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Cour fédérale

 

Federal Court

Date : 20120504


Dossier : IMM-6316-11

Référence : 2012 CF 547

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 4 mai 2012

En présence de monsieur le juge Russell

 

 

ENTRE :

 

ANDREA EUGENIA SABOGAL RIVEROS

ANGEL ANDRES VARGAS BUSTOS

EDILMA BUSTOS DE VARGAS

 

 

 

demandeurs

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

           MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

INTRODUCTION

[1]               La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire, présentée en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (la Loi), de la décision du 19 août 2011 (la décision) par laquelle la Section de la protection des réfugiés (la SPR) de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié a refusé de reconnaître aux demandeurs la qualité de réfugié au sens de la Convention ou de personne à protéger au sens des articles 96 et 97 de la Loi.

CONTEXTE

[2]               La demanderesse principale, âgée de 32 ans, vit actuellement avec son époux à Hamilton. Les demandeurs secondaires sont son époux (M. Vargas) et sa belle-mère (Mme Bustos). Tous sont citoyens de la Colombie et tous ont demandé l’asile parce qu’ils craignent les FARC dans leur pays d’origine.

[3]               En Colombie, la demanderesse principale était conseillère en placements commerciaux à la Banque de Colombie (la Banque). Elle était, dans le cadre de ses fonctions, chargée des clients de la Banque ayant un revenu mensuel personnel dépassant 6 millions de pesos – environ 3 000 $ – et des entreprises ayant des investissements de plus de 150 millions de pesos – c’est-à-dire environ 80 000 $. Par souci de confidentialité, la Banque restreignait l’accès aux renseignements concernant ces clients, mais la demanderesse principale y avait accès à cause de ses fonctions.

[4]               En mars 2008, la demanderesse principale a ouvert un compte-chèques commercial au nom du cabinet Pabon Castro Barristers and Associates (Pabon). Elle a géré ce compte jusqu’au moment où, en février 2009, elle a démissionné de son emploi à la Banque. En novembre 2008, la demanderesse principale a appris que Margarita Pabon Castro (Mme Castro), la représentante légale de Pabon, était liée à une opération de blanchiment de capitaux impliquant une société dénommée DMG.

[5]               Lorsque la Banque a appris que Pabon entretenait des liens avec l’opération de blanchiment d’argent, son service du contentieux a donné l’ordre de fermer le compte. La Banque a donc fermé le compte de Pabon, et le 12 décembre 2008, a remis à Mme Castro un chèque pour le solde, soit environ 34 millions de pesos (quelque 18 000 $). Madame Castro étant détenue à l’époque, la Banque ne pouvait lui remettre le chèque. Madame Castro étant l’unique représentante légale de Pabon, elle était la seule à pouvoir toucher l’argent du compte.

[6]               Un homme se présentant sous le nom de Jorge Tovar a téléphoné à la demanderesse principale, à son bureau, pour lui dire que son entreprise, Tovar Legal Consulting (TLC), était chargée d’effectuer des placements à la Banque. La demanderesse apprendrait par la suite que « Jorge Tovar » était le pseudonyme du commandant Ruben du Bloc urbain des FARC. La demanderesse principale a convenu d’aller rencontrer le commandant Ruben à son bureau, afin de voir si la Banque pouvait accepter TLC comme cliente. Le 29 décembre 2008, la demanderesse principale a quitté son travail pour aller rencontrer le commandant Ruben à l’heure convenue. Alors qu’elle se trouvait au sous-sol de l’immeuble de la Banque, Jorge Tovar s’est approché d’elle et lui a demandé de lui dire à combien s’élevait le solde du compte de Pabon. Bien que l’homme ait dit à la demanderesse principale qu’à partir de ce moment-là c’est lui qui serait chargé des affaires de Pabon, la demanderesse a refusé de lui fournir les renseignements confidentiels concernant le compte. L’homme est reparti et la demanderesse principale a mis le service de sécurité de la Banque au courant de ce qui s’était passé.

[7]               Après cet incident, la demanderesse est partie en vacances aux États-Unis (É.-U.). Ses vacances ont commencé le 30 décembre 2008, et elle était censée reprendre le travail le 2 février 2009. Alors qu’elle se trouvait au domicile que partageaient les trois demandeurs, Mme Bustos a reçu un coup de téléphone du commandant Ruben. Celui-ci lui aurait alors dit de jeter un coup d’œil par la fenêtre, ce qu’elle fit. Elle aperçut au coin de la rue où se situait la maison, un homme avec un téléphone mobile à la main. C’est alors que le commandant Ruben lui a dit qu’il valait mieux pour la demanderesse principale qu’elle collabore et qu’elle cesse de se cacher, sinon elle et M. Vargas en subiraient les conséquences. L’homme a alors raccroché. Les demandeurs ont discuté entre eux de ce coup de téléphone et conclu qu’ils avaient affaire à un client mécontent.

[8]               Le 30 janvier 2009, M. Vargas a reçu, au domicile des demandeurs, un deuxième coup de téléphone. L’interlocuteur a demandé à parler à la demanderesse principale, se présentant comme Jorge Tovar. Monsieur Vargas a répondu que la demanderesse principale n’était pas à la maison, lui demandant par ailleurs de ne plus appeler et, s’il avait besoin de quelque chose, de communiquer avec la Banque. L’interlocuteur a haussé le ton, disant à M. Vargas que si son épouse ne cessait pas de se cacher, il serait bientôt veuf. Mise au courant de cet appel téléphonique, la demanderesse principale décida d’en informer ses supérieurs à la Banque à la fin de son congé le 2 février 2009.

[9]               Le 1er février 2009, la commandant Ruben a appelé la demanderesse principale chez elle. Il s’est présenté comme étant le commandant Ruben, ajoutant qu’elle le connaissait sous le nom de Jorge Tovar. Il a ensuite exigé qu’elle lui précise le solde du compte de Pabon, et qu’elle lui envoie l’argent. Il lui a rappelé que c’est lui qui était désormais chargé du compte, indiquant qu’il communiquerait avec elle de nouveau pour lui dire où envoyer l’argent. Il l’a également avertie de n’en parler à personne sous peine d’attirer des ennuis à sa famille. À la suite de cet appel, les demandeurs ont débranché le téléphone, estimant que c’est aux FARC qu’ils avaient affaire et non à un client mécontent comme ils l’avaient pensé au départ.

[10]           Le 8 février 2009, le commandant Ruben a communiqué avec la demanderesse principale sur son téléphone mobile. Cette fois encore, il a exigé qu’on lui remette l’argent du compte de Pabon. La demanderesse principale lui a répondu que le compte avait été fermé et que le solde ne pourrait être remis qu’à la représentante légale de Pabon ou à une personne autorisée par celle-ci. Répondant qu’il lui prouverait qu’il était effectivement autorisé, le commandant Ruben a demandé qu’on lui fournisse des renseignements sur d’autres clients de la Banque. Il a alors dit à la demanderesse principale que si elle ne lui donnait pas les renseignements en question, elle en subirait les conséquences.

[11]           La demanderesse principale croyait qu’elle ne pouvait pas dire à ses supérieurs à la Banque ce qui s’était passé. Dans la soirée du 13 février 2009, deux hommes l’on attaquée alors qu’elle rentrait chez elle du travail. Ils ne se sont pas présentés; mais se sont simplement mis en travers de son chemin avec leurs motocyclettes, l’un d’eux l’attrapant par le bras et la poussant contre une clôture qui se trouvait juste là. Il lui a alors demandé si elle comprenait qu’ils savaient s’y prendre en matière d’autorisations, exigeant qu’elle leur dise quel était le solde du compte de Pabon. Les suppliant de ne pas la tuer, elle leur confia que le solde s’élevait à 34 millions de pesos.

[12]           Lorsque la demanderesse principale lui a fait part de ce chiffre, l’homme lui a répondu qu’elle mentait. Selon lui, il aurait dû y avoir plus de 300 millions de pesos dans le compte et cet argent appartenait aux FARC. Il a ajouté qu’elle avait jusqu’au 22 février 2009 pour remettre l’argent, sinon elle serait tuée.

[13]           La demanderesse principale a raconté à M. Vargas ce qui s’était passé. Les demandeurs ont communiqué avec un ami, M. Abdelmur, lieutenant de l’armée colombienne, pour lui demander son aide. Monsieur Abdelmur leur a dit que les autorités n’étaient pas en mesure de venir en aide aux gens menacés par les FARC parce qu’elles s’en tenaient à la seule protection des personnes bien connues. Il a également dit aux demandeurs que, d’après lui, les FARC ne cesseraient sans doute pas de les harceler, même si la demanderesse principale démissionnait de son poste à la Banque. Selon M. Abdelmur, le mieux serait pour eux de déménager et d’aller vivre ailleurs.

[14]           La demanderesse principale a remis sa démission à la Banque le 11 février 2009 et, le 21 février 2009, les demandeurs se sont installés chez un ami. C’est là qu’ils sont restés jusqu’à leur départ de Colombie le 28 février 2009. Les demandeurs se sont d’abord rendus aux É.-U., d’où ils ont communiqué avec la sœur de la demanderesse principale au Canada. Cette sœur leur a conseillé de demander l’asile au Canada, et c’est ainsi qu’ils sont venus ici où ils ont demandé l’asile le 13 mars 2009.

[15]           Les demandes d’asile des trois demandeurs ont été réunies par la SPR conformément au paragraphe 49(1) du Règlement sur l'immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227. Les demandes d’asile ont été instruites le 31 mars 2011. La SPR a rendu sa décision le 19 août 2011, et en a avisé les demandeurs le 24 août 2011.

LA DÉCISION VISÉE PAR LE CONTRÔLE

[16]           La SPR est revenue sur les événements qui avaient poussé les demandeurs à présenter une demande d’asile au Canada. Elle a constaté qu’ils avaient établi leur identité respective en présentant des copies certifiées conformes de leurs passeports colombiens. La SPR s’est ensuite penchée sur le bien-fondé de leurs demandes d’asile.

Qualité de réfugié au sens de la Convention non reconnue

[17]           Selon la SPR, la demanderesse principale a refusé d’enfreindre la loi et de commettre un acte manifestement criminel. Bien qu’à l’audience la demanderesse principale ait fait valoir que son refus de faire ce que les FARC exigeaient d’elle pourrait être considéré comme la manifestation d’une opinion politique, la SPR a rejeté cet argument. Selon la SPR, la demanderesse principale n’avait exprimé aucune opinion politique, n’ayant fait que réitérer à plusieurs reprises qu’elle n’était autorisée à remettre l’argent en question qu’au représentant dûment autorisé de Pabon. Selon la SPR, les demandeurs n’avaient pas établi l’existence d’un lien avec un des motifs prévus par la Convention, de sorte que leur demande d'asile fondée sur l’article 96 de la Loi devait être rejetée.

La possibilité de refuge intérieur

[18]           Après avoir conclu que les demandeurs n’étaient pas des réfugiés au sens de la Convention, la SPR a abordé la question de savoir s’ils étaient des personnes à protéger au sens de l’article 97 de la Loi. Selon la SPR, les demandeurs ne sont pas des personnes à protéger parce qu’elles disposaient d’une possibilité de refuge intérieur (PRI) à Medellin (Colombie). Selon le sous-alinéa 97(1)b)(ii) de la Loi, l’existence d’une possibilité de refuge intérieur est déterminante pour ce qui est de leur demande d'asile.

[19]           La SPR s’est rappelé le critère permettant de conclure à l’existence d’une PRI, soulignant que l’arrêt Rasaratnam c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1991] ACF 1256 (CAF) (QL), avait dégagé un critère à deux volets. Il faut, en premier lieu, que la SPR estime que, selon la prépondérance des probabilités, le demandeur d’asile ne court aucun risque dans la région du pays où il dispose d’une PRI. En deuxième lieu la SPR doit conclure qu’il ne serait pas déraisonnable pour le demandeur d’asile de se prévaloir de cette PRI.

Les risques qui prévalent dans l’ensemble de la Colombie

[20]           S’agissant du premier volet du critère, la SPR a estimé que les FARC s’en étaient pris à la demanderesse principale uniquement parce qu’elle travaillait à la Banque. Ce n’est que pendant qu’elle travaillait encore à la Banque qu’elle avait accès à l’argent que voulaient saisir les FARC. Les FARC n’étaient plus intéressées à elle après le 16 février 2009, date à laquelle elle avait démissionné de la Banque. La SPR a conclu, du fait que le commandant Ruben était au courant de ce qui se passait à la Banque, qu’il connaissait, à l’intérieur de l’établissement, quelqu’un en mesure de lui dire qui était désormais chargé du compte de Pabon. Le commandant Ruben pourrait, par l’intermédiaire de cette personne, obtenir les renseignements démontrant que la demanderesse principale n’avait pas subtilisé l’argent. La SPR a conclu que les renseignements que la demanderesse principale pouvait détenir au sujet de l’argent en question auraient été désuets. Étant donné qu’elle avait quitté la Banque depuis deux ans et demi, elle ne courait plus aucun risque en raison de ce qu’elle savait.

[21]           La SPR a convenu avec les demandeurs que les FARC demeurent capables de poser des gestes de violence en Colombie. Or, selon la SPR, la demanderesse principale n’est ni une dénonciatrice ni une militante des droits de la personne – deux catégories de gens qui sont, en Colombie, particulièrement exposés à un risque. À l’époque où elle était chargée du compte de Pabon, la demanderesse principale ne faisait que son travail et elle aurait été remplacée après son départ de la Banque. Elle n’avait signalé à personne les menaces dont elle avait fait l’objet et, comme il est probable que les FARC aient un contact au sein de la Banque, cette personne saurait que la demanderesse principale n’avait pas signalé les menaces dont elle avait fait l’objet et qu’elle avait quitté le pays sous la pression des événements.

[22]           Se fondant sur les preuves documentaires versées au dossier, la SPR a conclu que les FARC n’avaient que des moyens restreints de poursuivre la demanderesse principale et qu’elles n’iraient pas la rechercher à Medellin si elle allait s’y réfugier.

Une possibilité raisonnable de déménagement

[23]           Selon la SPR, compte tenu de l’ensemble des circonstances, il était raisonnable que la demanderesse principale et sa famille déménagent pour aller s’installer à Medellin. La demanderesse principale et M. Vargas ont tous deux fait de bonnes études et ont d’excellents antécédents professionnels, ce qui fait qu’ils pourraient se trouver un emploi à Medellin. Ce déménagement ne devrait pas leur poser de difficultés indues.

[24]           La SPR a conclu que la demande d'asile des demandeurs fondée sur l’article 97 devait être rejetée étant donné qu’ils disposaient d’une PRI.

LES QUESTIONS EN LITIGE

[25]           Les demandeurs soulèvent les questions en litige suivantes :

a.                   Était-il raisonnable pour la SPR de conclure à l’absence d’un lien avec l’un des motifs prévus par la Convention?

b.                  Était-il raisonnable pour la SPR raisonnable de conclure que les demandeurs disposaient d’une PRI?

 

LA NORME DE CONTRÔLE

[26]           Dans l’arrêt Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, la Cour suprême du Canada a jugé qu’il n’est pas toujours nécessaire de se livrer à une analyse de la norme de contrôle applicable et que, lorsque la norme applicable à une question précise est bien établie par la jurisprudence, la cour de révision peut l’adopter. Ce n’est que lorsque cette démarche se révèle infructueuse que la cour de révision doit entreprendre l’analyse des quatre facteurs qui permettent de déterminer la bonne norme de contrôle.

[27]           En l’espèce, la norme de contrôle applicable à la première question est celle de la décision raisonnable. Dans le jugement D.F.R. c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 772, le juge Donald Rennie a estimé, au paragraphe 8, que l’existence d’un lien avec l’un des motifs prévus par la Convention est une question de fait. Ainsi que la Cour suprême du Canada l’a rappelé au paragraphe 51 de l’arrêt Dunsmuir, précité, c’est en général la norme de la décision raisonnable qui s’applique à une question de fait.

[28]           La norme de contrôle qui s’applique à la deuxième question soulevée en l’espèce est également celle de la décision raisonnable. Dans le jugement Martinez c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 5, le juge Yvon Pinard a conclu, au paragraphe 8, que la norme de contrôle applicable à l’examen par la SPR de la PRI est celle de la décision raisonnable. C’est aussi la conclusion à laquelle sont parvenus le juge Richard Mosley dans le jugement Ponce c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 1360, au paragraphe 13, et le juge Luc Martineau dans le jugement Zavala c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 370, au paragraphe 5.

[29]           Lorsqu’elle examine une décision selon la norme de la décision raisonnable, la Cour doit s’intéresser à la « justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit ». Voir Dunsmuir, précité, au paragraphe 47, et Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12, au paragraphe 59. Autrement dit, la Cour ne doit intervenir que si la décision est déraisonnable, c’est-à-dire si elle n’appartient pas « aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit ».

DISPOSITIONS LÉGISLATIVES APPLICABLES

[30]           Voici les dispositions de la Loi applicables en l’espèce :

 

Définition de « réfugié »

 

96. A qualité de réfugié au sens de la Convention — le réfugié — la personne qui, craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques :

 

a) soit se trouve hors de tout pays dont elle a la nationalité et ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de chacun de ces pays;

 

[…]

 

Personne à protéger

 

97. (1) A qualité de personne à protéger la personne qui se trouve au Canada et serait personnellement, par son renvoi vers tout pays dont elle a la nationalité ou, si elle n’a pas de nationalité, dans lequel elle avait sa résidence habituelle, exposée :

 

a) soit au risque, s’il y a des motifs sérieux de le croire, d’être soumise à la torture au  sens de l’article premier de la Convention contre la torture;

 

b) soit à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités dans le cas suivant :

 

(i) elle ne peut ou, de ce fait, ne veut se réclamer de la protection de ce pays,

 

 

(ii) elle y est exposée en tout lieu de ce pays alors que d’autres personnes originaires de ce pays ou qui s’y trouvent ne le sont généralement pas,

 

(iii) la menace ou le risque ne résulte pas de sanctions légitimes — sauf celles infligées au mépris des normes internationales — et inhérents à celles-ci ou occasionnés par elles,

 

(iv) la menace ou le risque ne résulte pas de l’incapacité du pays de fournir des soins médicaux ou de santé adéquats.

 

[…]

Convention refugee

 

96. A Convention refugee is a person who, by reason of a well-founded fear of persecution for reasons of race, religion, nationality, membership in a particular social group or political

opinion,

 

 

 

(a) is outside each of their countries of nationality and is unable or, by reason of that fear, unwilling to avail themself of the protection of each of those countries; or

 

[…]

 

Person in Need of Protection

 

97. (1) A person in need of protection is a person in Canada whose removal to their country or countries of nationality or, if they do not have a country of nationality, their country of former habitual residence, would subject them personally

 

(a) to a danger, believed on substantial grounds to exist, of torture within the meaning ­ of Article 1 of the Convention Against Torture; or

 

(b) to a risk to their life or to a risk of cruel and unusual treatment or punishment if

 

 

(i) the person is unable or, because of that risk, unwilling to avail themself of the protection of that country,

 

(ii) the risk would be faced by the person in every part of that country and is not faced generally by other individuals in or from that country,

 

(iii) the risk is not inherent or  incidental to lawful sanctions, unless imposed in disregard of accepted international standards, and

 

 

 

(iv) the risk is not caused by the inability of that country to provide adequate health or medical care.

 

 

[…]

 

LES ARGUMENTS DES PARTIES

Les demandeurs

            L’existence d’un lien avec l’un des motifs prévus par la Convention

 

[31]           Selon les demandeurs, il était déraisonnable pour la SPR de conclure à l’absence d’un lien avec l’un des motifs prévus par la Convention parce que cette conclusion ne reposait pas sur la preuve. Ils se fondent sur l’arrêt Ward c Canada (Procureur général), [1993] 2 RCS 689, pour affirmer que les opinions politiques imputées peuvent être considérées comme des opinions politiques peu importe les convictions réelles du demandeur d’asile. La SPR disposait d’éléments de preuve démontrant que les FARC sont une organisation politique et que les personnes qui refusent de les aider sont traitées comme leurs ennemis. Selon les demandeurs, rien dans le dossier n’indique que les FARC n’aient pas vu un acte politique dans le fait que la demanderesse principale a refusé de l’aider. Bien que la SPR ait repris les observations des demandeurs sur ce point, elle n’a pas expliqué pourquoi elle avait rejeté leur témoignage. Aussi, comme la SPR n’a pas conclu que le demandeur n’était pas crédible, elle a vraisemblablement tenu leur témoignage pour véridique.

La possibilité du refuge intérieur

[32]           La conclusion de la SPR quant à la possibilité de refuge intérieur dont disposent les demandeurs reposait la vraisemblance et sur le jugement. Or, Valtchev c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2001 CFPI 776, précise bien que la SPR ne peut conclure à l’invraisemblance que dans les cas les plus évidents. Comme ce n’est pas le cas en l’espèce, la décision doit donc être renvoyée pour nouvel examen.

[33]           Les demandeurs font également valoir que la conclusion de la SPR selon laquelle ils disposaient d’une possibilité de refuge intérieur va à l’encontre des preuves produites. La demanderesse principale a témoigné à l’audience et déclaré dans son Formulaire de renseignements personnels (FPR) que M. Abdelmur lui avait bien dit qu’elle ne pourrait pas se soustraire à ses ennuis avec les FARC en démissionnant de son emploi à la Banque. Monsieur Abdelmur connaissait d’expérience la manière dont les FARC agissaient étant donné qu’il les avait combattus en tant que membre de l’armée colombienne. La SPR n’a pas tenu compte de cet élément, pourtant pertinent et fiable.

[34]           La SPR n’a pas tenu compte non plus du rapport d’expert de M. Mark Chernick – professeur agrégé au Département d’études politiques et latino-américaines à l’Université de Georgetown – intitulé « Country Conditions in Colombia Relating to Asylum Claims in Canada ». Selon ce rapport, les victimes des FARC ne peuvent jamais être savoir si les menaces proférées à leur endroit ne seront pas mises à exécution. Dès qu’elles sont ciblées, les victimes des FARC n’ont d’autre choix que d’acquiescer à leurs demandes ou de quitter la Colombie. Monsieur Chernick est un grand spécialiste de la question; son expertise est au moins égale à celle de Mme Judith Hellman. Dans le jugement Villicana c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 1205, j’ai conclu que la SPR avait eu tort de minimiser l’importance du témoignage d’expert que Mme Hellman avait livré sur le Mexique. Monsieur Chernick a les mêmes compétences que Mme Hellman et il a rédigé dans des circonstances analogues à celles du rapport de Mme Hellman, c’est donc à tort que la SPR n’a pas pris en compte son rapport. Ajoutons qu’un rapport du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés portant sur des demandeurs d’asile venant de Colombie corrobore le rapport de M. Chernick. Pour ces motifs, la conclusion de la SPR est déraisonnable.

[35]           Les demandeurs estiment par ailleurs que la conclusion de la SPR concernant la PRI est conjecturale. Lorsque la SPR a conclu que les FARC laisseraient vraisemblablement la demanderesse principale en paix une fois qu’elle avait démissionné de la Banque, la SPR a déraisonnablement tenu pour acquis que les FARC agissaient en fonction de la même logique qu’elle.

Le défendeur

[36]           Le défendeur affirme que, compte tenu des preuves dont elle disposait, il était raisonnable pour la SPR de conclure à l’absence d’un lien. Cette conclusion va dans le même sens que le témoignage de la demanderesse principale qui a affirmé que puisqu’elle avait démissionné presque deux ans plus tôt, les renseignements qu’elle avait au sujet des clients de la Banque étaient désuets. Le défendeur rappelle que la question du lien relève de la compétence de la SPR, et fait valoir que sur ce point la Cour devrait s’en remettre à la conclusion de fait tirée par la SPR.

[37]           Il incombait aux demandeurs d’établir l’existence d’un tel lien et lorsque le dossier ne contient aucun élément de preuve établissant la présence d’un des motifs prévus par la Convention, la SPR n’est pas tenue d’examiner expressément ce motif (voir Casteneda c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 1012, au paragraphe 19). La SPR ne disposait d’aucun élément de preuve indiquant que les FARC imputaient des opinions politiques à la demanderesse principale. Elle n’avait pas exprimé d’opinion politique; elle avait tout simplement dit aux FARC qu’elle ne pouvait remettre les fonds en question qu’à un représentant autorisé de Pabon. Il était raisonnable pour la SPR de conclure à l’absence d’un lien avec l’un des motifs prévus par la Convention.

[38]           Les demandeurs contestent la conclusion tirée par la SPR sur la question d’une PRI, mais cette contestation ne suffit pas pour que la Cour la juge déraisonnable. Il s’agit, comme c’est le cas de la conclusion portant sur l’existence d’un lien, d’une conclusion de fait pour laquelle la Cour devrait s’en remettre à la SPR. Le défendeur se fonde sur l’arrêt Rasaratnam, précité, pour affirmer qu’à partir du moment où se pose la question d’une PRI, c’est au demandeur d’asile qu’il appartient de démontrer qu’il ne dispose pas d’une telle possibilité. Or, en l’espèce, les demandeurs ne se sont pas acquittés de leur fardeau. Au contraire, plusieurs des faits consignés au dossier confirment la conclusion à laquelle est parvenue la SPR :

a.                   la demanderesse principale n’est plus en mesure d’aider les FARC et le commandant Ruben le saurait en raison du contact qu’il entretient au sein de la Banque;

b.                  la demanderesse principale n’appartient à aucune des catégories de personnes contre lesquelles les FARC exercent généralement des représailles;

c.                   les FARC auraient appris du contact que le commandant Ruben entretient au sein de la Banque que la demanderesse principale ne les avait pas dénoncés;

d.                  de récentes preuves documentaires démontrent que les mesures prises par le gouvernement colombien font en sorte que les FARC n’ont plus la même capacité de poser des gestes de violence;

e.                   aucun élément de preuve n’explique pourquoi les FARC continueraient à s’intéresser à la demanderesse principale. Elles ne seraient vraisemblablement intéressées qu’à la personne qui l’a remplacée à la Banque;

f.                   compte tenu de leur niveau d’études et de leurs antécédents professionnels, les demandeurs peuvent raisonnablement envisager de s’installer à Medellin;

g.                  la demanderesse principale a elle-même indiqué dans son témoignage qu’elle pourrait aller s’installer à Medellin.

 

[39]           Le défendeur rappelle que dans de récentes affaires la Cour a confirmé, sur la question d’une PRI, un raisonnement analogue à celui qu’a retenu la SPR. Voir Velasquez c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 804, Ramirez c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 227, et Ramos c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 15.

La réponse des demandeurs

[40]           Selon les demandeurs, il n’est pas nécessaire qu’une opinion politique ait été exprimée pour conclure à l’existence d’un lien, mais simplement qu’elle ait été perçue par les persécuteurs. Dans l’arrêt Ward, précité, la Cour suprême du Canada a jugé qu’une opinion politique peut être imputée à tort à quelqu’un en raison de ses activités ou de son comportement.

[41]           Les demandeurs font également valoir que la SPR a eu tort d’exiger la preuve qu’ils seraient persécutés, et non la preuve qu’ils risquaient simplement de l’être.

ANALYSE

[42]           Il n’y a pas lieu d’examiner la question du lien étant donné que la conclusion principale de la SPR sur la question d’une PRI est déraisonnable et que la décision doit, pour ce seul motif, être renvoyée.

[43]           Se fondant sur l’arrêt Rasaratnam, précité, la SPR a estimé que la situation des défendeurs répondait au premier volet du critère permettant de conclure à l’existence d’une PRI, compte tenu de ce qui suit :

a.                   la demanderesse principale a été ciblée uniquement en raison des fonctions qu’elle exerçait à la Banque;

b.                  la demanderesse principale n’était en mesure de débloquer les fonds en question que lorsqu’elle exerçait ses fonctions à la Banque;

c.                   la demanderesse principale a maintenant quitté la Banque, et elle n’est plus en mesure de débloquer les fonds ou de fournir des renseignements utiles;

d.                  les FARC ne s’intéressent qu’à quelqu’un en mesure de lui fournir ce qu’elles recherchaient lorsqu’elles ont communiqué avec la demanderesse principale et l’ont menacée;

e.                   étant donné que les FARC semblent avoir, à l’intérieur même de la Banque, un contact qui leur a fourni les renseignements dont ils avaient besoin, elles ne s’intéressent vraisemblablement plus à la demanderesse principale;

f.                   compte tenu de ses moyens réduits et du temps qui s’est écoulé depuis, il est peu probable que les FARC recherchent la demanderesse principale dans tout le pays, ou qu’elles envoient quelqu’un pour s’en prendre à elle.

 

[44]           Autrement dit, la conclusion de la SPR repose sur le fait que la demanderesse principale ne travaille plus pour la Banque, elle n’intéresse vraisemblablement plus les FARC. Les demandeurs peuvent donc, selon la prépondérance des probabilités, aller s’installer à Medellin où ils ne seraient exposés à aucun risque d’être soumis à la torture ou au risque de traitements et peines cruels et inusités. Cependant, il me semble que si les FARC ne s’intéressent plus à la demanderesse principale, il n’est pas nécessaire que les demandeurs aillent s’installer à Medellin. S’ils ne sont exposés à aucun risque, il n’y a pas lieu pour eux de s’enfuir. Le fait que la SPR ait fondé sa décision sur l’existence d’une PRI veut dire qu’elle considère que les demandeurs sont exposés à un risque à Bogota et qu’ils doivent aller s’installer là où existe une PRI.

[45]           La SPR convient avec les demandeurs que

[les FARC] demeurent capables de poser des gestes de violence envers les personnes visées en Colombie, si elles sont motivées à le faire.

 

 

[46]           Si les demandeurs doivent se prévaloir d’une PRI, c’est qu’ils sont menacés par les FARC qui, selon la SPR même, demeurent capables de poser des gestes de violence envers les personnes qu’elles ciblent.

[47]           Cette conclusion ne se défend que dans l’hypothèse où les demandeurs continuent à être exposés à des risques à Bogota car, étant donné les moyens réduits des FARC, il est peu probable qu’elles se donnent la peine de rechercher les demandeurs dans tout le pays.

[48]           Comme le font valoir les demandeurs, il s’agit essentiellement d’une conclusion de vraisemblance qui ne repose en fait que sur l’idée que la SPR s’est faite du comportement vraisemblable des FARC en pareille circonstance. Or, cette conclusion est contredite par des preuves réelles contenues dans le dossier, preuves dont la SPR ne semble pas avoir tenu compte. Citons parmi celles-ci :

a.                   les conseils que la demanderesse principale a reçus de M. Abdelmur, qui, en tant que lieutenant de l’armée colombienne, a combattu les guérilleros. Selon M. Abdelmur, le fait qu’elle ait démissionné de ses fonctions à la Banque accroît en fait les risques auxquels elle est exposée. Selon lui, sa désobéissance aux FARC lui vaudra d’être tuée;

b.                  les preuves objectives que M. Chernick a fournies au sujet de la situation dans le pays en question, et en particulier les faits suivants :

[TRADUCTION]

Lorsque la victime reçoit une menace de mort, elle ne sait jamais si cette menace sera mise à exécution. Elle est condamnée à vivre dans la crainte. C’est là l’objectif. Ce sont les bases du terrorisme.

 

[…] le modus operandi des acteurs armés clandestins de la Colombie consiste à se faire respecter par la violence et l’intimidation. Tous ces acteurs hors la loi sans scrupules possèdent des dossiers informatiques détaillés sur leurs ennemis. En Colombie, on a la mémoire longue. Dans le cadre de ce conflit long et tragique histoire, des représailles ont été régulièrement exercées des mois et même des années après les événements. Les choses n’ont pas changé à cet égard. À l’heure actuelle, il n’y a aucune preuve ni aucune donnée ou analyse crédible qui permette de penser que les risques pour les personnes qui ont fait l’objet de menaces sont moins graves, ou que ces personnes seraient en mesure d’éviter les menaces continues et un préjudice si elles retournaient ou étaient retournées.

 

Le demandeur d’asile qui a été menacé plusieurs années auparavant pourrait-il retourner en Colombie, mais vivre dans une autre région du pays? La réponse est négative. Les guérilleros des FARC et les paramilitaires mènent encore leurs activités dans toutes les régions du pays. [...] Tous les groupes illégitimes, surtout les FARC, possèdent des moyens informatiques perfectionnés et ont à maintes reprises retrouvé ceux qu’elles considèrent des ennemis dans d’autres régions. L’on estime entre 8 000 et 11 000 le nombre de leurs combattants ruraux, et il y aurait des milliers de milices urbaines reliées au réseau national fort complexe. Pour ainsi dire, partout dans les villes et les villages les personnes ayant fait l’objet de menaces par le passé se tiennent sur leurs gardes, se demandent si les FARC ou un autre groupe pourraient les retrouver et se demander si leur nom a été inscrit dans une base de données informatique nationale que les FARC ont si soigneusement créée.

 

 

c.                   le fait que les FARC n’ont eu aucune difficulté à retrouver les demandeurs à Bogota;

d.                  les renseignements d’ordre général figurant dans le Cartable national de documentation, selon lequel, il n’y a en général aucune possibilité de refuge intérieur ou de possibilité d’aller s’installer dans une autre région en Colombie.

 

[49]           Les conclusions conjecturales de la SPR sur ce point ne sont pas du tout étayées par la preuve. Pour cette raison, la décision de la SPR est déraisonnable et j’estime qu’il y a lieu de la renvoyer pour nouvel examen. Voir Hassan c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] ACF n° 250, aux paragraphes 7 et 8, et Smith c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 1194, au paragraphe 49.

[50]           Les avocats conviennent qu’il n’y a aucune question à certifier et la Cour est du même avis.

 


JUGEMENT

 

 

LA COUR :

 

1.                  ACCUEILLE la demande, ANNULE la décision et RENVOIE l’affaire pour nouvel examen devant une autre formation de la SPR.

2.                  NE CERTIFIE aucune question.

 

« James Russell »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Linda Brisebois, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-6316-11

 

INTITULÉ :                                      ANDREA EUGENIA SABOGAL RIVEROS;

                                                            ANGEL ANDRES VARGAS BUSTOS;

                                                            EDILMA BUSTOS DE VARGAS

 

                                                            -   et   -

 

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                            ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :              Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :             Le 8 mars 2012

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                            LE JUGE RUSSELL

 

DATE DES MOTIFS :                     Le 4 mai 2012

 

 

COMPARUTIONS :

 

Alla Kikinova                                                                          POUR LES DEMANDEURS

 

Suran Bhattacharyya                                                               POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Michael Loebach                                                                     POUR LES DEMANDEURS

Avocat

London (Ontario) 

 

Myles J. Kirvan, c.r.                                                                POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

 

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