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Date : 20120419


Dossier : IMM-4663-11

Référence : 2012 CF 455

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Toronto (Ontario), le 19 avril 2012

En présence de madame la juge Heneghan

 

 

ENTRE :

 

NANTHINY SIVAKUMAR

 

 

 

demanderesse

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE

ET DE LA PROTECTION CIVILE

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

I.  Introduction

[1]               Madame Nanthiny Sivakumar (la demanderesse) sollicite le contrôle judiciaire de la décision prononcée le 28 juin 2011 par la Section d’appel de l’immigration (la SAI) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié. Dans cette décision, la SAI a rejeté l’appel qu’elle avait interjeté à l’encontre de la mesure de renvoi prise le 4 février 2009 par un commissaire de la Section de l’immigration (la SI). La SI était d’avis que la demanderesse était interdite de territoire en vertu de l’alinéa 40(1)a) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001 ch. 27 (la Loi), et ce en raison d’une fausse déclaration.

 

II.  Contexte

[2]               La demanderesse est une citoyenne du Sri Lanka. Elle a épousé Kandiah Sivakumar, à Singapour, à l’occasion d’une cérémonie célébrée selon les traditions hindoues, le 21 octobre 2003. Leur mariage a été enregistré auprès des autorités civiles le 14 novembre 2003.

 

[3]               Le 21 avril 2004, son mari a présenté une demande de parrainage et d’engagement à titre de répondant. La demande a été approuvée par un agent des visas et la demanderesse est devenue résidente permanente dès son arrivée à Montréal (Québec), le 31 décembre 2004.

 

[4]               La demanderesse affirme qu’elle a emménagé avec son mari à Montréal, mais que ce dernier voulait qu’elle se livre à des pratiques sexuelles qui ne lui semblaient pas naturelles. Elle l’a quitté le 21 janvier 2005 pour se rendre à Toronto où elle avait de la famille.

 

[5]               Dans une lettre datée du 9 juillet 2005, le mari a dénoncé à Citoyenneté et Immigration Canada le fait que la demanderesse ne vivait pas avec lui et qu’elle n’avait pas eu l’intention de vivre avec lui. Il a également parlé de l’engagement qu’il avait toujours en tant que son répondant : [Traduction] « J’ai signé une entente valable pour trois ans au Canada. Je ne veux qu’elle soit à ma charge. Je ne suis pas responsable de ses actes ni de sa démarche en vue d’obtenir l’asile au Canada ni tenu de lui offrir un soutien financier […] ».

 

[6]               Par suite de la réception de la lettre du mari, le 20 décembre 2007, un agent d’audience de l’Agence des services frontaliers du Canada a écrit à la demanderesse pour la convoquer à une enquête en vertu du paragraphe 44(2) de la Loi.

 

[7]               La SI a tenu une enquête le 4 février 2009. La preuve consistait en le témoignage de vive voix de la demanderesse, la lettre de son mari, une copie d’une demande conjointe de divorce présentée devant la Cour supérieure de justice de l’Ontario le 21 février 2006 et une copie d’un jugement de divorce, daté du 4 juillet 2006, confirmant la dissolution du mariage de la demanderesse et de son mari. La SI a conclu que la demanderesse était interdite de territoire en raison d’une fausse déclaration concernant l’authenticité de son mariage, conformément à l’alinéa 40(1)a) de la Loi, et une mesure d’exclusion a été prise contre la demanderesse à la fin de l’enquête.

 

[8]               La demanderesse a interjeté appel devant la SAI et une audience a été tenue le 18 février 2011. La preuve consistait en la transcription de l’enquête tenue devant la SI, la décision de la SI, certains éléments de preuve documentaire portant sur la situation qui règne au Sri Lanka, particulièrement concernant la situation de la femme et les normes culturelles concernant la dénonciation de la violence familiale, ainsi que le témoignage de vive voix de la demanderesse.

 

[9]               La demanderesse a témoigné au sujet des circonstances de son mariage, des circonstances qui l’ont poussée à quitter son mari en janvier 2005 et des circonstances entourant la signature de la demande de divorce. Elle a témoigné au sujet des nombreuses erreurs factuelles contenues dans la requête, dont le fait qu’elle ne pouvait avoir signé la demande à la date indiquée puisqu’elle se trouvait au Royaume‑Uni ce jour-là, comme en font foi les timbres apposés dans son passeport; le fait que son mari avait pris des arrangements avec l’avocat et qu’elle ne connaissait pas le nom de ce dernier; le fait que l’adresse inscrite dans la demande de divorce n’était pas la sienne puisqu’elle n’avait jamais habité à Scarborough (Ontario); le fait que l’adresse inscrite pour son mari n’était pas la bonne puisqu’il ne résidait pas en Ontario; le fait que, au moment où elle a signé la demande, elle y a apposé sa signature en blanc-seing et les déclarations sur lesquelles la SI et ensuite la SAI se sont appuyées n’y figuraient pas.

 

[10]           La plupart des arguments présentés devant la SAI portaient sur la question de savoir si la demanderesse avait été représentée par un avocat relativement à la signature et la rédaction de la demande conjointe de divorce.

 

III.  Analyse et décision

[11]           La SAI a conclu que la demanderesse est interdite de territoire parce qu’elle a fait une fausse déclaration, suivant l’alinéa 40(1)a) de la Loi. La disposition est la suivante :

 

  40. (1) Emportent interdiction de territoire pour fausses déclarations les faits suivants :

a)      directement ou indirectement, faire une présentation erronée sur un fait important quant à un objet pertinent, ou une réticence sur ce fait, ce qui entraîne ou risque d’entraîner une erreur dans l’application de la présente loi;

  40. (1) A permanent resident or a foreign national is inadmissible for misrepresentation

(a)   for directly or indirectly misrepresenting or withholding material facts relating to a relevant matter that induces or could induce an error in the administration of this Act;

 

[12]           La question soulevée dans le cadre de la présente demande de contrôle judiciaire est une question mixte de fait et de droit et, par conséquent, elle est susceptible de contrôle selon la norme de la décision raisonnable (voir Dunsmuir c. Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190, au paragraphe 47; Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Khosa, 2009 CSC 12, [2009] 1 R.C.S. 339, au paragraphe 59).

 

[13]           Conformément à l’arrêt Khosa, ci-dessus, la cour de révision doit examiner la décision contestée en se fondant sur les principes de justification, de transparence et d’intelligibilité; elle ne peut y substituer l’issue qui serait à son avis préférable.

 

[14]           À mon avis, compte tenu du dossier et de la norme de contrôle applicable, la décision de la SAI ne satisfait pas à la norme du caractère raisonnable. La décision semble fondée sur une hypothèse formulée par le décideur. À ce sujet, je cite les propos de la SAI aux paragraphes 30, 32 et 33 :

 

[30]     […] [La requête conjointe en divorce] ne contient pas d’attestation remplie par l’avocat. Cependant, il y a un certificat de divorce de la Cour supérieure de justice de l’Ontario daté du 29 septembre 2006, sur lequel il y a une attestation écrite à la main et datée du même jour par Regina Tyronne, assurant qu’il s’agit d’une copie conforme du certificat original de la Cour. […]

 

[32]     […] En outre, aucune raison n’a été donnée pour expliquer le fait que quelqu’un apposerait un faux timbre fournissant autant de détails personnels sur un certificat de la Cour qui prouve l’achèvement de l’affaire liée au divorce, à moins que la personne dont le nom figure dans la mention du timbre ne soit celle qu’elle prétend être. […]

 

[33]     Malgré le fait qu’elle a présenté des observations écrites bien avant la tenue de la présente audience, remettant en question le fait de savoir si elle avait réellement signé la requête devant une avocate ou si elle pensait simplement que la personne qu’elle avait vue à la suite des arrangements pris par son répondant était une avocate, l’appelante n’était pas en mesure d’énoncer le nom de l’avocat parlant le tamoul qui l’avait aidée au moment de signer sa requête conjointe en divorce. […]

 

 

[15]           Le mariage de la demanderesse suivi de son divorce est un fait qui n’est pas contesté en l’espèce. Je ne vois pas comment le rôle d’un avocat dans la rédaction et le dépôt d’une demande conjointe de divorce, ou autrement, peut soulever des questions concernant l’authenticité du mariage de la demanderesse. À mon avis, la SAI a tiré une conclusion déraisonnable et a ainsi commis une erreur susceptible de contrôle.

 

[16]           En conséquence, la demande de contrôle judiciaire sera accueillie et l’affaire sera renvoyée à un tribunal différemment constitué de la SAI afin qu’il soit à nouveau statué sur celle‑ci.

 

[17]           Aucune question n’a été proposée aux fins de certification.

 


JUGEMENT

 

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire de la décision de la Section d’appel de l’immigration (la SAI) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié est accueillie. L’affaire est, par les présentes, renvoyée à un tribunal différemment constitué de la SAI afin qu’il soit à nouveau statué sur celle‑ci.

 

                                                                                                                 « E. Heneghan »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

Linda Brisebois, LL.B.


 

 

COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-4663-11

 

INTITULÉ :                                      NANTHINY SIVAKUMAR c. LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :              Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :             Le 4 avril 2012

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                            LE JUGE HENEGHAN

 

DATE DES MOTIFS :                     Le 19 avril 2012

 

 

COMPARUTIONS :

 

Michael Crane

 

POUR LA DEMANDERESSE

David Joseph

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Michael Crane

Avocat                                                                                                                 

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

Myles J. Kirvan

Sous‑procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

 

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