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Cour fédérale

 

Federal Court

 

Date : 20120518


Dossier : IMM-6874-11

Référence : 2012 CF 608

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 18 mai 2012

En présence de monsieur le juge Near

 

 

ENTRE :

 

JIAN HUA ZHENG

 

 

 

demanderesse

 

et

 

 

 

MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

           MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               La demanderesse, Jian Hua Zheng, conteste une décision de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la Commission), datée du 6 septembre 2011, concluant que la demanderesse n’avait ni qualité de réfugié au sens de la Convention ni qualité de personne à protéger visés aux articles 96 et 97 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27.

I.          Les faits

 

[2]               La demanderesse est une citoyenne de la Chine. En 1996, elle est tombée enceinte et a été forcée de se faire avorter parce qu’elle ne pouvait pas se marier légalement à cette époque. Peu après, elle a fui le pays dans l’intention d’aller rejoindre son ami de cœur aux États-Unis. Toutefois, ils ont perdu contact, et la demanderesse est allée aux États-Unis sans son ami de cœur.

 

[3]               En 2008, la demanderesse a rencontré un Canadien et est de nouveau tombée enceinte. En août, elle a rejoint l’homme en question à Toronto et est restée avec lui jusqu’en décembre de cette année-là. Ils ne se sont jamais mariés, mais l’enfant est né au Canada. La demanderesse a par la suite rencontré un autre homme au Canada, avec qui elle a eu un deuxième enfant.

 

II.        La décision visée par le présent contrôle

 

[4]               La Commission a formulé les observations suivantes au sujet des éléments de preuve documentaire : les politiques de planification familiale varient d’une région à l’autre, et il est raisonnable de présumer que les « mesures correctionnelles » au Fujian s’entendent de frais d’indemnisation sociale; les enfants pouvaient être inscrits dans le hukou de la demanderesse et ne pouvaient se voir refuser un soutien social de base à la condition que les frais d’indemnisation sociale soient payés; on ne rapporte aucun cas de couples ayant éprouvé des difficultés avec des enfants nés à l’étranger, et les éléments de preuve relatifs aux stérilisations forcées en Chine sont contradictoires.

 

[5]               En outre, la Commission n’a accordé aucun poids à un certificat de stérilisation et une lettre du cousin de la demanderesse alléguant un traitement préjudiciable d’un fils à son retour des États‑Unis, étant donné les problèmes liés aux dates et à des éléments de preuve documentaire contraires.

 

[6]               La Commission a conclu :

À la lumière de la documentation sur le pays citée plus haut, j’estime, selon la prépondérance des probabilités, que la demandeure d’asile et ses enfants peuvent retourner en Chine sans danger, que la demandeure d’asile ne risque pas d’être stérilisée dans la province du Fujian et que les enfants de cette dernière seront enregistrés dans son hukou, soit par le paiement de frais d’indemnisation sociale ou, comme l’indiquent les éléments de preuve documentaire susmentionnés, sans aucune pénalité étant donné qu’ils sont nés à l’étranger.

 

III.       Les questions en litige

 

[7]               La Cour est saisie de la question générale de savoir si la Commission a commis une erreur susceptible de contrôle dans l’évaluation de la demande d’asile de la demanderesse.

 

IV.       La norme de contrôle

 

[8]               En présence d’une question touchant aux faits, au pouvoir discrétionnaire ou à la politique, et lorsque le droit et les faits ne peuvent être aisément dissociés, la norme de la raisonnabilité s’applique généralement (voir Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 RCS 190, au paragraphe 51).

 

[9]               Suivant cette norme, la Cour interviendra seulement lorsqu’une décision manque de justification, de transparence et d’intelligibilité ou lorsqu’elle ne représente pas une issue acceptable qui puisse se justifier au regard des faits et du droit (Dunsmuir, précité, au paragraphe 47).

 

V.        Analyse

 

[10]           La demanderesse conteste la conclusion principale de la Commission au paragraphe 6 de ses motifs, où la Commission affirme :

[6] […] Cependant, d’autres provinces précises, dont celle du Fujian, prescrivent le recours à des mesures correctionnelles non précisées. Selon le rapport annuel du CECC, cité plus haut, l’expression [traduction] « mesures correctionnelles » est synonyme d’avortement forcé. Cependant, compte tenu de l’absence d’éléments de preuve récents démontrant que des avortements ou des stérilisations forcés ont été pratiqués dans la province du Fujian, j’estime, selon la prépondérance des probabilités, qu’il est raisonnable de présumer que les mesures correctionnelles consistent en les frais d’indemnisation sociale en vigueur dans la province du Fujian dont il est fait mention ci‑dessus.

 

[11]           La demanderesse affirme que la Commission a mal interprété les éléments de preuve relatifs aux « mesures correctionnelles » au Fujian lorsqu’elle a conclu que celles-ci ne comprenaient pas la stérilisation forcée malgré des éléments de preuve indiquant le contraire.

 

[12]           Je suis enclin à souscrire à la position de la demanderesse dans les circonstances. Il était déraisonnable pour la Commission de « présumer que les mesures correctionnelles consistent en les frais d’indemnisation sociale en vigueur dans la province du Fujian ». Puisque la documentation relative au pays, notamment le rapport annuel de la Commission exécutive du Congrès des États‑Unis sur la Chine de 2009, indique clairement que les « mesures correctionnelles » comprennent la stérilisation forcée, la conclusion de la Commission selon laquelle de telles mesures s’entendraient uniquement de frais d’indemnisation sociale dans la province du Fujian ne concorde pas avec les éléments de preuve présentés et ne satisfait pas aux critères de la justification, de la transparence et de l’intelligibilité. Pour ce motif à lui seul, l’affaire sera renvoyée pour nouvel examen.

 

[13]           Pour ce qui est des éléments de preuve relatifs à une personne se trouvant dans une situation semblable qui se dégagent de la lettre du cousin de la demanderesse et d’un certificat de stérilisation, je note toutefois qu’il est loisible à la Commission de conclure que ces éléments de preuve manquent de crédibilité ou de ne leur accorder aucun poids comme elle l’a fait en l’espèce. La Commission a conclu que « l’exigence selon laquelle une femme ayant déjà un enfant doit être stérilisée avant d’être autorisée à se marier n’est ni vraisemblable ni crédible ». Il était raisonnablement loisible à la Commission de tirer cette conclusion puisqu’il n’y avait aucun élément de preuve crédible relativement aux questions concernant les dates figurant sur le certificat de stérilisation.

 

VI.       Conclusion

 

[14]           Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est accueillie. L’affaire est renvoyée à un tribunal différemment constitué de la Commission pour nouvelle décision.

 


JUGEMENT

 

LA COUR STATUE que la présente demande de contrôle judiciaire est accueillie. L’affaire est renvoyée à un tribunal différemment constitué de la Commission pour nouvelle décision.

 

 

« D. G. Near »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Claude Leclerc, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-6874-11

 

INTITULÉ :                                      JIAN HUA ZHENG c MCI

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :              TORONTO

 

DATE DE L’AUDIENCE :             LE 3 AVRIL 2012

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                            LE JUGE NEAR

 

DATE DES MOTIFS :                     LE 18 MAI 2012

 

 

COMPARUTIONS :

 

Marvin Moses

 

POUR LA DEMANDERESSE

Lorne McClenaghan

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Marvin Moses

Marvin Moses Law Office

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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