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Cour fédérale

 

Federal Court

 

 Date: 20120323


Dossier : IMM-6725-11

Référence : 2012 CF 354

Ottawa (Ontario), le 23 mars 2012

En présence de madame la juge Tremblay-Lamer 

 

ENTRE :

 

WATSON SAINT-FÉLIX

 

 

demandeur

 

et

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

 

défenderesse

 

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, ch 27 (LIPR), à l’encontre d’une décision de l’agent d’examen des risques avant renvoi (ERAR), informant le demandeur que la décision initiale rendue à son égard n’est pas finale, faute de compétence, et qu’une décision finale devra être prise par le délégué du ministre.

 

 

LES FAITS

 

[2]               Le demandeur, citoyen haïtien, est arrivé au Canada en 1997, à l’âge de 7 ans, en tant que résident permanent. En octobre 2008, il est condamné à une peine de trois ans et demie d’emprisonnement pour vol qualifié, complot et séquestration. Il perd alors son statut de résident permanent en raison de grande criminalité, et fait l’objet d’une mesure de renvoi. Par conséquent, il est placé en détention au Centre de Détention de Rivière-des-Prairies, à Montréal.

 

[3]               En juillet 2011, le demandeur soumet une demande ERAR. Le 11 août 2011, l’agent d’ERAR rend une décision positive à son égard, le trouvant une personne à risque au sens de l’article 97 de la LIPR. L’agent suspend les mesures de renvoi à l’encontre du demandeur, mais lui précise dans sa lettre qu’il ne bénéficie pas du statut de personne protégée et que son cas pourrait être réévalué à l’avenir advenant un changement de situation. Suite à cette décision, le demandeur est remis en liberté.

 

[4]               Une semaine plus tard, soit le 14 septembre 2011, le même agent d’ERAR informe le demandeur que la première décision comporte des erreurs parce qu’il n’avait pas la compétence pour la rendre, d’où la présente demande de contrôle judiciaire.

 

ANALYSE

 

[5]               L’agent d’ERAR était-il functus officio une fois la décision rendue le 11 août 2011?

 

 

[6]               D’une part, le demandeur prétend qu’un agent d’ERAR est functus officio une fois que sa décision est rendue et communiquée à la personne concernée. Par conséquent, il n’avait pas la compétence pour rendre la seconde décision, en date du 14 septembre 2011. Il s’appuie sur les arrêts Monongo c Canada (ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 491, [2009] ACF 596 et Chudal c Canada (ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 1073, [2005] ACF 1327.

 

[7]               D’autre part, le défendeur soutient que peu importe si l’agent d’ERAR est compétent ou non pour rendre une deuxième décision conforme au droit applicable, il n’a pas compétence pour accorder un sursis à l’exécution de la mesure de renvoi ou même la protection du Canada. Conséquemment, la décision rendue le 11 août 2011 n’a pas force de chose jugée et l’évaluation de la demande ERAR peut se poursuivre selon la procédure prescrite par la LIPR et le Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés (RIPR). Un jugement de la Cour qui annulerait la décision du 14 septembre 2011 n’aurait donc aucun effet pratique. La lettre du 14 septembre 2011 n’est qu’un acte administratif non susceptible de contrôle judiciaire; elle n’est qu’une lettre de courtoisie envoyée pour rectifier l’acte administratif et pour modifier l’évaluation en conséquence des pouvoirs accordés à l’agent sous la LIPR. Je suis de cet avis.

 

[8]               En l’espèce, il est clair que l’agent ne pouvait accorder un sursis au demandeur puisqu’il n’avait pas la compétence de le faire.

 

 

[9]               Ainsi, la loi prévoit que dans le cas d’un étranger interdit de territoire pour grande criminalité, un agent d’ERAR doit d’abord évaluer les risques auxquels le demandeur serait exposé advenant son retour (al 172(2)a) du RIPR). Si un risque est identifié, un analyste de l’unité Danger pour le public/Réhabilitation, qui celui-ci relève de Citoyenneté et Immigration Canada (CIC), doit ensuite évaluer si la présence du demandeur au Canada constitue un danger pour le public ou pour la sécurité du pays, ou si la nature ou la gravité des actes commis par le demandeur justifient le rejet de sa demande ERAR (al 172(2)b)). Enfin, le délégué du ministre, qui lui aussi relève de CIC, prend en considération les évaluations, la documentation à l’appui et les observations soumises par le demandeur, puis décide si le demandeur a droit au sursis de la mesure de renvoi (para 113d) de la LIPR et para 172(1) du RIPR). Une décision positive rendue à l’égard du demandeur ne peut que lui accorder un sursis, révisable en tout temps par le ministre selon la procédure écrite (art 114 de la LIPR et art 173 du RIPR).

 

[10]           Il en ressort que l’agent d’ERAR n’avait pas la délégation pour rendre une décision accordant un sursis à M. Saint-Félix, son rôle se limitant à rendre une évaluation dont le délégué pourra tenir compte par la suite. Le sursis accordé ne pouvait lier le ministre (Canada (ministre du Revenu National) c Inland Industries Limited, [1974] RCS 514, 23 DLR (3d) 677).

 

[11]           La lettre du 11 août 2011 contenant l’évaluation de l’agent d’ERAR n’est qu’un acte administratif parmi d’autres qui servira pour rendre une décision finale. Il en est de même pour la lettre du 14 septembre 2011, qui ne fait que rectifier la lettre précédente pour la rendre conforme au droit applicable. Toutefois, la décision du délégué du ministre, elle, entraînera des conséquences juridiques et sera susceptible de contrôle judiciaire.

 

[12]           La présente demande de contrôle judiciaire est prématurée et elle est rejetée.  Aucune question n’a été proposée pour la certification et aucune ne le sera.

 

 


JUGEMENT

 

            LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire soit rejetée.  Aucune question n'est certifiée.

 

 

« Danièle Tremblay-Lamer »

Juge


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-6725-11

 

INTITULÉ :                                      WATSON SAINT-FÉLIX

c

MCI

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               20 mars 2012

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT:                               madame la juge Tremblay-Lamer 

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 23 mars 2012

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Me Stéphane Handfield

 

POUR LA PARTIE DEMANDERESSE

Me Ian Demers

 

POUR LA PARTIE DÉFENDERESSE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Me Stéphane Handfield

Montréal (Québec)

 

POUR LA PARTIE DEMANDERESSE

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)

 

POUR LA PARTIE DÉFENDERESSE

 

 

 

 

 

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