste en République slovaque étaient généralement plus sévères qu’auparavant. En outre, le rapport sur les minorités indiquait qu’il était plus facile que par le passé pour des gens comme la demanderesse de se plaindre lorsque les services de police les traitaient de manière inéquitable à cause de leur ethnie.

[30]           La SPR a conclu que les autorités en République slovaque prenaient des mesures vigoureuses pour réduire le harcèlement et la discrimination à l’endroit des Roms. Elle a également conclu que la demanderesse n’avait produit aucune preuve claire et convaincante du caractère inadéquat de la protection de l’État. La SPR a également mentionné sa conclusion antérieure selon laquelle la demanderesse n’était pas crédible ni digne de foi, et elle a conclu que la demanderesse n’avait pas démontré que la protection de l’État ne pouvait raisonnablement être assurée ou qu’il était objectivement déraisonnable pour elle de chercher à obtenir une protection.

[31]           Compte tenu de sa conclusion au sujet de la protection de l’État, la SPR a conclu que la demanderesse n’avait pas qualité de personne à protéger ni qualité de réfugiée au sens de la Convention.

LES DISPOSITIONS LÉGISLATIVES

[32]           Les dispositions suivantes de la Loi sont applicables dans la présente instance :

Définition de « réfugié »

 

96. A qualité de réfugié au sens de la Convention — le réfugié — la personne qui, craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques:

 

a) soit se trouve hors de tout pays dont elle a la nationalité et ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de chacun de ces pays;

 

[…]

 

Personne à protéger

 

97. (1) A qualité de personne à protéger la personne qui se trouve au Canada et serait personnellement, par son renvoi vers tout pays dont elle a la nationalité ou, si elle n’a pas de nationalité, dans lequel elle avait sa résidence habituelle, exposée :

 

a) soit au risque, s’il y a des motifs sérieux de le croire, d’être soumise à la torture au sens de l’article premier de la Convention contre la torture;

 

b) soit à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités dans le cas suivant :

 

(i) elle ne peut ou, de ce fait, ne veut se réclamer de la protection de ce pays,

 

 

(ii) elle y est exposée en tout lieu de ce pays alors que d’autres personnes originaires de ce pays ou qui s’y trouvent ne le sont généralement pas,

 

(iii) la menace ou le risque ne résulte pas de sanctions légitimes — sauf celles infligées au mépris des normes internationales — et inhérents à celles-ci ou occasionnés par elles,

 

(iv) la menace ou le risque ne résulte pas de l’incapacité du pays de fournir des soins médicaux ou de santé adéquats.

 

[…]

 

 

 

Convention refugee

 

96. A Convention refugee is a person who, by reason of a well-founded fear of persecution for reasons of race, religion, nationality, membership in a particular social group or political

opinion,

 

 

 

(a) is outside each of their countries of nationality and is unable or, by reason of that fear, unwilling to avail themself of the protection of each of those countries;

 

[…]

 

Person in Need of Protection

 

97. (1) A person in need of protection is a person in Canada whose removal to their country or countries of nationality or, if they do not have a country of nationality, their country of former habitual residence, would subject them personally

 

(a) to a danger, believed on substantial grounds to exist, of torture within the meaning of Article 1 of the Convention Against Torture; or

 

(b) to a risk to their life or to a risk of cruel and unusual treatment or punishment if

 

 

(i) the person is unable or, because of that risk, unwilling to avail themself of the protection of that country,

 

(ii) the risk would be faced by the person in every part of that country and is not faced generally by other individuals in or from that country,

 

(iii) the risk is not inherent or incidental to lawful sanctions, unless imposed in disregard of accepted international standards, and

 

 

 

(iv) the risk is not caused by the inability of that country to provide adequate health or medical care

 

 

[…]

LES QUESTIONS EN LITIGE

[33]           La demanderesse soulève les questions suivantes dans la présente demande :

a)                  La SPR a-t-elle violé le droit de la demanderesse à l’équité procédurale en tenant son audience sans le conseil de la demanderesse?

b)                  L’incompétence de l’avocat précédent de la demanderesse a-t-elle violé son droit à l’équité procédurale?

c)                  La SPR a-t-elle mal appliqué le critère de la protection de l’État?

d)                 La conclusion de la SPR quant à la protection de l’État était-elle raisonnable?

e)                  La conclusion de la SPR quant à la crédibilité était-elle raisonnable?

 

LA NORME DE CONTRÔLE

[34]           La Cour suprême du Canada, dans Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, a décidé que l’analyse relative à la norme de contrôle n’a pas besoin d’être menée dans chaque instance. Plutôt, lorsque la norme de contrôle applicable à une question précise présentée à la cour est bien établie par la jurisprudence, la cour de révision peut adopter cette norme de contrôle. Ce n’est que lorsque cette démarche se révèle infructueuse que la cour de révision doit entreprendre l’examen des quatre facteurs que comprend l’analyse relative à la norme de contrôle.

[35]           Il est bien établi que le droit à un conseil lors d’une audience de la SPR est une question d’équité procédurale (voir Golbom c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 640, au paragraphe 11; Li c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 196, au paragraphe 11; Ha c Canada (Ministre de la Citoyenneté et Immigration), 2004 CAF 49, au paragraphe 45). Dans l’arrêt SCFP c Ontario (Canadian Region), 2003 CSC 9 (QL), la Cour suprême du Canada a statué au paragraphe 100 qu’« [i]l appartient aux tribunaux judiciaires et non au ministre de donner une réponse juridique aux questions d’équité procédurale ». La Cour suprême du Canada a également statué dans le même arrêt que, lorsqu’un décideur agit à l’encontre de l’expectative légitime d’une partie, la cour de révision peut accorder une réparation procédurale (voir le paragraphe 131). En outre, dans l’arrêt Sketchley c Canada (Procureur général), 2005 CAF 404, au paragraphe 53, la Cour d’appel fédérale a statué que « [l]a question de l’équité procédurale est une question de droit. Aucune déférence n’est nécessaire. Soit le décideur a respecté l’obligation d’équité dans les circonstances propres à l’affaire, soit il a manqué à cette obligation. » La norme de contrôle applicable aux deux premières questions dans la présente affaire est la décision correcte.

[36]           La troisième question concerne l’application d’un critère juridique par la SPR aux faits dont elle disposait. Il s’agit d’une question mixte de fait et de droit susceptible de contrôle selon la norme de la décision raisonnable (voir Dunsmuir, précité, au paragraphe 51).

[37]           Dans l’arrêt Flores Carillo c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CAF 94, la Cour d’appel fédérale a statué, au paragraphe 36, que la norme de contrôle applicable à une conclusion quant à la protection de l’État était la décision raisonnable. Le juge Leonard Mandamin a retenu cette solution dans la décision Morales Lozada c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CF 397, au paragraphe 17. En outre, dans la décision Chaves c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 193, la juge Danièle Tremblay-Lamer a statué, au paragraphe 11, que la norme de contrôle applicable à une conclusion quant à la protection de l’État était la décision raisonnable. La norme de contrôle applicable à la quatrième question est la décision raisonnable.

[38]           Dans l’arrêt Aguebor c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1993] ACF no 732 (CAF), la Cour d’appel fédérale a statué que la norme de contrôle applicable à une conclusion quant à la crédibilité était la décision raisonnable. En outre, dans la décision Elmi c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CF 773 au paragraphe 21, le juge Max Teitelbaum a statué que les conclusions quant à la crédibilité étaient au cœur de la conclusion de fait de la SPR et devaient donc être contrôlées selon la norme de la décision raisonnable. Enfin, dans la décision Wu c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2009 CF 929, le juge Michael Kelen a statué, au paragraphe 17, que la norme de contrôle applicable à une conclusion quant à la crédibilité était la décision raisonnable. La norme de contrôle applicable à la cinquième question est la décision raisonnable.

[39]           Lors du contrôle d’une décision selon la norme de la raisonnabilité, l’analyse tient « à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit ». Voir Dunsmuir, précité, au paragraphe 47, et Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12, au paragraphe 59. Autrement dit, la Cour devrait intervenir seulement si la décision est déraisonnable en ce sens qu’elle n’appartient pas aux « issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit ».

LES ARGUMENTS

La demanderesse

            Le manquement à l’équité procédurale

 

[40]           La demanderesse affirme que son droit à l’équité procédurale a été violé lorsque la SPR ne s’est pas enquise auprès de Me Kubes pour déterminer s’il représentait effectivement la demanderesse. Elle affirme également que Me Kubes a violé son droit à l’équité procédurale en omettant d’assister à l’audience de la SPR. La demanderesse invoque la décision Shirwa c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1994] 2 CF 51, qui établit, selon elle, que l’incompétence d’un avocat peut mener à un manquement à l’équité procédurale lorsque cette incompétence prive complètement l’intéressé de son droit d’être entendu (voir le paragraphe 11).

La conclusion déraisonnable quant à la crédibilité

[41]           La demanderesse affirme également que la conclusion de la SPR quant à la crédibilité fondée sur des contradictions entre l’exposé circonstancié modifié de la demanderesse et le questionnaire de son FRP était déraisonnable. La demanderesse affirme que son exposé circonstancié modifié allait au-delà de l’exposé circonstancié original et ajoutait des précisions relatives à la persécution qu’elle avait subie personnellement. La demanderesse invoque la décision Ameir c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 876, où le juge Edmond Blanchard a statué, au paragraphe 21 :

À mon avis, la conclusion de la Commission touchant la crédibilité est manifestement déraisonnable. Le paragraphe 6(4) des Règles de la Section de la protection des réfugiés, DORS/2002-228 (les Règles), accorde aux parties la possibilité de corriger leur FRP. Dans les circonstances, il n'est pas loisible à la Commission de statuer comme elle l'a fait en s'appuyant sur le « témoignage d'ensemble » du demandeur. Le demandeur a donné une explication plausible de sa correction et la possibilité de corriger un FRP est prévue par les Règles. La Commission n'a donné aucune raison valable pour attaquer la crédibilité du demandeur sur ces faits. La conclusion sur la crédibilité est manifestement déraisonnable.

 

            La conclusion déraisonnable quant à la protection de l’État

                        La SPR a mal appliqué le critère de la protection de l’État

[42]           La SPR a mal appliqué le critère de la protection de l’État que la Cour suprême du Canada avait énoncé dans l’arrêt Ward, précité. La SPR s’est appuyée sur des structures institutionnelles en République slovaque pour conclure que la demanderesse n’avait pas réfuté la présomption de protection de l’État. La demanderesse invoque la décision Mohacsi c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CFPI 429, où le juge Luc Martineau a statué, au paragraphe 56 :

La Commission commet aussi une erreur de droit en adoptant une approche « systémique » qui peut avoir comme résultat net le rejet de demandes particulières de statut de réfugié pour le seul motif que la preuve documentaire indique généralement que le gouvernement hongrois fait certains efforts pour protéger les Roms de la persécution ou de la discrimination exercée par les autorités policières, les autorités chargées du logement et les autres groupes qui les ont persécutés jusqu'ici. L'existence de mesures contre la discrimination ne constitue pas en soi une preuve que la protection de l'État est disponible en fait : « Non seulement le pouvoir protecteur de l'État doit-il comporter un encadrement légal et procédural efficace mais également la capacité et la volonté d'en mettre les dispositions en œuvre » (Elcock c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), (1999), 175 F.T.R. 116 (C.F. 1re inst.), au paragraphe 15). On reconnaît maintenant que la Hongrie est une nation démocratique qui devrait normalement pouvoir assurer la protection de l'État à tous ses citoyens (l'arrêt Ward, précité). Malheureusement, il existe encore des doutes quant à l'efficacité des moyens utilisés par le gouvernement pour atteindre cet objectif. Par conséquent, il y a lieu dans tous les cas de confronter la situation théorique avec le vécu de chaque revendicateur.

 

[43]           La SPR aurait dû tenir compte de l’expérience concrète que la demanderesse avait vécue lorsqu’elle avait tenté d’obtenir la protection de l’État. Au lieu de cela, la SPR a tout simplement examiné le cadre institutionnel existant en République slovaque. La demanderesse invoque également la décision Dominguez Hernandez c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2007 CF 1211, où le juge Michael Shore a conclu que dans « le présent cas, le pouvoir protecteur de l’État ne démontre pas avoir la capacité de mettre des dispositions concernant la protection des demandeurs en œuvre. Il faut réitérer que, en ce qui a trait à la notion de protection de l’État, chaque cas, est un cas d’espèce. » (voir le paragraphe 26) [souligné dans l’original].

 

La SPR a fait abstraction d’éléments de preuve

[44]           La conclusion de la SPR quant à la protection de l’État était également déraisonnable, parce que la SPR a fait abstraction d’éléments de preuve qui démontraient que la protection de l’État en République slovaque était inefficace. La demanderesse affirme que la SPR a fait fi du rapport du Département d’État des États-Unis et d’un rapport d’Amnesty International intitulé Annual Report 2011: Slovakia.

La discrimination par opposition à la persécution

[45]           La conclusion de la SPR quant à la protection de l’État était également déraisonnable, parce que la SPR a conclu que les actes que la demanderesse avait subis constituaient de la discrimination, et non de la persécution. La SPR aurait dû conclure que la demanderesse avait été victime de persécution, parce que les actes de violence criminelle équivalent toujours à de la persécution. La conclusion quant à la protection de l’État était également déraisonnable, parce que la SPR a conclu que la demanderesse aurait dû s’adresser à une agence autre que les services de police pour obtenir de l’aide. La demanderesse fait remarquer qu’aux paragraphes 23 et 24 de la décision Molnar c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CFPI 1081, la juge Tremblay-Lamer a statué :

Selon moi, la Commission a commis une erreur en imposant aux revendicateurs le fardeau de chercher réparation auprès d'agences autres que les services de police.

 

Le rôle des policiers est de protéger les citoyens. S'ils refusent de le faire ou s'ils ne sont pas disposés à agir, notre Cour a déjà conclu que les personnes en cause n'étaient pas tenues de rechercher de l'orientation, des avis juridiques ou de l'aide auprès des agences des droits de la personne.

 

[46]           En tant que victime de persécution, et non de discrimination, la demanderesse n’aurait pas dû être tenue de chercher une protection au-delà des services de police.

La conclusion déraisonnable quant à la vraisemblance

[47]           La demanderesse affirme également que la conclusion de la SPR quant à la crédibilité était déraisonnable, parce qu’elle était fondée sur une conclusion déraisonnable selon laquelle le récit de la demanderesse était invraisemblable. La demanderesse affirme que cette conclusion d’invraisemblance était fondée sur un facteur non pertinent : la disponibilité d’une protection de l’État en République tchèque. La SPR a conclu que le récit de la demanderesse au sujet de l’attaque du marché aux puces était invraisemblable, parce qu’elle pensait que d’autres vendeurs auraient appelé la police si l’attaque avait effectivement eu lieu. La demanderesse affirme que la SPR n’aurait pas dû tenir compte de la réaction de la police à l’attaque au marché aux puces, parce que cet événement est survenu en République tchèque. La demanderesse demande à être protégée de la République slovaque, de sorte que la réaction des services de police à l’attaque du marché aux puces est non pertinente.

[48]           La SPR a également affirmé que sa conclusion d’invraisemblance était fondée sur le sens commun, mais la demanderesse affirme que le sens commun ne mène pas à la conclusion que la SPR a tirée. La demanderesse affirme également que la SPR a fondé déraisonnablement cette conclusion d’invraisemblance sur des éléments de preuve extrinsèque plutôt que sur des contradictions internes dans son récit. Il s’agit-là d’une erreur susceptible de contrôle qui commande l’intervention de la Cour. Voir Ye c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1992] ACF no 584.

                        L’examen microscopique de la preuve

[49]           La conclusion de la SPR quant à la crédibilité était également déraisonnable, parce qu’elle était fondée sur une analyse sélective et microscopique de la preuve. La demanderesse invoque l’arrêt Attakora c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1989] ACF no 444, de la Cour d’appel fédérale, où celle-ci a statué que la SPR « ne devrait pas manifester une vigilance excessive en examinant à la loupe [les éléments de preuve] ». La demanderesse invoque également l’arrêt Hilo c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1991] ACF no 228 (CAF), où la Cour d’appel fédérale a statué qu’un « traitement sélectif de divers éléments de témoignage de l'appelant ne contribue pas à donner confiance en l'évaluation que la Commission a faite de la crédibilité de l'appelant ».

Le défendeur

L’absence de manquement à l’équité procédurale

 

[50]           Le défendeur affirme que l’incompétence de l’avocat précédent de la demanderesse n’a pas entraîné de manquement à l’équité procédurale. La demanderesse n’a pas démontré en quoi le sort de sa demande d’asile aurait été différent si elle avait été représentée devant la SPR, de sorte que, même si la demanderesse a été privée du droit d’être représentée par un conseil, la décision devrait être maintenue. Le défendeur invoque l’arrêt R c GDB, 2000 CSC 22 (QL), où la Cour suprême du Canada a statué que, « [p]our qu’un appel soit accueilli, il faut démontrer, dans un premier temps, que les actes ou les omissions de l’avocat relevaient de l’incompétence, et, dans un deuxième temps, qu’une erreur judiciaire en a résulté ».

[51]           La demanderesse ne s’est pas non plus acquittée de son obligation d’aviser son avocat précédent des allégations qu’elle formulait contre lui. Puisqu’elle ne s’est pas acquittée de cette obligation, établie dans la décision Shirvan c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 1509, la demanderesse ne peut pas obtenir gain de cause dans le cadre d’un contrôle judiciaire en soutenant que son avocat précédent a été incompétent.

[52]           Le défendeur souligne en outre que la demanderesse n’était pas représentée à cause de sa propre erreur. MKubes avait donné à la demanderesse des dates auxquelles il pouvait assister à des audiences, mais la demanderesse n’a pas communiqué avec lui lorsque la SPR n’a jugé aucune de ces dates acceptable. La demanderesse a également accepté d’aller de l’avant sans conseil lorsqu’il est devenu évident que MKubes n’assisterait pas à l’audience. La demanderesse devrait être tenue d’assumer les conséquences de ce choix.

[53]           La demanderesse n’a pas démontré en quoi l’issue aurait été différente si elle avait été représentée. Il ne s’agit pas d’un cas où l’incompétence de l’avocat est clairement établie et où elle a compromis le résultat de l’audience. Une représentation n’aurait changé ni le fait qu’il y avait des contradictions et des omissions claires dans la preuve de la demanderesse, ni la conclusion déterminante de la SPR concernant la protection de l’État.

Les conclusions raisonnables quant à la crédibilité

[54]           La conclusion de la SPR quant à la crédibilité était raisonnablement fondée sur des incohérences, des contradictions et des omissions dans les éléments de preuve présentés par la demanderesse. Suivant la décision Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) c Dan‑Ash, [1988] ACF no 571, le défendeur affirme qu’il s’agit-là d’éléments dont la SPR peut raisonnablement tirer une conclusion défavorable quant à la crédibilité. Le témoignage de vive voix de la demanderesse ne s’accordait ni avec son exposé circonstancié original ni avec son exposé circonstancié modifié. L’exposé circonstancié original comportait certes le récit des menaces proférées par la famille biologique à l’endroit de la famille adoptive, mais l’exposé circonstancié modifié ajoutait le détail relatif à la sœur biologique ayant averti la demanderesse que la famille biologique voulait la contraindre à se prostituer. Il y avait également des contradictions entre l’exposé circonstancié modifié et le questionnaire du FRP. Bien que la demande d’asile de la demanderesse fût fondée principalement sur la menace que présentait sa famille biologique, il manquait certains détails essentiels dans l’exposé circonstancié original.

[55]           Le défendeur fait également remarquer que la demanderesse n’a pas produit d’éléments de preuve documentaire au soutien de sa demande d’asile. Le défaut de corroborer certains éléments d’une demande d’asile, lorsque le récit du demandeur manque de manière générale de crédibilité, peut mener à la conclusion selon laquelle ces éléments n’ont pas été établis. Voir Quichindo c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CFPI 350.

La conclusion raisonnable quant à la protection de l’État

[56]           Enfin, le défendeur affirme que la conclusion de la SPR selon laquelle la demanderesse n’avait pas réfuté la présomption de protection de l’État était raisonnable. La SPR a procédé à un examen complet et détaillé des conditions en République slovaque et a conclu que la demanderesse pouvait y obtenir une protection. La SPR a exposé des motifs clairs et elle a examiné des améliorations apportées aux lois et observées dans les pratiques sociales en République slovaque. La SPR a reconnu certains problèmes qui existent en République slovaque, mais elle a conclu que la protection de l’État y existait tout de même. La SPR a compris les enjeux de l’affaire dont elle était saisie, et elle a tiré une conclusion qui est étayée par le dossier. Compte tenu de la jurisprudence qui indique que la demanderesse a le fardeau de réfuter la présomption de protection de l’État (voir l’arrêt Ward, précité) et du fait que la non-intervention d’un policier n’est pas suffisante pour réfuter la présomption, la Cour ne devrait pas intervenir.

ANALYSE

[57]           À mon avis, la décision comporte deux aspects problématiques importants qui m’obligent à la renvoyer pour nouvel examen.

[58]           Tout d’abord, il n’est pas tout à fait clair pourquoi Me Kubes n’a pas comparu à l’audience de la SPR ou dans quelle mesure la demanderesse elle-même est peut-être responsable d’une partie de la confusion. Cependant, je pense qu’il y a une preuve claire que Me Kubes a été le conseil inscrit au dossier pour la famille de la demanderesse, puis pour la demanderesse, et la SPR aurait dû être au courant de cela. Lorsqu’elle a tenu la demanderesse pour fautive, la SPR a omis de tenir compte des responsabilités de Me Kubes en tant qu’avocat et du fait que la demanderesse avait, en fait, été laissée en plan lors de l’audience. Voir l’arrêt Siloch c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1993] ACF no 10 (CAF), au paragraphe 7. En fin de compte, la demanderesse n’a pas eu une audience équitable.

[59]           La demanderesse a clairement affirmé à l’audience que Me Kubes était son avocat, et le dossier de la SPR comportait des éléments de preuve relatifs à Me Kubes. Il est donc difficile de voir pourquoi la SPR a conclu qu’il n’y avait aucun avocat inscrit au dossier et que [TRADUCTION] « Me Kubes n’a pas non plus cru bon d’indiquer qu’il est votre avocat, comme il est censé le faire ».

[60]           N’ayant pas tenu compte des indications au dossier selon lesquelles Me Kubes était le conseil de la demanderesse, la SPR a également dit à la demanderesse que l’audience était péremptoire et qu’elle [TRADUCTION] « doit être tenue aujourd’hui ». Cela n’a laissé d’autre choix à la demanderesse que de tenter de se représenter elle-même. Le dossier montre qu’elle était nerveuse et qu’elle ne s’est pas très bien débrouillée.

[61]           Le défendeur affirme que cela ne change rien à l’affaire, puisque, même avec un conseil, l’issue n’aurait pas pu être différente. Indépendamment de la jurisprudence qui dit qu’une iniquité procédurale est, en soi, une erreur susceptible de contrôle (voir l’arrêt Sketchley, précité, au paragraphe 54), compte tenu des faits de la présente espèce, il me paraît clair que l’absence de conseil a fait une différence importante quant à l’issue de cette affaire.

[62]            Un des aspects troublants de la décision est que la SPR a tiré une inférence négative du défaut de la demanderesse de produire des éléments de preuve documentaire corroborative :

Le tribunal ne peut accorder le bénéfice du doute à la demandeure d’asile en ce qui concerne la crédibilité de ses exposés circonstanciés parce qu’elle n’a pas démontré qu’elle s’est sincèrement efforcée de fournir une preuve quelconque corroborant l’existence d’une sœur biologique, de son emploi chez Samsung, de son emploi en République tchèque ou de l’une ou l’autre de ses hospitalisations en République tchèque et en République slovaque. Le tribunal estime également que la demandeure d’asile a témoigné de manière vague et évasive et qu’elle n’était pas un témoin crédible et digne de foi.

 

[63]           Pourtant, la demanderesse a tenté de produire un certificat d’adoption qui comportait une liste de ses frères et sœurs biologiques. Toutefois, la SPR n’a pas envisagé d’admettre ce document en preuve, parce qu’il n’était pas traduit. Ainsi, la demanderesse s’était bel et bien efforcée de fournir une preuve documentaire. La SPR considère que la question est purement théorique ou non pertinente « car aucun de ces documents n’a été traduit en anglais, et le tribunal n’aurait donc pas pu en tenir compte ».

[64]           Bien que le paragraphe 25(1) des Règles dispose que les documents fournis à la SPR doivent être traduits, la Cour a aussi statué que, dans le cas de parties non représentées, les règles strictes et techniques devraient être assouplies. Voir Ribeiro Da Costa Soares c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2007 CF 190, au paragraphe 22. Sans conseil, la demanderesse n’avait vraiment aucun moyen de savoir que le document devait être traduit pour que la SPR puisse en tenir compte. Je me perds en conjectures quant à savoir pourquoi la SPR n’a pas donné à la demanderesse la possibilité de lui fournir, après l’audience, une version traduite du certificat d’adoption. Cela étant dit, même la documentation qui n’a pas été traduite montre que la demanderesse s’est efforcée de corroborer sa prétention.

[65]           Cela revêt une importance particulière, étant donné la conclusion de la SPR concernant la crédibilité selon laquelle la demanderesse n’avait pas indiqué qu’elle avait une sœur biologique et « le récit de la demandeure d’asile concernant ses parents biologiques et les autres membres de sa famille biologique n’est que pure invention ».

[66]           Il a également été reproché à la demanderesse de ne pas avoir fourni de documentation pour corroborer ses « trois présumés séjours à l’hôpital ». La demanderesse a dit qu’elle avait laissé des documents à bord d’un tramway de Toronto en venant à l’audience. Encore une fois, la SPR rejette cette explication, et elle dit que la question est purement théorique en raison de l’absence de traduction. La possibilité n’est jamais offerte à la demanderesse de remplacer ces documents qu’elle a dit avoir égarés.

[67]           Si un conseil avait été présent, la question de la traduction et du document perdu aurait été traitée de manière beaucoup plus équitable. Il n’est pas raisonnable de s’attendre à ce qu’une demandeure d’asile non représentée sache qu’elle peut demander un ajournement si nécessaire, surtout après que la SPR lui a dit que l’audience devait être tenue ce jour-là. La demanderesse aurait facilement pu fournir une traduction du certificat d’adoption après l’audience, et il n’y a rien qui incite à croire qu’elle n’aurait pas pu, avec l’aide d’un conseil, fournir en temps opportun des documents de remplacement concernant ses hospitalisations.

[68]           Le témoignage de la demanderesse était problématique, mais je pense que, de manière générale, le manque d’équité procédurale et l’absence de conseil ont mené à des erreurs importantes qui rendent la décision de la SPR imprudente et déraisonnable. Je conviens également avec la demanderesse que l’appréciation de la trousse documentaire par la SPR dans le cadre de l’analyse relative à la protection de l’État comporte une erreur susceptible de contrôle.

[69]           La SPR savait qu’elle ne pouvait pas se contenter d’affirmer que la République slovaque avait fait « de sérieux efforts » pour protéger les Roms. Voici ses conclusions à cet égard :

Les éléments de preuve démontrent clairement que les Roms sont toujours touchés par des taux de chômage élevés et un faible niveau de scolarisation. Les Roms sont toujours exclus de la vie normale en ce qui a trait au logement et aux soins de santé. Les éléments de preuve documentaire indiquent que l'État fait de sérieux efforts et que, même si l'évolution est lente, des progrès ont été observés. Il serait déraisonnable de s’attendre à ce que ces mesures empêchent ou éliminent complètement le racisme ou tous les actes de violence liés au racisme. Toutefois, elles montrent que de véritables efforts sont déployés par l’État pour combattre la discrimination raciale dans tous les secteurs de la société. La progression n’est pas tellement rapide et elle se heurte à des revers et à des obstacles, mais l’engagement de l’État à poursuivre la lutte est incontestable. La qualité de vie des Roms n’est pas ce qu’elle devrait être, mais leur existence n’est pas menacée par l’État. Les skinheads et les extrémistes cherchent à menacer l’existence des Roms, mais l’État, en contrepartie, prend des mesures importantes pour lutter contre cette situation.

 

Le tribunal a déjà conclu que le témoignage oral et la preuve documentaire de la demandeure d’asile n’étaient pas fiables et que cette dernière n’était pas un témoin crédible ou digne de foi. Toutefois, la preuve documentaire montre clairement qu’il existe un problème de harcèlement et de discrimination à l’endroit des Roms et d’autres minorités en République slovaque. Il ressort clairement aussi que les autorités prennent des mesures rigoureuses et qu’il y a des résultats. La preuve selon laquelle la protection de l’État serait inadéquate n’est ni claire ni convaincante.

 

[70]           La SPR parle ici de « mesures importantes » contre la violence des skinheads et affirme qu’en ce qui a trait au harcèlement et à la discrimination, « [i]l ressort clairement aussi que les autorités prennent des mesures rigoureuses et qu’il y a des résultats ».

[71]           D’après le corps de l’analyse, il semblerait que la SPR entende par les termes « mesures importantes » et « résultats » quelques condamnations pour des attaques racistes, la poursuite de quelques policiers et une certaine augmentation des taux des peines. Pour reprendre les mots de la SPR elle-même, toutefois, « l’évolution est lente », et les Roms demeurent exposés à de graves dangers. Si j’examine la prépondérance de la preuve, je ne vois tout simplement pas ce qui peut étayer les conclusions vagues de la SPR selon lesquelles « des progrès ont été observés » ou « la situation s’était améliorée », ni pourquoi cette imprécision étaye une conclusion de protection adéquate de l’État.

[72]           La SPR semble se contredire :

Les éléments de preuve documentaire de la Commission révèlent que les Roms et d’autres minorités sont victimes de discrimination et de violence en République slovaque et que la police maltraite les suspects et les détenus d’origine rom. Les éléments de preuve corroborent aussi l'allégation de la demandeure d'asile selon laquelle les groupes néonazis organisés et leurs sympathisants harcèlent les minorités et commettent des agressions à l’endroit de ceux‑ci, y compris les Roms. En outre, il arrive que la police n’intervienne pas ou n’enquête pas adéquatement dans les cas où des Roms sont visés, mais cela varie en fonction du corps policier en cause. En République slovaque également, les Roms subissent généralement de la discrimination relativement aux soins de santé, à l’éducation, au logement et à l’emploi. En outre, de nombreux Roms se heurtent à de graves difficultés et à de la discrimination en matière d’accès à un logement et à un emploi, et sont victimes de ségrégation dans les écoles et dans les établissements de santé. Malgré ces documents, les éléments de preuve documentaire indiquent que la République slovaque a pris et prend toujours des mesures pour lutter contre ces problèmes, et elle manifeste de réels progrès. Par exemple, elle possède un cadre législatif solidement établi sur lequel elle peut s’appuyer pour combattre ces problèmes. Ce cadre législatif regroupe la constitution, les lois et les obligations internationales.

 

[73]           L’analyse tente d’apprécier ce que le juge Mosley a appelé le « caractère satisfaisant des efforts concrets » (voir Mesa Varela c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 1364, au paragraphe 16), mais bien peu de choses sont mentionnées qui portent à croire que la République slovaque a la volonté ou la capacité de protéger les Roms contre la violence et les mauvais traitements largement répandus dont la SPR reconnaît qu’ils demeurent endémiques.

[74]           Je ne vois pas la SPR soupeser les éléments de preuve dans cette décision et conclure que la situation est variable, mais que, dans l’ensemble, il y a suffisamment d’éléments de preuve qui portent à croire que la protection est adéquate. Au lieu de cela, la SPR cherche désespérément le moindre signe de caractère satisfaisant des efforts concrets dans le contexte d’une situation très sombre, et elle appelle cela « de réels progrès », « des progrès » et « des mesures rigoureuses ». Je ne parviens pas du tout à voir comment quoi que ce soit de ce qui est évoqué pourrait avoir un « caractère satisfaisant », en avant-plan d’un tableau général de désespoir et d’inadéquation reconnue. Cet aspect de l’analyse relative à la protection de l’État est déraisonnable, parce que la conclusion quant au « caractère satisfaisant » de la protection de l’État n’a pas suffisamment d’assises et que les inadéquations évidentes, bien qu’elles soient mentionnées, ne sont pas prises en compte dans l’analyse de la SPR.

[75]           Les avocats conviennent qu’il n’y a aucune question à certifier, et la Cour est d’accord.


JUGEMENT

 

LA COUR STATUE que

 

1.                  La demande est accueillie. La décision est annulée et renvoyée pour nouvel examen par un tribunal différemment constitué de la SPR.

2.                  Il n’y a aucune question à certifier.

 

 

 

« James Russell »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

 

Christian Laroche, LL.B.

Juriste-traducteur et traducteur-conseil


COUR FÉDÉRALE

 

NOMS DES AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-6777-11

 

INTITULÉ :                                      PETRA CERVENAKOVA

 

                                                                        -   et   -

 

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :              Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :             Le 2 avril 2012

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                            MONSIEUR LE JUGE RUSSELL

 

DATE DES MOTIFS :                     Le 3 mai 2012

 

 

COMPARUTIONS :

 

Rocco Galati                                                                                       DEMANDERESSE

 

Laoura Christodoulides                                                                      DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Rocco Galati Law Firm                                                                      DEMANDERESSE

Professional Corporation

Toronto (Ontario)

 

Myles J. Kirvan, c.r.                                                                            DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

 

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