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Date : 20120517

Dossier : A-479-08

Référence : 2012 CF 604

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 17 mai 2012

En présence de monsieur le juge Harrington

 

ENTRE :

 

NEIL MCFADYEN

 

 

 

appelant

 

et

 

 

 

PROCUREUR GÉNÉRAL

DU CANADA

 

 

 

intimé

 

 

 

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

(RÉVISION DE LA TAXATION DES DÉPENS)

 

[1]               Il appert que M. McFadyen s’est désisté unilatéralement d’un appel interjeté devant de la Cour d’appel à l’encontre d’une décision de la Cour canadienne de l’impôt quelques jours à peine avant la date fixée pour l’audience. Le procureur général du Canada a demandé la taxation de ses dépens. Bruce Preston, l’officier taxateur, a taxé ces dépens au montant de 1 338 $. La Cour est saisie de la révision du certificat de taxation de M. Preston. L’article 414 des Règles des Cours fédérales prévoit que lorsque, comme c’est le cas en l’espèce, l’officier taxateur n’est pas un juge, la requête en révision est entendue par un juge de la Cour fédérale, et non de la Cour d’appel fédérale.

 

[2]               Lorsque la demande de taxation a été faite, le document clé dont disposait M. Preston était un avis de désistement qui ne disait rien au sujet des dépens et qui n’était pas contresigné par l’intimé. L’article 402 des Règles dispose :

Sauf ordonnance contraire de la Cour ou entente entre les parties, lorsqu’une action, une demande ou un appel fait l’objet d’un désistement ou qu’une requête est abandonnée, la partie contre laquelle l’action, la demande ou l’appel a été engagé ou la requête présentée a droit aux dépens sans délai. Les dépens peuvent être taxés et le paiement peut en être poursuivi par exécution forcée comme s’ils avaient été adjugés par jugement rendu en faveur de la partie.

 

Unless otherwise ordered by the Court or agreed by the parties, a party against whom an action, application or appeal has been discontinued or against whom a motion has been abandoned is entitled to costs forthwith, which may be assessed and the payment of which may be enforced as if judgment for the amount of the costs had been given in favour of that party.

 

 

[3]               Monsieur McFadyen soutenait alors, comme il le fait encore à présent, que les parties avaient convenu qu’il se désisterait de son appel et que chaque partie paierait ses propres frais. Si tel est le cas, l’entente n’a pas été viciée par le fait que l’avis de désistement est silencieux quant aux dépens et n’est pas contresigné par les avocats de l’intimé.

 

[4]               Monsieur McFadyen a soutenu devant l’officier taxateur, comme il le fait encore à présent, que puisque les documents qu’il avait produits en réponse à l’avis de taxation comportaient une preuve prima facie de l’existence d’une entente, M. Preston n’avait pas compétence pour taxer des dépens. Il incombait à l’autre partie, le procureur général du Canada, de demander à la Cour un jugement déclarant que l’avis de désistement n’avait pas été déposé en exécution d’une entente de règlement qui comportait une renonciation aux dépens.

 

[5]               Dans ses motifs, M. Preston a dit qu’il n’avait pas compétence pour statuer sur la validité de l’entente alléguée. Il a dit : [traduction] « […] un juge doit se prononcer sur sa validité ». Je suis d’accord. Cependant, M. Preston a ensuite dit qu’il ne pensait pas être de ce fait inhabile à taxer les dépens du procureur général du Canada, puisque sa compétence découlait de l’article 402 des Règles. Puisque la question d’une entente de règlement avait seulement été soulevée au moment où M. McFadyen avait présenté ses observations au sujet des dépens, compte tenu des dispositions de l’article 402, et compte tenu du dossier de la Cour au moment du désistement, M. Preston a conclu : [traduction] « […] je peux taxer les dépens. »

 

[6]               Au moment de mettre l’affaire au rôle pour audience ou, comme c’est le cas en l’espèce, en procédant par voie d’observations écrites seulement, j’estime que l’officier taxateur jouissait d’un certain pouvoir discrétionnaire. Il aurait pu suspendre sa taxation pendant une brève période pour permettre à une partie – à mon avis M. McFadyen – de présenter une requête, vraisemblablement devant la Cour d’appel fédérale, afin d’obtenir un jugement déclarant qu’il y avait eu un règlement. Cependant, à mon avis, l’officier taxateur avait également le pouvoir discrétionnaire de taxer les dépens. À ce jour, ni l’une ni l’autre des parties n’a demandé à aucun tribunal un jugement déclaratoire sur la question de savoir s’il y avait eu un désistement de l’appel dans un contexte où les parties avaient convenu que chaque partie paierait ses propres dépens.

 

[7]               Vu que je suis saisi de la révision de cette taxation, qu’à mon avis il était loisible à M. Preston de taxer les dépens et que le caractère raisonnable du montant n’a jamais été contesté, je rejette la requête de M. McFadyen. Cependant, en espérant qu’elles puissent guider les parties dans une certaine mesure, je ferai les remarques suivantes.

 

[8]               En mai 2009, M. McFadyen avait quatre procédures en instance contre le procureur général du Canada. Son épouse, Mme Gardner, en avait une. Le procureur général était représenté par un avocat du ministère de la Justice dans deux des instances introduites par M. McFadyen, tandis qu’il était représenté par d’autres avocats du ministère de la Justice dans les deux autres instances. Le 11 mai 2009, tous les trois ont écrit à l’avocat de M. McFadyen, de même qu’à l’avocat de son épouse, au sujet de l’ensemble des cinq instances. Dans leurs lettres, ces avocats faisaient une offre, qui demeurerait ouverte jusqu’au 13 mai 2009 à 16 h 30. Aux termes de cette offre, les avocats proposaient que l’intimé ou le défendeur, selon le cas, accepte le rejet de l’action ou de l’appel, selon le cas, sans frais. Cependant, la lettre énonçait également : [traduction] « La présente offre n’est pas sujette à acceptation partielle. »

 

[9]               Il est acquis aux débats que l’épouse de M. McFadyen n’a pas accepté l’offre. En conséquence, il n’y a eu aucun règlement. Telle était la position du procureur général, qu’il maintient toujours d’ailleurs.

 

[10]           Cependant, le 12 mai 2009, il y a eu une lettre d’un des avocats du ministère de la Justice, Elizabeth Kikuchi, avec copie aux deux autres avocats du ministère de la Justice, adressée uniquement à l’avocat de M. McFadyen, Me Riddell, et qui traitait uniquement des quatre procédures de M. McFadyen. La lettre dit : [traduction] « La présente lettre fait suite à notre récente conversation téléphonique. Veuillez trouver ci‑joint notre projet d’entente de règlement et quittance pour les procédures mettant en cause M. McFadyen. » Le document joint à la lettre était intitulé comme suit : [traduction] « Entente de règlement et quittance complète et finale. » Ni la lettre ni le document y joint ne faisaient la moindre mention de l’instance introduite par l’épouse de M. McFadyen. Selon Me Riddell, l’avocat de M. McFadyen, qui témoignait bien plus qu’il présentait des observations, Me Riddell avait avisé Me Kikuchi que l’épouse de M. McFadyen n’accepterait pas la proposition. En guise de contre‑offre, Me Riddell proposait que l’épouse de M. McFadyen soit retirée de l’équation, étant donné que M. McFadyen, quant à lui, serait prêt à accepter la proposition. Maître Riddell a donc considéré la lettre du 12 mai 2009, avec la pièce jointe, comme une acceptation de la contre‑offre.

 

[11]           Le 13 mai 2009, il a écrit à Me Kikuchi, et envoyé une copie aux deux autres avocats. Il a mentionné la lettre datée du 12 mai 2009 et confirmé que M. McFadyen avait accepté le règlement proposé. Il a écrit par télécopieur. Il a joint une copie signée de l’entente de règlement et quittance complète et finale, et il a indiqué qu’il se chargerait des formalités relatives aux différents désistements.

 

[12]           Le même jour, deux des avocats du procureur général, Brian Harvey et Andrew Miller, ont écrit à MRiddell, et envoyé une copie à Me Kikuchi, en disant qu’il n’y avait eu aucun règlement puisque l’épouse de M. McFadyen n’avait pas accepté l’offre et l’offre avait expiré par l’écoulement du temps. Maître Kikuchi n’a pas écrit de lettre à ce moment-là.

 

[13]           Les avis de désistement dans la présente instance et dans les autres instances ont seulement été déposés après la réception des lettres de Me Harvey et Me Miller.

 

[14]           Comme je l’ai dit lors des plaidoiries, des éléments de preuve établissent prima facie l’absence de règlement et l’existence d’un règlement. Si l’une ou l’autre des parties demandait un jugement sommaire par voie de requête, même si j’avais compétence, je ne l’accorderais pas. La teneur de la discussion du 12 mai 2009 entre Me Riddell et Me Kikuchi revêt une importance cruciale. À tout le moins, il faudrait qu’il y ait des affidavits de ces deux avocats et qu’il soit possible de les contre‑interroger avant qu’un tribunal compétent puisse trancher dans un sens ou l’autre.

 

[15]           Je suis d’avis que le fardeau incombe à la partie qui invoque l’entente, soit à M. McFadyen.

 

[16]           Monsieur McFadyen soutient que la Cour d’appel fédérale aurait compétence, tandis que Me Miller, pour le compte du procureur général, soutient que c’est la Cour supérieure de justice de l’Ontario qui devrait trancher la question. La question n’est pas celle de savoir si les tribunaux ontariens ont compétence, mais plutôt celle de savoir si la Cour fédérale, ou la Cour d’appel fédérale, a compétence.

 

[17]           Sans doute à une certaine époque aurait‑on peut‑être pu soutenir qu’il s’agissait simplement d’une question contractuelle, et que les tribunaux fédéraux n’avaient pas compétence, mais je suis d’avis que cette époque est depuis longtemps révolue. En vertu de l’article 22 de la Loi sur les Cours fédérales, des articles 324 et suivants des Règles des Cours fédérales et de la Loi sur l’arbitrage commercial, il est incongru que la Cour fédérale ait compétence pour déterminer si les parties qui n’étaient pas devant la Cour à l’époque ont valablement conclu une convention d’arbitrage, mais qu’elle ne puisse pas déterminer si des négociations entre avocats, en qualité d’officiers de la Cour, agissant pour le compte de parties qui ont comparu devant la Cour, ont mené à une offre et une acceptation. En outre, si tel était le cas, les articles 419 et suivants des Règles des Cours fédérales, qui traitent des conséquences d’une offre de règlement en ce qui a trait aux dépens, n’auraient guère d’utilité si une partie pouvait soutenir qu’il n’y avait eu aucune offre semblable, et la Cour ne pourrait intervenir pour trancher la question.

 

[18]           En outre, si je conclus que l’avis de désistement a été déposé par suite d’une véritable erreur, seule la Cour d’appel fédérale est en mesure de permettre à M. McFadyen de retirer son avis de désistement et de poursuivre son appel.

 

[19]           En somme, j’estime que M. Preston était habilité à agir comme il l’a fait et, après examen, je conclus que le montant des dépens qu’il a taxés est raisonnable. Ni lui ni moi à titre de cour de révision n’avons compétence pour déterminer si une entente est intervenue de manière à permettre à l’appelant de se désister de son appel sans frais.

 

[20]           La requête sera rejetée sans frais. Les parties conviennent que l’officier taxateur n’avait pas compétence pour statuer sur la validité du règlement allégué, pourtant elles n’arrêtent pas de débattre sur les questions de savoir à qui incombe le fardeau de preuve et quel tribunal a compétence pour trancher la question.

 

[21]           Pour utiliser les mots du juge Evans dans Apotex Inc c. Merck & Co Inc, 2008 CAF 371, 382 NR 374, au paragraphe 16, la présente requête « […] n’a guère promu l’intérêt public dans la bonne administration de la justice ».

 


ORDONNANCE

 

POUR LES MOTIFS ÉNONCÉS;

LA COUR :

1.                  REJETTE la requête en révision du certificat de dépens émis par l’officier de taxation.

2.                  Le tout sans frais.

 

 

 

« Sean Harrington »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Linda Brisebois, LL.B.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        A-479-08

 

INTITULÉ :                                      MCFADYEN c PGC

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :              OTTAWA (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :             LE 15 MAI 2012

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE

(RÉVISION DE LA TAXATION

DES DÉPENS) :                               LE JUGE HARRINGTON

 

DATE DES MOTIFS :                     LE 17 MAI 2012

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Alan Riddell

 

POUR L’APPELANT

 

Andrew Miller

POUR L’INTIMÉ

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Soloway Wright LLP

Avocate

Ottawa (Ontario)

 

POUR L’APPELANT

Myles J. Kirvan,

Sous‑procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

 

POUR L’INTIMÉ

 

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