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Date : 20120614

Dossier : IMM‑5811‑11

Référence : 2012 CF 751

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 14 juin 2012

En présence de monsieur le juge Boivin

 

 

ENTRE :

 

SHRI CHANDRA

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire, présentée en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (la Loi), de la décision par laquelle la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la Commission) a, le 18 juillet 2011, refusé la demande du demandeur visant à ce que lui soit reconnue la qualité de réfugié au sens de la Convention ou de personne à protéger au titre des articles 96 et 97 de la Loi.

 

[2]               Le demandeur demande à la Cour d’annuler la décision et de renvoyer l’affaire à un tribunal différemment constitué pour qu’il rende une nouvelle décision.

 

Contexte factuel

[3]               M. Shri Chandra (le demandeur) est citoyen de l’Inde. Le demandeur indique qu’il craint de retourner en Inde, car l’organisme Bochasanwasi Shri Akshar Purushottam Swaminarayan Sanstha (BAPS) peut lui causer du mal ou le tuer.

 

[4]               Le demandeur prétend qu’il a été leurré avec d’autres pour travailler gratuitement pour le BAPS en Inde en se faisant promettre une possibilité d’emploi au Canada.

 

[5]               Le demandeur allègue que le temple du BAPS a pris des dispositions pour lui fournir un visa de travail et lui a conseillé de mentir aux autorités canadiennes de l’Immigration. Le demandeur a faussement affirmé aux autorités de l’Immigration qu’il allait travailler dans un temple à Toronto à titre de travailleur appartenant à un ordre religieux, ou mukhia.

 

[6]               Le 18 janvier 2008, le demandeur est arrivé à Toronto au Canada, muni d’un visa de travail valide pour une période de quatre ans.

 

[7]               Le demandeur soutient qu’après être arrivé au Canada, il a appris qu’il travaillerait non pas au temple mais plutôt à l’usine de transformation des aliments Sayona affiliée au temple du BAPS; il a été contraint de remettre son passeport et il n’était pas autorisé à quitter l’usine. En outre, les conditions de travail et de vie étaient abusives : il travaillait de longues heures, le travail était difficile et son maigre salaire lui était versé en monnaie indienne.

 

[8]               Le demandeur explique qu’en février 2009, lui et un autre travailleur, Surendra Prasad, ont décidé de quitter l’usine et de trouver refuge dans un gurdwara (temple sikh), situé à environ quatre ou cinq kilomètres de l’usine. Les deux se sont ensuite rendus à un autre temple gurdwara situé à Montréal.

 

[9]               Une fois rendu à Montréal, le demandeur a déposé une demande d’asile. Le demandeur a reçu l’aide de M. Daljit Singh, un technicien juridique et traducteur. Le demandeur affirme que M. Singh a rempli le formulaire IMM 5611 en son nom (dossier certifié du tribunal, aux pages 122 à 129), et qu’on lui avait conseillé de mentir aux autorités de l’Immigration durant son entrevue du 4 mai 2009 visant à déterminer son admissibilité. Le demandeur explique que plusieurs modifications ont été apportées à son formulaire IMM 5611 durant l’entrevue et que la version finale lui a été traduite par M. Haider Nami. Le demandeur affirme qu’il a signé la déclaration sans savoir que M. Nami ne lui avait pas traduit l’intégralité du document. Le demandeur indique que M. Singh a également rempli son formulaire de renseignements personnels (FRP) en son nom, puis le demandeur a signé le formulaire sans en connaître le contenu.

 

[10]           Le demandeur explique qu’une fois qu’il a pris connaissance de la portée des fausses déclarations qui figuraient dans ses documents, il a rapidement changé d’avocat, a supprimé les faussetés contenues dans lesdits documents et a raconté, dans un nouveau FRP, les véritables motifs qui l’ont amené à faire une demande d’asile.

 

[11]           De plus, le demandeur indique que son épouse et ses enfants qui habitent en Inde ont été interrogés par des employés du BAPS. Pour éviter d’être harcelés de nouveau, son épouse et ses enfants ont déménagé dans un autre village en 2010.

 

[12]           Le 11 février 2011, le demandeur et deux de ses collègues, Surendra Prasad et Ramdev Saini, ont déposé une demande introductive d’instance à la Cour supérieure de l’Ontario contre le BAPS et Sayona, dans laquelle ils réclamaient du salaire impayé, ainsi que des dommages‑intérêts pour choc, dépression, crainte et angoisse.

 

[13]           La demande d’asile du demandeur a été entendue par la Commission le 9 mai 2011.

 

Décision faisant l’objet du présent contrôle

[14]           La Commission a conclu que le demandeur n’avait pas qualité de réfugié au sens de la Convention ni de personne à protéger, car elle avait des doutes quant à la crédibilité du demandeur et a jugé qu’il existait une possibilité de refuge intérieur (PRI).

 

Questions en litige

[15]           La Cour conclut que les questions en litige dans la présente cause sont les suivantes :

La Commission a‑t‑elle commis une erreur dans son évaluation :

1)      de la crédibilité du demandeur?

2)      de l’existence d’une PRI à Bombay ou à Calcutta?

 

Dispositions législatives

[16]           Les dispositions suivantes de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés sont applicables dans le cadre de la présente instance :

Notions d’asile, de réfugié et de personne à protéger

 

 

 

Définition de « réfugié »

A qualité de réfugié au sens de la Convention – le réfugié – la personne qui, craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques :

a) soit se trouve hors de tout pays dont elle a la nationalité et ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de chacun de ces pays;

b) soit, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle, ne peut ni, du fait de cette crainte, ne veut y retourner.

Refugee Protection, Convention Refugees and Persons in Need of Protection

 

Convention refugee

A Convention refugee is a person who, by reason of a well‑founded fear of persecution for reasons of race, religion, nationality, membership in a particular social group or political opinion,

 

 

(a) is outside each of their countries of nationality and is unable or, by reason of that fear, unwilling to avail themself of the protection of each of those countries; or

(b) not having a country of nationality, is outside the country of their former habitual residence and is unable or, by reason of that fear, unwilling to return to that country.

 

Personne à protéger

 

(1) A qualité de personne à protéger la personne qui se trouve au Canada et serait personnellement, par son renvoi vers tout pays dont elle a la nationalité ou, si elle n’a pas de nationalité, dans lequel elle avait sa résidence habituelle, exposée :

a) soit au risque, s’il y a des motifs sérieux de le croire, d’être soumise à la torture au sens de l’article premier de la Convention contre la torture;

b) soit à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités dans le cas suivant :

(i) elle ne peut ou, de ce fait, ne veut se réclamer de la protection de ce pays,

 

(ii) elle y est exposée en tout lieu de ce pays alors que d’autres personnes originaires de ce pays ou qui s’y trouvent ne le sont généralement pas,

(iii) la menace ou le risque ne résulte pas de sanctions légitimes – sauf celles infligées au mépris des normes internationales – et inhérents à celles‑ci ou occasionnés par elles,

(iv) la menace ou le risque ne résulte pas de l’incapacité du pays de fournir des soins médicaux ou de santé adéquats

 

Personne à protéger

 

(2) A également qualité de personne à protéger la personne qui se trouve au Canada et fait partie d’une catégorie de personnes auxquelles est reconnu par règlement le besoin de protection.

Person in need of protection

 

(1) A person in need of protection is a person in Canada whose removal to their country or countries of nationality or, if they do not have a country of nationality, their country of former habitual residence, would subject them personally

(a) to a danger, believed on substantial grounds to exist, of torture within the meaning of Article 1 of the Convention Against Torture; or

(b) to a risk to their life or to a risk of cruel and unusual treatment or punishment if

 

(i) the person is unable or, because of that risk, unwilling to avail themself of the protection of that country,

(ii) the risk would be faced by the person in every part of that country and is not faced generally by other individuals in or from that country,

(iii) the risk is not inherent or incidental to lawful sanctions, unless imposed in disregard of accepted international standards, and

 

 

(iv) the risk is not caused by the inability of that country to provide adequate health or medical care.

 

 

Person in need of protection

 

(2) A person in Canada who is a member of a class of persons prescribed by the regulations as being in need of protection is also a person in need of protection.

 

 

Norme de contrôle

[17]           En ce qui concerne les conclusions de la Commission relatives à la crédibilité, il est bien établi en droit qu’elles reposent sur les faits et qu’elles sont donc assujetties à la norme de la raisonnabilité (Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, au paragraphe 53, [2008] 1 RCS 190 [Dunsmuir]; Aguebor c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (CAF) [1993] ACF no 732, 160 NR 315; Owochei c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 140, au paragraphe 20, [2012] ACF n165). En outre, ces conclusions appellent un degré élevé de déférence. De plus, la norme du caractère raisonnable s’applique également à la conclusion relative à l’existence d’une PRI (De Toro c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 245, au paragraphe 17, [2012] ACF no 272).

 

[18]           Ainsi, le caractère raisonnable tient « à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel », ainsi qu’à « l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » (Dunsmuir, précité, au paragraphe 47).

 

Analyse

[19]           La Cour conclut que la présente demande de contrôle judiciaire doit être rejetée pour les motifs exposés ci‑dessous.

 

Crédibilité

[20]           Bien que la Commission ait conclu que les allégations du demandeur selon lesquelles il était surchargé de travail et sous‑payé et que ses conditions de vie étaient inférieures aux normes étaient crédibles, elle n’a pas estimé que le demandeur était un témoin crédible quant à sa crainte éventuelle et aux motifs qu’il a invoqués pour faire une demande d’asile au Canada. La Commission a fait état des points suivants :

·         Le requérant s’est lui‑même représenté faussement comme un mukhia à l’agent des visas, même s’il savait qu’il ne pouvait pas travailler à ce titre au Canada. La Commission a noté que ce premier mensonge aux autorités de l’Immigration nuisait à la crédibilité du demandeur;

 

·         La Commission a conclu que le comportement du demandeur laissait entendre qu’il avait prévu venir au Canada quelles que soient les conditions de son emploi;

 

·         Le Conseil a tiré une conclusion défavorable du fait que le demandeur a menti quand il a déclaré qu’il avait été illégalement détenu et lié à des activistes en Inde dans son formulaire de l’Immigration IMM 5611 signé le 4 mars 2009, et dans son FRP initial signé le 1er avril 2009;

 

·         Bien que le demandeur ait présenté un nouveau FRP le 17 janvier 2011 dans lequel il a corrigé son récit afin de refléter sa véritable histoire, la Commission a conclu que l’explication du demandeur au sujet de la fausse demande d’asile n’était pas satisfaisante. Plus précisément, la Commission a conclu que cette explication n’a pas su clarifier les raisons pour lesquelles le demandeur avait été prêt à mentir à l’agent d’immigration le 4 mars 2009;

 

·         Bien que le demandeur ait fait valoir que la Commission devrait examiner les demandes d’asile des quatre autres travailleurs, la Commission a indiqué qu’il est bien établi en droit qu’un tribunal n’est pas tenu d’accorder le statut à un demandeur simplement parce que ce statut a été accordé à une autre personne qui a fondé sa demande sur les mêmes faits (même si les demandeurs sont liés).

 

[21]           Il était donc raisonnable, compte tenu des circonstances, que la Commission juge que le demandeur n’était pas crédible et que son récit n’était pas plausible. Comme l’a mentionné la Commission, le demandeur a menti aux autorités de l’Immigration en mars 2009 lorsqu’il a déposé sa demande d’asile et il a menti de nouveau en avril 2009 lorsqu’il a signé son FRP. Le demandeur n’a pas nié ces faits. La Cour a de plus remarqué que le demandeur a attendu deux années, que l’on peut considérer comme un long délai, avant de se raviser et de modifier son FRP afin de raconter la véritable histoire. La Cour rappelle que ces faits ont été présentés à la Commission. 

 

[22]           Cependant, le demandeur fait valoir que le commissaire a fait défaut d’examiner l’aspect central de sa demande, soit la traite des personnes, malgré le fait que le demandeur avait prétendu qu’il était une victime de la traite de personnes et qu’il avait dénoncé les mauvais traitements et l’exploitation subis aux mains de son agent de persécution : le BAPS. Le demandeur a soutenu énergiquement : (i) qu’il a fait cette allégation; (ii) que celle‑ci était au cœur de sa demande; (iii) qu’elle a été mise de côté par la Commission puisque les motifs fournis par celle‑ci ne contenaient ni examen ni analyse de cette question.

 

[23]           Bien que le demandeur ait raison de prétendre que les renseignements ont été communiqués à la Commission (dossier certifié du tribunal, aux pages 371, 375 et 376) et bien que la Cour soit d’avis qu’il aurait été peut‑être préférable pour la Commission d’aborder cette question directement, l’ensemble de la preuve appuie la conclusion de la Commission et le défaut par la Commission de mentionner l’allégation de traite de personnes n’est pas fatal pour les motifs suivants

 

[24]           Il ressort clairement de la déclaration déposée devant la Cour supérieure de l’Ontario le 1er février 2011 que la demande ne renvoie pas à la traite de personnes. En effet, la demande introductive d’instance ne soutient pas cette allégation, puisque les demandeurs réclament du salaire impayé, ainsi que des dommages‑intérêts pour choc, dépression, crainte et angoisse (dossier certifié du tribunal, à la page 224). À l’audience devant la Cour, le demandeur n’a pas réussi par ses arguments à convaincre la Cour que le paragraphe 39 est un renvoi « implicite » à la traite de personnes en ce sens qu’il [traduction] « dénonce la traite des personnes » (dossier certifié du tribunal, à la page 223). La demande introductive d’instance contient des allégations relatives à du salaire impayé et aucun élément de preuve n’a été fourni pour étayer les allégations de traite de personnes faites par le demandeur. 

 

[25]           Sur ce point, une lecture du témoignage de M. Chandra et du témoignage de M. Patel n’étaye pas les arguments du demandeur et la Commission était en droit de ne pas tenir compte des conclusions tirées par le demandeur sur cette question, car elles étaient de nature spéculative (dossier certifié du tribunal, aux pages 457 à 459) (Prasad c Canada (Secrétaire d’État), [1994] ACF no 1499).

 

[26]           La Cour est également d’avis que la preuve documentaire ne permet pas de conclure à l’existence d’une traite de personnes comme l’allègue le demandeur. Par exemple, les documents P‑12 et P‑13 (dossier certifié du tribunal, aux pages 331 et 333) indiquent que le BAPS est une organisation non gouvernementale (ONG) importante et influente et figure parmi les principaux bénéficiaires de dons. Cependant, la preuve documentaire ne fait aucunement état de la traite de personnes et les allégations du demandeur sont hypothétiques en ce qu’elles ne sont étayées par aucune preuve documentaire (Sellan c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CAF 381, [2008] ACF n1685).

 

[27]           Compte tenu de ce qui précède, la Commission était en droit d’adopter une approche fondée sur le bon sens et de tenir compte des divergences et omissions évidentes (Shahamati c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (CAF), [1994] ACF n415; Sheikh c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (CA), [1990] 3 CF 238, [1990] ACF n604 [Sheikh]; Gill c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 34, [2005] ACF no 58; Gudino c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 457, [2009] ACF n560; Aguebor, précité).

 

[28]           De plus, dans le récent arrêt Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c Terre‑Neuve‑et‑Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62, au paragraphe 16, [2011] 3 RCS 708, la Cour suprême du Canada a énoncé le principe directeur suivant dans le contexte d’un contrôle judiciaire, lequel principe s’applique à l’espèce :

 

[16] Il se peut que les motifs ne fassent pas référence à tous les arguments, dispositions législatives, précédents ou autres détails que le juge siégeant en révision aurait voulu y lire, mais cela ne met pas en doute leur validité ni celle du résultat au terme de l’analyse du caractère raisonnable de la décision. Le décideur n’est pas tenu de tirer une conclusion explicite sur chaque élément constitutif du raisonnement, si subordonné soit‑il, qui a mené à sa conclusion finale (Union internationale des employés des services, local no 333 c. Nipawin District Staff Nurses Assn., [1975] 1 R.C.S. 382, p. 391). En d’autres termes, les motifs répondent aux critères établis dans Dunsmuir s’ils permettent à la cour de révision de comprendre le fondement de la décision du tribunal et de déterminer si la conclusion fait partie des issues possibles acceptables.

 

[29]           Dans la présente affaire, les motifs de la Commission, lus dans leur contexte et de façon globale, expliquent de manière adéquate les fondements de la décision et la Cour est d’avis que, d’après la preuve dont elle dispose, les conclusions de la Commission sont raisonnables.

 

Possibilité de refuge intérieur (PRI)

[30]           La conclusion de la Commission sur une PRI est également raisonnable.

 

[31]           Comme la Cour l’a mentionné ci‑dessus, bien que le BAPS soit une importante organisation, il n’y a aucun élément de preuve convaincant selon lequel le demandeur [traduction] « est sur le point de dénoncer une opération lucrative et illégale qui a impliqué de nombreux hauts fonctionnaires » (mémoire du demandeur, au paragraphe 89) et que le BAPS a les raisons et la capacité nécessaires pour localiser le demandeur à son arrivée en Inde.

 

[32]           Par exemple, la Cour est d’accord avec le défendeur que deux appels téléphoniques faits auprès de l’épouse du demandeur en Inde n’équivalent pas à du harcèlement de la part du BAPS. 

 

[33]           En outre, compte tenu des éléments de preuve, la Cour partage l’opinion exprimée par le défendeur que les conclusions de la Commission, au paragraphe 24 de sa décision, sont raisonnables :

Si le BAPS avait réellement désiré mettre son important réseau à profit en vue de retrouver le demandeur d’asile, il aurait probablement trouvé ce dernier tandis qu’il était quatre ou cinq kilomètres plus loin au gurdwara à Toronto, ou encore à Montréal. Deux années et trois mois se sont maintenant écoulés depuis que le demandeur d’asile a quitté le temple du BAPS à Toronto; en outre, le BAPS a eu amplement le temps de retrouver l’épouse du demandeur d’asile, qui vit à une courte distance de son ancien village. Le BAPS n’a fait aucun mal à son épouse ni à ses enfants; selon ce qu’en sait le demandeur d’asile, l’organisation a fait un total de deux appels téléphoniques en deux ans et trois mois. Le tribunal estime que le BAPS ne désire pas retrouver le demandeur d’asile et qu’il n’est pas motivé à le faire. En outre, le tribunal estime que le demandeur d’asile pourrait vivre en toute sécurité à Mumbai ou à Calcutta. Qui plus est, si le demandeur d’asile achetait un billet d’avion pour Mumbai ou Calcutta sans l’aide du BAPS, il est peu probable, compte tenu du très grand nombre de passagers du monde entier qui arrivent en Inde et qui quittent le pays chaque jour, que le BAPS désire suivre le demandeur d’asile à la trace jour et nuit, ou qu’il soit capable de le faire. Le tribunal estime que le demandeur d’asile pourrait déménager en toute sécurité à Mumbai ou à Calcutta.                                                     [Non souligné dans l’original.]

 

[34]           Enfin, à l’audience devant la Cour, le demandeur a renvoyé aux documents énumérés aux pages 386 à 389 du dossier certifié du tribunal et a fait valoir que la Commission aurait dû mentionner ces documents. Cependant, bien que ces documents se rapportent à la corruption actuelle de la police indienne et de l’appareil étatique, rien ne permet de prouver qu’il existe un lien entre ladite corruption et le BAPS. L’argument voulant que le BAPS incite les représentants de l’État à agir en son nom demeure encore là hypothétique.

 

[35]           Le demandeur n’a pas réussi à établir, selon la prépondérance des probabilités, qu’il risque sérieusement d’être persécuté en Inde (Thirunavukkarasu c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1994] 1 CF 589, [1993] ACF no 1172). La Cour est également d’avis que les conclusions de la Commission sont raisonnables en ce sens qu’elles « [appartiennent] aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » (Dunsmuir, précité).

 

[36]           Pour tous ces motifs, malgré les arguments éloquents présentés par le demandeur, la demande de contrôle judiciaire sera rejetée.

 

[37]           Les parties n’ont proposé aucune question à certifier, et l’affaire n’en soulève aucune.


JUGEMENT

 

LA COUR ORDONNE :

1)                 La demande est rejetée.

 

2)                 Aucune question n’est certifiée.

 

 

 

 

« Richard Boivin »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Édith Malo, LL.B.

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                    IMM‑5811‑11

 

 

INTITULÉ :                                                  SHRI CHANDRA c
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                          Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                         Le 16 avril 2012

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                       LE JUGE BOIVIN

 

DATE DES MOTIFS :                                 Le 14 juin 2012

 

 

COMPARUTIONS :

 

Jared Will

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Lisa Maziade

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Cabinet de Jared Will

Montréal (Québec)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Myles J. Kirvan

Sous‑procureur général du Canada

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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