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Cour fédérale

 

Federal Court

 

 


Date : 20120523

Dossier : T-1046-11

Référence : 2012 CF 621

Ottawa (Ontario), le 23 mai 2012

En présence de monsieur le juge Near

 

 

ENTRE :

 

FIREHIWOT WOLDEMARIAM

 

 

et

 

 

demanderesse

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               La demanderesse, Firehiwot Woldemariam, fait appel de la décision d’un juge de la citoyenneté prise en vertu de l’alinéa 5(1)e) de la Loi sur la citoyenneté, LRC 1985, c. C‑29 (la Loi).

 

[2]               Pour les motifs énoncés ci‑après, l’appel est rejeté.

 

I.          Contexte

 

[3]               Depuis le 25 juillet 2006, la demanderesse est au Canada à titre de résidente permanente. Elle est mère sans conjoint de trois enfants.

 

[4]               Elle a comparu devant un juge de la citoyenneté dans le cadre d’une audience le 2 juin 2011. Elle a alors obtenu la note de 7 sur 20 seulement à l’examen des connaissances.

 

[5]               Dans une lettre datée du 3 juin 2011, le juge de la citoyenneté a estimé qu’elle ne répondait pas à la condition, énoncée à l’alinéa 5(1)e), d’une connaissance suffisante du Canada et des responsabilités et avantages conférés par la citoyenneté. Elle avait [Traduction] « une mauvaise connaissance de l’histoire sociale, de la structure politique et du système juridique du Canada ».

 

[6]               Le juge de la citoyenneté a également examiné la possibilité de recommander l’exercice du pouvoir discrétionnaire. Il a cependant conclu [Traduction] qu’« aucune preuve ne m’a été présentée à l’audience d’une situation particulière justifiant une telle recommandation en vertu du paragraphe 5(3) ou 5(4) ». Par conséquent, la demande a été rejetée.

II.        Question en litige

 

[7]               La demanderesse soulève la question suivante :

 

a)         Le juge de la citoyenneté a‑t‑il commis une erreur en ne recommandant pas l’exercice du pouvoir discrétionnaire en vertu du paragraphe 5(3) ou 5(4)?

 

III.       Norme de contrôle

 

[8]               Conformément à Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, [2009] 1 RCS 190, les décisions discrétionnaires des juges de la citoyenneté prises en vertu des paragraphes 5(3) ou 5(4) sont soumises à la norme de la décision raisonnable (voir, par exemple, Amoah c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 775, [2009] ACF no 947, au paragraphe 14).

 

[9]               Il peut être loisible à la Cour de renvoyer la question à un juge de la citoyenneté si elle n’est pas convaincue que les facteurs pertinents ont été pris en compte dans l’exercice du pouvoir discrétionnaire (voir Hassan c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CFP 1 755, [2002] ACF no 1049, aux paragraphes 14 et 15).

 

[10]           La Cour devrait tenir compte de « la justification de la décision, de la transparence et de l’intelligibilité du processus décisionnel », ainsi que de l’appartenance de la décision « aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » (Dunsmuir, précité, au paragraphe 47).

 

IV.       Analyse

 

[11]           Le juge de la citoyenneté peut recommander que le ministre exerce son pouvoir discrétionnaire d’exempter de la condition de la connaissance, pour des raisons d’ordre humanitaire (paragraphe 5(3)) ou dans une « situation particulière et inhabituelle de détresse » (paragraphe 5(4)).

 

[12]           La demanderesse soutient que le juge de la citoyenneté a commis une erreur en ne reconnaissant pas sa situation particulière qui justifierait l’exercice du pouvoir discrétionnaire. Elle doit s’occuper de ses trois enfants, dont l’aîné est atteint d’autisme. Pour cette raison, il a été difficile pour elle de se concentrer sur l’examen et de se préparer en vue de celui-ci. Elle fournit à la Cour une lettre d’un médecin pour étayer ses affirmations, tout en reconnaissant que le juge de la citoyenneté ne disposait pas de l’information.

 

[13]           Peu importe les circonstances dans lesquelles se trouvait la demanderesse quand elle a passé l’examen des connaissances, le problème fondamental est que celles‑ci n’avaient pas été portées à l’attention du juge de la citoyenneté au moment de l’audience. Le juge de la citoyenneté a conclu que rien dans les éléments de preuve présentés ne permettait qu’il recommande l’exemption de la condition relative à la connaissance et l’exercice du pouvoir discrétionnaire en faveur de la demanderesse. Cette approche était raisonnable dans les circonstances.

 

[14]           Dans Huynh c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CF 1431, [2003] ACF no 1838, au paragraphe 5, devant de nouveaux éléments de preuve sur les maladies dont avait souffert la demanderesse, le juge Sean Harrington a conclu : « [O]n ne peut guère reprocher au juge de la citoyenneté de ne pas avoir étudié la question à savoir s’il convenait de recommander au ministre d’attribuer la citoyenneté à Mme Huynh pour des raisons d’ordre humanitaire qui apparaissaient à la lecture de documents qu’il n’avait pas en sa possession. » [Souligné dans l’original.]

 

[15]           Dans le même ordre d’idées, le juge Frederick Gibson a conclu dans Maharatnam c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2000] ACF no 405, aux paragraphes 5 et 6, que le juge de la citoyenneté n’avait commis « aucune erreur en concluant qu’on ne lui avait présenté "aucun élément de preuve" en vue d’établir des "circonstances particulières" qui l’auraient justifié de recommander l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire » lorsque aucune preuve de nature médicale n’avait auparavant été produite.

 

[16]           Le juge Gibson a également confirmé qu’« il incombe à la personne qui sollicite la citoyenneté canadienne de convaincre le juge de la citoyenneté qu’elle remplit les exigences de la Loi ou que le juge de la citoyenneté est fondé à exercer le pouvoir discrétionnaire ». La demanderesse ne s’est pas acquittée de ce fardeau en présentant sa preuve au juge de la citoyenneté en l’espèce. Elle ne peut pas corriger ce manquement simplement en présentant de nouvelles informations à la Cour.

 

[17]           La jurisprudence sur laquelle la demanderesse s’est appuyée est d’une utilité limitée car elle porte sur des situations où le juge de la citoyenneté n’a pas tenu compte d’informations médicales et d’observations connexes présentées par le demandeur au moment de la décision initiale, ou peut avoir donné des motifs inadéquats pour rejeter celles‑ci (voir Re Yousefi (1995), 91 FTR 296, [1995] ACF no 326; Bhatti c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 25, [2010] ACF no 26).

 

V.        Conclusion

 

[18]           En l’absence d’éléments de preuve établissant une situation particulière, il était raisonnable que le juge de la citoyenneté ne recommande pas l’exercice du pouvoir discrétionnaire en vertu du paragraphe 5(3) ou 5(4) de la Loi en l’espèce. L’appel de la demanderesse est rejeté.


JUGEMENT

 

LA COUR STATUE que l’appel est rejeté.

 

 

« D. G. Near »

Juge

 

Traduction certifiée conforme

Line Niquet


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        T-1046-11

 

INTITULÉ :                                      FIREHIWOT WOLDEMARIAM c MCI

 

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :              TORONTO

 

DATE DE L’AUDIENCE :             LE 17 AVRIL 2012

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                            LE JUGE NEAR

 

DATE DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT :                     LE 23 MAI 2012

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Daniel H. Dagago

 

POUR LA DEMANDERESSE

Christopher Ezrin

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Daniel H. Dagago

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

Myles J. Kirvan

Sous‑procureur général du Canada

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

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