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Federal Court

 

Cour fédérale

Date : 20120531

Dossier : DES‑7‑08

Référence : 2012 CF 669

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 31 mai 2012

En présence de monsieur le juge Blanchard

 

ENTRE :

 

AFFAIRE INTÉRESSANT UN CERTIFICAT SIGNÉ EN VERTU DU PARAGRAPHE 77(1) DE LA LOI SUR L’IMMIGRATION ET LA PROTECTION DES RÉFUGIÉS (LIPR);

 

 

 

 

 

ET LE DÉPÔT DE CE CERTIFICAT À

LA COUR FÉDÉRALE CONFORMÉMENT AU PARAGRAPHE 77(1) DE LA LIPR;

 

 

 

 

ET MOHAMED ZEKI MAHJOUB

 

 

 

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

[1]               Par avis de requête daté du 16 septembre 2011, M. Mahjoub sollicite les réparations suivantes :

[traduction]

                                            i.                   la suspension permanente des procédures en vertu des articles 7 et 8 et du paragraphe 24(1) de la Charte canadienne des droits et libertés [qui constitue la Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada (R.‑U.), 1982, ch. 11] (ci-après la Charte) et de l’article 50 de la Loi sur les Cours fédérales [L.R.C. 1985, ch. F‑7];

 

                                                   ii.         une ordonnance le remettant en liberté sans condition;

 

                                                 iii.         une ordonnance accordant aux parties le droit de présenter d’autres observations relativement à la récupération, à la mise sous scellés ou à la destruction des documents amalgamés;

 

                                                 iv.         à titre subsidiaire, toute autre réparation que la Cour estimera convenable et juste d’accorder dans les circonstances, dont le retrait du dossier des avocats et du personnel juridique du ministère de la Justice qui se sont occupés du dossier et du personnel de l’Agence des services frontaliers du Canada (l’ASFC) et du Service canadien du renseignement de sécurité (le SCRS);

 

[2]               M. Mahjoub invoque les moyens suivants à l’appui de sa requête :

[traduction]

1.       Le ministère de la Justice a porté atteinte au droit de M. Mahjoub de recourir à l’assistance d’avocats et de leur donner ses instructions en privé, à son droit à la protection du secret professionnel des avocats et à son droit à la protection des communications échangées dans le cadre du procès en prenant les mesures suivantes :

 

(i)      la saisie et la prise de possession, les 20 et 21 juillet 2011 ou vers ces dates, de la totalité des documents confidentiels se trouvant dans le dossier de M. Mahjoub, que les avocats publics avaient laissés dans la salle de travail privée de la Cour fédérale à Toronto;

 

(ii)     la manipulation des documents confidentiels qui se trouvaient dans le dossier de M. Mahjoub par des membres du personnel et/ou par des avocats du ministère de la Justice entre les 20 et 21 juillet et le 1er septembre 2011;

 

(iii)    l’amalgame, par des membres du personnel et/ou par des avocats du ministère de la Justice, des documents confidentiels se trouvant dans le dossier de M. Mahjoub avec des documents se trouvant dans le dossier du ministère de la Justice;

 

(iv)    l’examen des documents confidentiels se trouvant dans le dossier de M. Mahjoub par des membres du personnel du ministère de la Justice par un ou plusieurs avocats plaidants;

 

II.      Pour séparer et récupérer les documents amalgamés, il faudrait nécessairement que les deux parties prennent connaissance d’une partie des documents pour déterminer à qui ils appartiennent, de sorte qu’il serait impossible de le faire sans risquer de porter atteinte au droit à la protection du secret professionnel des avocats et/ou au droit à la protection des communications échangées dans le cadre du procès et sans risquer de favoriser les ministres.

 

III.    Cette atteinte au droit de M. Mahjoub à la protection du secret professionnel des avocats et des communications échangées dans le cadre du procès est aggravée par le fait que le droit du demandeur de recourir à l’assistance d’avocats et de leur donner ses instructions en privé a déjà été systématiquement violé par le SCRC depuis 1993 au cours de l’enquête menée en vertu de la politique OPS‑211 du SCRC et au cours des instances qui se sont déroulées devant la Cour.

 

[3]               M. Mahjoub soutient essentiellement que les droits que les articles 7 et 8 de la Charte lui reconnaissent ont été violés par suite de la prise de possession par les ministres de ses documents et que la seule réparation qui convient consiste à suspendre définitivement les procédures.

 

[4]               En réponse, les ministres soutiennent que M. Mahjoub n’a pas démontré que les documents en cause sont des documents confidentiels ou que ces documents n’ont pas perdu cet attribut du fait qu’ils font maintenant partie du domaine public. Les ministres soutiennent qu’advenant le cas où la Cour conclurait que l’existence du privilège en question était démontrée, ils ont réfuté cette présomption légale. Ils font valoir qu’il n’y a aucun risque que les renseignements soient utilisés de façon préjudiciable à M. Mahjoub si l’instance devait se poursuivre étant donné qu’aucun des membres de l’équipe des ministres n’a pris connaissance des documents de M. Mahjoub. Enfin, les ministres soutiennent qu’advenant le cas où la Cour conclurait qu’ils n’ont pas réfuté la présomption légale de risque, la suspension des procédures ne constitue pas la réparation appropriée dans les circonstances.

 

LES FAITS

[5]               Voici les faits à l’origine de la présente requête.

 

[6]               Le 14 juillet 2011, le volet public de l’audience tenue à Toronto sur le caractère raisonnable du certificat a été ajourné. Il restait alors quatre témoins à entendre. Même si la date de leur témoignage n’avait pas encore été fixée, l’audience sur le caractère raisonnable du certificat devait reprendre à la fin d’août ou au début de septembre 2011.

 

[7]               Le 15 juillet 2011, l’agent du greffe désigné a informé les parties, par le courriel suivant, qu’elles devaient passer prendre leurs documents à la salle d’audience :

[traduction] La présente vise simplement à vous informer que, comme la salle d’audience 6‑D doit être nettoyée d’ici la fin de la semaine prochaine, vous pouvez continuer à entreposer vos documents dans vos salles de réunion respectives jusqu’à la reprise de l’audience à la fin d’août ou au début de septembre, ici à Toronto.

 

[8]               Le même jour, les ministres ont informé par courriel l’agent du greffe désigné que deux assistantes juridiques se présenteraient à la Cour vers 14 h pour évaluer la situation et pour ramener probablement une partie ou la totalité des documents dans les bureaux du ministère de la Justice. L’agent du greffe désigné a répondu en expliquant que les commissionnaires du 6e étage attendraient les assistantes juridiques en question.

 

[9]               Les assistantes juridiques des ministres, Mmes Kamal Dean et Irena Krakowksa, se sont présentées à la Cour au cours de l’après‑midi. Un commissionnaire a déverrouillé la salle d’audience 6‑D ainsi que les salles de réunion adjacentes 6013 (la salle de réunion des ministres) et 6011 (la salle de réunion de M. Mahjoub).

 

[10]           Dans son affidavit, Mme Dean affirme que le commissionnaire leur a demandé de transférer les documents de la salle de réunion 6013 à la salle de réunion 6011, étant donné que la première allait servir avant la reprise de l’audience relative à M. Mahjoub. Suivant le rapport du greffe qui a été demandé par la Cour et qui a été transmis aux parties, le commissionnaire n’aurait pas donné de telles instructions. Les parties n’ont finalement pas contesté les conclusions du rapport et n’ont pas donné suite à la question.

 

[11]           Suivant la preuve, les assistantes juridiques des ministres ont transféré dans la salle de réunion de M. Mahjoub les documents de ces derniers qui se trouvaient dans la salle d’audience et dans la salle de réunion des ministres. Les feuilles volantes se trouvant sur la table des avocats des ministres, dans la salle d’audience ainsi que sur les tables des salles de réunion ont été placées dans diverses boîtes.

 

[12]           À leur retour aux bureaux du ministère de la Justice le même jour, le 15 juillet 2011, Mme Dean a envoyé un courriel à l’équipe du contentieux des ministres qui s’occupe du dossier de M. Mahjoub (l’équipe Mahjoub) pour l’informer que Mme Krakowska et elle avaient [traduction] « vidé la salle d’audience 6D et la salle de réunion 6013 [et] tout transféré à la salle de réunion 6011 pour le moment ». Le dossier ne permet pas de savoir qui faisait partie de l’équipe Mahjoub, mais il est certain que cette équipe comprenait des avocats, des assistants juridiques et des techniciens juridiques. Il ressort également du dossier qu’aucun des membres de l’équipe Mahjoub n’a répondu à ce courriel.

 

[13]           Le 19 juillet 2011, l’équipe Mahjoub a tenu une réunion au cours de laquelle on a discuté de la récupération et du classement des documents se trouvant encore au Palais de justice. On a décidé que Mme Dean prendrait des mesures pour récupérer les documents et que Mme Jill Schneider, une technicienne juridique du ministère de la Justice, classerait les documents une fois qu’on les aurait reçus.

 

[14]           Le 20 juillet 2011, Mme Dean est retournée au Palais de justice en compagnie des assistantes juridiques des ministres Larissa Goodyear, Janet Lewicki et Geneviève Rondeau. Elles ont récupéré certaines des boîtes qui se trouvaient alors dans la salle de réunion de M. Mahjoub pour les transporter dans la pièce 916 du ministère de la Justice à Toronto. Mmes Dean et Goodyear ont récupéré les autres boîtes le 21 juillet 2011. Mme Dean affirme que tous les documents ont été placés dans des boîtes qui sont demeurées fermées au cours du transport. Toujours le 21 juillet 2011, Mme Dean a envoyé à l’équipe Mahjoub un courriel l’informant que toutes les boîtes récupérées à la Cour se trouvaient maintenant dans la pièce 916 du ministère de la Justice.

 

[15]           Le matin des 25, 26 et 27 juillet 2011, Mme Dean a aidé Mme Schneider à trier les documents se trouvant dans des boîtes entreposées dans la pièce 916. Mme Dean a aidé Mme Schneider à s’assurer que les boîtes contenaient une copie complète de chaque pièce conformément à la liste des pièces. Mme Dean se contentait d’examiner la page titre et la dernière page des documents et n’a remarqué aucune annotation manuscrite. Mme Dean ne s’est plus occupée des documents en cause après le 27 juillet 2011. Mme Schneider a travaillé seule, à la pièce 916, pendant une heure ou deux l’après‑midi des 25, 26 et 27 juillet 2011.

 

[16]           Le 8 août 2011, Mme Schneider a rencontré M. Daniel Engel, avocat travaillant au ministère de la Justice qui faisait partie de l’équipe Mahjoub. Cette rencontre, qui a duré une dizaine de minutes et qui s’est déroulée dans la pièce 916, visait à obtenir des instructions complémentaires au sujet des documents qui devaient être retournés à la Cour en vue de l’éventuelle reprise de l’audience. Ils ont tous les deux ouvert deux ou trois boîtes et [traduction] « feuilleté les documents ». [traduction] « Il est immédiatement devenu évident qu’il était nécessaire de classer le contenu des boîtes en deux catégories » avant de poursuivre l’examen. Après avoir reçu ces instructions de Mme Schneider, M. Engel a quitté la pièce 916 et ne s’est plus occupé des documents en cause. Il ne se souvient pas avoir vu des documents appartenant à M. Mahjoub.

 

[17]           Au cours de la semaine du 8 août 2011, Mme Schneider a procédé au tri et au classement des documents en créant ses propres catégories. Les dossiers de requête qui avaient été déposés par M. Mahjoub ont été placés dans des boîtes étiquetées [traduction] « Documents de M. Mahjoub »; les dossiers de requête déposés par les ministres ont été placés dans des boîtes portant la mention [traduction] « Documents des ministres »; les pièces déposées en séance publique ont été placées dans des boîtes portant la mention [traduction] « Pièces » suivant la liste de pièces tenues par la Cour. D’autres boîtes ont été étiquetées [traduction] « Ordonnances et directives de la Cour », « RRS » et « Transcriptions et résumés ».

 

[18]           Pour classer les documents, Mme Schneider examinait le titre et la dernière page des documents pour les identifier. Elle ne prenait pas connaissance du contenu des documents et ne se rappelle pas avoir vu des annotations manuscrites sur les documents qu’elle a examinés. Elle avait reçu pour instruction de la part des avocats des ministres de s’assurer qu’il y ait trois copies des pièces : une à retourner à la Cour, la deuxième devant être conservée aux bureaux du ministère de la Justice et la troisième à conserver par l’adjoint de l’avocat principal inscrit au dossier. À cette fin, Mme Schneider a photocopié certaines pièces. Elle estime avoir photocopié moins d’une centaine de pages. Elle a également envoyé une petite quantité de documents plus longs à photocopier chez Legal Print & Copy Inc., un service de photocopies et de reliure dont le ministère de Justice se servait. Suivant le reçu qui, suivant les ministres, se rapporterait aux documents envoyés par Mme Schneider à Legal Print & Copy Inc., 1 151 pages de format lettre et deux pages de format légal ont été photocopiées.

 

[19]           Mme Schneider a retiré les doubles des documents et les a déposés sur le plancher de la pièce 916. Elle a également mis à part huit boîtes contenant [traduction] « divers documents » (correspondance, notes manuscrites et jurisprudence) pour lesquels elle a réclamé des instructions complémentaires au sujet de leur classement.

 

[20]           Le 12 août 2011, Mme Schneider a envoyé à l’équipe Mahjoub un courriel expliquant comment elle avait classé les documents et pour demander si un avocat pouvait [traduction] « se rendre à la pièce 916 pendant [qu’elle serait en] vacances, la semaine suivante, pour examiner les huit boîtes contenant divers documents et préciser comment les classer ».

 

[21]           À son retour de vacances le 22 août 2011, Mme Schneider a constaté que huit des boîtes contenant des documents divers n’avaient pas été touchées pendant son absence. Elle a envoyé un autre courriel à l’équipe des ministres pour demander l’aide des avocats. Mme Sharon Stewart Guthrie, avocate inscrite au dossier et membre de l’équipe Mahjoub, a répondu et a rencontré Mme Schneider à la pièce 916 pendant une dizaine ou une quinzaine de minutes pour lui donner d’autres instructions sur le classement des huit boîtes contenant des documents divers qui avaient été mis de côté. Mme Stewart Guthrie a ouvert trois des boîtes. Dans la première, elle a vu cinq chemises portant des étiquettes écrites à la main en français. Elle ne les a pas ouvertes. Elle a ensuite fermé la boîte. Dans la deuxième, elle a vu les premières pages d’un rapport public, puis a refermé la boîte. Dans la troisième, elle a vu des extraits de jurisprudence cités par les deux parties au cours de l’instance, une copie imprimée d’un courriel échangé entre deux membres de l’équipe du contentieux des ministres et une page manuscrite qu’elle n’a pas reconnue et sur laquelle le nom « Tyndale » était inscrit à gauche. Comme elle croyait qu’aucun des membres de l’équipe du contentieux des ministres ne mentionnerait le nom de l’avocat principal, M. David Tyndale, en l’appelant « Tyndale », elle a estimé que certains des documents se trouvant dans ces boîtes n’appartenaient pas à l’équipe Mahjoub. Mme Stewart Guthrie affirme qu’elle n’a rien vu d’autre sur cette page à part le nom « Tyndale ». Elle a refermé la troisième boîte.

 

[22]           Après avoir quitté la pièce 916, Mme Stewart Guthrie a parlé avec Mme Nimanthika Kaneira, avocate du ministère de la Justice et membre de l’équipe Mahjoub, ainsi qu’avec Mme Dean. Mme Stewart Guthrie a alors informé de la situation M. Tyndale, avocat principal inscrit au dossier du ministère de la Justice faisant partie de l’équipe Mahjoub. M. Tyndale a donné pour instruction à Mme Stewart Guthrie d’étiqueter et de mettre de côté les huit boîtes en question en vue de leur examen ultérieur par les avocats publics et lui a demandé d’écrire un courriel aux avocats publics pour les informer de la situation et pour proposer que les parties se rencontrent pour séparer les documents.

 

[23]           Mme Schneider a continué à travailler à la pièce 916 et à classer des documents se trouvant dans les boîtes qui n’avaient pas été mises de côté pendant la plus grande partie de chacune des autres journées du reste de la semaine du 22 août 2011.

 

[24]           Le 23 août 2011, M. Tyndale a envoyé le courriel suivant aux avocats publics :

[traduction] À la suite de notre examen des documents qui ont été retournés à nos bureaux et qui provenaient de la salle d’audience et de notre salle de réunion après le dernier ajournement, nous avons constaté hier que certaines boîtes pouvaient contenir certains des documents qui vous appartenaient. Nous avons immédiatement mis ces boîtes de côté sans prendre connaissance du contenu des documents. Pour nous assurer que les documents qui vous appartiennent vous soient remis, je suggère que nous nous rencontrions dans nos bureaux pour examiner (séparément, mais dans la même pièce) le contenu des boîtes en question. Dites‑moi si ma suggestion vous convient et, dans l’affirmative, à quel moment un ou plusieurs d’entre vous pourraient être disponibles pour examiner les documents.

 

[25]           Le 30 août 2011, Mme Teresa Martins, agente d’administration du ministère de la Justice à Toronto, accompagnée de deux déménageurs, s’est rendue à la pièce 916 avec des boîtes appartenant à Mme Amy Lambiris, une employée du ministère de la Justice qui était en congé de maternité et qui devait occuper ce bureau à son retour au travail. Pour faire de la place pour les boîtes, les déménageurs ont déplacé certaines piles de documents du plancher et les ont déposées sur le bureau. Mme Martins n’a lu aucun des documents se trouvant dans la pièce 916 et elle n’a pas vu les déménageurs les lire.

 

[26]           Le 1er septembre 2011, les avocates publiques Johanne Doyon et Salma El‑Khodari ainsi qu’un adjoint du cabinet des avocats publics, M. Yavar Hameed, se sont présentés à la pièce 916 du ministère de la Justice à Toronto. Mme Jocelyn Espejo‑Clarke, avocate et membre de l’équipe Mahjoub, et Mme Kaneira les ont accompagnés jusqu’à la pièce 916.

 

[27]           À ce moment‑là, Mme El‑Khodary a estimé que la pièce 916 contenait environ :

a.       24 boîtes de documents placés le long d’un mur et portant la mention [traduction] « documents des ministres »;

b.      une douzaine d’autres boîtes placées le long d’un autre mur;

c.       cinq boîtes se trouvant sur une table devant la fenêtre;

d.      huit boîtes de documents dans un coin portant la mention [traduction] « à examiner par les avocats »;

e.       des piles de documents épars sur la table au milieu de la pièce.

 

[28]           Il est maintenant acquis aux débats qu’après que les documents épars eurent été déposés dans des boîtes, il y avait, dans la pièce 916, 60 boîtes de documents, en plus des 15 boîtes apportées par les déménageurs qui appartenaient à Mme Lambiris, qui avait été en congé de maternité.

 

[29]           Mmes El‑Khodari et Doyon ont remarqué que certains des documents épars sur la table de la pièce 916 semblaient appartenir aux avocats publics. Mme Espejo‑Clarke a également remarqué que certains de ces documents semblaient appartenir aux ministres.

 

[30]           Après s’être rendu compte que certains des documents se trouvant sur la table avaient été amalgamés et que l’on n’avait pas mélangé seulement le contenu des huit boîtes qui avaient été mises de côté, les avocats ont convenu de sceller le bureau. Mme Espejo‑Clarke s’est engagée à ce que personne ne pénètre à l’intérieur du bureau.

 

[31]           Toutes les clés de la pièce 916, à l’exception de celle du bureau de la sécurité du ministère de la Justice et du propriétaire de l’immeuble, ont été récupérées et déposées dans un coffre‑fort aux bureaux du directeur général régional du bureau régional de l’Ontario du ministère de la Justice. Le bureau de la sécurité et le propriétaire ont reçu pour instructions de ne laisser entrer personne dans la pièce jusqu’à nouvel ordre. Les ministres affirment que personne n’a pénétré à l’intérieur de la pièce 916 après le 1er septembre 2011, jusqu’à ce que le protonotaire Aalto ordonne que les documents soient retournés au Palais de justice.

 

[32]           Mme Rhonda Marquis, directrice régionale adjointe et avocate principale à la Section du droit de l’immigration du ministère de la Justice à Toronto, déclare dans son affidavit :

[traduction] Après que la pièce 916 eut été sécurisée, j’ai communiqué avec chacun des membres de l’équipe Mahjoub, y compris les deux assistantes juridiques qui avaient à l’origine placé les documents dans les boîtes en vue de nous les remettre, ainsi qu’avec le technicien juridique qui avait eu accès aux documents en question. Tous les membres de l’équipe du contentieux, les deux assistantes juridiques et le technicien juridique m’ont informée qu’ils n’avaient pas pris connaissance des documents des avocats de la partie adverse.

 

[33]           Mme Marquis atteste également ce qui suit dans son affidavit :

[traduction] J’ai été informée par les avocats du SCRS, et j’ai toutes les raisons de croire, que personne n’est entré à l’intérieur de la pièce 916 depuis le 15 juillet 2011. J’ai également été informée, et j’ai toutes les raisons de croire, qu’aucun des membres du personnel de l’ASFC chargé du dossier Mahjoub n’est entré à l’intérieur de la pièce 916 à quelque moment que ce soit depuis le 15 juillet 2011.

 

[34]           Le 2 septembre 2011, M. Tyndale a envoyé aux avocats publics un courriel pour les informer que la quantité de documents des avocats publics qui se trouvaient à l’origine dans les salles de travail et qui avaient été par la suite livrés aux bureaux du ministère de la Justice était plus élevée que ce que l’on avait d’abord cru.

 

[35]           Le 8 septembre 2011, M. Tyndale a écrit un courriel aux avocats publics pour leur expliquer le déroulement des événements ayant conduit à l’amalgame des documents. Le même jour, M. Tyndale a envoyé la même lettre à la Cour.

 

[36]           Tous les membres de l’équipe Mahjoub qui sont entrés dans la pièce 916 avant qu’elle ne soit scellée ont dû se retirer de façon temporaire ou définitive de l’équipe du contentieux des ministres en attendant le sort final de la présente requête. Des murs éthiques ont été érigés pour s’assurer que les membres de l’équipe du contentieux qui s’étaient retirés ne prennent connaissance d’aucun autre renseignement au sujet du litige et pour s’assurer qu’ils ne discutent pas de ce qu’ils avaient vu, le cas échéant, au sujet des documents de M. Mahjoub, sauf dans le but de souscrire des affidavits ou de fournir des éclaircissements aux avocats représentant les ministres dans le cadre de la présente requête. Le dossier ne précise pas le nombre de personnes qui faisaient partie de l’équipe Mahjoub et il n’en identifie pas les membres. Le dossier n’indique pas non plus quand les membres de l’équipe se sont retirés ou à quel moment les murs éthiques ont été érigés. Il ressort du dossier que ces mesures auraient été prises après le 1er septembre 2011.

 

[37]           Le 20 septembre 2011, M. Mahjoub a signifié et déposé son dossier de requête en vue d’obtenir une suspension permanente. Le dossier de réponse des ministres a été signifié et déposé le 23 septembre 2011, accompagné d’une requête en radiation d’extraits de certains affidavits. M. Mahjoub a déposé sa réponse le 27 septembre 2011. Les parties ont été entendues au sujet des requêtes le 3 octobre 2011 à Toronto et la Cour a sursis au prononcé de son jugement.

 

[38]           Le 4 octobre 2011, la Cour a expliqué que, pour être en mesure de déterminer la réparation qu’il convenait, le cas échéant, d’accorder dans les circonstances, il était nécessaire de séparer les documents et de les remettre à chacune des parties pour leur donner la possibilité de faire valoir leur point de vue sur la nature et la portée du présumé préjudice. Cette ordonnance est annexée aux présents motifs à l’annexe A.

 

[39]           M. Mahjoub a été débouté le 24 octobre 2011 (2011 CAF 294) de l’appel qu’il avait interjeté devant la Cour d’appel fédérale de l’ordonnance rendue par la Cour fédérale le 4 octobre 2011. La requête dont il a par la suite saisi la Cour d’appel fédérale en vue d’obtenir un sursis à l’exécution de l’ordonnance du 4 octobre 2011 en attendant que la Cour suprême du Canada se prononce sur sa demande d’autorisation de pourvoi a été rejetée par la juge Gauthier le 21 novembre 2011 (2011 CAF 322).

 

[40]           Conformément à l’ordonnance qui avait été rendue le 4 octobre 2011, le protonotaire Aalto s’est chargé du déroulement et de l’exécution du processus de séparation des documents, qui a débuté par une conférence de gestion de l’instance initiale le 5 octobre 2011. On trouve une description complète du processus dans le rapport que le protonotaire a déposé devant la Cour le 10 février 2012, annexé aux présents motifs à l’annexe B (le rapport Aalto). Par souci de commodité, je résume le processus suivi et les principales conclusions tirées par le protonotaire Aalto dans son rapport.

 

Résumé du rapport du protonotaire Aalto

[41]           Après avoir consulté les parties, le protonotaire Aalto a élaboré un protocole visant à séparer les documents et à assurer l’intégrité du processus tout en protégeant la chaîne de continuité des documents. Ce sont des représentants désignés par les parties qui ont signé des engagements de non‑divulgation des renseignements protégés par le secret professionnel de l’avocat dont ils auraient pu prendre connaissance au cours du processus qui se sont concrètement chargés de la séparation des documents.

 

[42]           Les documents ont été répartis en cinq catégories : documents neutres, documents de M. Mahjoub, documents des ministres, documents litigieux, documents concernant la requête relative aux communications avocat‑client interceptées. Les documents neutres sont des documents publics tels que des dossiers de requête et des affidavits dont il est impossible de déterminer le propriétaire au moyen d’initiales ou de notes manuscrites originales. Les documents litigieux sont des documents qui ont des parties en surbrillance, des onglets, des papillons adhésifs ou des marques, mais dont on ne peut déterminer le propriétaire. À la suite du processus de séparation, on s’est retrouvé avec 32 boîtes de documents neutres, 12 boîtes de documents des ministres, 12 boîtes de documents de M. Mahjoub et trois boîtes contenant 66 documents litigieux. M. Mahjoub admet que les documents litigieux en question ne porteront pas atteinte à son droit à un procès équitable, mais il fait néanmoins valoir qu’un processus de séparation incomplet lui cause un préjudice moins grave.

 

[43]           Les documents ont été transportés des bureaux du ministère de la Justice au Palais de justice le 10 novembre 2011 et le processus de séparation a commencé peu de temps après. À la suite de la conférence de gestion de l’instance du 24 novembre 2011, la Cour a ordonné que les arguments relatifs au présumé préjudice soient entendus les 9 et 10 janvier 2012. Lors des conférences de gestion de l’instance du 3 janvier, du 19 janvier et du 13 février 2012, les parties ont informé la Cour que le processus prenait plus de temps que prévu et les dates d’audience qui avaient été fixées ont été progressivement reportées à plus tard. Le 18 janvier 2012, M. Mahjoub a commencé l’examen de ses documents en vue de dresser une liste descriptive des documents conformément à l’ordonnance du 4 octobre 2011 :

Les parties peuvent formuler d’autres observations au sujet de la nature et de l’ampleur de tout présumé préjudice devant le juge désigné. À cette fin, M. Mahjoub peut fournir une description des documents qui lui ont été remis et sur lesquels il se fonde pour faire la preuve de ce préjudice en s’assurant de ne révéler aucun renseignement de fond qui serait protégé par le secret professionnel de l’avocat ou par le privilège des communications échangées dans le cadre du procès.

 

[44]           Lors de la conférence de gestion de l’instance du 20 février 2012, les avocats publics ont informé la Cour qu’ils estimaient avoir besoin de quatre à cinq semaines de plus pour examiner les documents et pour fournir les descriptions demandées et préparer leurs arguments.

 

[45]           Par conséquent, la Cour a ajourné l’audience aux 10 et 12 avril 2012, accordant ainsi aux parties six semaines de plus pour se préparer. Ces dates ont ultimement été reportées au 23 et au 24 avril 2012 en raison d’un conflit d’horaire des avocats des ministres.

 

[46]           En vue de se préparer pour l’audience, M. Mahjoub a dressé des tableaux contenant les descriptions demandées pour que le protonotaire Aalto approuve les documents qu’il comptait invoquer pour démontrer le préjudice. Les descriptions en question ont par la suite été expurgées pour faire en sorte que le juge désigné ne puisse prendre connaissance des renseignements protégés.

 

[47]           Outre les descriptions, M. Mahjoub a établi les catégories suivantes pour décrire la nature du présumé préjudice dans son tableau :

            [traduction]

1.         Stratégie relative à : a) thèse; b) mise en application de la thèse (au moyen notamment d’une contestation de la preuve ou de la présentation de nouveaux arguments ou de nouveaux éléments de preuve);

2.         Tactiques;

3.         Questions : a) applicabilité aux témoins; b) teneur des questions à poser; c) contenu des questions contestant des éléments de preuve;

4.         Appréciation de la preuve : a) valeur; b) connaissance; c) crédibilité;

5.         Renseignements confidentiels qui n’entrent par ailleurs pas dans les catégories 1 à 4 ou dans la catégorie 6;

6.         Vue d’ensemble en ce qui concerne l’approche, les connaissances et/ou le raisonnement suivi par les avocats publics : a) révéler le raisonnement et les connaissances des avocats publics en vertu de certains éléments; b) révéler le raisonnement suivi de façon générale.

 

[48]           M. Mahjoub a également proposé l’échelle suivante pour mesurer l’ampleur du présumé préjudice dans le cas des documents décrits dans son tableau :

[traduction]

Code 1 – documents peu confidentiels : préjudice difficile à évaluer;

Code 2 – documents moyennement confidentiels : en règle générale, documents publics avec parties en surbrillance, menu latéral, soulignements ou mentions dont les incidences ne sont pas différentes, sur le plan fonctionnel, de celles d’un menu latéral ou d’une mise en surbrillance;

Code 3 – documents très confidentiels créés par M. Mahjoub ou qui n’ont pas été révélés au public et qui pourraient conférer un avantage à la partie adverse lors du contre‑interrogatoire ou de l’argumentation;

Code 4 – documents extrêmement secrets créés par M. Mahjoub ou qui n’ont pas été révélés au public et qui pourraient conférer un avantage important à la partie adverse;

Code 5 – préjudice le plus élevé : renseignements importants protégés par le secret professionnel de l’avocat ou par le privilège des communications échangées dans le cadre du procès qui nuisent à la cause de M. Mahjoub ou qui pourraient avoir une incidence sur l’issue du procès [les exemples cités par M. Mahjoub sont omis.]

 

[49]           Par suite de cet exercice, le protonotaire Aalto s’est vu soumettre des tableaux contenant des descriptions des documents ou de parties des documents qui avaient été individuellement classés dans une ou plusieurs des catégories susmentionnées et auxquels les codes de préjudice 1 à 5 décrits ci-dessus avaient été attribués. On a ensuite présenté au protonotaire Aalto une version des tableaux dans lesquels les renseignements privilégiés contenus dans les listes en question avaient été expurgés. Ces tableaux expurgés ont été déposés à la Cour (voir l’annexe C à titre d’exemple).

 

[50]           Le protonotaire Aalto a approuvé les descriptions données dans ces tableaux et a conclu que les codes et les descriptions étaient « raisonnables ». Voici ce qu’il écrit à la page 8 de l’annexe de son rapport :

[traduction] Le codage est un exercice subjectif auquel les avocats publics se sont livrés en se fondant sur leur stratégie et leur approche en ce qui concerne le déroulement de la présente instance. Les avocats publics ont expliqué à la Cour la raison pour laquelle un code déterminé avait été attribué à un document en particulier en précisant que ce code dépendait de la façon dont les avocats estimaient qu’ils utiliseraient le document au cours de l’instance. L’acceptation par la Cour d’un code déterminé n’a aucun effet contraignant sur le juge désigné. Ces codes n’emportent pas non plus de conclusions quant à un préjudice réel ou appréhendé. Il appartiendra au juge désigné de tirer ses propres conclusions [...] Il se peut que le juge désigné exige de prendre connaissance des extraits expurgés pour se prononcer de façon définitive sur la portée et la nature du préjudice.

 

[51]           Le protonotaire écrit également à la page 29 de son rapport que [traduction] « les types de documents qui, selon ce que l’on a constaté, appartenaient à M. Mahjoub comprenaient [...] les produits du travail des avocats, des renseignements confidentiels protégés par le secret professionnel de l’avocat et des renseignements protégés par le privilège des communications échangées dans le cadre du procès ».

 

[52]           M. Mahjoub allègue que tous ses documents étaient protégés par le secret professionnel de l’avocat ou par le privilège des communications échangées dans le cadre du procès. Il affirme qu’environ le tiers des documents des boîtes Mahjoub sont mentionnés dans les tableaux. Il soutient que tous les documents énumérés dans les tableaux lui sont préjudiciables, indépendamment du code qui leur a été attribué. Il énumère plus d’une cinquantaine de renseignements distincts classés sous le code 5, c’est‑à‑dire la catégorie de documents lui causant le plus grave préjudice.

 

[53]           La Cour a entendu des observations des parties les 23 et 24 avril 2012 au sujet de la nature et de la portée du présumé préjudice et de la réparation qu’il convenait, le cas échéant, d’accorder dans les circonstances.

 

Question préliminaire : Admissibilité de l’affidavit de Martha Lori Hendriks

[54]           Par ordonnance datée du 31 janvier 2012, la Cour a permis à M. Mahjoub de déposer des affidavits supplémentaires avant d’entendre les arguments finaux au sujet de la nature et de la portée du présumé préjudice. Elle a également permis aux ministres de déposer des affidavits en réponse. Les ministres ont déposé trois affidavits, y compris celui de Martha Lori Hendriks. M. Mahjoub s’oppose à l’admissibilité du paragraphe 8 de l’affidavit souscrit par Mme Hendriks au motif qu’il ne se rapporte pas à l’ouverture et à l’examen des boîtes. Voici le texte du paragraphe contesté :

[traduction] De plus, suivant mes instructions, le 7 septembre 2011, Mme Marquis a envoyé un courriel à tous les membres du personnel de la Section du droit de l’immigration (avocats et personnel de soutien) pour savoir si quelqu’un était entré dans la pièce 916 depuis le 21 juillet 2011, date à laquelle les documents avaient été transférés de la Cour à la pièce 916, qui était alors inoccupée. Mme Marquis m’a informée, et j’ai toutes les raisons de croire, que personne d’autre n’est entré dans la pièce 916.

 

[55]           M. Mahjoub fait valoir qu’il découle implicitement de l’ordonnance du 31 janvier 2012 de la Cour que tout élément de preuve complémentaire qu’il déposera doit se rapporter à la nature et à la portée du présumé préjudice, ainsi qu’il est précisé dans l’ordonnance du 4 octobre 2011. En conséquence, M. Mahjoub fait valoir que les affidavits correspondants du ministre doivent eux aussi répondre aux affidavits complémentaires de M. Mahjoub. Or, suivant M. Mahjoub, le paragraphe 8 de l’affidavit de Mme Hendriks ne satisfait pas à cette exigence.

 

[56]           M. Mahjoub affirme également que, si l’on admettait en preuve l’affidavit en question, on permettrait ainsi aux ministres de scinder leur cause. Suivant M. Mahjoub, cela reviendrait à permettre aux ministres de rouvrir leur preuve après qu’on leur ait signalé les lacunes de leur thèse, ce qui irait à l’encontre de l’article 7 de la Charte, selon l’arrêt R. c. P. (M.B.), [1994] 1 R.C.S. 555, 113 D.L.R. (4th) 461.

 

[57]           Les ministres reconnaissent que le paragraphe 8 de l’affidavit de Mme Hendriks contribue jusqu’à un certain point à répondre aux lacunes de la preuve signalées au sujet des personnes qui ont eu accès aux documents de M. Mahjoub au ministère de la Justice à Toronto. Les ministres ont reconnu cette lacune lors de l’audience du 3 octobre 2011. Ils soutiennent toutefois que cette lacune ne leur a pas été signalée par les arguments présentés par M. Mahjoub, mais qu’ils l’ont eux‑mêmes observée et admise. En conséquence, ils affirment qu’ils ne cherchent pas à rouvrir le débat contrairement à ce que prétend M. Mahjoub. Les ministres reconnaissent également que les renseignements contenus au paragraphe 8 de l’affidavit de Mme Hendriks auraient pu être présentés avant l’audience du 3 octobre 2011. Quoi qu’il en soit, les ministres soutiennent que l’affidavit, y compris son paragraphe 8, tente simplement de dresser un portrait complet pour la Cour. Ils soutiennent que le paragraphe contesté témoigne de l’existence et de l’efficacité des murs éthiques qu’ils ont érigés et ajoutent que la Cour devrait l’admettre en preuve.

 

[58]           Les ordonnances du 4 octobre 2011 et du 31 janvier 2011 permettaient uniquement la présentation d’affidavits complémentaires se rapportant au processus de séparation et au préjudice que M. Mahjoub était susceptible de subir. Les renseignements contenus au paragraphe 8 de l’affidavit souscrit par Mme Hendriks ne font pas suite au processus de séparation des documents. Ils portent plutôt sur des lacunes constatées dans la preuve des ministres, lacunes dont on aurait dû s’occuper plus tôt. À mon avis, on aurait tort d’admettre en preuve le paragraphe 8. Par conséquent, le paragraphe 8 de l’affidavit de Mme Hendriks ne sera pas considéré.

 

QUESTION EN LITIGE

[59]           Les droits reconnus à M. Mahjoub par la Charte ont‑ils fait l’objet d’une violation qui justifie une suspension permanente des procédures?

 

RÈGLES DE DROIT APPLICABLES

[60]           M. Mahjoub affirme que les droits que lui reconnaissent l’article 7 et l’article 8 de la Charte ont été violés et il sollicite une réparation en vertu du paragraphe 24(1) de la Charte. Ces dispositions sont ainsi libellées :

7. Chacun a droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne; il ne peut être porté atteinte à ce droit qu’en conformité avec les principes de justice fondamentale.

 

8. Chacun a droit à la protection contre les fouilles, les perquisitions ou les saisies abusives.

 

24. (1) Toute personne, victime de violation ou de négation des droits ou libertés qui lui sont garantis par la présente charte, peut s’adresser à un tribunal compétent pour obtenir la réparation que le tribunal estime convenable et juste eu égard aux circonstances.

7. Everyone has the right to life, liberty and security of the person and the right not to be deprived thereof except in accordance with the principles of fundamental justice.

 

8. Everyone has the right to be secure against unreasonable search or seizure.

 

 

24. (1) Anyone whose rights or freedoms, as guaranteed by this Charter, have been infringed or denied may apply to a court of competent jurisdiction to obtain such remedy as the court considers appropriate and just in the circumstances.

 

L’article 8

[61]           Pour qu’une perquisition et une saisie bénéficient de la protection de la Charte, il doit exister une attente raisonnable en matière de vie privée en ce qui concerne le lieu qui est perquisitionné, la chose qui est saisie ou les deux (R. c. Evans, [1996] 1 R.C.S. 8, 131 D.L.R. (4th) 654). Si cette attente existe, la saisie ou la perquisition sera considérée comme raisonnable si elle était autorisée par la loi, si la loi qui autorise la perquisition ou la saisie est elle‑même raisonnable et si la manière dont la saisie ou la perquisition ont été effectuées est elle‑même raisonnable (R. c. Collins, [1987] 1 R.C.S. 265, 38 D.L.R. (4th) 508).

 

L’article 7

[62]           Il est acquis aux débats que les droits que l’article 7 de la Charte confère à M. Mahjoub entrent en jeu en l’espèce. M. Mahjoub affirme que les droits que lui reconnaît l’article 7 ont été violés sous deux aspects : (i) il y a eu violation du secret professionnel de l’avocat; (ii) un abus de procédure a été commis.

 

(i) Violation du secret professionnel de l’avocat

[63]           Dans l’arrêt Solosky c. La Reine, [1980] 1 R.C.S. 821, à la page 837, 105 D.L.R. (3d) 745, la Cour suprême du Canada énonce le critère permettant d’établir l’existence du privilège du secret professionnel de l’avocat. Il doit s’agir :

            (i)         d’une communication entre un avocat et son client;

            (ii)        qui comporte une consultation ou un avis juridique;

            (iii)       que les parties considèrent de nature confidentielle.

 

[64]           Le secret professionnel de l’avocat a maintenant été érigé au rang de principe général de droit substantiel au Canada :

Le secret professionnel de l’avocat constitue une règle de preuve, un droit civil important ainsi qu’un principe de justice fondamentale en droit canadien. Même si le public a intérêt à ce que les enquêtes criminelles soient menées efficacement, il a tout autant intérêt à préserver l’intégrité de la relation avocat‑client. Les communications confidentielles avec un avocat constituent un exercice important du droit à la vie privée et elles sont essentielles pour l’administration de la justice dans un système contradictoire. Les atteintes au privilège injustifiées, voire involontaires, minent la confiance qu’a le public dans l’équité du système de justice criminelle. C’est pourquoi il ne faut ménager aucun effort pour protéger la confidentialité de ces communications. (Lavallee, Rackel & Heintz c. Canada (Procureur général), 2002 CSC 61, au paragraphe 49, [2002] 3 R.C.S. 209 [arrêt Lavallee]; voir également Maranda c. Richer, 2003 CSC 67, au paragraphe 12, [2003] 3 R.C.S. 193).

[Non souligné dans l’original.]

 

[65]           La Cour suprême a reconnu que le secret professionnel de l’avocat est un privilège qui est « fondamental pour le système de justice canadien » (R. c. McClure, 2001 CSC 14, au paragraphe 2, [2001] 1 R.C.S. 445), et que les tribunaux sont tenus « d’adopter des normes rigoureuses pour assurer sa protection » (arrêt Lavallee, précité, au paragraphe 36). La violation de ce privilège porte également atteinte aux droits conférés par l’article 7 à l’intéressé dans le contexte d’une instance portant sur un certificat de sécurité (Jaballah (Re), 2010 CF 1084, au paragraphe 48 [décision Jaballah]).

 

[66]           Il convient d’établir une distinction entre le privilège du secret professionnel de l’avocat et le privilège des communications échangées dans le cadre du procès, lequel a pour objet d’assurer le respect du principe du débat contradictoire. Le privilège des communications échangées dans le cadre du procès s’applique aux documents créés principalement en vue du procès (Blank c. Canada (Ministre de la Justice), 2006 CSC 39, [2006] R.C.S. 319).

 

(ii) Abus de procédure

[67]           La doctrine de l’abus de procédure a en grande partie été intégrée dans l’analyse relative à l’article 7. Il y a abus de procédure lorsqu’on mène une poursuite « de manière à contrevenir aux valeurs fondamentales de décence et de franc‑jeu de la société et à mettre ainsi en question l’intégrité du système, [ce qui] constitue également une atteinte d’envergure constitutionnelle aux droits d’une personne accusée » (R. c. O’Connor, [1995] 4 R.C.S. 411 au paragraphe 63, 130 D.L.R. (4th) 235 [arrêt O’Connor]).

 

[68]           Dans le cas qui nous occupe, l’allégation d’avis de procédure est distincte de la présumée violation de l’article 7 résultant de la violation du secret professionnel de l’avocat en ce sens qu’elle vise le droit à un procès équitable que la conduite de la Couronne aurait compromis plutôt que l’allégation suivant laquelle le privilège a été violé. La conduite et l’intention « ne sont pas nécessairement pertinentes lorsqu’il s’agit de savoir s’il y a eu violation ou non du droit de l’accusé à un procès équitable » (arrêt O’Connor, précité, au paragraphe 74). Il existe également une petite catégorie résiduelle de comportements qui font partie de l’analyse de l’abus de procédure visé par l’article 7 de la Charte qui ne se rapporte pas aux droits de l’intéressé à un procès équitable. Cette catégorie résiduelle « envisage […] l’ensemble des circonstances diverses et parfois imprévisibles dans lesquelles la poursuite est menée d’une manière inéquitable ou vexatoire au point de contrevenir aux notions fondamentales de justice et de miner ainsi l’intégrité du processus judiciaire » (arrêt O’Connor, précité, au paragraphe 73; R. c. Regan, 2002 CSC 12, au paragraphe 55, [2002] 1 R.C.S. 297 [arrêt Regan]; Canada (Ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Tobiass, [1997] 3 R.C.S. 391, au paragraphe 89, 151 D.L.R. (4th) 119 [arrêt Tobiass]).

 

Est‑il nécessaire d’établir l’existence d’un privilège pour démontrer les présumées violations de la Charte?

[69]           Si l’on fait abstraction de la catégorie résiduelle de l’abus de procédure, M. Mahjoub doit démontrer l’existence d’un privilège sur les documents pour pouvoir affirmer que ses droits protégés par la Charte ont été violés. Pour établir l’existence d’une attente raisonnable en matière de respect de la vie privée en vue de prouver que ses droits protégés par l’article 8 ont été violés, M. Mahjoub doit démontrer que ses documents étaient protégés par le secret professionnel de l’avocat et/ou par le privilège des communications échangées dans le cadre du procès. Il doit également faire la preuve de l’existence du secret professionnel de l’avocat et/ou du privilège des communications échangées dans le cadre du procès pour établir que ses droits protégés par l’article 8 ont été violés.

 

[70]           Dès lors que l’existence du privilège a été établie, il existe une présomption légale suivant laquelle les renseignements protégés seront utilisés au détriment de la partie adverse. Je vais maintenant passer à l’examen des règles de droit portant sur cette question.

 

Réfutation du risque de préjudice

[71]           Dans Succession MacDonald c. Martin, [1990] 3 R.C.S. 1235, 77 D.L.R. (4th) 249 [arrêt Succession MacDonald (R.C.S.)], le juge Sopinka, qui écrivait au nom de la majorité des juges de la Cour suprême, a énoncé le critère à appliquer pour déclarer un avocat inhabile dans les cas où il posséderait des renseignements confidentiels appartenant à la partie adverse :

 

(1)               L’avocat a‑t‑il appris, grâce à des rapports antérieurs d’avocat à client, des faits confidentiels relatifs à l’objet du litige?

(2)               Y a‑t‑il un risque que ces renseignements soient utilisés au détriment du client?

 

[72]           Ce critère à deux volets a récemment été réaffirmé par une formation collégiale unanime de la Cour suprême dans l’arrêt Celanese Canada Inc. c. Murray Demolition Corp., 2006 CSC 36, [2006] 2 R.C.S. 189 [arrêt Celanese]. La Cour a appliqué le critère dans le contexte d’une ordonnance Anton Pillar au cours de l’exécution de laquelle la partie qui avait sollicité la perquisition s’était retrouvée en possession de courriels confidentiels, qu’elle avait lus. Le juge Binnie, qui s’exprimait au nom d’une Cour unanime, a indiqué que, dès lors que la possession des renseignements confidentiels a été établie, il incombe à la personne qui les a obtenus de démontrer qu’il n’existe pas de risque réel que ces renseignements confidentiels soient utilisés au détriment de la partie adverse. La Cour a également jugé que, pour que la présomption s’applique, il incombait à la partie requérante de démontrer que la partie adverse avait obtenu des renseignements confidentiels.

 

[73]           La présomption n’est réfutée que s’il existe des « preuves claires et convaincantes » démontrant que « le public, c’est‑à‑dire une personne raisonnablement informée, [serait convaincu] qu’il ne sera fait aucun usage de renseignements confidentiels » au détriment de la partie requérante (arrêt Succession MacDonald, précité, aux pages 1260 et 1262; voir également l’arrêt Celanese, précité, au paragraphe 42).

 

[74]           Bien que les affaires Succession MacDonald et Celanese, précitées, portent expressément sur des requêtes visant à faire déclarer un avocat inhabile à occuper, le juge Binnie a déclaré ce qui suit, dans l’arrêt Celanese :

Les éléments pertinents de l’analyse effectuée dans l’arrêt Succession MacDonald ne sont pas tributaires de l’existence préalable de rapports d’avocat à client. En l’espèce, le fond du problème est que les avocats de la partie adverse sont en possession de renseignements confidentiels pertinents qui ont été obtenus grâce à des rapports antérieurs d’avocat à client et à l’égard desquels ils ne peuvent invoquer aucun droit. (au paragraphe 46)

 

[75]           Dans la décision Jaballah, précitée, notre Cour a déclaré que les principes énoncés dans l’arrêt Celanese ne s’appliquaient pas uniquement dans le contexte d’une requête visant à faire déclarer un avocat inhabile à occuper au motif qu’il a en sa possession des renseignements confidentiels appartenant à la partie adverse (aux paragraphes 58 à 68). Dans le cas qui nous occupe, les deux parties acceptent que les principes posés dans l’arrêt Celanese s’appliquent aux faits de l’espèce. Par conséquent, si une violation du secret professionnel de l’avocat ou du privilège des communications échangées dans le cadre du procès est établie et que le risque de préjudice n’est pas réfuté, il est loisible à la Cour d’accorder la réparation appropriée, et notamment la suspension permanente des procédures (R. c. Bruce Power Inc., 2009 ONCA 573, 98 O.R. (3d) 272).

 

Recherche de la réparation appropriée

[76]           Un arrêt définitif des procédures est une réparation draconienne qui ne doit être accordée « que dans les cas les plus manifestes » (arrêt O’Connor, précité, au paragraphe 68). Ainsi que le juge Lebel l’écrivait au nom des juges majoritaires dans l’arrêt Regan, précité, aux paragraphes 54 à 56, cette mesure ne conviendra que si les deux critères suivants sont remplis :

(i)                 le préjudice causé par l’abus en question sera révélé, perpétué ou aggravé par le déroulement du procès ou par son issue;

(ii)        aucune autre réparation ne peut raisonnablement faire disparaître ce préjudice.

 

[77]           S’il subsiste un degré d’incertitude quant à savoir si l’abus de procédure est suffisamment grave pour justifier la suspension des procédures, on applique un troisième critère : on met en balance les intérêts que servirait la suspension des procédures et lintérêt que représente pour la société un jugement définitif statuant sur le fond (arrêt Tobiass, précité, au paragraphe 92; arrêt Regan, précité, au paragraphe 225).

 

[78]           Les tribunaux se sont également livrés à cet exercice de pondération dans des cas relevant de la catégorie résiduelle où l’équité du procès n’était pas en cause, mais où la poursuite de l’instance aurait pour effet de ternir l’image de l’administration de la justice. À titre d’exemple, voici ce que la Cour d’appel de l’Ontario écrit dans l’arrêt R. c. Zarinchang, 2010 ONCA 286, aux paragraphes 58 à 61, 99 O.R. (3d) 721 :

[traduction]

Lorsque la catégorie résiduelle s’applique, le tribunal estimera en règle générale qu’il est nécessaire de procéder à l’exercice de pondération mentionné dans le troisième critère. Lorsqu’une suspension est réclamée dans une affaire donnée en fonction de la catégorie résiduelle, on ne se pose pas la question de savoir si la reprise de l’instance causera un préjudice au demandeur. On cherche plutôt à protéger l’intégrité du système de justice.

 

Lorsque le problème à l’origine de la demande de suspension est de nature systémique, la suspension est ordonnée pour éviter le préjudice qui serait causé au système de justice si on laissait l’instance se poursuivre sans s’attaquer au problème systémique dont l’accusé est victime. En fait, l’arrêt des accusations portées contre un accusé dans les cas relevant de la catégorie résiduelle est le prix que le système paie pour protéger son intégrité.

 

La « catégorie résiduelle » n’est cependant pas un mécanisme illimité auquel les tribunaux peuvent recourir pour s’attaquer à des problèmes systémiques. En un certain sens, l’accusé qui se voit accorder une suspension en vertu de la catégorie résiduelle réalise un gain fortuit. Il est donc important de se demander si le prix à payer pour suspendre les accusations portées contre un individu donné en vaut la peine. Les avantages que comporte la suspension des accusations portées contre cet individu l’emportent‑ils sur l’intérêt qu’il y a à faire trancher le litige sur le fond? Pour répondre à cette question, le tribunal devra presque inévitablement se livrer au genre d’exercice de pondération dont il est question dans le troisième critère. Il nous semble qu’un tribunal devra se pencher sur les particularités de l’espèce, la situation de l’accusé, la nature des accusations portées contre lui, et tenir compte à la fois de l’intérêt de la victime et de l’intérêt plus large de la société à faire juger sur le fond les accusations portées contre lui.

 

On peut donc solidement affirmer que les tribunaux devraient se livrer à un exercice de pondération conformément au troisième critère dans la plupart des cas relevant de la catégorie résiduelle [Non souligné dans l’original.]

 

[79]           Dans le cas d’un abus de procédure relevant de la catégorie résiduelle, la suspension des procédures sera accordée dans des cas « exceptionnels » et « relativement rares », lorsque la conduite passée reprochée est si grave que le simple fait de poursuivre le procès choquerait le sens de la justice de la société. Au paragraphe 55 de l’arrêt Regan, précité, la Cour suprême du Canada écrit :

Tel que mentionné plus haut, la plupart des cas d’abus de procédure causent un préjudice en rendant le procès inéquitable. En vertu de l’art. 7 de la Charte, il existe toutefois une petite catégorie résiduelle de conduite abusive qui ne touche pas l’équité du procès, mais qui n’en mine pas moins la justice fondamentale du système (O’Connor, par. 73). Pourtant, même en pareil cas, l’importance du caractère prospectif de la suspension des procédures comme réparation doit être respectée : « [l]e simple fait que l’État se soit mal conduit à l’égard d’un individu par le passé ne suffit pas à justifier la suspension des procédures » (Tobiass, par. 91). Lorsqu’il s’agit d’un abus relevant de la catégorie résiduelle, la suspension des procédures ne constitue généralement une réparation appropriée que lorsque l’abus risque de se poursuivre ou de se produire subséquemment. Ce n’est que dans des cas « exceptionnels », « relativement très rares », que la conduite passée reprochée est « si grave que le simple fait de poursuivre le procès serait choquant » (Tobiass, par. 91).

[Non souligné dans l’original.]

 

[80]           L’opportunité d’accorder une suspension permanente devrait être examinée à la lumière d’un dossier factuel complet portant sur le préjudice. Dans l’arrêt R. c. La, [1997] 2 R.C.S. 680, au paragraphe 27, 148 D.L.R. (4th) 608, la Cour suprême écrit :

Souvent, il est préférable de trancher cette question au fur et à mesure du déroulement du procès. En conséquence, le juge du procès a le pouvoir discrétionnaire de statuer sur la demande d’arrêt des procédures soit sur‑le‑champ, soit après avoir entendu une partie ou la totalité de la preuve. À moins qu’il ne soit évident qu’aucune autre mesure ne pourra réparer le préjudice causé par la conduite donnant lieu à l’abus, il est généralement préférable de surseoir à statuer sur la demande. Ainsi, le juge sera en mesure d’évaluer l’ampleur du préjudice et de déterminer si les mesures prises pour réduire celui‑ci au minimum se sont avérées fructueuses.

 

[81]           Lorsque la suspension permanente d’instance ne constitue pas la réparation appropriée, la Cour suprême du Canada a suggéré, au paragraphe 59 de l’arrêt Celanese, précité, de tenir compte des six facteurs non exhaustifs suivants pour décider s’il y a lieu de déclarer des avocats inhabiles à occuper :

 

(1)        la manière dont le demandeur ou ses avocats sont entrés en possession des documents;

(2)        les mesures que le demandeur et ses avocats ont prises lorsqu’ils ont constaté que les documents étaient potentiellement assujettis au privilège avocat‑client;

(3)        la mesure dans laquelle les documents privilégiés ont été examinés;

(4)        la teneur des communications avocat‑client et la mesure dans laquelle elles sont préjudiciables;

(5)        l’étape de l’instance;

(6)        l’efficacité potentielle d’une mesure de protection ou d’autres précautions destinées à éviter un préjudice

 

[82]           Si le risque de préjudice n’a pas été écarté et qu’il est possible de remédier au problème sans avoir à déclarer les avocats inhabiles à occuper, il faut examiner cette possibilité (Celanese, précité, au paragraphe 56).

 

ANALYSE

[83]           Je me propose d’aborder la question litigieuse soulevée dans la présente requête en répondant aux questions suivantes :

(1)        M. Mahjoub a‑t‑il démontré que des renseignements confidentiels qui seraient protégés par le secret professionnel de l’avocat ou par le privilège des communications échangées dans le cadre du procès se trouvaient en la possession des ministres?

(2)        Dans l’affirmative, les ministres ont‑ils réfuté la présomption qu’il existe un risque que les documents protégés appartenant à M. Mahjoub qui se trouvaient en la possession des ministres soient utilisés au détriment de M. Mahjoub si l’instance se poursuit?

(3)        Si cette présomption n’a pas été réfutée, la gravité de la violation des droits garantis à M. Mahjoub par la Charte justifie‑t‑elle la suspension des procédures ou une réparation moindre?

(4)        La conduite des ministres traduit‑elle un comportement inéquitable ou vexatoire au point de contrevenir aux notions fondamentales de justice et de porter ainsi atteinte à l’intégrité du processus judiciaire? Dans l’affirmative, quelle est la réparation appropriée?

 

(1) M. Mahjoub a‑t‑il démontré que des renseignements confidentiels qui seraient protégés par le secret professionnel de l’avocat ou par le privilège des communications échangées dans le cadre du procès se trouvaient en la possession des ministres?

 

[84]           Dans l’arrêt Celanese, précité, la Cour suprême a repris à son compte ce qu’elle avait déjà affirmé dans l’arrêt Succession MacDonald, dans lequel elle avait statué que, dès qu’il est démontré que le cabinet d’avocats agissant pour la partie adverse a pris connaissance

… « de faits confidentiels, grâce à des rapports antérieurs d’avocat à client, qui concernent l’objet du litige » (p. 1260), le tribunal présumera « que les avocats qui travaillent ensemble échangent des renseignements confidentiels » (p. 1262) et qu’il y a alors un risque que ces renseignements soient utilisés au préjudice du client, à moins que les avocats qui les ont obtenus ne puissent démontrer que « le public, c’est‑à‑dire une personne raisonnablement informée, [serait convaincu] qu’il ne sera fait aucun usage de renseignements confidentiels » (p. 1260). (p. 1262). (au paragraphe 42) 

 

[85]           L’affidavit déposé pour le compte de M. Mahjoub confirme que les documents en cause consistent en ce qui suit :

                     actes de procédure annotés par les avocats publics et par M. Mahjoub;

                     notes manuscrites et/ou informatisées sur la stratégie juridique et autres renseignements confidentiels des avocats publics et de M. Mahjoub;

                     préparation, par les avocats publics, des contre‑interrogatoires des témoins déjà entendus ou à entendre;

                     toutes les pièces portant des annotations manuscrites, des soulignements et des notes marginales.

 

[86]           Les affidavits déposés à l’appui de la requête de M. Mahjoub attestent plus précisément ce qui suit :

            [traduction]

                     Une chemise [sur laquelle se trouvait l’écriture de l’assistante qui travaillait pour l’avocat de M. Mahjoub] et un autre document [traduction] « qui contenait les initiales de M. Hameed [l’avocat de M. Mahjoub] ainsi qu’un bout de papier collé sur le document et portant des notes ou des observations manuscrites de M. Hameed renfermant des renseignements confidentiels visibles ».

                     Bon nombre des documents des avocats publics se trouvant dans la salle de travail contenaient, sur leur page couverture, des papillons adhésifs contenant des notes écrites par [les avocats de M. Mahjoub] et par M. Mahjoub qui pouvaient être facilement lues par toute personne qui examinerait le document.

                     Des documents se trouvant dans la salle de travail des avocats publics [traduction] « contenaient des renseignements stratégiques sensibles concernant la préparation de la cause de M. Mahjoub ».

                     La plupart des documents se trouvant sur la table appartenaient à première vue aux avocats publics. On y trouvait notamment les documents suivants : des notes prises par les avocats publics, des notes marginales des avocats publics, des passages soulignés, des annotations et d’autres renseignements ajoutés à la plupart sinon à la totalité des pièces, des transcriptions et des autres documents appartenant aux avocats publics, des notes inscrites par M. Mahjoub sur les pièces, les documents de préparation des contre‑interrogatoires rédigés par les avocats publics, etc.

 

[87]           M. Mahjoub affirme que les éléments de preuve susmentionnés démontrent que certains des documents qui se trouvent en la possession des ministres sont confidentiels.

 

[88]           Les ministres [traduction] « ne contestent pas que certains des documents se trouvant en leur possession peuvent contenir des renseignements confidentiels », mais ils ajoutent que la preuve présentée par M. Mahjoub [traduction] « n’est pas suffisamment détaillée et n’identifie pas de document précis, contrairement à ce qu’exige la loi pour être en mesure de s’acquitter de leur fardeau de la preuve ». Les ministres soutiennent que les affidavits qui confirment l’existence du privilège doivent démontrer l’existence d’un fondement factuel suffisant et être interprétés de façon stricte. Ils ont également fait valoir, lors de l’audience du 3 octobre 2011, qu’il convenait probablement que la Cour examine les documents en question pour déterminer s’ils étaient effectivement protégés par un privilège. Enfin, les ministres affirment qu’il est nécessaire que M. Mahjoub démontre l’existence du privilège relativement à chacun des documents.

 

[89]           La jurisprudence nous enseigne

[qu’il n’est pas] imposé à la partie requérante l’obligation de produire d’autres éléments de preuve concernant la nature des renseignements confidentiels en plus de ce qui est nécessaire pour établir que, grâce à des rapports antérieurs d’avocat à client, l’avocat en cause a appris des faits confidentiels qui concernaient l’objet du litige. (arrêt Celanese, précité, au paragraphe 42)

 

[90]           Il est acquis aux débats que les ministres ont pris des documents se trouvant dans la salle de travail de M. Mahjoub située juste à côté de la salle d’audience après que l’audience eut été ajournée à un stade avancé de l’instance. Les ministres reconnaissent que certains des documents en cause « peuvent » être confidentiels.

 

[91]           Il est également acquis aux débats que les documents en cause appartenaient à M. Mahjoub, qu’ils ont été entreposés dans la salle de travail assignée à l’équipe du contentieux de M. Mahjoub et qu’il s’agissait de documents que M. Mahjoub entendait utiliser au cours de l’instance. L’affidavit de M. Hameed confirme que certains des documents comportaient des notes manuscrites et/ou informatisées portant sur la stratégie juridique ainsi que d’autres renseignements confidentiels rédigés par les avocats publics et par M. Mahjoub.

 

[92]           J’accepte l’argument que M. Mahjoub a formulé lors de l’audience du 3 octobre 2011 suivant lequel il aurait été difficile de présenter une plus grande quantité de renseignements au sujet de la nature et du contenu de ces documents, étant donné que ces documents ne se trouvaient pas en sa possession au moment où il a déposé son dossier.

 

[93]           De plus, le rapport que le protonotaire Aalto a déposé à la suite du processus de séparation ordonné par la Cour aux termes de son ordonnance du 4 octobre 2011 confirme qu’on trouvait, au nombre des documents saisis [traduction] « le produit du travail des avocats, des renseignements confidentiels protégés par le secret professionnel de l’avocat et des renseignements protégés par le privilège des communications échangées dans le cadre du procès » (rapport du protonotaire Aalto, à la page 29).

 

[94]           Le protonotaire est bien placé pour parvenir à de telles conclusions. En tant que juge des requêtes, il lui revient normalement de décider si les documents contestés sont protégés ou non par le secret professionnel de l’avocat. Ces décisions, qu’il fait à l’étape de la divulgation de l’instance, ont pour effet de circonscrire le contenu du dossier qui sera soumis au juge qui présidera l’audience.

 

[95]           Je suis par conséquent convaincu que M. Mahjoub s’est acquitté du fardeau qui lui incombait et qu’il a démontré que les avocats du ministre avaient en leur possession des renseignements confidentiels protégés par le secret professionnel de l’avocat et que ces renseignements étaient pertinents en l’espèce. Il découle de la jurisprudence précitée qu’il incombe maintenant aux ministres de réfuter la présomption légale suivant laquelle il existe un risque que les renseignements confidentiels qu’ils ont obtenus soient utilisés au détriment de M. Mahjoub.

 

(2) Les ministres ont‑ils réfuté la présomption qu’il existe un risque que les documents protégés appartenant à M. Mahjoub qui se trouvaient en la possession des ministres soient utilisés au détriment de M. Mahjoub si l’instance se poursuit?

 

[96]           Il incombe aux ministres de démontrer, suivant la prépondérance des probabilités (F.H. c. McDougall, 2008 CSC 53, [2008] 3 R.C.S. 41) au moyen de « preuves claires et convaincantes » (arrêt Succession McDonald, précité, à la page 1262; arrêt Celanese, précité, au paragraphe 42) « que le public, c’est‑à‑dire une personne raisonnablement informée, [serait convaincu] qu’il ne sera fait aucun usage des renseignements confidentiels » (arrêt Succession McDonald, précité, à la page 1260).

 

[97]           M. Mahjoub soutient que la saisie des documents en cause par les ministres était abusive et entachée de négligence. Il fait valoir qu’aucune explication n’a été donnée pour expliquer pourquoi certains membres de l’équipe du contentieux des ministres n’ont pas souscrit d’affidavits. M. Mahjoub souligne par ailleurs que les ministres ont admis qu’au moins un de leurs avocats a pris connaissance du contenu de plusieurs boîtes. Il affirme par conséquent que les ministres étaient au courant de l’essentiel de certains des renseignements confidentiels en question. M. Mahjoub ajoute que la preuve présentée par les ministres ne fournit pas de fondement suffisant pour réfuter la présomption légale quant à l’existence d’un risque de préjudice. Il affirme également que la saisie n’est qu’une violation du secret professionnel de l’avocat parmi plusieurs autres qui ont été commises depuis 1996, et que la Cour devrait tenir compte de ces violations pour se prononcer sur la présumée violation en cause.

 

[98]           En ce qui concerne le dernier argument formulé par M. Mahjoub, la Cour est bien au courant du contenu du dossier de l’instance sous‑jacente se rapportant aux présumées violations du secret professionnel de l’avocat de M. Mahjoub. Toutefois, ces allégations sont contestées et il n’y a pas encore eu de décision à cet égard. Les deux parties conviennent qu’il n’y a pas lieu de trancher ces questions dans le cadre de la présente requête. Par conséquent, on ne peut tenir compte de ces allégations contestées pour trancher la présente requête.

 

[99]           Les ministres affirment qu’ils ont réfuté la présomption du risque de préjudice [traduction] « parce que soit les documents en question n’ont pas été examinés soit ils ne l’ont été que de façon superficielle avant que l’accès à ces documents soit totalement bloqué ».

 

[100]       La prise de possession des documents de M. Mahjoub et leur amalgame avec ceux des ministres découlent directement d’un grave manque de diligence de la part des membres de l’équipe des ministres lors du déroulement de l’instance. En particulier, les membres principaux de l’équipe n’ont pas donné de directives appropriées et claires à leurs adjoints ou aux assistants juridiques. On ne saurait trop insister sur la gravité des conséquences possibles de cette négligence de la part des ministres. À tout le moins, la négligence dont les membres de l’équipe du contentieux du ministre ont fait preuve a causé d’autres retards importants dans le déroulement d’une instance qui s’embourbait déjà en raison de nombreux délais procéduraux. Les ministres sont les seules personnes à blâmer pour ce retard. Toutefois, malgré la gravité des manquements commis par les membres de l’équipe du contentieux des ministres, je suis convaincu que ces erreurs n’étaient pas volontaires ou préméditées. Vu l’ensemble de la preuve, j’estime que les ministres et leur équipe du contentieux ne peuvent être accusés de mauvaise foi.

 

[101]       Les ministres ont d’abord reconnu qu’ils avaient en leur possession des documents qui appartenaient à M. Mahjoub, lorsque Mme Stewart Guthrie s’est présentée à la pièce 916 le 22 août 2011 en réponse au courriel envoyé le même jour par Mme Schneider pour inviter les ministres à examiner le contenu de diverses boîtes. En apercevant une page manuscrite dans l’une des boîtes, Mme Schneider a vu le nom « Tyndale » écrit à la gauche à la main sur la page. Elle n’a pas reconnu l’écriture. C’est à ce moment‑là que Mme Stewart Guthrie a pensé que certaines des notes n’appartenaient peut‑être pas aux ministres. Elle a refermé la boîte et a parlé à Mme Schneider, technicienne juridique, et à Mme Kaneira, avocate du ministère de la Justice, qui faisaient toutes les deux partie de l’équipe Mahjoub, pour leur dire qu’elle croyait qu’on avait ramené de la Cour des documents qui n’appartenaient pas aux ministres.

 

[102]       Après avoir été mis au courant de la situation par Mme Stewart Guthrie, M. Tyndale, avocat principal faisant partie de l’équipe Mahjoub, a donné pour instructions à Mme Guthrie d’étiqueter les boîtes dans lesquelles se trouvaient les documents de M. Mahjoub en y apposant la mention [traduction] « À examiner par les avocats publics » et d’envoyer aux avocats publics un courriel les informant de la situation et leur proposant que les parties examinent les documents en vue de les séparer, ce qui a été fait le jour même.

 

[103]       Bien que j’accepte que huit boîtes contenant des documents divers (correspondance, notes manuscrites, jurisprudence, etc.) avaient été mises de côté en vue d’être examinées par les avocats publics et qu’elles ont été étiquetées en conséquence, Mme Schneider a continué à travailler au bureau le reste de la semaine où elle triait des documents dans d’autres boîtes. Aucune mesure n’a été prise pour sceller la pièce et pour en contrôler l’accès jusqu’à ce que les avocats publics s’y rendent le 1er septembre 2011. Compte tenu du fait que certains documents retrouvés dans les huit boîtes diverses contenaient peut‑être des renseignements confidentiels, les ministres auraient dû prendre des mesures pour sceller les huit boîtes à ce moment‑là.

 

[104]       Je constate également qu’aucune mesure n’a été prise par les membres de l’équipe Mahjoub le 15 juillet 2011, date à laquelle Mme Dean a, à son retour de la Cour, envoyé un courriel aux membres de l’équipe pour les informer que Mme Krakowska, assistante juridique dans l’équipe Mahjoub, et elle avaient [traduction] « vidé la salle d’audience 6D et la pièce 6013 [la salle de réunion des ministres] et tout transféré à la pièce 6011 [la salle de réunion de M. Mahjoub] ». À ce moment‑là, avant que des documents ne soient transférés aux bureaux du ministère de la Justice, l’équipe des ministres aurait dû savoir qu’il y avait un problème en ce qui concerne le fait que les membres de l’équipe avaient eu accès aux deux salles de travail et en avaient transféré « tous » les documents dans la salle de travail de M. Mahjoub. Si l’on avait pris immédiatement des mesures, on aurait pu atténuer l’éventuel préjudice qui pouvait découler de la prise de possession et de l’amalgame des documents.

 

[105]       À la suite de la visite des avocats publics le 1er septembre 2011 à la pièce 916, au cours de laquelle ceux‑ci ont pu constater l’ampleur du problème causé par l’amalgame des documents, le bureau a été verrouillé et sécurisé au moyen d’un ruban jaune installé dans l’entrée du bureau. On a alors confisqué les clés du bureau, qui est demeuré scellé jusqu’à ce que le protonotaire Aalto ordonne que les documents soient retournés au Palais de justice.

 

[106]       Tous les membres de l’équipe du contentieux des ministres, y compris les techniciens juridiques qui avaient été le plus en contact avec les documents et qui avaient eu accès à la pièce 916 avant qu’elle ne soit scellée, ont dû se retirer temporairement de l’équipe en attendant qu’une décision définitive soit rendue au sujet de la requête.

 

[107]       De plus, certains murs éthiques ont été érigés pour faire en sorte que les membres de l’équipe qui avaient dû se retirer ne discutent pas de ce qu’ils avaient vu, le cas échéant, au sujet des documents se trouvant dans la pièce 916 et pour s’assurer qu’ils n’aient pas accès aux dossiers relatifs à l’affaire. La directrice régionale du ministère de la Justice à Toronto, Mme Martha Hendriks, a expliqué que les murs éthiques qui avaient été érigés avaient été scrupuleusement respectés depuis leur mise en œuvre.

 

[108]       J’estime que les mesures prises par les ministres après le 1er septembre 2001 pour sécuriser la pièce 916 et protéger les documents s’y trouvant étaient appropriées et efficaces dans les circonstances.

 

[109]       Les ministres ont déposé plusieurs affidavits en preuve pour réfuter la présomption légale suivant laquelle il existait un risque véritable que les documents confidentiels de M. Mahjoub soient utilisés à son détriment. La directrice régionale adjointe et avocate principale de la Section du droit de l’immigration du bureau régional de l’Ontario du ministère de la Justice, Mme Rhonda Marquis, a affirmé qu’elle avait communiqué avec chacun des membres de l’équipe Mahjoub, y compris les deux assistantes juridiques qui avaient à l’origine placé les documents dans des boîtes en vue de les retourner à la pièce 916, Mmes Dean et Krakowska, ainsi qu’avec la technicienne juridique qui avait été en contact plus étroit avec ces documents, Mme Schneider. Elle a confirmé que les membres de l’équipe Mahjoub avec lesquels elle avait communiqué l’avaient assurée qu’ils n’avaient pas examiné les documents des avocats de la partie adverse. Rien ne permet de penser que Mme Marquis est entrée dans la pièce 916 ou qu’elle a eu par ailleurs accès aux documents de M. Mahjoub. Mme Marquis a également affirmé que les avocats du SCRS l’avaient informée qu’ils n’étaient pas entrés dans la pièce 916 depuis le 15 juillet 2011. On l’a également informée qu’aucun des membres du personnel de l’ASFC assignés au dossier Mahjoub n’était entré dans la pièce 916 depuis le 15 juillet 2011.

 

[110]       En plus de l’affidavit souscrit par Mme Marquis, le ministre a déposé des affidavits souscrits par Kamal Dean, Jillian Schneider, Daniel Engel, Sharon Stewart Guthrie, Jocelyn Espejo‑Clarke, Nimanthika Kaneira, Maria Teresa Martins et Martha Lori Hendriks. Pour les motifs que j’ai déjà exposés au paragraphe 57 des présents motifs, le paragraphe 8 de l’affidavit de Martha Lori Hendriks a été écarté et il ne fait donc pas partie du dossier.

 

[111]       À l’exception de Mmes Marquis et Hendriks, toutes les autres personnes qui ont souscrit des affidavits pour le compte des ministres au soutien de la présente requête ont eu accès aux documents de M. Mahjoub. Elles ont pu entrer dans les salles de travail et/ou la pièce 916 du ministère de la Justice. Je vais maintenant examiner le témoignage de chacun des auteurs de ces affidavits.

 

[112]       Mme Kamal Dean, assistante juridique faisant partie de l’équipe Mahjoub, a été invitée par une autre assistante juridique, Mme Irena Krakowska, le 15 juillet 2011, à l’accompagner à la Cour pour récupérer les documents des ministres. Mme Dean affirme qu’elle n’a [traduction] « lu aucun des documents qui se trouvaient dans la salle d’audience ou dans les salles de travail et [qu’elle ignorait] que les documents appartenaient aux avocats représentant M. Mahjoub ». Mme Dean affirme également qu’elle a été informée par Mme Krakowska et qu’elle a toutes les raisons de croire que [traduction] « Irena n’a lu aucun des documents dans la salle d’audience ou dans les salles de travail et qu’elle ignorait que les documents appartenaient aux avocats représentant M. Mahjoub ». Mme Dean affirme également que Mme Krakowska l’a informée qu’elle ignorait [traduction] « qu’une des salles de travail était utilisée par les avocats de M. Mahjoub ». Mme Dean a aidé Mme Schneider à classer les documents dans la pièce 916 les 25, 26 et 27 juillet au matin. Mme Dean affirme qu’elle a seulement vu la page titre et la dernière page des documents et qu’elle n’a remarqué aucune annotation manuscrite.

 

[113]       Mme Jillian Schneider, technicienne juridique faisant partie de l’équipe Mahjoub, affirme qu’on lui a demandé de classer les documents après leur arrivée dans la pièce 916. C’est ce qu’elle a fait les 25, 26 et 27 juillet 2011. Elle affirme que le 8 août 2011, elle a demandé à M. Engel de l’aider à décider quels documents devaient être ramenés à la Cour avant la reprise de l’audience. Le même jour, dans la pièce 916, ils ont tous les deux [traduction] « ouvert deux ou trois boîtes et feuilleté les documents ». Elle déclare que l’examen leur a permis de constater immédiatement qu’il était nécessaire de classer le contenu des boîtes en catégories avant de pouvoir décider ce qui devait être retourné à la Cour. Elle affirme qu’elle a ensuite classé les documents elle‑même par catégories et que, pour ce faire, elle regardait le titre du document et, à l’occasion, la dernière page. Elle déclare qu’elle [traduction] « n’a pas lu les documents ni regardé leur contenu » et ne se rappelle pas [traduction] « avoir vu des annotations manuscrites sur les documents ». Il y a également lieu de signaler que Mme Schneider affirme qu’alors qu’elle continuait à classer les documents dans la pièce 916, elle n’a jamais examiné le contenu des huit boîtes après que Mme Stewart Guthrie les eut étiquetées en vue de leur examen par les avocats publics.

 

[114]       M. Daniel Engel, avocat de l’équipe du contentieux des ministres, a affirmé qu’il s’était présenté dans la pièce 916 du ministère de la Justice le 8 août 2011 pour examiner le contenu des boîtes de documents et déterminer quels documents devaient être retournés à la Cour pour la reprise de l’audience. Il déclare qu’avec Mme Schneider, il a ouvert deux ou trois boîtes et a « feuilleté » les documents. Il affirme qu’il n’a passé qu’une dizaine de minutes au bureau et qu’il n’y est pas revenu depuis. Il ajoute qu’il [traduction] « ne se souvien[t] pas avoir vu les documents des avocats publics pendant qu’il passait rapidement en revue le contenu des documents se trouvant dans les deux ou trois boîtes le 8 août 2011 ».

 

[115]       Mme Sharon Stewart Guthrie, avocate du ministère de la Justice qui faisait partie de l’équipe Mahjoub, s’est présentée à la pièce 916 le 22 août 2011 pour aider Mme Schneider à identifier certains documents. On peut résumer comme suit ce qu’elle affirme dans son affidavit au sujet des mesures qu’elle a prises relativement aux documents se trouvant dans la pièce 916 :

1.      Elle a examiné les étiquettes apposées sur les boîtes qui avaient été mises de côté en vue d’être retournées à la Cour. Elle n’a pas ouvert ces boîtes.

2.      Elle a examiné les étiquettes apposées sur deux ou trois boîtes de pièces placées dans des chemises. Elle a ouvert les boîtes et a [traduction] « feuilleté rapidement les chemises ». Elle a ensuite refermé les boîtes et les a laissées sur le bureau.

3.      Elle a ouvert trois des huit boîtes contenant divers documents qui étaient empilées contre la fenêtre. À l’intérieur de la première, elle a remarqué une chemise sur laquelle des étiquettes contenant des inscriptions manuscrites en français avaient été apposées. Elle n’a pas ouvert la chemise et elle a refermé la boîte et l’a mise de côté.

4.      Après avoir ouvert la deuxième boîte qui se trouvait près de la fenêtre, elle a remarqué que les premières pages concernaient des rapports publics qu’elle n’a pas feuilletés. Elle a refermé la boîte et l’a mise de côté.

5.      Après avoir ouvert la troisième boîte, elle a vu des extraits de jurisprudence cités par les deux parties au cours de l’instance. Elle ne les a pas feuilletés. Au fond de la boîte, elle a vu une copie d’un courriel échangé entre deux membres de l’équipe du contentieux des ministres. Elle a ensuite vu une feuille manuscrite sur laquelle était inscrit à la main le nom « Tyndale » sur le côté gauche de la page. Elle affirme qu’elle n’a rien vu d’autre sur cette page à part le nom « Tyndale ». Elle explique que c’est à ce moment‑là qu’elle a pensé que les notes n’appartenaient pas à son équipe. Elle a refermé la boîte et l’a mise de côté.

6.      Elle a passé de 10 à 15 minutes dans la pièce 916.

 

[116]            Mme Nimanthika Kaneira, avocate du ministère de la Justice et membre de l’équipe Mahjoub, affirme qu’elle a été convoquée au bureau 916 le 1er septembre 2011 par Mme Espejo‑Clarke, qui se trouvait dans ce bureau avec Mme Doyon et un adjoint de l’équipe du contentieux des avocats publics. On lui a demandé si elle savait comment les documents se trouvant sur le bureau et qui semblaient appartenir aux avocats publics avaient pu se retrouver dans la pièce 916. Mme Kaneira a spéculé qu’il pouvait s’agir d’une répétition de ce qui s’était produit plus tôt en février, alors que certaines boîtes appartenant aux ministres avaient été transportées dans la salle de travail de M. Mahjoub. Mme Kaneira a vu les piles de documents sur le bureau dont la plupart avaient une couverture en bleu et étaient reliés, et notamment des dossiers de requête. Elle affirme qu’elle n’a [traduction] « examiné aucun des documents et que, hormis le fait [qu’elle se souvenait] avoir vu les couvertures bleues de certains de ces documents, [elle] en ignorait le contenu ».

 

[117]            Le 30 août 2011, Mme Teresa Martins, agente d’administration du ministère de la Justice à Toronto, accompagnée de deux déménageurs, s’est rendue à la pièce 916 avec des boîtes appartenant à Mme Amy Lambiris, une employée du ministère de la Justice qui était en congé de maternité. Elle atteste que les déménageurs ont déposé dans la pièce 916 des boîtes appartenant à Mme Lambiris, et qu’elle surveillait l’opération dans l’embrasure de la porte. Ils n’ont passé que quelques minutes dans la pièce, juste le temps d’y déposer les boîtes. Elle affirme qu’elle n’a [traduction] « lu aucun des documents se trouvant dans la pièce 916 » et qu’elle n’a « pas vu les déménageurs les lire ».

 

[118]            Mme Espejo‑Clarke, avocate et membre de l’équipe Mahjoub, affirme qu’avec Mme Doyon, elle a [traduction] « examiné brièvement certains des documents et [qu’elle a] remarqué qu’il semblait qu’il y avait aussi les documents qui appartenaient aux ministres. Après un bref examen de certains des documents [en présence de Mme Doyon, elle] a réalisé [qu’elles] ne pouvaient les trier et [qu’elles] ne devaient pas chercher d’autres documents ».

 

[119]            M. Mahjoub soutient que les ministres n’ont pas réfuté la présomption qu’il existe un risque véritable que ses documents confidentiels se trouvant en la possession des ministres soient utilisés à son détriment si l’instance se poursuit.

 

[120]            M. Mahjoub signale certaines des lacunes que comporterait la preuve présentée par les ministres. Il soutient qu’aucun élément de preuve n’a été présenté pour démontrer que la porte de la pièce 916 était verrouillée entre le 20 juillet et le 1er septembre 2011. Par conséquent, on ignore qui pouvait consulter les documents entreposés dans le bureau pendant cette période. Il ajoute que la situation se complique du fait que la preuve n’identifie pas tous les membres qui faisaient partie de l’équipe du contentieux des ministres.

 

[121]       M. Mahjoub soutient également que certaines personnes, qui étaient de toute évidence des membres de l’équipe du contentieux des ministres, n’ont pas souscrit d’affidavits, à savoir Mme Krakowska, M. Larouche et M. Tyndale. Aucune explication n’a été donnée pour expliquer pourquoi le témoignage de ces membres de l’équipe Mahjoub n’avait pas été présenté. M. Mahjoub affirme que, bien que les affidavits déposés ne parlent que d’un [traduction] « examen superficiel » de certains des documents confidentiels, cela ne suffit pas pour réfuter la présomption légale. M. Mahjoub soutient par ailleurs que les affirmations de Mme Marquis suivant lesquelles aucun des membres de l’équipe Mahjoub n’avait examiné les documents des avocats de la partie adverse et que le SCRS et l’ASFC n’avaient pas eu accès à la pièce 916 constituent du ouï‑dire et qu’en conséquence, il y a lieu de tirer une inférence défavorable. M. Mahjoub ajoute que si elle ne tire pas d’inférence défavorable, la Cour ne devrait pas tenir compte de ces éléments de preuve ou ne devrait leur accorder que peu de valeur.

 

[122]       En somme, M. Mahjoub soutient qu’on ignore si certains des documents en cause ont été retirés de la pièce 916, qu’on ignore qui avait accès au bureau, y compris les membres du SCRS et de l’ASFC, et qu’on ignore qui sont les autres membres de l’équipe du contentieux des ministres et ce qu’ils ont vu des documents en question. M. Mahjoub affirme que ces questions se posent toujours dans l’état actuel du dossier. Il soutient par conséquent qu’il existe un risque véritable que ses documents confidentiels se trouvant en la possession des ministres soient utilisés à son détriment si l’instance se poursuit.

 

[123]       Pour les motifs qui suivent, je suis convaincu que les éléments de preuve présentés par les ministres démontrent que les membres de l’équipe Mahjoub qui ont eu accès aux documents de M. Mahjoub ont procédé seulement à un examen sommaire et superficiel des documents en question. Je conclus qu’aucun des membres de l’équipe Mahjoub n’a examiné les documents appartenant à M. Mahjoub. Je conclus également que les lacunes relevées par M. Mahjoub dans la preuve des ministres ne sont pas suffisantes pour justifier une conclusion défavorable.

 

[124]       Dans Canada (Commissaire à l’information) c. Canada (Ministre de l’Environnement), (1999), 179 F.T.R. 25, la Cour fédérale s’est penchée sur la question des inférences défavorables dans des circonstances analogues. Voici ce qu’elle déclare au paragraphe 47 de ses motifs :

Je ne suis pas disposé à tirer pareille conclusion dans ce contexte. La règle 81(1) des Règles de la Cour fédérale (1998) autorise expressément, dans le cadre des requêtes, l’admission en preuve des éléments d’information et des expressions de croyance personnelle. Bien que Mme MacCormick n’ait pas compilé elle‑même les documents en question, elle est une fonctionnaire de haut rang du Bureau du Conseil privé et, à ce titre, est bien placée pour témoigner que celui‑ci n’avait jamais l’intention de divulguer la Liste. Qui plus est, il y a d’autres témoignages qui viennent renforcer la prétention du défendeur qu’il a produit la Liste par inadvertance. [Non souligné dans l’original.]

 

[125]       La Cour d’appel fédérale a infirmé en partie la décision de la cour de première instance sans toutefois modifier sa conclusion que nous venons de citer (Canada (Commissaire à l’information) c. Canada (Ministre de l’Environnement) (1999), 187 D.L.R. (4th) 127 (C.A.F.)).

 

[126]       En l’espèce, Mme Marquis, en tant que directrice régionale adjointe et avocate principale au bureau de Toronto du ministère de la Justice et ancienne avocate de l’équipe du contentieux des ministres dans la présente instance, est bien placée pour témoigner sur les faits de la présente instance. Compte tenu du poste qu’elle occupe au sein du ministère de la Justice, elle est bien au courant de la composition de l’équipe du contentieux des ministres dans la présente affaire et elle connaît bien les avocats et le personnel qui représentent les ministères clients, le SCRS et l’ASFC.

 

[127]       Qui plus est, nous disposons de témoignages directs d’autres membres de l’équipe Mahjoub qui corroborent le témoignage de Mme Marquis. Tous les membres de l’équipe du contentieux des ministres qui ont souscrit des affidavits ont eu accès aux documents de M. Mahjoub soit dans les salles de travail, soit dans la pièce 916 du ministère de la Justice. Chacun confirme ne pas avoir pris connaissance des documents de M. Mahjoub. Dans ces conditions, je ne tire aucune inférence défavorable à l’égard du témoignage de Mme Marquis. J’estime que son témoignage est convaincant et je lui accorde une grande valeur.

 

[128]       Parmi les membres de l’équipe qui ont également eu accès aux documents, quatre n’ont pas souscrit d’affidavits, à savoir, Mmes Krakowska, Lewicki, Rondeau et Goodyear. Il aurait été préférable que chacune d’entre elles souscrive un affidavit. J’estime toutefois que leur omission de le faire n’est pas fatale dans les circonstances. Mmes Lewicki, Rondeau et Goodyear, qui étaient des assistantes juridiques, ont participé les 20 et 21 juillet 2011 au transfert des boîtes de la salle de travail de M. Mahjoub à la pièce 916. Deux autres assistantes juridiques, Mmes Dean et Krakowska, ont placé les documents dans des boîtes. Il ressort de la preuve que les boîtes sont demeurées fermées au cours du transport. Par conséquent, je suis convaincu que les trois assistantes juridiques en question n’ont pas pris connaissance du contenu des documents et que leur participation n’a causé aucun préjudice à M. Mahjoub.

 

[129]       Mme Krakowska s’est présentée à la salle d’audience et aux salles de travail en compagnie de Mme Dean le 15 juillet 2011 en vue d’emballer et de récupérer les boîtes qui se trouvaient alors dans la salle d’audience. Mme Dean a expliqué que Mme Krakowska lui avait dit qu’elle n’avait pas pris connaissance du contenu des documents dans la salle d’audience ou les salles de travail. De plus, Mme Marquis a déclaré que Mme Krakowska, qui était l’une des assistantes juridiques ayant placé les documents dans des boîtes, n’avait examiné aucun des documents de M. Mahjoub.

 

[130]       Bien qu’il eût été préférable que M. Tyndale, M. Larouche et Mme Krakowska souscrivent chacun un affidavit à l’appui de la présente requête, j’estime que leur défaut de le faire ne porte pas un coup fatal à la thèse des ministres dans le cadre de la présente requête, étant donné que j’accepte le témoignage de Mme Marquis suivant lequel aucun des membres de « l’équipe Mahjoub » n’a examiné les documents des avocats de la partie adverse. À mon avis, étant donné qu’aucun des membres de l’équipe n’a examiné les documents de M. Mahjoub, il importe peu que le dossier ne permette pas d’établir l’identité de chacun des membres de l’équipe du contentieux des ministres.

 

[131]       M. Mahjoub affirme que, comme les ministres n’ont pas démontré qui avait eu accès à ses documents, les ministres n’ont pas réfuté la présomption. M. Mahjoub soutient que toutes les personnes [traduction] « ayant un intérêt dans l’instance » et qui ont eu accès au bureau avant qu’il ne soit verrouillé auraient dû présenter une preuve. Les avocats de M. Mahjoub ont admis que cela ne voulait pas dire que chacun des avocats du ministère de la Justice au Canada aurait dû présenter une preuve.

 

[132]       Je retiens pour l’essentiel l’idée avancée par les avocats publics au sujet du bassin de personnes intéressées qu’ils proposent. Dans ces conditions, j’estime que le bassin pertinent de [traduction] « personnes ayant un intérêt dans l’instance » qui auraient eu accès à la pièce 916 non verrouillée avant qu’elle ne soit scellée le 1er septembre 2011 est composé des personnes qui faisaient partie de l’équipe Mahjoub ainsi que des représentants des ministères clients, à savoir les avocats du SCRS et le personnel de l’ASFC. J’estime que les ministres ont soumis la preuve nécessaire de la part de ces personnes.

 

[133]       Les éléments de preuve présentés par les ministres au sujet de l’accès, par les membres de l’équipe Mahjoub, aux documents des ministres ont déjà été examinés. Sur le fondement de ces éléments de preuve, je suis arrivé à la conclusion qu’aucun des membres de l’équipe Mahjoub n’a examiné les documents de M. Mahjoub. Je conclus également, au vu de la preuve, que les avocats du SRCR et le personnel de l’ASFC ne sont pas entrés à l’intérieur de la pièce 916 du ministère de la Justice à Toronto. Il s’ensuit qu’ils n’ont pas eu accès aux documents confidentiels de M. Mahjoub. Je conclus donc qu’aucune atteinte n’a été portée au droit de M. Mahjoub à un procès équitable du fait que la pièce 916 n’était pas verrouillée avant le 1er septembre 2011.

 

[134]       M. Mahjoub exprime des réserves au sujet de la photocopie de certains documents tant dans les bureaux du ministère de la Justice qu’à l’extérieur et il exprime aussi des réserves au sujet du processus de séparation. Il s’inquiète du risque de manipulation des documents et du fait que d’autres personnes auraient pu avoir accès à ses documents confidentiels. Bien qu’il eût été préférable qu’aucune photocopie interne ou externe des documents ne soit effectuée, la preuve démontre que l’entreprise extérieure à laquelle on a recouru pour faire photocopier un nombre limité de documents plus volumineux était une entreprise cautionnée dont le ministère de la Justice avait déjà utilisé les services. La preuve établit également que l’assistante juridique qui s’est occupée de photocopier les documents à l’interne, Mme Schneider, avait reçu comme directives de s’assurer qu’un nombre suffisant de copies de certaines pièces soit fait pour le procès, conformément aux directives des avocats. Mme Schneider fait partie de l’équipe du contentieux des ministres et elle a expliqué dans son témoignage qu’elle n’avait pas examiné les documents. Dans ces conditions, j’estime qu’aucun préjudice n’a été causé à M. Mahjoub en raison de la photocopie de ses documents.

 

[135]       J’estime en outre que la procédure prescrite aux termes de l’ordonnance de la Cour du 4 octobre 2011 a été méticuleusement suivie par le protonotaire Aalto et que cette procédure n’a aucunement contribué à aggraver le préjudice que la prise de possession des documents aurait pu causer. Pour être clair, j’estime, vu l’ensemble de la preuve, qu’aucun préjudice n’a été causé à M. Mahjoub en raison du processus de séparation suivi par le protonotaire Aalto conformément à l’ordonnance judiciaire du 4 octobre 2011.

 

[136]       Je conclus, sur le fondement de l’ensemble de la preuve produite, que les ministres ont réfuté la présomption de préjudice. Une personne raisonnablement informée serait convaincue, dans les circonstances, qu’il n’y a aucun risque véritable que les documents confidentiels de M. Mahjoub qui se sont retrouvés en la possession des ministres soient utilisés à son détriment si l’instance devait se poursuivre. L’équité du procès n’est pas en cause.

 

(4)               La conduite des ministres traduit‑elle un comportement inéquitable ou vexatoire au point de contrevenir aux notions fondamentales de justice et de porter ainsi atteinte à l’intégrité du processus judiciaire? Dans l’affirmative, quelle est la réparation appropriée?

 

[137]       Après avoir conclu que les ministres ont réfuté la présomption que le droit de M. Mahjoub à un procès équitable serait compromis si l’instance devait se poursuivre, je passe maintenant à l’argument formulé par M. Mahjoub au sujet de l’abus de procédure. M. Mahjoub soutient que, comme le secret professionnel de l’avocat constitue un élément clé de l’administration de la justice et que les ministres avaient en leur possession des renseignements confidentiels le concernant, la poursuite de l’instance aurait pour effet de ternir l’image de l’administration de la justice. En conséquence, M. Mahjoub affirme que la Cour devrait suspendre définitivement les procédures pour cause d’abus de procédure relevant de la catégorie résiduelle.

 

[138]       M. Mahjoub affirme que, comme l’objectif sous‑jacent de la catégorie résiduelle de l’abus de procédure, c’est‑à‑dire l’intérêt public à long terme considéré dans une perspective sociétale prospective consistant à assurer la confiance de la société envers le système de justice, est le même que celui que vise le paragraphe 24(2) de la Charte, la Cour devrait adopter le critère utilisé dans les affaires relatives au paragraphe 24(2) de la Charte. Dans l’arrêt R. c. Grant, 2009 CSC 32, [2009] 2 R.C.S. 353, la Cour suprême a énoncé le critère applicable en pareil cas au paragraphe 71 de sa décision :

Il ressort de la jurisprudence et de la doctrine qu’il faut, pour déterminer si l’utilisation d’un élément de preuve obtenue en violation de la Charte déconsidérerait l’administration de la justice, examiner trois questions tirant chacune leur origine des intérêts publics sous‑jacents au par. 24(2), considérés à long terme dans une perspective sociétale prospective. Ainsi, le tribunal saisi d’une demande d’exclusion fondée sur le par. 24(2) doit évaluer et mettre en balance l’effet que l’utilisation des éléments de preuve aurait sur la confiance de la société envers le système de justice en tenant compte de : (1) la gravité de la conduite attentatoire de l’État (l’utilisation peut donner à penser que le système de justice tolère l’inconduite grave de la part de l’État), (2) l’incidence de la violation sur les droits de l’accusé garantis par la Charte (l’utilisation peut donner à penser que les droits individuels ont peu de poids) et (3) l’intérêt de la société à ce que l’affaire soit jugée au fond. Le rôle du tribunal appelé à trancher une demande fondée sur le par. 24(2) consiste à procéder à une mise en balance de chacune de ces questions pour déterminer si, eu égard aux circonstances, l’utilisation d’éléments de preuve serait susceptible de déconsidérer l’administration de la justice. Bien qu’elles ne recoupent pas exactement les catégories élaborées dans Collins, ces questions visent les facteurs pertinents pour trancher une demande fondée sur le par. 24(2), tels qu’ils ont été formulés dans Collins et dans la jurisprudence subséquente.

 

[139]       À mon avis, il n’est pas nécessaire d’adopter en l’espèce le critère posé dans l’arrêt Grant, précité. Dans R. c. Nixon, 2011 CSC 34, [2011] 2 R.C.S. 566, la Cour suprême a récemment donné quelques indications au sujet de la façon dont les tribunaux devaient traiter des cas relevant de la catégorie résiduelle de l’abus de procédure. Aux paragraphes 41 et 42 de sa décision, la Cour a écrit :

Dans la catégorie résiduelle de cas, l’atteinte aux droits de l’accusé est pertinente, mais non déterminante. Bien entendu, dans la plupart des cas, l’accusé n’établira le bien‑fondé de son allégation d’abus de procédure que s’il parvient à démontrer que la conduite du poursuivant lui a causé un certain préjudice. Cependant, en ce qui concerne cette catégorie de cas, il est préférable de concevoir le préjudice subi comme un acte tendant à miner les attentes de la société sur le plan de l’équité en matière d’administration de la justice. Les propos suivants de la juge L’Heureux‑Dubé dans R. c. Conway, [1989] 1 R.C.S. 1659, expriment bien le caractère essentiel de l’équilibre à atteindre en matière d’abus de procédure en ce qui concerne la catégorie résiduelle de cas :

 

Suivant la doctrine de l’abus de procédure, le traitement injuste ou oppressif d’un accusé prive le ministère public du droit de continuer les poursuites relatives à l’accusation. Les poursuites sont suspendues, non à la suite d’une décision sur le fond (voir Jewitt, précité, à la p. 148), mais parce qu’elles sont à ce point viciées que leur permettre de suivre leur cours compromettrait l’intégrité du tribunal. Cette doctrine est l’une des garanties destinées à assurer « que la répression du crime par la condamnation du coupable se fait d’une façon qui reflète nos valeurs fondamentales en tant que société » (Rothman c. La Reine, [1981] 1 R.C.S. 640, à la p. 689, le juge Lamer). C’est là reconnaître que les tribunaux doivent avoir le respect et le soutien de la collectivité pour que l’administration de la justice criminelle puisse adéquatement remplir sa fonction. Par conséquent, lorsque l’atteinte au franc‑jeu et à la décence est disproportionnée à l’intérêt de la société [de veiller à ce] que les infractions criminelles soient efficacement poursuivies, l’administration de la justice est mieux servie par l’arrêt des procédures. [Je souligne; p. 1667.]

 

Le critère à appliquer pour décider s’il y a lieu d’accorder une suspension de l’instance pour abus de procédure, peu importe qu’il y ait eu ou non atteinte au droit de l’accusé à un procès équitable ou à l’intégrité du système de justice, est celui qui a été exposé dans Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Tobiass, [1997] 3 R.C.S. 391, et R. c. Regan, 2002 CSC 12, [2002] 1 R.C.S. 297. Il ne conviendra d’ordonner la suspension de l’instance que lorsque les deux critères suivants seront remplis : « (1) le préjudice causé par l’abus en question sera révélé, perpétué ou aggravé par le déroulement du procès ou par son issue; (2) aucune autre réparation ne peut raisonnablement faire disparaître ce préjudice » (Regan, par. 54, citant O’Connor, par. 75).

 

[141]       La question qui se pose en l’espèce est celle de savoir si les circonstances dans lesquelles les documents ont été saisis et amalgamés ont eu pour effet de miner les attentes de la société sur le plan de l’équité en matière d’administration de la justice au point où « la poursuite des procédures choquera le sens de la justice de la société » (Tobiass, précité, au paragraphe 91).

 

[142]       M. Mahjoub soutient essentiellement que la conduite des ministres en l’espèce est injuste et qu’elle porte atteinte à l’intégrité de l’administration de la justice au point de miner l’intégrité du processus judiciaire. Il cite les faits suivants à l’appui de son argument :

a.       les ministres ont saisi ses documents confidentiels;

b.      les ministres ont amalgamé ses documents avec les leurs;

c.       les ministres n’ont pas donné suite au courriel du 15 juillet 2011 qui avait été adressé à leur équipe pour les informer que tous les documents se trouvaient dans une seule salle de travail;

d.      les ministres n’ont pas scellé les 8 boîtes de documents divers après avoir appris que certains de ces documents pouvaient appartenir à M. Mahjoub;

e.       les ministres ne l’ont pas informé dès le départ du fait que certains de ses documents avaient été photocopiés; 

f.       les ministres ne l’ont pas informé dès le départ du fait que des déménageurs étaient entrés dans la pièce 916 avec des boîtes appartenant à Amy Lambiris.

 

[143]       Les circonstances qui ont conduit à la saisie et à l’amalgame des documents de M. Mahjoub ont déjà été analysées dans les présents motifs. Compte tenu du dossier de la preuve, je suis parvenu à la conclusion que, bien que négligente, la conduite des ministres n’était pas intentionnelle et qu’elle n’a pas entaché l’équité de la procédure sous‑jacente.

 

[144]       Ainsi que la Cour suprême l’a déclaré dans l’arrêt Nixon, précité, le préjudice tel qu’on le conçoit dans la catégorie résiduelle de cas s’entend d’actes qui minent les attentes de la société sur le plan de l’équité en matière d’administration de la justice. Les privilèges en jeu dans la présente requête, en particulier les communications confidentielles échangées entre les avocats et le client, constituent un aspect central de l’administration de la justice dans un système fondé sur le principe du débat contradictoire. Le public a un intérêt à ce que l’intégrité des relations avocat‑client soit maintenue. La possession physique de documents confidentiels par la partie adverse est une question grave, qui, dans certaines circonstances, pourrait avoir des effets dévastateurs à long terme sur la confiance de la société envers l’administration de la justice. Malgré ma conclusion que la conduite des ministres n’a pas eu d’incidence sur l’équité de la procédure et qu’elle n’a pas causé de préjudice à M. Mahjoub, l’apparence d’équité du processus judiciaire revêt une importance capitale. À mon avis, les circonstances de l’espèce m’amènent à conclure que l’apparence d’équité a été compromise. En conséquence, j’estime qu’un abus de procédure relevant de la catégorie résiduelle a été commis en l’espèce.

 

[145]       À mon avis, il convient d’accorder une réparation pour faire en sorte que la conduite des ministres ne mine pas les attentes de la société envers l’administration de la justice. Nous n’avons pas affaire à une situation claire qui justifierait une suspension permanente des procédures. Une réparation moindre, sur laquelle nous reviendrons plus loin, peut être accordée en l’espèce pour faire en sorte que toute atteinte à l’apparence d’équité ne sera pas manifestée, perpétuée ou aggravée lors du déroulement de l’instance ou en raison de l’issue de la demande.

 

[146]       Ainsi que la Cour suprême du Canada l’a jugé dans l’arrêt Nixon, précité, il est essentiel de chercher à atteindre un équilibre lorsqu’un abus de procédure relevant de la catégorie résiduelle de cas est commis. Pour ce faire, il faut soupeser les intérêts que servirait la suspension des procédures et l’intérêt que représente pour la société un jugement définitif statuant sur le fond. Pour soupeser ces intérêts, j’ai tenu compte des facteurs suivants, en l’occurrence, les faits de l’espèce et la nature de l’instance, la situation de M. Mahjoub, la gravité de la conduite du ministre et ses incidences sur l’intégrité de l’administration de la justice, ainsi que l’intérêt que représente pour la société le prononcé d’un jugement définitif sur le fond. Pour l’essentiel, ces facteurs ont déjà été analysés dans les présents motifs. Il est d’un intérêt primordial pour la société que ces affaires soient tranchées sur le fond, tant pour la personne qui cherche à défendre sa réputation que pour les ministres, qui ont l’obligation de protéger la sécurité nationale du Canada (arrêt O’Connor, précité, au paragraphe 81, Al Yamani c. Canada, 2003 CAF 482, 246 F.T.R. 320; Harkat (Re), 2010 CF 1243, 95 Imm. L.R. (3d) 1, décision infirmée pour d’autres motifs à 2012 CAF 122).

 

[147]       Après avoir examiné le dossier en l’espèce, je conclus que l’atteinte au franc jeu et à la décence causée par la saisie et par l’amalgame, par les ministres, des documents confidentiels de M. Mahjoub, n’est pas disproportionnée par rapport à l’intérêt de la société de faire en sorte que l’instance sous‑jacente se poursuive et qu’une décision définitive soit rendue sur le fond.

 

[148]       Dans ces conditions, pour écarter toute perception qui pourrait subsister et qui donnerait à penser que les avocats des ministres ont pris connaissance des documents confidentiels appartenant à M. Mahjoub et pour s’assurer de préserver la confiance du public dans le système de justice, je vais examiner la possibilité de retirer de façon permanente du dossier certains des membres de l’équipe Mahjoub. Pour ce faire, je m’inspire des six facteurs non exhaustifs dont il faut tenir compte pour déterminer dans quel cas il convient d’ordonner à des avocats de cesser d’occuper. Ces facteurs ont été proposés par la Cour suprême dans l’arrêt Celanese, et ont déjà été énoncés au paragraphe 81 des présents motifs. Je vais les examiner brièvement à tour de rôle.

 

[149]       En ce qui concerne le premier facteur, j’ai déjà examiné dans les présents motifs en détail la manière dont les ministres s’étaient emparés des documents de M. Mahjoub et les avaient amalgamés. Qu’il suffise de dire que les ministres sont entrés en possession des documents par suite d’une erreur involontaire commise par négligence par des membres de l’équipe Mahjoub.

 

[150]       En ce qui concerne le second facteur, après avoir reconnu qu’ils avaient en leur possession certains des documents de M. Mahjoub, les ministres ont mis à part huit boîtes contenant des documents divers dont on croyait que certaines contenaient des documents appartenant à M. Mahjoub. Les ministres ont apposé l’étiquette suivante sur ces boîtes [traduction] « À examiner par les avocats publics ». Toutefois, la pièce 916 n’a pas été scellée tout de suite. Comme les ministres l’ont par la suite découvert le 1er septembre 2011, des documents appartenant à M. Mahjoub en plus de ceux se trouvant dans les huit boîtes en question ont également été trouvés dans la pièce 916.

 

[151]       En ce qui concerne le troisième facteur, j’ai déjà tiré dans les présents motifs des conclusions au sujet de la mesure dans laquelle les documents privilégiés avaient été examinés. Bien que j’aie conclu que les membres de l’équipe Mahjoub n’ont pas pris connaissance des documents, certains membres de cette équipe avaient néanmoins accès à ces documents et les ont manipulés. Mme Schneider, qui était chargée de classer les documents, a passé plus d’une semaine à les trier. D’autres membres de l’équipe Mahjoub, y compris Mme Stewart Guthrie, M. Engel, Mme Dean et Mme Espejo‑Clarke, ont également manipulé, examiné et/ou feuilleté des documents qui appartenaient à M. Mahjoub et au nombre desquels se trouvaient probablement des documents confidentiels.

 

[152]       En ce qui concerne le quatrième facteur, je suis convaincu, sur la foi du rapport du protonotaire Aalto, que les ministres avaient en leur possession des documents confidentiels appartenant à M. Mahjoub préjudiciables à ce dernier.

 

[153]       En ce qui concerne le cinquième facteur, il ne restait que quatre témoins devant être appelés à comparaître pour le compte de M. Mahjoub lorsque les documents ont été pris. Comme l’avocat principal continuerait à être inscrit au dossier, il y a peu de raisons de craindre que certains des avocats de l’équipe Mahjoub soient forcés de se retirer de façon permanente à cette étape tardive de l’instance.

 

[154]       Quant au sixième facteur, j’ai déjà conclu que les murs éthiques qui ont été érigés ainsi que les mesures de précaution prises par les ministres étaient appropriés et efficaces dès qu’ils ont été mis en place. Aucune mesure de ce genre n’existait entre le 20 juillet 2011 et le 1er septembre 2011.

 

[155]       Après examen des facteurs susmentionnés, je vais ordonner, pour assurer la confiance du public dans l’administration de la justice, que les membres suivants de l’équipe Mahjoub qui ont eu accès aux documents de M. Mahjoub se retirent de façon permanente du dossier et qu’il leur soit interdit d’avoir accès aux documents ou renseignements se rapportant au dossier. Il leur sera par ailleurs interdit de discuter de tout renseignement concernant le dossier avec qui que ce soit ou de communiquer de tels renseignements à qui que ce soit :

1.                  Mme Stewart Guthrie;

2.                  Mme Krakowska;

3.                  Mme Rondeau;

4.                  Mme Goodyear;

5.                  Mme Lewicki;

6.                  Mme Schneider;

7.                  Mme Kaneira;

8.                  Mme Martins;

9.                  M. Engel;

10.              Mme Dean;

11.              Mme Espejo‑Clarke.

 

[156]       À mon avis, ordonner à ces personnes de l’équipe Mahjoub de se retirer du dossier constitue une réparation moindre qui est raisonnablement susceptible d’éviter le préjudice dont l’existence a été constatée en raison de l’abus de procédure commis en l’espèce et qui relève de la catégorie résiduelle. Une personne raisonnable informée de l’ensemble des circonstances serait convaincue que l’instance peut se poursuivre sans perte de confiance à l’égard de l’intégrité de l’administration de la justice.

 

VIOLATION DE L’ARTICLE 8 DE LA CHARTE

 

[157]       Dans ces conditions, je suis convaincu qu’en s’emparant des documents de M. Mahjoub, les ministres ont procédé à une « saisie » au sens de l’article 8 de la Charte.

 

[158]       J’ai déjà examiné dans les présents motifs les répercussions de la saisie des documents de M. Mahjoub par les ministres. Ainsi, je suis arrivé à la conclusion que la suspension permanente des procédures réclamée par M. Mahjoub n’est pas appropriée dans les circonstances. Comme je l’ai déjà expliqué, il est possible en l’espèce d’accorder une réparation moindre et c’est ce qui sera fait. Je suis néanmoins d’avis qu’il conviendrait que la Cour se penche sur la question de la violation des droits garantis à M. Mahjoub par l’article 8 de la Charte et sur les retards importants occasionnés par cette violation comme facteurs invoqués au soutien de la requête en abus de procédure de M. Mahjoub.


ORDONNANCE

 

LA COUR :

 

1.         ACCUEILLE en partie la requête de M. Mahjoub;

 

2.         ORDONNE aux membres suivants de l’équipe du contentieux des ministres de se retirer de façon permanente du dossier, leur INTERDIT de consulter quelque document ou renseignement que ce soit se rapportant au dossier ou de discuter de tout renseignement concernant le dossier avec qui que ce soit ou de communiquer de tels renseignements à qui que ce soit :

1.      Mme Stewart Guthrie;

2.      Mme Krakowska;

3.      Mme Rondeau;

4.      Mme Goodyear;

5.      Mme Lewicki;

6.      Mme Schneider;

7.      Mme Kaneira;

8.      Mme Martins;

9.      M. Engel;

10.  Mme Dean;

11.  Mme Espejo‑Clarke.

 

3.         REFUSE d’accorder les autres réparations sollicitées dans la requête.

 

 

« Edmond P. Blanchard »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Sandra de Azevedo, LL.B.
Annexe A

 

 

 

Date : 20111004

Dossier : DES‑7‑08

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Toronto (Ontario), le 4 octobre 2011

En présence de monsieur le juge Blanchard

 

ENTRE :

 

 

AFFAIRE INTÉRESSANT UN CERTIFICAT SIGNÉ EN VERTU DU PARAGRAPHE 77(1) DE LA LOI SUR L’IMMIGRATION ET LA PROTECTION DES RÉFUGIÉS (LIPR);

 

 

 

 

 

 

 

ET LE DÉPÔT DE CE CERTIFICAT À LA COUR FÉDÉRALE DU CANADA CONFORMÉMENT AU PARAGRAPHE 77(1) DE LA LIPR;

 

 

 

 

 

 

 

ET MOHAMED ZEKI MAHJOUB

 

 

 

ORDONNANCE

 

VU la requête qui a été présentée le 16 septembre 2011 pour le compte de M. Mahjoub en vue d’obtenir les réparations suivantes :

a.       la suspension permanente des procédures en vertu des articles 7 et 8 et du paragraphe 24(1) de la Charte canadienne des droits et libertés et de l’article 50 de la Loi sur les Cours fédérales;

b.      une ordonnance le remettant en liberté sans condition;

c.       une ordonnance accordant aux parties le droit de présenter d’autres observations relativement à la récupération, à la mise sous scellés ou à la destruction des documents qui ont été amalgamés;

d.      à titre subsidiaire, toute autre réparation que la Cour estimera convenable et juste d’accorder dans les circonstances, dont le retrait du dossier des avocats et du personnel juridique du ministère de la Justice qui se sont occupés du dossier, du personnel de l’Agence des services frontaliers du Canada (l’ASFC) et du Service canadien du renseignement de sécurité (le SCRS);

 

LECTURE FAITE des dossiers de requête des parties et après avoir entendu les plaidoiries des parties à Toronto le 3 octobre 2011;

 

APRÈS AVOIR sursis au prononcé du jugement à la clôture de l’audience;

 

APRÈS AVOIR entendu les parties au sujet du processus à suivre pour séparer les documents en cause;

 

ÉTANT CONVAINCUE que, pour être en mesure de déterminer la réparation qu’il convient, le cas échéant, d’accorder dans les circonstances, il faut d’abord faire séparer les documents et les remettre aux parties respectives pour leur donner la possibilité de faire valoir leur point de vue sur la nature et la portée du présumé préjudice;

 

CONSTATANT que les parties sont d’avis qu’il est préférable que l’examen des documents ne soit pas confié au juge qui préside l’audience de crainte que ces documents influencent son jugement;

 

ÉTANT CONVAINCUE que la tâche de séparer les documents devrait être confiée à un protonotaire de la Cour qui établira, après avec consulté les parties, la procédure à suivre pour séparer les documents amalgamés de façon à limiter le préjudice que pourraient subir les parties :

 

LA COUR ORDONNE :

 

1.            Les parties doivent se présenter devant le protonotaire Aalto à 9 h 30, le mercredi 5 octobre 2011, à la Cour fédérale, à Toronto (Ontario), en vue d’établir un protocole concernant la séparation des documents qui ont été amalgamés. Le protocole en question sera établi par le protonotaire Aalto en collaboration avec les parties. Il permettra de séparer les documents de façon à limiter le préjudice que pourraient subir les parties.

 

2.            Chacune des parties doit désigner une ou plusieurs personnes ne faisant pas partie des avocats inscrits au dossier et qui est en mesure d’identifier les documents appartenant à la partie en question en vue de séparer les documents qui ont été amalgamés en présence du protonotaire et sous sa surveillance, conformément au protocole établi à cette fin.

 

3.            La ou les personnes ainsi désignée(s) par chacune des parties sera(seront) exclue(s) de l’équipe du contentieux de chacune des parties et il lui/leur sera interdit de communiquer avec qui que ce soit au sujet de la nature ou du contenu des pièces examinées aux fins susmentionnées et elle(s) devra/devront signer un engagement en ce sens devant la Cour.  

 

4.            Les documents ainsi séparés devront être rendus à chacune des parties.

 

5.            Les parties peuvent formuler d’autres observations au sujet de la nature et de l’ampleur de tout présumé préjudice devant le juge désigné. À cette fin, M. Mahjoub peut fournir une description des documents qui lui ont été remis et sur lesquels il se fonde pour faire la preuve de ce préjudice en s’assurant de ne révéler aucun renseignement de fond qui serait protégé par le secret professionnel de l’avocat ou par le privilège des communications échangées dans le cadre du procès.

 

6.            Le protonotaire Aalto examinera et approuvera toute description préparée par M. Mahjoub en la comparant avec le document correspondant avant d’autoriser le dépôt de cette description devant la Cour. 

 

7.            Une fois les documents séparés, le protonotaire Aalto soumettra un rapport écrit au sujet du protocole suivi pour séparer les documents. En vertu de son pouvoir discrétionnaire, il peut également rendre compte de toute autre question se rapportant à la présente ordonnance.

 

8.            En cas de différend au sujet de l’interprétation de la présente ordonnance, il sera loisible aux parties de s’adresser à nouveau à la Cour pour obtenir des directives.

 

 

« Edmond P. Blanchard »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

Sandra de Azevedo, LL.B.


Annexe B

 

 

 

 

Dossier : DES‑7‑08

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

AFFAIRE INTÉRESSANT un certificat signé en vertu du paragraphe 77(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (LIPR);

 

ET le dépôt de ce certificat à la Cour fédérale conformément au paragraphe 77(1) de la LIPR;

 

ET Mohamed Zeki MAHJOUB

 

 

 

RAPPORT SOUMIS AU JUGE BLANCHARD

CONCERNANT LA SÉPARATION DES DOCUMENTS

 

I.                   INTRODUCTION

1.                  Contexte

Au cours de l’été 2011, des documents qui étaient entreposés dans des salles de travail de la Cour fédérale utilisées par les avocats publics de M. Mahjoub ainsi que par les ministres ont été transférés par des membres du personnel du ministère de la Justice dans un local situé dans les bureaux du ministère de la Justice situés au 130, rue King Ouest, à Toronto. Les documents en question ont ensuite été placés dans un bureau inoccupé situé au 9e étage des bureaux du ministère de la Justice, en l’occurrence, la pièce 916.

 

Après qu’un des avocats du ministère de la Justice eut constaté que des documents appartenant tant aux avocats du ministère de la Justice qu’aux avocats publics de M. Mahjoub se trouvaient dans la pièce 916, celle‑ci a été scellée. Les avocats publics de M. Mahjoub ont été invités à examiner les documents et ils ont constaté que des documents appartenant à M. Mahjoub et à ses avocats publics se trouvaient effectivement dans la pièce 916[1].

 

Les avocats publics de M. Mahjoub ont ensuite présenté une requête en suspension permanente des procédures en invoquant divers moyens, notamment [traduction] « l’amalgame, par des membres du personnel et/ou par des avocats du ministère de la Justice, des documents confidentiels se trouvant dans le dossier de M. Mahjoub avec des documents se trouvant dans le dossier du ministère de la Justice ». Cette requête a été contestée par les avocats des ministres. Après avoir attendu les arguments sur la requête en suspension le 3 octobre 2011, le juge désigné, monsieur le juge Edmond Blanchard, a rendu une ordonnance le 4 octobre 2011 (l’ordonnance du 4 octobre)[2].

 

2.                  L’ordonnance du 4 octobre

Voici le préambule de l’ordonnance du 4 octobre :

ÉTANT CONVAINCUE que, pour être en mesure de déterminer la réparation qu’il convient, le cas échéant, d’accorder dans les circonstances, il faut d’abord faire séparer les documents et les remettre aux parties respectives pour leur donner la possibilité de faire valoir leur point de vue sur la nature et la portée du présumé préjudice;

[…]

L’ordonnance du 4 octobre prévoit un mécanisme pour la séparation des documents. Essentiellement, les avocats des ministres et les avocats publics de M. Mahjoub devaient désigner des représentants[3] qui ne faisaient pas partie de l’équipe du contentieux de chacune des parties dans la présente affaire pour participer à la séparation des documents[4] sous la surveillance et les ordres d’un protonotaire de la Cour fédérale. L’ordonnance du 4 octobre prévoyait également que les parties devaient établir un protocole pour la séparation des documents en collaboration avec les avocats et les représentants.

 

3.                  Le rapport

Conformément au paragraphe 7 de l’ordonnance du 4 octobre, le présent rapport a pour objet de donner un résumé de la procédure suivie par les représentants pour séparer les documents conformément aux directives de la Cour. Les détails de la procédure suivie et du protocole élaboré en vue de la séparation des documents ne sont exposés dans le présent rapport que de façon générale[5]. Pendant tout le déroulement de l’instance, de nombreuses questions ont été soulevées, presque quotidiennement : il s’agissait de questions d’ordre logistique[6] ou procédural[7] ainsi que de questions de fond[8]. Le présent rapport ne traite de ces questions que si elles ont une incidence importante sur le processus de séparation. Pour de plus amples détails sur le processus suivi et sur le protocole, il convient de consulter l’Appendice du présent rapport[9].

 

II.                MESURES INITIALES

1.                  Conférences de gestion de l’instance

Plusieurs conférences de gestion de l’instance ont eu lieu en présence des avocats en vue de recueillir leurs points de vue au sujet de la procédure à suivre pour la séparation des documents et d’élaborer un plan initial, notamment pour désigner des représentants[10]. Une fois nommés, les représentants ont participé à ces conférences. Par suite de ces conférences, une méthode générale de séparation des documents a été élaborée et a servi d’inspiration pour le protocole qui a par la suite été établi en vue de séparer des documents. La désignation des représentants et la décision de transférer tous les documents de la pièce 916 du ministère de la Justice à une salle de conférence du Palais de justice revêtaient dès le départ une grande importance.

 

2.                  Les représentants

Voici les représentants désignés par les parties :

a.         Pour les ministres :

Rhonda Marquis (avocate principale)

Teresa Ramnarine (avocate adjointe)

Laura Wilson (stagiaire en droit)

 

b.         Pour M. Mahjoub[11] :

Nadia Liva (avocate principale)

Jared Will (avocat adjoint)

Amber Ingram Branton (stagiaire en droit)

 

3.                   Engagements

Pour insister sur l’importance de la distinction à faire entre les avocats inscrits au dossier et les représentants et le fait que les représentants ne participaient pas activement à la présente affaire et n’y participeraient pas en tant qu’avocats, une formule d’engagement a été rédigée. Elle devait être signée par tous les représentants avant que le processus de séparation ne soit entamé. Tous les engagements ont été cotés en tant que pièces dans la présente instance[12]. D’autres engagements ont été préparés pour les avocats des ministres et les avocats publics de M. Mahjoub lorsqu’ils ont obtenu l’accès aux documents séparés.

 

4.                  Inspection initiale et identification des documents

La première étape du processus de séparation des documents a consisté à transférer tous les documents se trouvant à la salle 916 des bureaux du ministère de la Justice à la Cour fédérale. Il était d’une importance capitale, lors du transport de ces documents, de faire en sorte que ce transport se fasse de façon continue pour que personne ne puisse prétendre qu’il y avait eu une possibilité que des documents se perdent ou soient manipulés. À cette fin, les représentants ont travaillé en collaboration avec la Cour pour prévoir une procédure de transport des documents.

 

La procédure qui a été suivie est exposée en détail dans la transcription de l’audience du lundi 7 novembre 2011[13]. Essentiellement, la Cour et les représentants[14] se sont rencontrés aux bureaux du ministère de la Justice. Une rencontre préliminaire a eu lieu pour identifier les engagements des représentants et les coter en tant que pièces et une brève discussion a suivi au sujet des objectifs du processus général et des mesures à prendre pour assurer la continuité du transport.

 

Les représentants et la Cour se sont ensuite rencontrés dans le couloir à l’extérieur de la pièce 916 et la Cour a levé les scellés. Un vidéographe[15] a été engagé pour prendre des photographies et des vidéos de l’ouverture de la pièce 916 et du contenu de la pièce 916. Après une évaluation initiale du contenu et de la disposition de la pièce, les quatre murs de cette pièce ont été identifiés au moyen d’un code de couleur et les boîtes disposées le long des murs de la pièce ont été identifiées au moyen du même code de couleur. Chacune des étapes du processus a été filmée et des photos ont été prises à divers moments des boîtes et des documents épars sur le bureau ou sur l’appui de la fenêtre[16]. Tous les documents épars ont été mis dans des sacs refermables numérotés[17]. Les sacs ont ensuite été placés dans des boîtes. Une fois que tous les documents épars eurent été étiquetés, mis dans des sacs, scellés et placés dans des boîtes et que toutes les autres boîtes eurent été numérotées et se soient vues attribuer un code de couleur, toutes les boîtes ont été scellées et chacun des représentants y a apposé ses initiales.

 

Au cours de l’identification, du codage couleur et de la numérotation des boîtes, un diagramme schématique a été dessiné par les représentants. Ce diagramme schématique garantissait qu’il existait une feuille de route à suivre pour permettre une représentation exacte du lieu où se trouvait chacun des documents dans la pièce 916 par rapport aux autres documents[18].

 

5.                  Documents de Mme Lambiris

Au cours de l’inspection et de l’examen initial des boîtes se trouvant dans la pièce 916, on a découvert 15 autres boîtes qui semblaient appartenir à Amy Lambiris. Ces boîtes étaient scellées. Mme Lambiris est une avocate du ministère de la Justice qui n’a pas participé au dossier Mahjoub et qui était en congé de maternité. À son retour de son congé de maternité, elle devait occuper la pièce 916. La Cour a estimé qu’il n’était pas nécessaire de déplacer ces boîtes et a ordonné qu’on les laisse dans la pièce 916. De plus, la pièce 916 devait demeurer scellée conformément à l’ordonnance de la Cour jusqu’à ce qu’on établisse un protocole au sujet de mesures à prendre relativement aux boîtes en question.

 

Par la suite, la Cour et les représentants se sont présentés à la pièce 916 pour examiner le contenu des boîtes en présence de Mme Lambiris. Celle-ci a confirmé que son assistante et elle avaient emballé les boîtes en vue de leur entreposage. Elles avaient été transportées à un certain moment donné à la pièce 916. L’inspection de ces boîtes a permis de constater que leur contenu appartenait à Mme Lambiris et n’avait rien à voir avec la présente affaire[19].  

 

6.                  Transfert des documents à la Cour fédérale

Une entreprise de déménagement a été engagée pour transférer les boîtes des bureaux du ministère de la Justice à la Cour fédérale. Les représentants et la Cour ont accompagné les documents de la pièce 916 à l’ascenseur de service puis de l’ascenseur de service au stationnement, où les boîtes ont été déposées dans un camion de déménagement. Toutes ces opérations ont également été filmées. Un scellé a été placé sur la porte arrière du camion et les représentants y ont apposé leurs initiales. Un représentant de la Cour[20] a accompagné le camion entre le stationnement et les bureaux du ministère de la Justice à la Cour fédérale pour assurer l’absolue continuité du contrôle des documents.

 

À leur arrivée à la Cour fédérale, les représentants ont fait sauter le scellé de la portière arrière du camion. Les documents ont alors été transportés jusqu’à la pièce 5043 en présence de la Cour et des représentants. Avec l’aide du diagramme schématique[21], les documents ont été placés dans la pièce 5043 à peu près dans le même ordre que celui dans lequel elles avaient été trouvées dans la pièce 916. Autrement dit, chacun des quatre murs de la pièce 5043 s’est vu attribuer un code de couleur identique à ceux qui avaient été utilisés pour la pièce 916. De plus, la configuration du bureau de la pièce 916 a été recréée dans la pièce 5043. Tous les documents ont été disposés dans à peu près le même ordre que dans la pièce 916. Il n’y a aucun doute qu’en raison des mesures prises par les représentants et la Cour, il y a eu une continuité de contrôle absolue des documents en question lors de leur transport des bureaux du ministère de la Justice jusqu’à la Cour fédérale. En tout, 60 boîtes de documents ont été transportées à la Cour fédérale.

 

7.                  Sécurité

a.         Mise sous scellés de la pièce 5043

La pièce 5043 a été mise sous scellés conformément à l’ordonnance de la Cour et un écriteau a été installé sur la porte. Personne n’avait accès à la pièce 5043 sans l’autorisation de la Cour. De plus, aucun membre de l’équipe de nettoyage ou personne non autorisée n’était admis à l’intérieur. La serrure de la porte a également été changée. Trois clés ont été faites : la première était conservée dans une enveloppe scellée remise au chef de la sécurité de la Cour fédérale à Toronto, la seconde était conservée par la Cour et la troisième, par le registraire de la Cour.

 

b.         Registre

Pour contrôler les allées et venues des personnes dans la pièce 5043, un registre de contrôle des entrées a été tenu. Toutes les personnes qui entraient ou quittaient la pièce 5043 devaient signer le registre à leur entrée et à leur sortie[22].

 

c.         Présence de représentants

Dès le début du processus de séparation, on a permis à tout représentant d’être présent dans la pièce 5043 à condition que le protonotaire de la Cour soit également présent. En l’absence du protonotaire, le représentant ne pouvait se trouver dans la pièce que s’il y avait au moins un autre représentant de la partie adverse. Cette règle n’a été modifiée qu’à la fin du deuxième examen lorsque les avocats publics de M. Mahjoub et les avocats des ministres ont été autorisés à pénétrer à l’intérieur de la pièce pour examiner certains documents. Ce n’est qu’alors que les représentants de ces parties pouvaient être présents avec les avocats.

 

III.             SÉPARATION DES DOCUMENTS

1.                  Principes généraux

Plusieurs principes généraux ont été appliqués pour procéder à la séparation des documents. En voici les grandes modalités, qui ont par ailleurs été exposées en détail dans le protocole qui a été élaboré au fur et à mesure des discussions au sujet du dossier en réponse aux problèmes qui surgissaient :

 

a.                   Les avocats publics de M. Mahjoub ont adopté constamment le point de vue selon lequel, même s’ils s’opposaient à tout le processus, ils n’y participeraient que dans la mesure où tout le processus ne portait aucun préjudice aux droits de M. Mahjoub. À divers moments au cours du processus, la Cour a confirmé, au dossier, que le processus ne portait pas atteinte aux droits de M. Mahjoub;

 

b.                  Le processus a été mis au point pour assurer l’intégrité absolue de la continuité de l’intégrité des documents;

 

c.                   Une des prémisses sous‑jacentes au processus de séparation des documents était d’empêcher le juge désigné de prendre connaissance du contenu des documents protégés par le secret professionnel de l’avocat ou des renseignements protégés par le privilège des communications échangées dans le cadre du procès. De même, il était interdit aux avocats agissant pour le compte des parties d’examiner les documents protégés par le secret professionnel de l’avocat et les renseignements protégés par le privilège des communications échangées dans le cadre du procès.

 

d.                  La séparation devait être effectuée par les représentants sans la participation des avocats des ministres ou des avocats publics de M. Mahjoub jusqu’à ce qu’arrive le moment opportun où l’on pourrait donner accès aux documents séparés aux avocats;

 

e.                   La Cour envisageait le processus de séparation des documents en partant du principe qu’il fallait protéger les droits de toute personne impliquée dans la présente instance. Les représentants faisaient valoir les intérêts de leurs parties respectives conformément au mandat qui leur avait été confié par l’ordonnance du 4 octobre;

 

f.                   L’élaboration du protocole de séparation des documents (exposé en détail plus loin) s’est faite après avoir consulté les avocats de chacune des parties. Il était entendu que le processus devait être souple et qu’il devait évoluer au fur et à mesure que des questions surgissaient relativement à la classification et à l’identification des documents;

 

g.                  Les représentants étaient autorisés à partager certains renseignements avec leurs parties respectives et à les consulter sur certains aspects du protocole à suivre[23];

 

h.                  Lorsqu’on a levé les scellés des boîtes et que l’on les a ouvertes, les représentants de M. Mahjoub ou la Cour en ont examiné le contenu, sans le lire, pour savoir si elles contenaient des documents appartenant à M. Mahjoub. Advenant le cas où les représentants de M. Mahjoub ou la Cour estimaient que l’on trouvait dans la boîte des documents appartenant à M. Mahjoub, la Cour et les représentants de M. Mahjoub examinaient ensuite le contenu de ces boîtes au cours du processus;

 

i.                    Les documents qui ont été identifiés comme appartenant soit aux ministres soit à M. Mahjoub, après avoir été classés à l’endroit approprié sur les tableaux, ont été transférés dans une nouvelle boîte correspondant à l’une des cinq catégories désignées plus loin;

 

j.                    Les boîtes bleues 1 à 8 n’ont d’abord été examinées que par les représentants de M. Mahjoub et par la Cour[24];

 

k.                  Pour s’acquitter de leur mandat, les représentants ont suivi le protocole pour s’assurer qu’il n’ait pas pour effet de divulguer des renseignements aux avocats de l’une ou l’autre partie ou encore le contenu de documents qui pouvait être considéré comme étant protégé par le secret professionnel de l’avocat, le produit du travail des avocats ou, sinon, par le privilège des communications échangées dans le cadre du procès.

 

2.                  Premier examen

Lors des premières conférences de gestion de l’instance auxquelles les représentants ainsi que les avocats des ministres et les avocats publics de M. Mahjoub ont participé, un consensus général s’est dégagé sur la méthode à suivre pour procéder à la séparation des documents. Toutefois, comme ces discussions se sont déroulées essentiellement dans l’abstrait, étant donné que l’on ignorait alors l’ampleur du contenu des boîtes de documents, la mise en œuvre effective du protocole ne pouvait avoir lieu qu’au fur et à mesure que le processus de séparation se déroulait.

 

a.         Tableau

                                                              i.      Description générale du tableau

Plusieurs décisions ont été prises au sujet du repérage des documents. On a déterminé qu’un tableau était nécessaire[25]. Le tableau contient sept colonnes pour les renseignements suivants : numéro de boîte ou de sac; numéro du document[26]; vérification et confirmation de chacun des documents par les représentants ou par la Cour[27]; description et catégorie des documents; identification du problème; solution (FN no); nouvel emplacement de la boîte[28].

 

                                                            ii.      Description/Catégorie de documents

Cette colonne offre des renseignements généraux au sujet de chaque document. On prévoyait remettre les documents aux avocats des ministres et aux avocats publics de M. Mahjoub une fois que la séparation des documents serait terminée pour les aider à déterminer quels documents ils souhaitaient mentionner à l’appui des arguments supplémentaires qu’ils invoqueraient dans le cadre de la requête en suspension. Ainsi, pour faire en sorte qu’aucun des renseignements ainsi inscrits ne révèle des détails au sujet d’éléments protégés par le secret professionnel de l’avocat ou le produit du travail des avocats, on a recouru à des descriptions générales telles que « transcriptions », « rapports de surveillance », « dossiers », « documents à reliure cerlox », « cahier », etc.

 

                                                          iii.      Problème/Identification

Cette colonne contenait également des renseignements généraux au sujet de chacun des documents. Elle visait à fournir des renseignements permettant d’identifier le document et de savoir s’il contenait des mentions telles que des écritures manuscrites, un soulignement, une mise en surbrillance, des précisions linguistiques, etc.[29] 

 

                                                          iv.      Solution (FN no) et Nouvel emplacement

Ces colonnes contiennent la raison pour laquelle un document déterminé avait été transféré de sa boîte originale à une nouvelle boîte. Pendant toute la durée du processus, au fur et à mesure que les documents étaient identifiés comme appartenant à l’une des catégories de documents dont il est traité plus loin, une note était inscrite dans la colonne réservée à la solution (FN no)[30] pour préciser la personne ayant identifié le document et la raison pour laquelle le document était rattaché à une catégorie déterminée. Le nouvel emplacement du document était indiqué dans la dernière colonne.

 

b.         Trousse à outils

Dans le cadre de ce processus, il est devenu nécessaire d’utiliser divers moyens pour faciliter l’identification des propriétaires des documents. On a donc créé une « trousse à outils[31] ». Celle-ci comprenait des échantillons de l’écriture manuscrite de bon nombre des avocats, étudiants et membres du personnel de soutien qui avaient travaillé sur le dossier de M. Mahjoub, des notes des avocats au sujet des pratiques suivies pour coter des documents et des notes des avocats au sujet du genre de fournitures de bureau dont ils se servaient normalement, etc.

 

c.         Catégories de documents

Au début du premier examen, cinq[32] principales catégories de documents ont été définies. Après avoir ouvert chaque boîte et examiné les documents, les représentants ont classé sommairement les documents dans l’une des cinq catégories. Une fois cette décision prise, le document a ensuite été placé dans une nouvelle boîte et son nouvel emplacement a été indiqué sur le tableau. Voici les cinq catégories de documents en question :

i.                    Documents neutres[33]

ii.                  Documents de M. Mahjoub

iii.                Documents des ministres

iv.                Documents litigieux[34]

a.       Documents non identifiés

b.      Documents relatifs à des audiences à huis clos[35]

c.       Boîtes bleues 4 à 8[36]

v.                  Documents de la requête relative aux communications avocat‑client interceptées[37]

 

IV.             RÈGLES DU PROTOCOLE

 

Pour pouvoir séparer les documents, certaines règles ont graduellement été élaborées au cours de l’examen des divers documents se trouvant dans les boîtes. Ces règles portaient sur la façon de séparer les documents en fonction de leur contenu. Elles ont évolué au cours des nombreux jours consacrés à la séparation des documents en fonction de l’expérience des représentants et la Cour lors de leur examen et elles ont été élaborées avec la collaboration des avocats[38]. Voici les règles en question :

 

Règle no 1 :

Tout document original ou avec initiales copiées, qui ne porte par ailleurs aucune marque et qui est un document public constitue un document neutre[39] qui sera placé dans une boîte réservée aux documents neutres.

 

Règle no 2 :

Les documents publics qui sont des originaux ou une photocopie et qui arborent des parties en surbrillance, des onglets, des papillons adhésifs, des soulignements ou d’autres marques demeurent dans les boîtes réservées aux documents litigieux à moins qu’on puisse les identifier autrement[40].

 

Règle no 3 :

Les pièces annotées ont toutes été placées dans les boîtes réservées aux documents litigieux, sous réserve des résultats de l’examen secondaire[41]

 

Règle no 4 :

Les lettres échangées entre les avocats, c.‑à‑d. entre les avocats des ministres et les avocats publics de M. Mahjoub, sont des documents neutres, à condition de ne pas être des ébauches et à condition d’être signées soit au moyen d’une signature originale soit au moyen d’une signature dactylographiée[42].

 

Règle no 5 :

Les documents faisant partie du domaine public que l’on ne peut identifier demeurent dans les boîtes réservées aux documents litigieux pour être examinés en premier par les avocats de M. Mahjoub. Parmi ces documents faisant partie du domaine public, mentionnons les documents portant sur des faits ou encore des documents de référence, c’est‑à‑dire des copies d’articles, de reportages de journaux et ainsi de suite[43].

 

Règle no 6 :

La jurisprudence qui ne porte aucune inscription a été placée dans les boîtes réservées aux documents neutres[44]. Les avocats des ministres se sont entendus pour que les décisions retrouvées dans ce qui constituait par ailleurs des boîtes de M. Mahjoub demeurent dans ces dernières. Il n’est pas nécessaire de transférer ces documents dans des boîtes réservées aux documents neutres[45].

 

Règle no 7 :

Les transcriptions des audiences relatives à M. Mahjoub doivent être placées dans les boîtes réservées aux documents neutres à moins de porter d’autres marques non identifiées[46]. Si elles portent les inscriptions et ne sont pas identifiables, elles doivent être placées dans les boîtes réservées aux documents litigieux[47].

 

Règle no 8 :

Les transcriptions d’autres audiences, c’est‑à‑dire autres que celles concernant M. Mahjoub et qui ne peuvent être identifiées, doivent demeurer dans les boîtes réservées aux documents litigieux pour que les avocats publics de M. Mahjoub les examinent d’abord[48]

 

Règle no 9 :

Si l’on constate sur les documents la présence d’une écriture dont on ne peut identifier l’auteur d’après les échantillons obtenus des participants à l’instance, des versions expurgées[49] seront envoyées aux avocats aux fins d’identification. Tant que l’identification n’est pas confirmée, les documents en question demeureront dans les boîtes réservées aux documents litigieux[50].

 

Règle no 10 :

Au fur et à mesure que les boîtes sont examinées et que les documents sont transférés dans les boîtes réservées aux documents litigieux, les représentants vérifieront le nombre de boîtes réservées aux documents litigieux qui sont pleines au quart, à la moitié ou en totalité à la suite du deuxième examen[51].

 

Règle no 11 :

En ce qui concerne les titres se trouvant sur les documents publics qui sont en surbrillance, les avocats publics de M. Mahjoub ont admis qu’ils ne sont protégés par aucun privilège et qu’ils ont été classés comme neutres et placés dans des boîtes réservées aux documents neutres[52]

 

V.                RÉSULTATS DE L’EXAMEN INITIAL

 

L’examen initial exigeait que l’on passe en revue chacun des documents se trouvant dans les 60 boîtes. En tout, pendant toute la durée de l’instance, environ 1 450 documents ont été identifiés et catalogués individuellement sur les tableaux. Au cours du premier examen, un nombre important de documents ont été séparés sur le fondement des règles du protocole en vigueur à l’époque. Les documents ainsi séparés comprenaient les documents suivants :

        Documents neutres – 25 boîtes

        Documents des ministres – 4 boîtes

        Documents de M. Mahjoub – 6 boîtes

        Documents litigieux – plus de 40 boîtes[53]

VII.          DEUXIÈME EXAMEN

 

À la suite de l’examen initial des documents, les représentants et la Cour se sont livrés à un examen subséquent de tous les documents qui restaient encore dans la catégorie des documents litigieux. De plus, les représentants de M. Mahjoub ont, avec la Cour, examiné plusieurs boîtes dont on avait conclu qu’elles appartenaient à M. Mahjoub. Au cours de cet examen, les représentants et la Cour se sont servis de la trousse d’outils et des règles du protocole pour faciliter l’identification des propriétaires des documents. De plus, au fur et à mesure que l’on a constaté que certains documents portaient des passages manuscrits qui ne correspondaient pas aux échantillons déjà obtenus des parties, on a demandé à d’autres membres de chacune des équipes de fournir des échantillons de leur écriture et de fournir davantage de renseignements sur la façon dont les dossiers avaient été classés et conservés. Tous ces renseignements complémentaires ont été ajoutés à la trousse d’outils.

 

Le deuxième examen s’est soldé par une diminution considérable du nombre de documents litigieux. Vers le 10 janvier 2012, cet examen était pratiquement terminé et seulement 294 des 1 450 documents n’étaient toujours pas identifiés ou demeuraient des documents litigieux.

 

VIII.       EXAMEN FINAL

 

L’examen final des documents était axé principalement sur le sort des documents qui étaient toujours litigieux. C’est également au cours de cet examen que les avocats publics de M. Mahjoub et les avocats des ministres ont obtenu l’accès à la pièce 5043 pour examiner les documents litigieux et faciliter l’identification des derniers documents litigieux[54]. Les avocats publics de M. Mahjoub ont été invités à examiner d’abord les derniers documents litigieux. Par suite de leur examen, le nombre de documents litigieux a été réduit. Les avocats des ministres ont ensuite eu la possibilité d’examiner les documents litigieux. De plus, dans le cas d’un certain nombre de documents litigieux, des copies expurgées ont été transmises aux avocats des parties pour les aider à identifier les documents[55]. À la suite de l’examen des documents expurgés par les avocats et des réponses données, le processus de séparation s’est soldé par ce qui suit :

        Documents neutres – 32 boîtes

         Documents des ministres – 12 boîtes[56]

        Les documents de M. Mahjoub – 14 boîtes

        Documents litigieux – 3 boîtes

L’ordonnance du 4 octobre exigeait que toute description des documents soumis à la Cour lors de la reprise de la requête en suspension présentée par les avocats publics de M. Mahjoub soit d’abord approuvée par la Cour pour s’assurer qu’aucun renseignement important qui serait protégé par le secret professionnel de l’avocat ne serait révélé. Voici les paragraphes 5 et 6 de l’ordonnance du 4 octobre :

5.      Les parties peuvent formuler d’autres observations au sujet de la nature et de l’ampleur de tout présumé préjudice devant le juge désigné. À cette fin, M. Mahjoub peut fournir une description des documents qui lui ont été remis et sur lesquels il se fonde pour faire la preuve de ce préjudice en s’assurant de ne révéler aucun renseignement de fond qui serait protégé par le secret professionnel de l’avocat ou par le privilège des communications échangées dans le cadre du procès.

 

6.      Le protonotaire Aalto examinera et approuvera toute description préparée par M. Mahjoub en la comparant avec le document correspondant avant d’autoriser le dépôt de cette description devant la Cour.

 

Ainsi, pour assurer la chaîne de continuité des documents, la Cour a estimé, après avoir consulté les avocats et les représentants, que tous les documents devaient demeurer dans la pièce 5043 et qu’ils ne devaient être communiqués à personne.

 

On a envisagé la possibilité de photocopier tous les documents à la Cour et de retourner les originaux à leurs propriétaires respectifs, mais on a estimé que cette mesure n’était pas réalisable pour diverses raisons. Premièrement, la photocopie exigerait une quantité considérable de temps et de ressources. Deuxièmement, la photocopie pourrait donner lieu à l’établissement de copies de documents sensibles qui demeureraient sur les composantes d’imagerie des photocopieurs. Troisièmement, il faudrait séparer de nombreux documents pour pouvoir les photocopier. Quatrièmement, il faudrait procéder à une photocopie en couleur pour certains documents pour reproduire la mise en surbrillance. Cinquièmement, la simple photocopie des documents élargissait le nombre de personnes qui seraient exposées à des renseignements et à des documents protégés par le secret professionnel de l’avocat.

 

De plus, on a également envisagé la possibilité de confier les documents à une imprimerie tierce, mais on a constaté que l’on risquait ainsi de compromettre la chaîne de continuité des documents et de créer des problèmes de logistique en ce qui concerne la façon de transporter des documents et de l’identité des personnes qui devaient les accompagner et qui demeureraient sur place pour assurer la continuité. Cette idée a donc été abandonnée.

 

On a finalement décidé qu’aucun document ne quitterait la pièce 5043 et que les avocats publics de M. Mahjoub travailleraient à un poste de travail où ils pourraient examiner, d’abord les documents litigieux puis les documents de M. Mahjoub et les documents neutres. Personne n’était présent lors de ce dernier examen, à l’exception des représentants de M. Mahjoub, qui ont aidé à repérer des documents et à fournir des renseignements factuels au sujet des tableaux et de l’emplacement des documents. Le personnel de la Cour n’était pas présent lors de cet examen, mais était disponible au besoin, en plus d’être disponible pour verrouiller et déverrouiller la porte de la pièce 5043.

 

IX.             DOCUMENTS RESTANTS

 

Après que les représentants eurent étudié toutes les solutions raisonnables permettant d’identifier le reste des documents litigieux, il ne restait que 66 documents, dans trois boîtes, qu’aucune des parties n’avait encore revendiqués[57]. Ces documents ne sont toujours pas identifiés et la Cour ne peut en déterminer la provenance à partir des renseignements se trouvant dans la trousse d’outils ou ceux communiqués par les avocats des parties. Parmi ces documents, on trouve, par exemple, des chemises orange ou vertes contenant des publications, des témoignages anticipés et des extraits de transcriptions; de nombreux volumes de documents comprenant des résumés de rapports de surveillance, des rapports d’experts, des affidavits, des transcriptions et des pièces; un recueil contenant les pièces documentaires des ministres; divers documents. Parce qu’ils comportent des passages en surbrillance, une écriture ou des papillons adhésifs sur diverses pages, ces documents doivent demeurer dans la catégorie des documents litigieux en raison des règles du protocole et par souci de cohérence absolue.

 

Ces documents demeureront dans des boîtes réservées aux documents litigieux jusqu’à ce que les avocats présentent d’autres observations au sujet de leur sort.

 

X.                CONCLUSIONS

 

Il y a plusieurs conclusions générales qui se dégagent du processus de séparation des documents. Le présent rapport n’a toutefois pas pour objet de proposer des conclusions en ce qui concerne les conséquences, les résultats juridiques ou les réparations pouvant découler de l’amalgame des documents.

 

Voici les conclusions générales en question :

 

1.                  Ce processus a exigé beaucoup de travail et a nécessité plus de temps que ce que l’on avait peut‑être envisagé au départ. Cette situation tient en partie au fait qu’il était nécessaire d’assurer l’intégrité et la continuité du contrôle des documents et qu’il était primordial que les avocats des parties et le juge désigné n’aient aucun contact avec les documents amalgamés.

 

2.                  Nul ne pouvait prévoir les nombreuses questions qui ont surgi au cours du processus de séparation des documents. Au départ, ni la Cour ni les représentants ne connaissaient le nombre de documents, la façon dont ils avaient été classés ou l’ampleur de l’amalgame. Ce n’est qu’au cours du processus de séparation lui‑même qu’il est devenu évident que le travail consistant à séparer les documents ne serait pas simple. Comme nous l’avons déjà signalé, les règles du protocole ont évolué avec le temps pour s’adapter aux diverses questions soulevées.  

 

3.                  Bien que, pour certains, la séparation des documents entre les deux parties ne devrait pas poser problème, en ce sens qu’il suffit d’examiner un document et de décider à qui l’attribuer, tel n’est pas le cas. Ainsi, ni les représentants ni la Cour ne sont des graphologues et même si des échantillons d’écriture ont été recueillis et constituaient une partie importante de la trousse d’outils, la tâche consistant à identifier l’écriture de telle ou telle personne s’est avérée beaucoup plus difficile que ce que l’on avait au départ prévu. Il y avait de nombreuses personnes qui travaillaient au dossier de M. Mahjoub tant au ministère de la Justice qu’aux bureaux des avocats publics de M. Mahjoub. Il faut toutefois signaler que, vers la fin du processus, la Cour et les représentants ont réussi à reconnaître certaines écritures.

 

4.                  C’est aux parties qu’il appartient de formuler des arguments au sujet de la portée de l’amalgame des documents. Il faut toutefois signaler qu’il y avait des boîtes qui contenaient plusieurs catégories de documents, y compris des boîtes renfermant des documents appartenant aux ministres ou à M. Mahjoub.

 

5.                  Aucune partie n’a renoncé au privilège du secret professionnel de l’avocat. Compte tenu de ce fait, la Cour et les représentants ont veillé à s’assurer que la confidentialité de tout renseignement pouvant être considéré comme étant protégé par le secret professionnel de l’avocat, le produit du travail des avocats ou les communications échangées dans le cas du procès soit protégée.

 

6.                  Parmi les types de documents qui ont été attribués à M. Mahjoub, mentionnons, outre les dossiers de requête, la jurisprudence, les articles publiés, les notes manuscrites sur les dossiers de requête et les autres documents, des documents comme des résumés de transcriptions; des notes manuscrites ou dactylographiées des avocats de M. Mahjoub; des notes prises par les avocats publics de M. Mahjoub lors du contre‑interrogatoire des témoins; des notes de M. Mahjoub; de la correspondance entre les avocats de M. Mahjoub; le produit du travail des avocats; des documents protégés par le secret professionnel de l’avocat; des documents protégés par le privilège des communications échangées dans le cadre du procès. Cette liste n’est pas exhaustive.

 

7.                  Dans le même ordre d’idées, parmi les types de documents qui ont été attribués aux ministres, mentionnons des dossiers de requête; des décisions; des articles publiés; des notes prises par les avocats; de la correspondance; des notes manuscrites, y compris des notes dactylographiées et manuscrites prises au sujet de l’interrogatoire des témoins; des résumés et des documents protégés par le secret professionnel de l’avocat ou par le privilège des communications échangées dans le cadre du procès; le produit du travail des avocats. Cette liste n’est pas exhaustive.

 

8.                  On a fait l’impossible pour s’assurer que les représentants des ministres n’examinent aucun des documents que M. Mahjoub pourrait qualifier de documents protégés par le secret professionnel de l’avocat ou par le privilège des communications échangées dans le cadre du procès ou de produit du travail des avocats.

 

9.                  Le rôle des représentants au cours du processus était de s’assurer que la séparation des documents s’effectue de manière à préserver l’intégrité du processus et d’empêcher les parties d’être exposées à des renseignements protégés par le secret professionnel de l’avocat ou au produit du travail des avocats de la partie adverse.

 

10.              Au cours de l’examen final des documents, les représentants ont aidé les parties à comprendre les faits et la logistique du processus, c’est‑à‑dire le codage de couleur; les renseignements sur les tableaux; l’emplacement des boîtes; l’emplacement des documents, etc. Sur l’ordre exprès de la Cour, les représentants ont reçu l’ordre de ne communiquer aux parties aucun renseignement sur les raisons pour lesquelles le document était classé dans une catégorie déterminée. C’est aux parties, et non aux représentants, qu’il incombe de tirer des conclusions au sujet de la pertinence de tout document et cette tâche n’incombe pas non plus à l’auteur du présent rapport.

 

11.              Les représentants ont chacun signé des engagements, en plus de leurs obligations professionnelles, de ne divulguer aucun renseignement protégé par le secret professionnel de l’avocat auquel ils pourraient avoir accès au cours du processus. Comme nous l’avons déjà signalé, cette mesure vise à s’assurer que ni les parties ni le juge désigné ne soient influencés par les renseignements auxquels ils auraient eu accès et le processus était en grande partie axé sur ce principe.

 

12.              À la fin du processus, il ne restait plus qu’un seul document identifié comme appartenant à la sous‑catégorie des documents relatifs à des audiences à huis clos. La Cour l’a identifié, mais les représentants ne l’ont pas examiné. La Cour a transféré ce document de la pièce 5043 à un représentant des ministres possédant la cote de sécurité appropriée. La Cour a rendu une ordonnance en ce sens.

 

13.              La continuité du contrôle était un aspect important du processus visant à faire en sorte que tous les documents se trouvant dans la pièce 916 soient transférés à la Cour et une fois cela fait, qu’ils soient transportés jusqu’à la pièce 5043 et ne fassent l’objet d’aucune manipulation. La Cour et les représentants ont pris toutes les mesures raisonnables pour s’assurer de la continuité et de l’intégrité des documents. De plus, à la fin de chaque examen, toutes les boîtes ont été scellées. Il existe une continuité et une intégrité absolue des documents trouvés dans la pièce 916 qui ont été ensuite transportés à la pièce 5043. À la date du présent rapport, tous les documents en question se trouvaient toujours dans la pièce 5043.

 

14.              Dans le cadre de ce processus, des vidéos et des photographies ont été prises de la pièce 916 aux bureaux du ministère de la Justice et le transfert des documents à la Cour fédérale a également été photographié et filmé. La vidéo contient des extraits confidentiels dans lesquels on peut voir certaines parties des bureaux du ministère de la Justice. Par conséquent, dans le cas du présent processus, la Cour a ordonné que la totalité de la vidéo soit extraite du dossier public, mais que des extraits en soient mis à la disposition des avocats. À la fin du processus, le même vidéographe qui avait photographié le transport des boîtes de la pièce 916 à la Cour fédérale a pris des photographies extérieures de la totalité des boîtes vides.

 

15.              Au cours du processus de séparation, il était interdit de sortir des documents de la pièce 5043 tant que le processus ne serait pas totalement achevé, notamment après leur examen par les avocats publics de M. Mahjoub. À la date du présent rapport, les avocats publics de M. Mahjoub ont examiné tous les documents contenus dans les boîtes de M. Mahjoub et les boîtes neutres se trouvant à la pièce 5043. Les avocats publics de M. Mahjoub élaboreront des descriptions des documents à utiliser lors de la reprise de la requête en suspension. Comme l’intégrité des documents a été protégée à la pièce 5043, la Cour peut examiner les listes en question en consultant les originaux.

 

16.              À la date du présent rapport, les avocats des ministres n’ont pas encore examiné des documents, hormis les documents litigieux et les documents relatifs à des audiences à huis clos, pour aider les représentants à déterminer à qui les divers documents litigieux appartiennent.

 

17.              On ignore toujours qui est propriétaire des 66 documents litigieux qui se trouvent dans trois boîtes. Parmi ces documents, mentionnons des volumes de transcriptions reliés, des affidavits, des rapports d’experts, des éléments de preuve documentaire, cinq chemises, et ainsi de suite. Les avocats soumettront d’autres arguments au sujet du sort de ces documents.

 

18.              Bien que les représentants aient fait avancer le processus de séparation autant qu’ils le pouvaient, ils doivent continuer à se rendre disponibles pour aider les avocats de chacune des parties à repérer des documents ou à fournir des renseignements factuels au sujet des tableaux.

 

19.              De même, le juge chargé de la gestion de l’instance demeurera saisi de toute autre question se rapportant aux documents que les parties peuvent soulever lors des mesures préparatoires à la reprise de l’examen de la requête en suspension, exception faite de la disposition de l’ordonnance du 4 octobre obligeant le protonotaire à examiner les descriptions des documents mentionnés dans la requête en suspension.

 

20.              Il est prévu qu’une fois que la requête en suspension sera tranchée, les documents seront remis aux parties. Les avocats devront également soumettre d’autres observations au sujet du sort, non seulement des documents litigieux restants, mais également de ceux se trouvant dans les boîtes neutres.

 

21.              À la fin du processus, certains documents ont été divulgués aux avocats pour les aider à examiner les documents. Les avocats n’ont obtenu l’accès qu’aux boîtes de leurs clients, aux boîtes neutres et aux boîtes contenant des documents litigieux[58]. Voici les documents qui ont été remis aux avocats :

a.                   tableaux (copie couleur);

b.                  pièce 8 (diagramme schématique en couleur);

c.                   table des matières des tableaux;

d.                  liste des documents se trouvant dans les sacs refermables;

e.                   liste des documents litigieux se trouvant dans les trois boîtes restantes;

f.                   liste des courriels demandant aux avocats d’identifier les documents;

g.                  copies des photographies de la pièce 916 et des boîtes se trouvant encore dans la pièce 5043 à la fin du processus;

h.                  copie expurgée du registre de contrôle des entrées.

 

Pour terminer, mentionnons deux groupes de personnes qui méritent d’être félicitées pour leur contribution à la réussite du présent processus. Premièrement, force est de reconnaître que les représentants désignés par chacune des parties méritent notre plus grande reconnaissance pour la façon dont ils ont procédé à la séparation des documents. Ils représentaient les intérêts de leurs parties respectives, mais ils ont chacun travaillé de façon acharnée, professionnelle et courtoise du début à la fin. Ils ont d’ailleurs proposé plusieurs idées concrètes pour réaliser la séparation des documents. La Cour a une grande dette de gratitude envers eux pour leur courtoisie, leur inventivité, et leur délicatesse pendant tout le déroulement du processus. En second lieu, les membres motivés du personnel de la Cour n’ont pas lésiné pour travailler après leurs heures régulières et les fins de semaine et pour collaborer avec les représentants et les avocats des parties afin de s’assurer que la présente affaire connaisse son dénouement dans les meilleurs détails[59]

 

LE TOUT RESPECTUEUSEMENT SOUMIS

 

 

Kevin R. Aalto,

protonotaire chargé de la gestion de l’instance

 

 

 

 


 

AFFAIRE INTÉRESSANT UN CERTIFICAT SIGNÉ EN VERTU DU PARAGRAPHE 77(1) DE LA LOI SUR L’IMMIGRATION ET LA PROTECTION DES RÉFUGIÉS (LIPR);

 

ET LE DÉPÔT DE CE CERTIFICAT À LA COUR FÉDÉRALE CONFORMÉMENT AU PARAGRAPHE 77(1) DE LA LIPR;

 

ET MOHAMED ZEKI MAHJOUB

APPENDICE ‑ VOLUMES I À IV

VOLUME I

1.                  Ordonnance du 4 octobre 2010 du juge Blanchard

2.                  Ordonnances rendues par le protonotaire chargé de la gestion de l’instance les 3 et 9 novembre 2011 et le 27 janvier 2012.

3.                  Diagramme des bureaux du ministère de la Justice (pièce 8)

4.                  Photographies montrant la pièce 916 mise sous scellés ainsi que la disposition générale des boîtes

a.                   Porte de la pièce 916 scellée

b.                  Porte ouverte

c.                   a)         pièce 916 avant son marquage au moyen d’un code de couleur

b)         pièce 916 après son marquage au moyen d’un code de couleur

c)         pièce 916 après son marquage au moyen d’un code de couleur

d.                  a)         documents se trouvant sur le bureau

b)         documents se trouvant sur le bureau

c)         documents se trouvant sur le bureau après leur marquage au moyen d’un code de couleur

e.                   a)         documents se trouvant le long du mur est avant leur marquage au moyen d’un code de couleur

b)         documents se trouvant le long du mur est avant leur marquage au moyen d’un code de couleur

f.                   a)         boîtes se trouvant le long du mur nord

b)         boîtes se trouvant le long du mur nord

c)         boîtes se trouvant le long du mur nord après leur marquage au moyen d’un code de couleur

g.                  a)         boîtes se trouvant le long du mur ouest avant leur marquage au moyen d’un code de couleur

b)         boîtes se trouvant le long du mur ouest avant leur marquage au moyen d’un code de couleur

h.                  a)         boîtes se trouvant le long du mur sud avant leur marquage au moyen d’un code se trouvant de couleur

b)         boîtes se trouvant le long du mur sud avant leur marquage au moyen d’un code de couleur

c)         boîtes se trouvant le long du mur sud après leur marquage au moyen d’un code de couleur

i.                    boîte d’Amy Lambiris

j.                    boîte scellée après son transport à la Cour fédérale

k.                  a)         boîte vide à la fin du processus

b)         boîte vide à la fin du processus

c)         boîte vide à la fin du processus

5.                  Liste de pièces

6.                  Résumé des renseignements à fournir aux avocats inscrits aux dossiers en date du 7 décembre 2011

7.                  Liste des 66 documents litigieux non identifiés

VOLUME II

8.                  Index des tableaux

9.                  Tableaux du contenu des boîtes

VOLUME III

10.              Transcriptions du 1er novembre 2011 au 6 décembre 2011

(A).           transcription, 1er novembre 2011

(B).            transcription, 10 novembre 2011

(C).            transcription, 15 novembre 2011

(D).           transcription, 22 novembre 2011

(E).            transcription, 29 novembre 2011

(F).             transcription, 30 novembre 2011

(G).           transcription, 1er décembre 2011

(H).           transcription, 2 décembre 2011

(I).              transcription, 5 décembre 2011

(J).              transcription, 6 décembre 2011

VOLUME IV

11.              Transcriptions : 12 décembre 2011 au 17 janvier 2012

(A).           transcription, 12 décembre 2011

(B).            transcription, 13 décembre 2011

(C).            transcription, 15 décembre 2011

(D).           transcription, 16 décembre 2011

(E).            transcription, 20 décembre 2011

(F).             deux transcriptions, 21 décembre 2011

(G).           transcription, 22 décembre 2011

(H).           transcription, 3 janvier 2012

(I).              transcription, 10 janvier 2012

(J).              transcription, 11 janvier 2012

(K).           transcription, 13 janvier 2012

(L).            transcription, 17 janvier 2012

 

 


Annexe C

 

 

 

Boîte 4 MZM

 

 

Couleur et no de la boîte

Couleur et no du classeur

Pièce no

Type

Notes

Page

Endroit

Description

Référence/

Observations

Code préjudice

Bleue 5

8

 

Notes (détails ci‑après de l’avocat L. Joncas

14 déc. 2010

9 sept. 2010

 

 

 

Documents protégés par le secret professionnel de l’avocat et le privilège des communications échangées dans le cadre du procès concernant les témoins experts, le bien‑fondé de l’affaire

 

aaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaa

 

aaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaa

aaaaaaaaaaaaaaaaaa

 

aaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaa

aaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaa

 

aaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaa

aaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaa

aaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaa

aaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaa

 

aaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaa

aaaaa

 

Code 4 SC

1,2,4,5,6

Bleue 5

8

s/o

Notes

Papier ministre jaune grand format 2 pages

 

 

Documents protégés par le privilège des communications échangées dans le cadre du procès au sujet des témoins experts

 

aaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaa

 

Code 2

 

 

 

 

11 pages au total

(nbre de pages)

1

 

Documents protégés par le privilège relatif aux communications échangées dans le cadre du procès portant sur la requête en abus de procédure et la contestation de la requête en mandat

 

Notes en français portant sur aaaaaaaaaaaaaaaaaaa

aaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaa

 

Code 3

1,2,4,5,6

 

 

 

 

 

2

 

Portant sur la divulgation, la preuve et la détention

 

aaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaa

aaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaAa

 

Code 4

1,2,4,5,6

 

 

 

 

 

3

 

Documents protégés par le privilège relatif aux communications échangées dans le cadre du procès portant sur le danger

aaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaa

 

Code 3

1,2,4,5,6

 

 

 

 

 

5

 

Documents protégés par le privilège relatif aux communications échangées dans le cadre du procès portant sur la preuve

 

aaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaa

 

Code 4

1,2,4,5,6

 

 

 

 

 

6

 

Documents protégés par le privilège relatif aux communications échangées dans le cadre du procès portant sur l’analyse de la preuve

 

aaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaa

 

Code 3

1,2,4,5,6

 

 

 

 

 

7

 

Documents protégés par le privilège relatif aux communications échangées dans le cadre du procès portant sur les témoignages

 

aaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaa

aaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaa

aaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaa

aaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaa

 

 

Code 4

1,2,4,5,6

 

 

 

 

 

8

 

Documents protégés par le privilège relatif aux communications échangées dans le cadre du procès portant sur la preuve et les communications avocat‑client interceptées

 

aaaaaaaaaa notes entre YH et JD

aaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaa

aaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaa

aaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaa

aaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaa

aaaaaaaaaaaa

 

Code 5

1,2,4,5,6

 

 

 

 

 

9

 

Documents protégés par le privilège relatif aux communications échangées dans le cadre du procès portant sur les témoins experts

 

aaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaa

 

Code 3

1,2,4,5,6

 

 

 

 

 

11

 

Documents protégés par le privilège relatif aux communications échangées dans le cadre du procès portant sur les témoins experts

 

aaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaa

 

 

Code 2

1,2,4,5,6

 

 

 

 


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                    DES‑7‑08

 

INTITULÉ :                                                  LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION ET

                                                                        LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE c.

                                                                        MOHAMED ZEKI MAHJOUB

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                          Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                         Les 23 et 24 avril 2012

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :             LE JUGE BLANCHARD

 

DATE DES MOTIFS :                                 Le 31 mai 2012

 

 

COMPARUTIONS :

 

Donald MacIntosh

Ian Hicks

Kevin Doyle

 

POUR LES DEMANDEURS

 

Paul Slansky

Johanne Doyon

 

POUR LE DÉFENDEUR 

 

Anil Kapoor

 

AVOCAT SPÉCIAL

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Myles J. Kirvan

Sous‑procureur général du Canada

 

POUR LES DEMANDEURS

 

Doyon et Associés Inc.

Montréal (Québec)

 

Paul Slansky

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

Anil Kapoor

Toronto (Ontario)

AVOCAT SPÉCIAL

 

 



[1] Les faits à l’origine de ces circonstances sont exposés dans les divers dossiers de requête déposés par les parties au soutien de la requête en suspension et ils ne seront pas répétés ici.

[2] Ordonnance du 4 octobre, Appendice, vol. 1, onglet 1.

[3] Les personnes ainsi désignées ont par la suite été appelées les « représentants ».

[4] Partout dans le présent rapport, les « documents » s’entendent des documents se trouvant dans la pièce 916 qui ont par la suite été transférés à la Cour fédérale.

[5] On trouve dans les transcriptions des conférences de gestion de l’instance et dans les transcriptions des rencontres tenues avec les représentants tous les détails du processus qui a été suivi. Ces transcriptions sont jointes au présent rapport en tant qu’Appendice, vol. III et vol. IV.

[6] Par exemple, parmi les questions logistiques soulevées, mentionnons des questions se rapportant à une façon de faire en sorte que la sécurité des bureaux du ministère de la Justice ne soit pas compromise; la prise de dispositions pour s’assurer de la disponibilité des représentants, de la Cour et du personnel de la Cour; la procédure à suivre pour verrouiller et déverrouiller la pièce 5043 de la Cour fédérale; les mesures à prendre pour utiliser le photocopieur; etc.

[7] Par exemple, parmi les questions procédurales, mentionnons la question de savoir qui pourrait être présent lorsque les avocats publics de M. Mahjoub examineraient des documents; celle de savoir quels renseignements, y compris les pièces, pouvaient être communiqués au sujet du processus aux avocats des ministres et aux avocats publics de M. Mahjoub; l’approbation des protocoles d’examen des documents par les avocats des ministres et les avocats publics de M. Mahjoub; etc.

[8] Parmi les questions de fond, mentionnons la façon dont les documents protégés par le secret professionnel de l’avocat devaient être traités; comment les documents présentés à huis clos seraient traités; etc.

[9] Outre les transcriptions dans lesquelles on trouve tous les détails concernant la procédure suivie, plusieurs pièces importantes se trouvent également à l’Appendice, vol. I, du présent rapport.

[10] Une première conférence de gestion de l’instance a eu lieu en présence des avocats des ministres et des avocats publics de M. Mahjoub le 5 octobre 2011. D’autres conférences de gestion de l’instance ont eu lieu au fur et à mesure du déroulement de l’instance, les 12 et 19 octobre 2011, les 1er, 10, 15 et 22 novembre 2011, le 13 décembre 2011 et les 10, 11, 13, 17, 18 et 31 janvier 2012.   

[11] Au départ, M. Mahjoub a proposé comme représentante l’avocate principale Patricia E. DeGuire. Celle‑ci a indiqué qu’elle était disponible, mais elle n’a pas été désignée. Le 3 novembre 2011, Nadia Liva a été désignée comme avocate principale représentante. Mme DeGuire, à la demande de M. Mahjoub, a participé à une conférence de gestion de l’instance.

[12] Les termes « instance », « protocole » et « processus » employés dans le présent rapport ne visent que le processus ordonné par la Cour en vue de la séparation des documents. 

[13] Les transcriptions des audiences portant sur la séparation des documents en présence des représentants se trouvent à l’Appendice, volumes III et IV, et font partie du présent rapport.

[14] Les trois représentants des ministres étaient présents tandis que seule Mme Liva était présente pour le compte de M. Mahjoub.  

[15] Le vidéographe est Rick Leswick, qui a également signé un engagement en ce qui concerne sa participation au processus (pièce 5).

[16] Plusieurs photos de la pièce 916 et des documents s’y trouvant sont joints au présent rapport dans l’Appendice, vol. I, onglet 4. Les photographies montrent comment la pièce 916 était scellée ainsi que la disposition générale des boîtes dans la pièce. Il y a également une photographie d’une boîte appartenant à Amy Lambiris ainsi qu’un exemple de boîte, à la fin du processus.

[17] Les sacs refermables ont été obtenus, par l’entremise de David Steeves, chef de la Sécurité de la Cour à Toronto, de la Police de la communauté urbaine de Toronto. Chaque sac est numéroté avec une bande numérique pelable. Une fois les documents placés dans le sac, celui‑ci était scellé. Les bandes numérotées ont été déposées en preuve comme pièces dans la présente instance. Les sacs ne pouvaient être ouverts que si on les perforait, ce qui assurait la continuité du processus au cours du transport et de la séparation.

[18] Le diagramme schématique soulignait en couleur l’emplacement des meubles de la salle 916 et l’emplacement des boîtes et comportait des codes de couleur pour permettre le repérage des murs et des boîtes arborant les mêmes couleurs. Le diagramme schématique original a été coté comme pièce 8 dans l’instance et on le trouve à l’Appendice, vol. I, onglet 3.

[19] L’inspection a eu lieu le 25 novembre 2011 en présence de Me Lambiris, qui a également signé un engagement et souscrit un affidavit dans lequel elle décrivait le contenu des boîtes. L’engagement et l’affidavit ont été cotés comme pièces dans la présente instance.

[20] La registraire désignée pour ce processus, Bernadette Moraga.

[21] Pièce 8, Appendice, vol. 1, onglet 3.

[22] En tout, les représentants ont consacré environ 25 jours en totalité ou en partie au cours de la période allant de novembre 2011 à janvier 2012 à séparer les documents.

 

[23] Un résumé des renseignements qui pouvaient être communiqués aux avocats a été élaboré et remis aux avocats. On le trouve à l’Appendice, vol. I, onglet 6.

[24] Ces boîtes ont fait l’objet de discussions lors des conférences de gestion de l’instance au cours desquelles les avocats publics de M. Mahjoub ont expressément demandé que la Cour et/ou les représentants de M. Mahjoub en examinent le contenu.

[25] Les représentants ont mis au point un système de tableaux pour aider à retracer l’endroit où les documents avaient été mis après les avoir rattachés à l’une ou l’autre des catégories de documents. Malgré le fait que ce processus a nécessité beaucoup de temps, il s’est finalement avéré un outil utile pour aider à séparer les documents et aider les avocats à examiner leurs documents respectifs. Même si un système de repérage de documents informatisé aurait fort bien pu accélérer le processus et faciliter la contre‑vérification et le repérage des documents plus rapidement et plus facilement pour toutes les personnes concernées, on a manqué de temps pour mettre au point un programme informatisé de ce genre et, en tout état de cause, les avocats publics de M. Mahjoub ont exprimé leurs réserves au sujet de la possibilité de se servir d’une base de données électronique contenant des renseignements éventuellement sensibles.

[26] Il est devenu évident au fur et à mesure que l’on prenait connaissance du contenu de chacune des boîtes que les divers documents se trouvant dans chacune des boîtes devaient être identifiés au moyen d’un numéro distinct. On a donc identifié les boîtes par numéro et par couleur, par exemple, « boîte bleue 1 », « sac beige 2 ». On a regroupé, au besoin, certains documents de chaque boîte, par exemple dans le cas où il y avait plusieurs copies du même document et on leur a attribué un numéro d’identification comme par exemple « boîte rouge 1‑1 ».

[27] Au fur et à mesure que chacun des documents se trouvant dans la boîte était numéroté, un représentant confirmait l’exactitude des renseignements y afférents se trouvant dans le tableau et ces renseignements étaient ensuite vérifiés par la Cour ou par les représentants des autres parties. Les documents identifiés comme appartenant à M. Mahjoub étaient confirmés par l’un des représentants de M. Mahjoub et vérifiés par la Cour.

[28] Le tableau contenait des codes de couleur. Les inscriptions relatives au premier examen sont en noir, le deuxième examen est en bleu et l’examen final est en rouge. La vérification et certification sont en bleu ou en noir.

[29] Par exemple, les documents contenant des passages originaux écrits en arabe ou des notes manuscrites en français étaient séparés et déposés dans la catégorie appropriée de boîtes.

[30] Le code FN no désigne la note inscrite sur un document inscrit sur un tableau séparé créé pour les documents de M. Mahjoub uniquement. Ces annotations visaient à protéger le secret professionnel de l’avocat étant donné que le contenu des documents n’était pas précisé dans ces tableaux. Ces renseignements sont confidentiels, sont scellés et ne seront pas communiqués aux parties. La Cour rédige également des notes à son usage en tant qu’aide‑mémoire et ces notes sont confidentielles.

[31] La trousse à outils est cotée comme étant la pièce 18 et a été classée comme document confidentiel étant donné qu’elle renferme des renseignements protégés par le secret professionnel de l’avocat. Elle ne fait pas partie du présent rapport et elle ne sera pas communiquée aux avocats des parties.

[32] Les cinq catégories qui avaient été retenues au cours du premier examen ont finalement été ramenées à quatre. Les documents déposés à l’appui de la requête relative aux communications échangées entre l’avocat et le client ont, après un examen, été répartis en trois boîtes : [traduction] « Neutre », « Mahjoub » et « Ministres ».

[33] Les documents neutres sont ceux qui sont essentiellement des documents publics c.‑à‑d., des dossiers de requête, des affidavits, des recueils de sources invoquées, etc. et qui ne donnent aucun indice au sujet de leur propriétaire comme des initiales ou des mentions manuscrites.

[34] Les documents litigieux sont ceux que l’on n’a pas pu identifier lors de l’examen principal par des mentions manuscrites, des papillons adhésifs, des notes ou d’autres marques. Ces documents sont décrits plus amplement dans les règles régissant le protocole, à la partie IV du présent rapport.

[35] Au cours du premier examen, on a identifié deux documents comme étant d’éventuels documents intéressant la sécurité nationale. Ces documents ont d’abord été revêtus de l’étiquette « sécurité nationale » et désignés sous cette appellation lors des conférences de gestion de l’instance. Au cours du second examen, on a estimé que le qualificatif « sécurité nationale » ne constituait pas une désignation exacte de ces documents et l’on a décidé de les qualifier de « documents relatifs à des audiences à huis clos », ce qui correspond mieux à leur nature. Finalement, seulement un des deux documents renfermait des renseignements communiqués « à huis clos ». Les avocats des ministres ont identifié les documents relatifs à des audiences à huis clos qui ont été immédiatement scellés conformément à l’ordre de la Cour, avec pour directives de les remettre aux avocats ou aux représentants des ministres qui possédaient la cote de sécurité nationale appropriée.

[36] Ces boîtes ont été expressément identifiées comme contenant des documents qui pouvaient être examinés par la Cour. Le contenu de ces boîtes a finalement été séparé conformément aux règles de protocole et les documents identifiés comme étant ceux de M. Mahjoub ont été placés dans les boîtes de M. Mahjoub malgré le fait qu’il existait des circonstances dans lesquelles on ne les aurait pas sortis de ces boîtes si l’on avait pris connaissance de la totalité de leur contenu.

[37] Ces documents sont mentionnés dans la requête entendue par la Cour à la fin de 2010 et au début de 2011 qui portait sur la production de documents des ministres protégés par le secret professionnel. Les documents relatifs à la requête n’ont été examinés que par les représentants de M. Mahjoub et la Cour. Ils ont finalement été séparés en trois catégories : « Documents neutres », « Documents de MMahjoub » et « Documents des ministres ».

[38] Elles sont résumées dans la transcription du 22 décembre 2011.

[39] Transcription, 13 déc. 2011, aux pages 30 à 32.

[40] Transcription, 13 déc. 2011, à la page 37.

[41] Transcription, 13 déc. 2011, à la page 34.

[42] Transcription, 13 déc. 2011, aux pages 39 et 40.

[43] Transcription, 13 déc. 2011, aux pages 40 et 41.

[44] Transcription, 13 déc. 2011, aux pages 48 et 49. 

[45] Les représentants des ministres ont donné leur assentiment à cette mesure le 20 décembre 2011.

[46] Transcription, aux pages 50 et 51.

[47] Transcription, 13 déc. 2011, à la page 51.

[48] Transcription, 13 déc. 2011, aux pages 50 et 51.

[49] Par version expurgée, on entend les documents caviardés à l’exception de quelques mots ou expressions neutres qui ont ensuite été photocopiés.

[50] Transcription, 13 déc. 2011, aux pages 54 à 56.

[51] Transcription, 13 déc. 2011, aux pages 59 à 63.

[52] Transcription, 22 déc. 2011, à la page 10.

[53] Ces boîtes n’étaient pas toutes pleines. Beaucoup d’entre elles ne contenaient qu’un ou quelques documents. De plus, les boîtes contenant des documents litigieux comprenaient les boîtes bleues 4 à 8 (qui n’avaient pas été examinées à fond, les boîtes relatives aux audiences à huis clos (2) et les boîtes contenant les communications échangées entre les avocats et leurs clients.

[54] Tous les représentants des deux parties qui ont examiné les documents à la pièce 543 ont été invités à signer un engagement ainsi que le registre de contrôle à leur entrée et à leur sortie de la pièce. Le formulaire d’engagement a été rédigé par les avocats du ministre et a été examiné et approuvé par les avocats publics de M. Mahjoub. Tous les engagements sont devenus des pièces dans la présente instance.

[55] Une liste des courriels a été fournie aux avocats.

[56] La Cour a rendu le 9 février 2011 une ordonnance autorisant la divulgation du contenu de la boîte 12 des ministres à un représentant des ministres disposant de la cote de sécurité nationale appropriée pour se présenter à la Cour pour récupérer le contenu.

[57] Les 66 documents sont énumérés dans un tableau qui se trouve à l’Appendice, vol. I, onglet 7. Le tableau précise l’endroit duquel provenait chacun des documents.

[58] M. Mahjoub et ses avocats ont d’abord obtenu l’accès aux boîtes dans lesquelles se trouvaient les documents contentieux restants.

[59] En particulier, il convient de souligner le travail des personnes suivantes : Bernadette Moraga (la registraire désignée pour la présente affaire), Kirk Wiederhold (qui a apporté son concours en ce qui concerne les questions techniques relatives aux vidéos et aux photos), Garnet Morgan et Alejandra Gutierrez (qui ont pris des dispositions nécessaires pour l’espace et l’équipement), David Steeves (chef de la sécurité, qui a facilité les questions de sécurité) et mon assistante judiciaire, Sandra Perez (qui a organisé le présent rapport).

 

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