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Date : 20120424

Dossiers : T-1640-10

T-1641-10

 

Référence : 2012 CF 479

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

 

ENTRE :

 

MÖVENPICK HOLDING AG

 

 

 

demanderesse

 

 

et

 

 

 

 

EXXON MOBIL CORPORATION ET

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA (REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE)

 

 

 

 

 

défendeurs

 

 

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE SUR LA TAXATION DES DÉPENS

 

 

LE JUGE HARRINGTON

 

[1]               Dans des jugements rendus le 1er décembre 2011, j’ai rejeté, avec dépens, l’appel interjeté par Mövenpick Holding AG à l’encontre de la décision par laquelle le registraire des marques de commerce avait rejeté son opposition aux demandes d’enregistrement pour les marques de commerce « Marché Express » et « Marché Express & Dessin ». Au paragraphe 82 de la décision, publiée sous la référence 2011 CF 1397, j’ai ordonné que les dépens soient accordés à la défenderesse Exxon Mobil Corporation et j’ai ajouté comme suit : « Si les parties n’arrivent pas à s’entendre, elles en informeront le greffe de la Cour fédérale dans les 30 jours suivant les présentes. Dans un tel cas, un appel conférence sera organisé pour élaborer un protocole d’entente. »

 

[2]               L’avocat d’Exxon Mobil a dûment avisé la Cour que les parties n’arrivaient pas à s’entendre. Il s’en est suivi un échange de lettres avec la Cour, diverses directives et deux conférences. Plus particulièrement, la Cour a enjoint à l’avocat d’Exxon Mobil de préparer trois projets de mémoire de dépens. L’un devait servir à établir le nombre d’heures consacrées aux divers services prévus par le tarif B, sans préciser les honoraires facturés au client. Les deux autres projets devaient servir au calcul des unités du tarif B, l’une en tenant compte de la valeur du milieu de la fourchette de la colonne III et l’autre en tenant compte de valeur maximale de la fourchette de la colonne IV. Les débours devaient également être communiqués à Mövenpick avec les précisions demandées.

 

[3]               Cette façon de procéder a permis de circonscrire le débat. Exxon Mobil a abandonné sa position initiale suivant laquelle elle devrait avoir droit au double des frais prévus par le tarif sur la base d’une offre de règlement.

 

[4]               Les parties sont toujours en désaccord sur les questions suivantes. Exxon Mobil soutient que le nombre d’unités attribuées aux services à taxer devrait correspondre à la valeur maximale de la fourchette de la colonne IV du tarif B, tandis que Mövenpick affirme que les unités devraient être calculées selon la valeur du milieu de la fourchette de la colonne III, à savoir la colonne applicable par défaut. Outre cette question, la nécessité d’avoir un deuxième avocat représentant Exxon Mobil au contre‑interrogatoire de ses propres témoins demeure le seul point de désaccord concernant les services à taxer.

 

[5]               S’agissant des débours raisonnables, outre la contestation des débours engagés relativement à la présence de ce second avocat, Mövenpick soutient qu’il n’était pas raisonnable pour Exxon Mobil de faire entendre certains témoins et que, par conséquent, les honoraires et les débours y afférents ne devraient pas être accordés. Dans l’un des cas, il est avancé que seule la moitié des honoraires et des débours de l’expert devrait être taxée.

 

COLONNE III OU COLONNE IV

 

[6]               Il ne s’agit pas en l’espèce d’une affaire qui exige l’adjudication de dépens avocat‑client ou toute autre ordonnance spéciale quant aux dépens. Avant de tenir compte des déductions attribuables à la présence d’un deuxième avocat représentant Exxon Mobil au contre‑interrogatoire de ses propres témoins, les avocats inscrits au dossier pour Exxon Mobil avaient consacré 1 823,4 heures aux services à taxer. Si ces services étaient taxés selon la valeur du milieu de la fourchette de la colonne III, les honoraires totaliseraient 21 814 $, avant l’application de la taxe de vente harmonisée de 13 p. 100. S’ils étaient taxés à la valeur maximale de la fourchette de la colonne IV, les honoraires totaliseraient à 46 917 $. Autrement dit, le tarif horaire calculé selon la colonne III est de 11,96 $, mais il se chiffre à 25,73 $ si la valeur maximale de la colonne IV est appliquée. On peut dire sans risque de se tromper que les véritables honoraires des avocats sont de loin beaucoup plus élevés que ces montants.

 

[7]               La Cour traite des affaires tant commerciales que non commerciales. Sauf pour des raisons spéciales, les affaires en matière d’immigration ne donnent lieu à aucuns dépens taxables quels qu’ils soient (Règles des cours fédérales en matière d’immigration et de protection des réfugiés). Abstraction faite de cette exception, le même tarif s’applique à tous, peu importe les ressources financières de chacun.

 

[8]               Les articles 400 et suivants des Règles des Cours fédérales confèrent à la Cour un vaste pouvoir discrétionnaire. Les dépens suivent normalement l’issue de l’affaire et il n’est pas contesté que c’est ce qui devrait être fait en l’espèce.

 

[9]               Exxon Mobil soutient que les affaires en matière de propriété intellectuelle touchant des clients avisés justifient l’adjudication de dépens plus élevés. Ces affaires sont généralement plus complexes que les affaires normalement jugées par la Cour et sont souvent assujetties à une taxation selon la colonne IV ou la colonne V (Kamsut, Inc c Jaymei Enterprises Inc, 2009 CF 627, 347 FTR 1; NPS Pharmaceuticals, Inc c Biofarma, Société par Actions Simplifiée, 2009 CF 172, 341 FTR 195). Mövenpick répond en affirmant qu’il ne s’agissait pas d’une affaire de marque de commerce particulièrement compliquée. Je m’abstiendrai de faire des observations à ce sujet, mais je ferais simplement remarquer que l’avocat semblait s’enorgueillir démesurément de la rigueur intellectuelle qu’exigent les affaires en matière de propriété intellectuelle. Je suis d’accord avec Mövenpick pour dire que, compte tenu du contexte, il ne s’agissait pas d’une affaire excessivement compliquée. Le débat portait sur deux mots.

 

[10]           À mon avis, les dépens ne devraient pas être plus élevés parce que les parties sont des parties avisées et qu’elles ont choisi de consacrer énormément de temps et d’argent à débattre de points bien précis. Il leur était loisible de s’entendre entre elles pour faire en sorte que la partie obtenant gain de cause reçoive des dépens plus élevés. Elles ne l’ont pas fait. D’ailleurs, les parties sont souvent appelées à s’entendre sur les dépens dans le cadre des requêtes avant que la décision ne soit rendue. Par conséquent, j’ordonne que les dépens soient taxés suivant la valeur du milieu de la fourchette de la colonne III.

 

HONORAIRES DU DEUXIÈME AVOCAT

 

[11]           Les parties avaient chacune deux avocats présents à l’audience et durant presque toute la procédure préalable. Mövenpick soulève un seul point, à savoir qu’il n’était pas nécessaire d’avoir un deuxième avocat présent durant le contre‑interrogatoire des déposants d’Exxon Mobil. Elle invoque la décision de monsieur le juge Hughes dans Bristol-Myers Squibb Canada Co c Apotex Inc, 2009 CF 137, 74 CPR (4th) 85. Je suis d’accord et je refuse d’accorder les honoraires relatifs au deuxième avocat ainsi que les débours y afférents.


 

TÉMOINS INUTILES

 

[12]           À mon avis, les honoraires et les débours relatifs aux déposants d’Exxon Mobil devraient être accordés en entier. Un certain nombre d’enquêteurs ont produit des éléments de preuve sur l’emploi des mots « Marché Express », et d’autres appellations utilisées pour désigner des dépanneurs, qui n’avait pas été mise à la disposition du registraire des marques de commerce. Toutefois, ces éléments de preuve faisaient suite à la preuve additionnelle fournie par Mövenpick, en vertu de l’article 56 de la Loi sur les marques de commerce. Exxon Mobil pouvait difficilement se présenter devant la Cour en ayant une main attachée derrière le dos.

 

[13]           Au paragraphe 23 de mes motifs, où il est question de la nouvelle preuve présentée sur la question de la description claire, j’ai souligné que les deux parties avaient produit des affidavits préparés par des linguistes. À mon avis, ces affidavits n’ajoutaient pas grand‑chose au débat et les témoignages des linguistes n’étaient pas particulièrement utiles. Mais, là encore, Exxon Mobil répondait à la nouvelle preuve soumise par Mövenpick.

 

[14]           Au paragraphe 24, j’ai affirmé que j’estimais que le témoignage du spécialiste de marketing d’Exxon Mobil n’était pas utile. Toutefois, Mövenpick s’est appuyée sur ce témoignage, mais sans succès. Le spécialiste de marketing, M. D’Astous, avait produit un affidavit en réponse à l’affidavit de M. Mulvey produit par Mövenpick. Comment Exxon Mobil pouvait‑elle savoir que, à l’audience, Mövenpick déclarerait qu’elle ne s’appuyait pas sur le témoignage de M. Mulvey?

 

[15]           Enfin, nous avons les nouvelles preuves présentées par M. Robert Klein, responsable d’études de marché, sous forme d’une enquête portant sur plus de 2 000 consommateurs. Mövenpick a désapprouvé la méthodologie employée par M. Klein lorsqu’il a fallu trancher la question de la probabilité de confusion, mais elle s’est appuyée dans une certaine mesure sur le rapport, ce qui explique pourquoi elle a proposé qu’il soit taxé à 50 p. 100. L’enquête menée par M. Klein démontrait que le risque de confusion n’était pas significatif, ce qui, à mon avis, n’aurait fait que renforcer la décision du registraire. Toutefois, puisque l’appel interjeté contre la décision rendue par le registraire, en vertu de l’article 56 de la Loi sur les marques de commerce est un appel de novo, je ne crois pas qu’Exxon Mobil a agi de manière déraisonnable en présentant à la Cour les résultats de l’enquête menée par M. Klein.

 

[16]           L’avocat d’Exxon Mobil devra présenter un mémoire de dépens révisé en tenant compte des présents motifs. Celui‑ci sera taxé en conséquence.

 

« Sean Harrington »

Juge

Ottawa (Ontario)

Le 24 avril 2012

 

Traduction certifiée conforme

Linda Brisebois, LL.B.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

DOSSIERS :                                     T-1640-10

                                                           T-1641-10

 

INTITULÉ :                                     MÖVENPICK HOLDING AG c

                                                           EXXON MOBIL CORPORATION ET LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA                                   (REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE)

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

SUR LA TAXATION DES DÉPENS :      LE JUGE HARRINGTON

 

DATE DES MOTIFS :                    LE 24 AVRIL 2012

 

COMPARUTIONS :

 

Bayo Odutola

Hala Tabl

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Michael O’Neil

POUR LA DÉFENDERESSE,

EXXON MOBIL CORPORATION

 

Personne n’a comparu

POUR LE DÉFENDEUR,

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

OLLIP Professional Corporation

Avocats

Ottawa (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE,

MÖVENPICK HOLDING AG

INTIMÉE DANS LA REQUÊTE

 

Gowlings Lafleur Henderson LLP

Avocats

Ottawa (Ontario)

 

POUR LA DÉFENDERESSE,

EXXON MOBIL CORPORATION

PARTIE REQUÉRANTE

 

Myles J. Kirvan

Sous‑procureur général du Canada

 

POUR LE DÉFENDEUR,

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

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