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Date : 20120621

Dossier: IMM-8859-11

Référence : 2012 CF 795

Montréal (Québec), le 21 juin 2012

En présence de monsieur le juge Shore

 

ENTRE :

 

ANA CECILIA PINTO OLIVEROS

 

 

 

demanderesse

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

 

 

 

défenderesse

 

 

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

I. Introduction

[1]               Il s’agit d’une demande d’autorisation et de contrôle judiciaire à l’encontre d’une décision, rendue le 14 octobre 2011, par laquelle un agent d’immigration a refusé la demande, soumise en vertu du paragraphe 25(1) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, ch 27 [LIPR], de dispense, pour considérations humanitaires, de l'obligation de présenter de l'extérieur du Canada la demande de résidence permanente de la demanderesse.

 

 

II. Faits

[2]               La demanderesse, madame Ana Cecilia Pinto Oliveros, née le 6 septembre 1960 est citoyenne de la Colombie.

 

[3]               La demanderesse est arrivée au Canada le 21 mars 2008, date à laquelle elle a demandé l’asile alléguant notamment une crainte des Forces armées révolutionnaires de Colombie [FARC].

 

[4]               Cette demande a été rejetée le 30 juillet 2010. La demande d’autorisation en vue du contrôle judiciaire de cette décision a été refusée par cette Cour le 15 novembre 2010.

 

[5]               Le 18 avril 2011, la demanderesse a présenté une demande d’Examen des risques avant renvoi qui a été rejetée [ÉRAR].

 

[6]               La demanderesse vit avec sa fille et son beau-fils, citoyens du Canada, prenant soin de leurs trois enfants.

 

III. Décision faisant l’objet de la présente demande de contrôle judiciaire

[7]               Quant à l’établissement de la demanderesse et quant aux circonstances familiales, l’agent s’interroge sur la raison pour laquelle la fille de la demanderesse n’a pas entamé les procédures de regroupement familial plus tôt.

 

[8]               L’agent constate également le manque de preuve quant aux ressources financières et quant à l’intégration au Canada de la demanderesse.

 

[9]               L’agent conclut que la séparation de la demanderesse de sa famille au Canada n’engendrera pas des difficultés inhabituelles et injustifiées.

 

[10]           Quant à l’intérêt supérieur des enfants, l’agent dit en avoir tenu compte. Il conclut, néanmoins, que la séparation de la demanderesse de ses petits-enfants ne portera pas atteinte à leur intérêt supérieur. À cet égard, l’agent souligne le manque de preuve appuyant les prétentions de la demanderesse. L’agent accorde également peu de poids à ce facteur parce qu’il est d’avis que les parents des enfants les aideront à surmonter les difficultés liées au départ de leur grand-mère.

 

[11]           L’agent estime que la demanderesse, ayant passé la majeure partie de sa vie en Colombie, n’éprouvera pas de difficultés inhabituelles à présenter une demande de résidence permanente de son pays d’origine.

 

[12]           L’agent se base également sur la demande d’ÉRAR pour conclure que les risques allégués ont déjà fait l’objet d’une évaluation.

 

IV. Point en litige

[13]           La décision de l’agent de refuser la demande de dispense, pour considérations humanitaires, de l'obligation de présenter de l'extérieur du Canada la demande de résidence permanente de la demanderesse est-elle raisonnable?

 

V. Dispositions législatives pertinentes

[14]           Les dispositions suivantes de la LIPR s’appliquent au présent cas :

Séjour pour motif d’ordre humanitaire à la demande de l’étranger

 

25.      (1) Le ministre doit, sur demande d’un étranger se trouvant au Canada qui est interdit de territoire ou qui ne se conforme pas à la présente loi, et peut, sur demande d’un étranger se trouvant hors du Canada, étudier le cas de cet étranger; il peut lui octroyer le statut de résident permanent ou lever tout ou partie des critères et obligations applicables, s’il estime que des considérations d’ordre humanitaire relatives à l’étranger le justifient, compte tenu de l’intérêt supérieur de l’enfant directement touché.

Humanitarian and compassionate considerations — request of foreign national

 

25.      (1) The Minister must, on request of a foreign national in Canada who is inadmissible or who does not meet the requirements of this Act, and may, on request of a foreign national outside Canada, examine the circumstances concerning the foreign national and may grant the foreign national permanent resident status or an exemption from any applicable criteria or obligations of this Act if the Minister is of the opinion that it is justified by humanitarian and compassionate considerations relating to the foreign national, taking into account the best interests of a child directly affected.

 

VI. Position des parties

[15]           La partie demanderesse prétend que l’agent n’a pas accordé suffisamment d’attention aux preuves présentées selon lesquelles elle assume un rôle important auprès de sa fille unique, son beau-fils et ses trois petits-enfants.

 

[16]           Le défendeur soutient que la décision est raisonnable. L’importance des liens familiaux a été considérée par l’agent et soupesée parmi d’autres critères.

 

VII. Analyse

[17]           Le pouvoir discrétionnaire que confère l’article 25 de la LIPR exige une certaine retenue de la part de cette Cour (Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 RCS 190; Suresh c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2002 CSC 1, [2002] 1 RCS 3).

 

[18]           À cet égard, la Cour d’appel fédérale explique que « [c]e n'est pas le rôle des tribunaux de procéder à un nouvel examen du poids accordé aux différents facteurs par les agents » (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) c Legault, 2002 CAF 125, [2002] 4 CF 358 au para 11).

 

[19]           La Cour ne peut se ranger à l’argument principal de la demanderesse selon lequel les liens familiaux n’ont pas été suffisamment considérés. D’une part, cette Cour a reconnu que la séparation de la famille ne suffit pas, à elle seule, à fonder une décision favorable (Williams c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2006 CF 1474).

 

[20]           D’autre part, la lecture de la décision de l’agent est éloquente du fait que la relation qu’entretient la demanderesse avec sa famille a été pleinement considérée. L’agent a, cependant, comme il lui était loisible de le faire, déterminé que les circonstances familiales n’étaient pas suffisantes eu égard à l’établissement et à l’intégration de la demanderesse.

 

[21]           L’agent a, de la même façon, analysé les éventuelles difficultés qu’occasionnerait le départ de la demanderesse. Le dossier révèle que celle-ci est une femme de 53 ans, ayant un niveau universitaire, et ayant passé la majeure partie de sa vie en Colombie. De plus, les parents, le frère et la sœur de la demanderesse vivent encore en Colombie.

 

[22]           De surcroît, il est bien établi que l’intérêt supérieur de l’enfant doit être considéré. Cependant, selon les circonstances, celui-ci ne peut être déterminant (Hawthorne c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2002 CAF 475, [2003] 2 CF 555).

 

[23]           En l’espèce, il appert de la décision que l’agent n’a pas omis d’analyser le critère de l’intérêt supérieur de l’enfant :

Je ne remets pas en doute l’attachement des enfants pour leur grand-mère, ou l’amour que celle-ci leur porte. Seulement, il n’y a pas d’éléments de preuve permettant de démontrer en quoi le bien-être émotionnel, social, culturel et physique de ces enfants pourrait être affecté par un possible départ de la demanderesse. Je prends également en considération leur jeune âge, et surtout le fait qu’ils ne sont pas dépendants de la demanderesse mais plutôt de leurs propres parents qui eux, peuvent demeurer au Canada. Un éventuel départ de ce membre important de la famille va très possiblement créer un vide et de la tristesse dans la vie de ces enfants, mais je suis d’avis que leurs parents seront présents pour eux afin de les aider à surmonter ces difficultés. Il s’ensuit que je ne suis pas satisfaite que l’intérêt supérieur de ces enfants serait compromis par un éventuel départ de leur grand-mère, et pour ces raisons, j’accorde peu de poids à ce facteur. [La Cour souligne].

 

            (Décision de l’agent d’immigration à la p 4).

 

 

[24]           Il convient de rappeler que l’article 25 de la LIPR prévoit un pouvoir discrétionnaire d’exception à la règle voulant que les demandes de résidence permanentes soient présentées à l’extérieur du Canada. Il n’a pas été démontré que l’agent a erré de quelque manière que ce soit dans l’exercice de ce pouvoir discrétionnaire comportant l’évaluation de l’ensemble de la preuve (Ahmed c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2009 CF 1303, 372 FTR 1).

 

[25]           Dans le présent cas, comme indiqué par l’agent, la fille de la demanderesse a entamé le processus visant à parrainer sa mère.

 

[26]           La relation grands-parents et enfant ne se résume pas au simple statut généalogique. Elle enrichit la famille. Pont entre les générations, elle acquiert une valeur inestimable, sur le plan socio-affectif, tant pour l’enfant que pour ses grands-parents. Bien que la Cour soit sensible à la difficulté familiale qu’engendrera le départ de la demanderesse, elle ne peut, seulement, par le présent recours, substituer son raisonnement à celui de l’agent.

 

VIII. Conclusion

[27]           Pour toutes les raisons énoncées précédemment, l’intervention de cette Cour n’est pas requise. La demande de contrôle judiciaire de la demanderesse est donc rejetée.

 


 

JUGEMENT

 

LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire de la demanderesse soit rejetée. Aucune question d’importance générale à certifier.

 

 

 

 

« Michel M.J. Shore »

Juge


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-8859-11

 

INTITULÉ :                                       ANA CECILIA PINTO OLIVEROS c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               le 20 juin 2012

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LE JUGE SHORE

 

DATE DES MOTIFS :                      le 21 juin 2012

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Cristina Marinelli

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Mario Blanchard

POUR LA DÉFENDERESSE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Cristina Marinelli

Avocate

Montréal (Québec)

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

 

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)

POUR LA DÉFENDERESSE

 

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