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Date : 20120503

Dossier : IMM‑5089‑11

Référence : 2012 CF 528

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 3 mai 2012

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE RUSSELL

 

 

ENTRE :

 

CHUL HO PARK; KUMJA NOH

 

 

 

demandeurs

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

INTRODUCTION

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire, en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, ch. 27 (la Loi), visant la décision datée du 16 mai 2011 d’une agente des visas (l’agente) de Citoyenneté et Immigration Canada, par laquelle la demande de résidence permanente présentée par les demandeurs en vertu du paragraphe 25(1) de la Loi sur le fondement de motifs d’ordre humanitaire a été rejetée.

CONTEXTE

[2]               Les demandeurs sont tous les deux des citoyens de la Corée du Sud. Le demandeur a 57 ans et la demanderesse, 56 ans. Ils vivent ensemble au Canada avec la mère du demandeur(Song), dont ils s’occupent. Les demandeurs ont deux filles qui vivent en Corée du Sud. Le demandeur a également cinq frères et sœurs au Canada.

[3]               Les demandeurs sont arrivés au Canada en novembre 2007, à titre de visiteurs, pour aider à prendre soin du père du demandeur après que celui‑ci eut fait une crise cardiaque. Le demandeur est l’aîné de la famille et, selon la coutume coréenne, il lui revenait donc de s’occuper de son père. Le père est mort en septembre 2008, mais les demandeurs sont restés au Canada pour aider à prendre soin de Song.

[4]               Alors qu’ils étaient au Canada, le défendeur a accordé aux demandeurs plusieurs prorogations de leur statut de visiteur. Le dossier certifié du tribunal (DCT) indique que la prorogation accordée le 4 mars 2011 expirait le 31 décembre 2001, mais le DCT ne dit rien sur leur statut actuel au Canada. Depuis qu’il est au Canada, le demandeur a fondé une entreprise de consultation. Les demandeurs fréquentent l’église chrétienne de Richmond Hill (Ontario).

[5]               Le 18 septembre 2008, les demandeurs ont présenté une demande de résidence permanente fondée sur des motifs d’ordre humanitaire (demande CH). Les demandeurs ont attiré l’attention sur les soins qu’ils prodiguent à Song, sur leurs liens sociaux avec la collectivité et sur l’entreprise prospère du demandeur au pays. Ils ont également déclaré qu’ils feraient face, ainsi que leur famille, à des difficultés inhabituelles et injustifiées ou excessives s’ils devaient retourner en Corée du Sud. Ils font remarquer qu’aucun des cinq frères et sœurs du demandeur au Canada ne pourrait s’occuper de Song. Avant l’arrivée des demandeurs au Canada, les parents du demandeur vivaient seuls. Depuis la mort de son mari, Song est incapable de vivre seule. Les demandeurs ont en outre fait remarquer que Song est très attachée au demandeur.

[6]               Dans les observations à jour qu’ils ont présentées à l’agente le 15 mars 2011, les demandeurs ont précisé que l’une des sœurs du demandeur s’était éloignée de la famille. La seconde sœur du demandeur prend soin de son fils, qui a la leucémie, et d’une fille, qui a une maladie du cœur. La troisième sœur du demandeur s’occupe d’une station‑service à Uxbridge (Ontario). Selon les demandeurs, aucune des sœurs ne pourrait prendre soin de Song. Ils déclarent également que l’un des frères du demandeur a une déficience physique et qu’un autre frère s’occupe de sa belle‑mère et voyage fréquemment pour affaires; ni l’un ni l’autre ne peut s’occuper de Song. Seul le demandeur peut s’occuper de sa mère qui dépend de lui.

[7]               Dans leurs observations mises à jour, les demandeurs ont parlé de leur établissement au Canada, attirant de nouveau l’attention sur l’entreprise du demandeur. Ils ont également parlé de leur famille au Canada, y compris de leurs nièces et neveux, et ils ont dit ne pas avoir en Corée du Sud les mêmes liens de famille qu’au Canada.

[8]               L’agente a examiné la demande CH et l’a rejetée le 16 mai 2011.

DÉCISION CONTRÔLÉE

[9]               En l’espèce, la décision consiste dans la lettre que l’agente à fait parvenir aux demandeurs (la lettre de rejet) et dans le modèle de saisie rempli par l’agente sur la demande CH (les notes), documents qui sont tous deux datés du 16 mai 2011.

[10]           L’agente a examiné les renseignements biographiques des demandeurs et leur historique d’immigration et a considéré le bien‑fondé de leur demande. Elle a noté que les demandeurs faisaient valoir la durée de leur séjour, leur établissement et leurs liens familiaux au Canada, comme des facteurs positifs à l’appui de leur demande CH. Les demandeurs invoquaient aussi les difficultés auxquelles ils feraient face s’ils devaient retourner en Corée du Sud. L’agente a indiqué qu’ils avaient l’obligation de démontrer qu’ils connaîtraient des difficultés inhabituelles et injustifiées ou excessives si on ne leur accordait pas une dispense fondée sur des motifs d’ordre humanitaires.

L’établissement

[11]           L’agente a conclu que les demandeurs n’avaient pas démontré qu’ils subiraient des difficultés inhabituelles et injustifiées ou excessives, en raison de leur établissement au Canada, s’ils étaient tenus de retourner en Corée du Sud. Elle a noté qu’ils étaient arrivés au Canada en novembre 2007 et qu’ils étaient d’abord venus ici pour prendre soin du père du demandeur. Elle a également noté que le demandeur avait fondé une entreprise prospère et que les demandeurs avaient amassé des économies au Canada.

[12]           L’agente a également estimé que le départ des demandeurs du Canada ne causerait pas de difficultés inhabituelles et injustifiées ou excessives à leur famille canadienne. Elle a noté que les demandeurs prodiguaient des soins et du soutien à Song, ce qui signifiait que les autres membres de la famille du demandeur n’avaient pas à s’occuper d’elle. L’agente a estimé que de nombreuses familles canadiennes devaient relever le défi de mettre en balance leurs obligations familiales et de carrière. Elle n’était pas convaincue qu’aucune autre disposition ne pourrait être prise pour s’occuper de Song advenant le départ du Canada des demandeurs. Même s’il était bénéfique pour Song et les demandeurs de vivre ensemble, leur situation n’était pas exceptionnelle au point de devoir les exempter des exigences ordinaires en matière d’immigration au Canada.

[13]           L’agente a reconnu qu’il était souhaitable d’avoir sa famille près de soi et que le demandeur était le seul membre de sa famille qui n’était pas un résident canadien. Cependant, elle a conclu que les demandeurs, s’ils retournaient en Corée du Sud, pourraient renouer avec leurs deux filles. Certes, quitter le Canada serait difficile pour eux, mais l’agente n’était pas convaincue que les difficultés auxquelles ils feraient face constitueraient des difficultés inhabituelles et injustifiées ou excessives.

QUESTIONS EN LITIGE

[14]           Les demandeurs soulèvent en l’espèce les questions litigieuses suivantes :

a.                   L’agente a‑t‑elle appliqué le bon critère quant à l’exemption fondée sur des motifs d’ordre humanitaire?

b.                  L’agente a‑t‑elle omis de considérer leurs observations?

c.                   L’agente a‑t‑elle omis de leur donner la possibilité de répondre?

d.                  La décision était‑elle déraisonnable?

e.                   Les motifs de l’agente étaient‑ils suffisants?

f.                    L’agente a‑t‑elle porté atteinte aux droits à la vie, à la liberté et à la sécurité de la personne que leur garantit l’article 7 de la Charte des droits et libertés, qui constitue l’annexe B de la Loi constitutionnelle de 1982 (R.‑U.) 1982, ch. 11 (la Charte)?

 

LA NORME DE CONTRÔLE

[15]           Dans l’arrêt Dunsmuir c. Nouveau‑Brunswick 2008 CSC 9, la Cour suprême du Canada a déclaré qu’il n’était pas toujours nécessaire de procéder à une analyse de la norme de contrôle. En fait, lorsque la norme de contrôle applicable à une question précise est bien établie par la jurisprudence, la cour de révision peut adopter cette norme. Ce n’est que lorsque cette recherche n’est pas fructueuse que la cour de révision doit examiner les quatre facteurs qui constituent l’analyse de la norme de contrôle.

[16]           Dans Herman c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) 2010 CF 629, le juge Paul Crampton a déclaré, au paragraphe 12, que la norme de contrôle à appliquer pour déterminer si un agent a utilisé le bon critère dans son évaluation d’une demande CH était celle de la décision correcte. Le juge Michael Kelen est arrivé à une conclusion similaire dans Ebonka c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) 2009 CF 80, au paragraphe 16, tout comme le juge Michel Beaudry dans Mooker c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) 2008 CF 518, Au paragraphe 15. La norme de contrôle applicable à la première question en litige est celle de la décision correcte.

[17]           Dans l’arrêt Baker c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 RCS 817 (QL), la Cour suprême du Canada a statué, au paragraphe 22, que l’équité procédurale comprenait « la possibilité donnée aux personnes visées par [une] décision de présenter leur point de vue complètement ainsi que des éléments de preuve de sorte qu’ils soient considérés par le décideur ». De plus, la possibilité de répondre aux préoccupations du décideur constitue aussi une question d’équité procédurale (voir Karimzada c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) 2012 CF 152, au paragraphe 10, et Guleed c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) 2012 CF 22, aux paragraphes 11 et 12).

[18]           Dans l’arrêt Syndicat canadien de la Fonction publique (S.C.F.P.) c Ontario (Ministre du Travail) 2003 CSC 29, la Cour suprême du Canada a déclaré, au paragraphe 100, qu’« [i]l appartient aux tribunaux judiciaires et non au ministre de donner une réponse juridique aux questions d’équité procédurale ». De plus, la Cour d’appel fédérale dans Sketchley c Canada (Procureur général) 2005 CAF 404, au paragraphe 53, a statué que la « question de l’équité procédurale est une question de droit. Aucune déférence n’est nécessaire. Soit le décideur a respecté l’obligation d’équité dans les circonstances propres à l’affaire, soit il a manqué à cette obligation ». La norme de contrôle applicable aux deuxième et troisième questions en litige est celle de la décision correcte.

[19]           Dans l’arrêt Baker, précité, la Cour suprême du Canada a statué que, lors du contrôle d’une décision ayant trait à une demande CH, « on devrait faire preuve d’une retenue considérable envers les décisions d’agents d’immigration exerçant les pouvoirs conférés par la loi, compte tenu de la nature factuelle de l’analyse, de son rôle d’exception au sein du régime législatif, du fait que le décideur est le ministre, et de la large discrétion accordée par le libellé de la loi » (paragraphe 62). Le juge Michael Phelan a suivi cette approche dans Thandal c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) 2008 CF 489, au paragraphe 7. La norme de contrôle applicable à la septième question en litige est celle de la décision raisonnable.

[20]           Dans l’arrêt Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c Terre‑Neuve‑et‑Labrador (Conseil du Trésor) 2011 CSC 62, la Cour suprême du Canada a déclaré au paragraphe 14 que l’insuffisance des motifs ne permettait pas à elle seule de casser une décision. Au contraire, « les motifs doivent être examinés en corrélation avec le résultat et ils doivent permettre de savoir si ce dernier fait partie des issues possibles ». Par conséquent, la question de la suffisance des motifs doit être analysée de concert avec celle de la raisonnabilité de la décision dans son ensemble.

[21]           Lors de la révision d’une décision selon la norme de la décision raisonnable, l’analyse tient « à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit ». Voir Dunsmuir, précité, au paragraphe 47, et Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Khosa 2009 CSC 12 au paragraphe 59. En d’autres termes, la cour ne devrait intervenir que si la décision est déraisonnable au sens où elle n’appartient pas aux « aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit ».

[22]           En ce qui a trait à la violation des droits garantis par la Charte, il est bien établi qu’il appartient à la partie qui l’allègue de démontrer l’atteinte à un tel droit (R c Kapp, 2008 CSC 41 (QL), au paragraphe 66, R c RJS, [1995] ACS no 10 (QL), au paragraphe 280, et Law Society British Columbia c Andrews, [1989] 1 RCS 143 (QL), au paragraphe 40). Il s’agit d’une question mixte de fait et de droit qui relève de la compétence de la cour de révision et qui doit être tranchée selon la prépondérance des probabilités.

LES DISPOSITIONS LÉGISLATIVES

[23]           Les dispositions suivantes de la Loi s’appliquent en l’espèce :

11. (1) L’étranger doit, préalablement à son entrée au Canada, demander à l’agent les visa et autres documents requis par règlement. L’agent peut les délivrer sur preuve, à la suite d’un contrôle, que l’étranger n’est pas interdit de territoire et se conforme à la présente loi.

 

 

 

 

25. (1) Le ministre doit, sur demande d’un étranger se trouvant au Canada qui est interdit de territoire ou qui ne se conforme pas à la présente loi, et peut, sur demande d’un étranger se trouvant hors du Canada, étudier le cas de cet étranger; il peut lui octroyer le statut de résident permanent ou lever tout ou partie des critères et obligations applicables, s’il estime que des considérations d’ordre humanitaire relatives à l’étranger le justifient, compte tenu de l’intérêt supérieur de l’enfant directement touché.

11. (1) A foreign national must, before entering Canada, apply to an officer for a visa or for any other document  required by the regulations. The visa or document may be issued if, following an examination, the officer is satisfied that the foreign national is not inadmissible and meets the requirements of this Act.

 

 

25. (1) The Minister must, on request of a foreign national in Canada who is inadmissible or who does not meet the requirements of this Act, and may, on request of a foreign national outside Canada, examine the circumstances concerning the foreign national and may grant the foreign national permanent resident status or an exemption from any applicable criteria or obligations of this Act if the Minister is of the opinion that it is justified by humanitarian and compassionate considerations relating to the foreign national, taking into account the best interests of a child directly affected.

ARGUMENTS

Les demandeurs

            Critère inapproprié

 

[24]           Les demandeurs allèguent que l’agente n’a pas appliqué le critère des difficultés inhabituelles et injustifiées ou excessives lorsqu’elle a considéré leur demande CH. Ils font valoir que l’extrait suivant figurait dans une version antérieure du manuel de CIC, IP5 – Demandes présentées par des immigrants au Canada pour des motifs d’ordre humanitaire (les directives) :

Toute décision CH favorable est une mesure d’exception en réponse à des circonstances particulières. Elle est plus complexe et plus subjective que la plupart des autres décisions d’immigration, parce que l’agent utilise son pouvoir discrétionnaire d’évaluer les circonstances personnelles du demandeur.

 

Le demandeur doit convaincre le décideur que ses circonstances personnelles sont telles qu’il subirait des difficultés inhabituelles, injustifiées ou excessives s’il était tenu de présenter hors du Canada une demande de visa de résident permanent.

 

[25]           Quoique la version des directives sur laquelle ils s’appuient ne soit plus actuelle, les demandeurs fondent sur la version antérieure leur prétention selon laquelle ils satisfont au critère des difficultés inhabituelles et injustifiées ainsi qu’à celui des difficultés excessives. Pour cette raison, il était déraisonnable de la part de l’agente de rejeter la demande CH.

[26]           Contrairement à la conclusion de l’agente, les demandeurs soutiennent que leur situation personnelle est particulière et qu’il sont en conséquence exposés à des difficultés excessives. Ils allèguent que la mort du père du demandeur et leur proximité avec Song ainsi qu’avec les frères et sœurs du demandeur constituent des facteurs qui témoignent des difficultés excessives auxquelles ils font face. Si elle avait appliqué le critère pertinent pour l’examen d’une demande CH, l’agente aurait accueilli la demande CH.

Décision déraisonnable

[27]           Selon les demandeurs, la décision était déraisonnable, car l’agente s’est fondée sur des considérations non pertinentes et des faits non présentés en preuve. L’agente a dit :

[traduction]

Des millions de familles canadiennes doivent relever le défi de mettre en balance leurs besoins familiaux et les exigences de leurs carrières. Plusieurs résidents permanents et Canadiens attendent patiemment que les membres de leur famille puissent venir au Canada, selon les procédures normales d’immigration, pour les aider à subvenir aux besoins familiaux.

 

[28]           Les expériences vécues par d’autres familles n’étaient pas pertinentes relativement à la question dont l’agente était saisie, qui était de savoir si la situation personnelle des demandeurs entraînerait des difficultés dans le cas où leur demande CH serait rejetée. L’agente a pris en compte des considérations non pertinentes en s’intéressant à l’expérience d’autres familles.

[29]           L’agente s’est également fondée sur l’hypothèse que l’expérience des autres familles était semblable à la situation à laquelle les demandeurs font face. Elle n’a mentionné aucun élément de preuve pour étayer cette hypothèse, ce qui signifie que les conclusions qu’elle en a tirées étaient déraisonnables.

[30]           L’agente a également tiré une conclusion défavorable de l’expérience des autres familles. Les demandeurs invoquent la décision Tafilica c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) 2003 CFPI 191, dans laquelle le juge James O’Reilly a déclaré ce qui suit au paragraphe 17 :

Ici, la Commission a fait une constatation générale, affirmant que les revendicateurs n’étaient pas crédibles, et elle a conclu qu’ils n’avaient pas établi « l’essentiel de leurs revendications ». De même, les conclusions défavorables dont la validité est contestée par les demandeurs intéressaient directement la manière dont la Commission a évalué leurs revendications, de même que la décision de la Commission de déclarer les demandeurs non crédibles. Les erreurs manifestes qu’a commises la Commission lorsqu’elle est arrivée à une telle conclusion justifient l’intervention de la Cour. À mon avis, la preuve susmentionnée, considérée avec bon sens, ne pouvait conduire à la décision de la Commission.

 

            Motifs insuffisants

[31]           Les motifs de l’agente sont insuffisants, car ils n’indiquent pas comment elle est parvenue à ses conclusions à partir de la preuve dont elle disposait. L’agente n’a pas expliqué en quoi les facteurs énoncés dans la demande ne constituaient pas des difficultés. Bien qu’elle ait reconnu tous les facteurs qui lui ont été présentés, l’agente a déclaré ce qui suit :

[traduction]

J’ai considéré tous les renseignements ayant trait à la présente demande dans son ensemble. Après avoir examiné les motifs d’exemption que les [demandeurs] ont invoqués, j’estime qu’ils ne constituent pas des difficultés inhabituelles et injustifiées ou excessives. Par conséquent, je ne suis pas convaincue que des motifs d’ordre humanitaire justifient d’accéder à la demande d’exemption.

 

[32]           Il ne ressort nullement des motifs de l’agente qu’elle a pris en compte la dépendance de Song envers le demandeur, dépendance qui constituait un élément essentiel de la demande CH. L’agente s’est contentée de répéter la preuve dont elle disposait et d’ajouter une conclusion, sans expliquer comment elle était arrivée à celle‑ci. Les demandeurs invoquent Sabbah Hermiz et al c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) IMM‑1128‑05 (non publié), où le juge Campbell, s’appuyant sur Barreau du Nouveau‑Brunswick c Ryan 2003 CSC 20 (QL) au paragraphe 55, a statué que « la décision n’est déraisonnable que si aucun mode d’analyse, dans les motifs avancés, ne pouvait raisonnablement amener le tribunal, au vu de la preuve, à conclure comme il l’a fait ».

Manquement à l’équité procédurale

[33]           Les demandeurs soutiennent en outre que l’agente a manqué à l’équité procédurale envers eux, car elle ne leur a pas fait part des réserves qu’elle avait à l’égard de leurs commentaires. Dans Muliadi c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1986] 2 CF 205 (CAF), la Cour d’appel fédérale a statué, au paragraphe 14 :

Toutefois, j’estime qu’avant de statuer sur la demande et de prendre la décision à laquelle il était légalement tenu, l’agent aurait dû informer l’appelant de l’appréciation négative et lui donner la possibilité de la corriger ou de la réfuter. Je pense que c’est du même type de possibilité dont parlait la Chambre des lords dans Board of Education v. Rice, [1911] A.C. 179, dans cet extrait souvent cité des motifs du lord chancelier Loreburn, à la page 182 :

 

[traduction] Il peut obtenir des renseignements de la manière qu’il juge la meilleure, en donnant toujours aux parties engagées dans la controverse une possibilité suffisante de corriger ou de contredire toute déclaration pertinente portant préjudice à leur cause.

 

[34]           L’agente a estimé que, advenant le départ du Canada des demandeurs, d’autres dispositions pourraient être prises à l’égard de Song, mais elle n’a pas donné la possibilité aux demandeurs de faire valoir leur point de vue sur cet élément de leur demande. Plutôt que de leur permettre de s’exprimer à ce sujet, l’agente a considéré qu’il s’agissait d’un facteur défavorable à leur demande.

[35]           De même, en concluant que d’autres familles au Canada faisaient face à des situations similaires, l’agente a manqué à l’équité procédurale envers les demandeurs. Elle ne leur a pas fait savoir sur quels renseignements se fondait cette conclusion et les a ainsi privés de la possibilité de répondre à ses préoccupations.

Le défendeur

[36]           Selon le défendeur, comme l’agente a appliqué le bon critère, qu’elle a apprécié la preuve dont elle disposait et qu’elle est parvenue à une conclusion raisonnable, la décision doit être confirmée. L’exemption pour motifs d’ordre humanitaire est une mesure exceptionnelle et discrétionnaire et le rejet d’une demande fondée sur le paragraphe 25(1) ne porte atteinte à aucun droit du demandeur.

Question préliminaire

[37]           Le défendeur s’oppose en partie à l’admission de l’affidavit du demandeur dans le cadre du contrôle judiciaire. Comme cet affidavit contient des renseignements dont l’agente ne disposait pas, la Cour ne devrait pas en tenir compte.

Le bon critère

[38]           Il est clair que l’agente a énoncé le bon critère : elle devait déterminer si les demandeurs feraient face à des difficultés inhabituelles et injustifiées ou excessives advenant le rejet de leur demande CH. Voir Doumbouya c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) 2007 CF 1186. Les demandeurs prétendent que leur demande ne pouvait conduire qu’à une seule conclusion, mais il n’en est rien. Ils sont seulement en désaccord avec la façon dont l’agente a soupesé les facteurs qui lui ont été présentés, ce qui ne constitue pas un motif justifiant un contrôle judiciaire.

 

L’agente a considéré tous les facteurs favorables

[39]           L’agente n’a fait abstraction d’aucun élément pertinent de la demande CH. Elle a pris en compte l’établissement et les liens de famille des demandeurs au Canada ainsi que le soutien et les soins qu’ils donnent à Song. Après avoir examiné l’ensemble de la preuve, elle a tiré une conclusion conforme à la norme formulée par la Cour en matière d’exemption fondée sur des motifs d’ordre humanitaire. Comme le juge Pelletier l’a écrit dans Irimie c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2000] ACF no 1906 (QL), au paragraphe 12 :

Si l’on examine ensuite les commentaires qui figurent dans le Guide au sujet des difficultés inhabituelles ou injustifiées, on conclut que ces difficultés sont appréciées par rapport à la situation d’autres personnes à qui l’on demande de quitter le Canada. Il semblerait donc que les difficultés qui déclencheraient l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire pour des raisons d’ordre humanitaire doivent être autres que celles qui découlent du fait que l’on demande à une personne de partir une fois qu’elle est au pays depuis un certain temps. Le fait qu’une personne quitterait des amis, et peut‑être des membres de la famille, un emploi ou une résidence ne suffirait pas nécessairement pour justifier l’exercice du pouvoir discrétionnaire en question.

 

[40]           La décision doit être confirmée, car l’agente a tenu compte de tous les facteurs pertinents et est parvenue à une conclusion raisonnable.

Aucun facteur non pertinent

[41]           Il est pertinent, dans le cadre de l’examen d’une demande CH, de considérer l’expérience des autres familles canadiennes et l’agente n’a donc commis aucune erreur en en tenant compte. Pour justifier une décision favorable, les auteurs de demandes fondées sur des motifs d’ordre humanitaire doivent démontrer qu’ils feront face à des difficultés inhabituelles, ce qui nécessite de procéder à une comparaison avec les expériences vécues par d’autres. Comme la juge Eleanor Dawson l’a écrit dans Ahmad c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) 2008 CF 646, au paragraphe 49 :

[...] j’accepte l’argument du ministre que la définition des difficultés dans le contexte d’une demande de résidence permanente fondée sur des raisons d’ordre humanitaire nécessite de procéder à une comparaison, en ce sens que l’agent doit d’abord examiner ce qui est considéré comme habituel avant de pouvoir déterminer ce qui est inusité. Contrairement à ce que les demandeurs prétendent, cette analyse n’introduit pas une question subjective qui exigerait que l’on compare la situation du demandeur à celle d’autres personnes et elle n’ignore pas le concept des difficultés disproportionnées.

[42]           Pour déterminer si les difficultés auxquelles les demandeurs feraient face étaient inhabituelles, il était nécessaire que l’agente considère celles auxquelles font face d’autres personnes dans une situation semblable.

Aucun manquement à l’équité procédurale

[43]           L’agente a dit qu’elle n’était pas convaincue qu’aucune autre disposition ne pouvait être prise à l’égard de Song, ce qui ne veut pas dire qu’elle soulevait une préoccupation à laquelle les demandeurs devaient répondre. Elle tirait plutôt une conclusion de fait, à savoir que les demandeurs n’étaient pas les seules personnes à pouvoir s’occuper de Song. Il appartenait aux demandeurs de démontrer le contraire, ce dont ils ne se sont pas acquittés. Selon la preuve soumise à l’agente, le demandeur avait cinq frères et sœurs au Canada avec qui il formait une famille très unie. Si les demandeurs avaient voulu présenter d’autres éléments de preuve tendant à démontrer qu’ils étaient les seuls à pouvoir s’occuper de Song, ils auraient dû les soumettre à l’agente sans attendre qu’elle le leur demande.

Rien ne démontre que d’autres dispositions ne pouvaient pas être prises

[44]           L’agente a pris acte de l’âge, des problèmes de santé et des besoins de Song, et elle savait que les demandeurs s’occupaient d’elle. Les demandeurs n’ont toutefois pas démontré qu’aucune autre disposition ne pouvait être prise à l’égard de Song advenant leur départ du Canada. Selon la preuve présentée à l’agente, Song avait six enfants et plusieurs petits‑enfants au Canada, et tous lui apportaient du soutien. Dans sa lettre à l’agente, la sœur du demandeur a fait savoir que, advenant le départ des demandeurs du Canada, il lui serait difficile, mais non impossible, ainsi qu’à ses autres frères et sœurs, de s’occuper de Song. Dans leurs observations écrites, les demandeurs ont déclaré que les frères et sœurs du demandeur ne pourraient s’occuper de Song, mais la preuve qu’ils ont fournie en ce sens était insuffisante. Par ailleurs, ils n’ont pas démontré qu’aucune disposition ne pouvait être prise pour que Song bénéficie de soins externes ou que seul un membre de la famille pouvait en prendre soin.

ANALYSE

[45]           Les demandeurs allèguent que l’agente a commis une série d’erreurs susceptibles de révision, qui rendent, selon eux, la décision déraisonnable ou inéquitable sur le plan de la procédure. Considérés à la lumière de la décision dans son ensemble, les arguments des demandeurs ne sont pas convaincants.

[46]           En tout premier lieu, il est évident que l’agente a appliqué le bon critère et qu’elle a conclu que les demandeurs ne l’avaient pas convaincue de leur droit à une exemption fondée sur des motifs d’ordre humanitaire. Dans le premier paragraphe de ses motifs, elle fait valoir que :

[traduction]

[…] les demandeurs ont l’obligation de convaincre le décideur que leur situation personnelle est telle que, advenant le rejet de leur demande d’exemption, ils feraient face à des difficultés i) inhabituelles et injustifiées, ou ii) excessives.

 

 

[47]           Dans le reste de la décision, l’agente, après avoir examiné la situation personnelle des demandeurs au regard du critère susmentionné, déclare estimer que les raisons invoquées par les demandeurs [traduction] « ne constituent pas des difficultés inhabituelles et injustifiées ou excessives », et elle explique pourquoi. Le critère appliqué par l’agente ne donne lieu à aucune erreur susceptible de révision.

[48]           Je rejette les prétentions des demandeurs selon lesquelles l’agente n’a pas fondé sa décision sur leur situation personnelle, qu’elle a tiré des inférences défavorables injustifiées, qu’elle a tenu compte de faits non pertinents et qu’elle n’a pas tenu compte des difficultés que présentait l’abandon de la mère du demandeur. Mon interprétation de la décision va tout à fait dans le sens contraire. Les demandeurs ne font que dire qu’ils ne sont pas d’accord avec la conclusion de l’agente et ils tentent de donner à leur désaccord la forme d’une erreur susceptible de révision. Un désaccord ne constitue pas une forme d’erreur susceptible de révision. Voir Abdollahzadeh c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) 2007 CF 1310, au paragraphe 29, et Deol c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) 2009 CF 406, aux paragraphes 70 et 71.

[49]           Les demandeurs soutiennent en outre que la décision ne comportait aucun raisonnement inhérent. Cependant, il est manifeste que la décision traite des motifs invoqués par les demandeurs à l’appui de leurs difficultés et explique la raison pour laquelle ces motifs ne constituent pas des difficultés inhabituelles et injustifiées ou excessives. Les motifs de la décision ne pourraient être plus simples ou plus cohérents. Il n’y a aucune erreur susceptible de révision relativement à cette question.

[50]           Les demandeurs tentent aussi de soulever une question d’équité procédurale en disant que de toute évidence l’agente avait des réserves sur la situation de la mère du demandeur et qu’elle était tenue de les faire connaître aux demandeurs avant de rendre sa décision.

[51]           Les demandeurs interprètent mal la jurisprudence sur ce point. L’agente a dûment tenu compte de la situation de la mère du demandeur. Elle a estimé que la preuve ou les arguments présentés par les demandeurs ne suffisaient pas à la convaincre que, advenant leur départ du Canada, [traduction] « il ne serait pas possible de prendre d’autres dispositions pour que Song puisse bénéficier de soins ».

[52]           Il incombe aux demandeurs de démontrer le bien‑fondé de leur demande en présentant suffisamment d’éléments de preuve, ce qu’ils n’ont tout simplement pas fait en l’espèce. Rien n’oblige l’agent à faire savoir à l’avance aux demandeurs que leur preuve est insuffisante. Voir Owusu c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) 2004 CAF 38, au paragraphe 8, et Sharma c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) 2009 CF 786, au paragraphe 8.

[53]           Comme le défendeur le fait remarquer, l’agente a pris acte de l’âge, des problèmes de santé et des besoins de Song en matière de soins. Elle a en outre reconnu que les demandeurs s’étaient occupés de Song depuis leur arrivée au Canada, ce qui avait libéré les cinq frères et sœurs du demandeur, de cette responsabilité. Cependant, les demandeurs n’ont pas démontré que, s’ils devaient quitter le Canada, aucune autre disposition ne pourrait être prise pour que Song puisse recevoir des soins.

[54]           Le défendeur fait également remarquer que tous les frères et sœurs du demandeur vivent actuellement au Canada. La preuve démontre que plusieurs d’entre eux vivent près de Toronto, où Song vit actuellement. Song a également plusieurs petits‑enfants qui vivent au Canada. Les observations écrites des demandeurs donnent à penser que la famille est dévouée et se réunit fréquemment et que les frères et sœurs offrent un soutien financier et affectif à leur mère. Les demandeurs ne le contestent nullement.

[55]           Il ressort de la lettre de la sœur du demandeur qu’il serait [traduction] « difficile » – mais non impossible – pour les autres frères et sœurs de s’occuper de la mère : [traduction] « Je sais que s’occuper de notre mère devrait être notre premier devoir, mais nous avons tous nos familles et entreprises dont nous devons aussi nous occuper, ce qui rend la chose difficile ».

[56]           En outre, comme le défendeur le fait remarquer, même si l’on acceptait que les nombreux parents du demandeur ne puissent pas s’occuper de Song, rien dans le dossier ne démontre qu’aucune disposition ne pourrait être prise pour qu’elle puisse bénéficier de soins externes. Rien n’indique que les soins requis par Song sont de telle nature qu’ils ne pourraient être donnés que par un membre de la famille, et non par un soignant professionnel. Il ressort également de la preuve que les frères et sœurs du demandeur sont en mesure d’apporter un soutien financier à Song. Les demandeurs ne le contestent pas.

[57]           Selon l’affidavit du demandeur produit à l’appui de la demande d’autorisation et de contrôle judiciaire, le demandeur et ses frères et sœurs ont tenté de trouver un soignant pour leur mère, mais ont rencontré des difficultés. Cette observation n’a pas été soumise à l’agente. Rien dans le dossier dont disposait l’agente n’indiquait que la famille avait tenté de trouver quelqu’un pour prendre soin de la mère. Comme le défendeur le fait valoir, et comme cela est bien établi dans la jurisprudence de la Cour, le contrôle judiciaire doit s’exercer en fonction de la preuve dont disposait l’agente quand elle a pris sa décision. Aucun élément de preuve n’a été présenté à l’agente relativement aux tentatives infructueuses faites par la famille pour trouver un soignant pour Song et la Cour ne peut donc pas s’appuyer sur cet élément de preuve pour examiner la décision.

[58]           Je ne décèle aucune erreur susceptible de révision dans la décision. Certes, les demandeurs sont déçus et ne sont pas d’accord avec les conclusions de l’agente. Il n’appartient pas à la Cour de procéder à une nouvelle appréciation de la preuve et de substituer ses propres conclusions à celles de l’agente. Voir Suresh c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) 2002 CSC 1, au paragraphe 29.

[59]           Les avocats conviennent qu’il n’y a pas de question à certifier et la Cour est d’accord.


JUGEMENT

 

LA COUR ORDONNE :

 

1.                  La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

2.                  Il n’y a pas de question à certifier.

 

« James Russell »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Édith Malo, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIERS :                                                  IMM‑5089‑11

 

 

INTITULÉ :                                                   CHUL HO PARK; KUMJA NOH

 

                                                                         ‑ et ‑

 

                                                                        LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET
DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           Le 26 mars 2012

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                          LE JUGE RUSSELL

 

DATE DES MOTIFS :                                  Le 3 mai 2012

 

 

COMPARUTIONS :

 

Jegan N. Mohan

 

DEMANDEURS

 

Rachel Hepburn Craig

 

DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Mohan & Mohan

Avocats

Toronto (Ontario)

 

DEMANDEURS

 

Myles J. Kirvan, c.r.

Sous‑procureur général du Canada

 

DÉFENDEUR

 

 

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