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Cour fédérale

 

Federal Court

Date : 20120504


Dossier : IMM-4654-11

Référence : 2012 CF 546

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 4 mai 2012

En présence de monsieur le juge Russell

 

 

ENTRE :

JOSE HERIBERTO RENDEROS MORAN
ELVIA LICETH AREVALO DE RENDEROS
JOSE HERIBERTO RENDEROS AREVALO
KATHERINE LISSETH RENDEROS
AREVALO (alias KATHERINE LISSE
RENDEROS AREVALO)

 

demandeurs

 

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L’IMMIGRATION

 

défendeur

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

INTRODUCTION

[1]               Il s’agit d’une demande présentée en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (la Loi), en vue de soumettre à un contrôle judiciaire la décision datée du 6 juin 2011 (la décision) par laquelle la Section de la protection des réfugiés (la SPR) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié a refusé la demande d’asile des demandeurs en qualité de réfugiés au sens de la Convention ou de personnes à protéger aux termes des articles 96 et 97 de la Loi.

CONTEXTE

[2]               Les demandeurs, citoyens du Salvador, craignent d’être persécutés par le gang Mara Salvatrucha (les Maras) qui, disent-ils, leur a extorqué de l’argent et les a menacés.

[3]               Les Maras sont tout d’abord entrés en contact avec la demanderesse, Elvia Liceth Arevalo de Renderos, en octobre 2005. Ils ont téléphoné au magasin d’alimentation que possédait la famille et ont exigé une somme de 100 $, plus, par la suite, des paiements hebdomadaires additionnels de 45 $. Le demandeur principal, Jose Heriberto Renderos Moran, dit être allé voir la police après cet incident. Celle-ci a déclaré qu’un détective irait leur rendre visite pour poursuivre l’enquête, mais personne n’est venu à leur aide.

[4]               Les demandeurs ont payé l’argent exigé durant trois mois, mais ils avaient très peur parce que, à chaque visite, les Maras les menaçaient. Après quelques mois, Osiris Candel, le chef des Maras, a été arrêté et les Maras ont semblé les oublier.

[5]               En novembre 2006, les demandeurs ont reçu un autre appel téléphonique des Maras, qui ont exigé un paiement unique de 3 000 $ et dit qu’ils les laisseraient tranquilles s’ils payaient. Les demandeurs ont obtempéré mais, deux semaines plus tard, on leur a demandé de nouveau de payer 3 000 $. Le demandeur principal a communiqué avec un ami militaire, Nelson Villalta (Villalta), qui l’a mis en contact avec le sous-commissaire Amaya, de la Police nationale civile (le sous-commissaire), lequel l’a orienté à son tour vers l’Unité de lutte contre l’extorsion (l’Unité). L’Unité a tenté une opération d’infiltration mais, d’après le demandeur principal, cette dernière a échoué parce que les Maras ont reconnu le véhicule de police. Selon le demandeur principal, les Maras ont maintenu une présence menaçante à l’extérieur de l’entreprise et du domicile de la famille.

[6]               Le demandeur principal dit que les Maras ont une fois de plus essayé d’extorquer de l’argent de sa famille en septembre 2009. Il est allé voir la police, qui a mis sur pied une autre opération d’infiltration dans le cadre de laquelle le demandeur principal devait déposer des fonds dans un compte bancaire pour payer la demande d’extorsion. Cependant, il déclare qu’il a déposé les fonds dans son propre compte plutôt que dans celui des Maras. La police, ajoute-t-il, a omis de l’informer qu’au moins une partie des fonds devait se trouver dans le compte des Maras pour qu’elle puisse porter des accusations.

[7]               Les demandeurs disent qu’ils ont continué de recevoir des menaces des Maras et que, parfois, des individus armés entraient dans leur magasin. En novembre 2009, le demandeur principal a envoyé ses deux enfants, Jose Heriberto Renderos Arevalo et Katherine Lisseth Renderos Arevalo (les demandeurs mineurs), aux États-Unis, chez son beau-frère, afin qu’ils soient en sécurité.

[8]               Le demandeur principal déclare que son ami de l’armée, le capitaine Donis, l’a informé en décembre 2009 que les agents de police qui les avaient aidés étaient en fait de mèche avec les Maras, ce qui expliquait pourquoi leurs efforts avaient échoué. Se rendant compte qu’il n’y avait aucune protection pour sa famille, le demandeur principal a fui aux États-Unis le 15 décembre 2009. Il est arrivé au Canada le 25 mai 2010 et a demandé l’asile au point d’entrée. Les autres demandeurs sont arrivés le 23 août 2010 et ont eux aussi présenté leur demande au point d’entrée.

[9]               La SPR a joint les demandes des demandeurs en vertu du paragraphe 49(1) des Règles de la Section de la protection des réfugiés, DORS/202-228 (les Règles) et les a entendues ensemble le 18 mai 2011. Les demandeurs ont tous adopté l’exposé circonstancié du demandeur principal comme étant le leur, et la SPR a donc tranché leurs demandes en se fondant sur l’exposé circonstancié du demandeur principal et sur son témoignage à l’audience. Elle a rendu sa décision le 6 juin 2011 et a informé les demandeurs de l’issue le 14 juin 2011.

DÉCISION FAISANT L’OBJET DU PRÉSENT CONTRÔLE

[10]           Dans la décision, la SPR a conclu que le demandeur principal n’était pas digne de foi et qu’il n’avait pas réfuté la présomption d’une protection de l’État. Elle a donc rejeté les demandes d’asile que les demandeurs avaient présentées en vertu des articles 96 et 97 de la Loi.

La crédibilité

[11]           La SPR a conclu que l’incident d’extorsion du mois de novembre 2006 n’avait pas eu lieu car les deux lettres d’appui de Villalta, que les demandeurs avaient déposées en vue d’établir le bien-fondé de leur prétention, ne mentionnaient pas qu’il avait mis le demandeur principal en contact avec le sous-commissaire. La SPR a également fait remarquer qu’une des lettres, n’étant pas datée, n’était donc pas digne de foi.

[12]           La SPR a également conclu que l’incident d’extorsion du mois de septembre 2009 n’avait pas eu lieu. Il était invraisemblable que la police n’informe pas le demandeur principal qu’il devait déposer de l’argent dans le compte des Maras. Le demandeur principal aurait également pu corriger l’erreur en retirant les fonds de son compte et en les déposant dans celui des Maras.

[13]           La SPR a accordé peu de poids aux lettres que les demandeurs ont présentées à l’appui de leurs prétentions parce qu’ils n’avaient pas conservé les enveloppes originales pour prouver que ces lettres avaient été envoyées du Salvador. Elle a aussi fait remarquer qu’une lettre de l’évêque catholique du diocèse de Sonsonate (la lettre de l’évêque) était datée du 19 septembre 2004, soit six ans avant leur arrivée au Canada. Elle a rejeté la prétention des demandeurs selon laquelle c’était là une erreur typographique et qu’il s’agissait en fait de 2009.

La protection de l’État

[14]           La SPR a déclaré que, dans la demande d’asile des demandeurs, la question déterminante était la protection de l’État. Elle a passé en revue le droit applicable à cette protection, notant la présomption selon laquelle les États sont en mesure de protéger leurs citoyens et qui ne peut être réfutée que par des éléments de preuve clairs et convaincants. Elle a signalé aussi que les demandeurs d’asile doivent faire des démarches auprès de l’État en vue d’obtenir une protection dans les cas où celle-ci peut être raisonnablement assurée, et que le simple fait qu’un État ne parvienne pas toujours à protéger ses citoyens ne suffit pas pour étayer la conclusion que cet État n’assure aucune protection.

[15]           La SPR a fait mention de l’allégation du demandeur principal selon laquelle ce dernier avait sollicité la protection de la police en 2005 et en novembre 2006 :

Le demandeur d’asile principal a affirmé avoir signalé la demande d’extorsion faite en novembre 2006. J’ai déjà tiré une conclusion quant à la crédibilité de cette affirmation, à savoir que les agents de persécution n’ont pas extorqué de l’argent au demandeur d’asile principal en novembre 2006. Toutefois, même si de l’argent a été extorqué à ce moment-là, j’estime que la police a tenté d’aider le demandeur d’asile principal en organisant une opération d’infiltration. Même si l’opération a échoué, la police a effectivement aidé le demandeur d’asile principal et a tenté d’appréhender les agents de persécution.

 

[16]           La SPR a également examiné la prétention du demandeur principal selon laquelle il avait demandé une protection après l’incident d’extorsion survenu en septembre 2009 et elle a fait de nouveau état de sa conclusion selon laquelle cet incident n’avait pas eu lieu. Elle a déclaré aussi, au paragraphe 28 : « [M]ême s’ils lui ont effectivement extorqué de l’argent, la police a une fois de plus organisé une opération d’infiltration, laquelle a aussi échoué. Le fait que les criminels n’aient pas été appréhendés ne démontre pas qu’une protection n’a pas été offerte au demandeur d’asile principal. »

[17]           La SPR a fait mention de l’allégation du demandeur principal selon laquelle la police était de mèche avec les Maras et elle a déclaré que, d’après la preuve documentaire, la violence des gangs était un grave problème au Salvador mais aussi que le gouvernement faisait de sérieux efforts pour lutter contre cette violence et la criminalité. Elle a ensuite fait sienne la réponse de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié à la demande d’information SLV103445.F comme motif pour conclure que les demandeurs disposaient au Salvador d’une protection de l’État.

[18]           La SPR a conclu que le demandeur principal n’avait pas fait la preuve que s’il retournait au Salvador une protection ne serait pas raisonnablement assurée. Elle a rejeté les demandes d’asile des demandeurs pour cette raison-là.

DISPOSITIONS LÉGISLATIVES applicables

[19]           Les dispositions suivantes de la Loi s’appliquent en l’espèce :

Définition de « réfugié »

 

96. A qualité de réfugié au sens de la Convention — le réfugié — la personne qui, craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques :

 

a) soit se trouve hors de tout pays dont elle a la nationalité et ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de chacun de ces pays;

 

[…]

 

Personne à protéger

 

97. (1) A qualité de personne à protéger la personne qui se trouve au Canada et serait personnellement, par son renvoi vers tout pays dont elle a la nationalité ou, si elle n’a pas de nationalité, dans lequel elle avait sa résidence habituelle, exposée :

 

a) soit au risque, s’il y a des motifs sérieux de le croire, d’être soumise à la torture au sens de l’article premier de la Convention contre la torture;

 

 

b) soit à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités dans le cas suivant :

 

(i) elle ne peut ou, de ce fait, ne veut se réclamer de la protection de ce pays,

 

 

(ii) elle y est exposée en tout lieu de ce pays alors que d’autres personnes originaires de ce pays ou qui s’y trouvent ne le sont généralement pas,

 

(iii) la menace ou le risque ne résulte pas de sanctions légitimes — sauf celles infligées au mépris des normes internationales — et inhérents à celles-ci ou occasionnés par elles,

 

(iv) la menace ou le risque ne résulte pas de l’incapacité du pays de fournir des soins médicaux ou de santé adéquats.

[…]

Convention refugee

 

96. A Convention refugee is a person who, by reason of a well-founded fear of persecution for reasons of race, religion, nationality, membership in a particular social group or political

opinion,

 

 

 

(a) is outside each of their countries of nationality and is unable or, by reason of that fear, unwilling to avail themself of the protection of each of those countries;

 

[…]

 

Person in Need of Protection

 

97. (1) A person in need of protection is a person in Canada whose removal to their country or countries of nationality or, if they do not have a country of nationality, their country of former habitual residence, would subject them personally

 

(a) to a danger, believed on substantial grounds to exist, of torture within the meaning of Article 1 of the Convention Against Torture; or

 

 

(b) to a risk to their life or to a risk of cruel and unusual treatment or punishment if

 

 

(i) the person is unable or, because of that risk, unwilling to avail themself of the protection of that country,

 

(ii) the risk would be faced by the person in every part of that country and is not faced generally by other individuals in or from that country,

 

(iii) the risk is not inherent or incidental to lawful sanctions, unless imposed in disregard of accepted international standards, and

 

 

 

(iv) the risk is not caused by the inability of that country to provide adequate health or medical care

 

[…]

 

 

question en litige

[20]           Les demandeurs soumettent les questions suivantes dans le cadre de la présente demande de contrôle :

a.                   si les conclusions de la SPR en matière de crédibilité sont raisonnables;

b.                  si la conclusion de la SPR selon laquelle il y avait une protection adéquate de l’État est raisonnable.

 

norme de contrôle applicable

[21]           Dans l’arrêt Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, la Cour suprême du Canada a décrété qu’il n’est pas toujours nécessaire de procéder à une analyse relative à la norme de contrôle. Lorsque la norme de contrôle qui s’applique à une question particulière est bien établie par la jurisprudence, il est loisible à la cour de révision de l’adopter. Ce n’est que dans les cas où cette recherche s’avère infructueuse que cette cour se doit d’examiner les quatre facteurs que comporte l’analyse relative à la norme de contrôle.

[22]           Dans l’arrêt Aguebor c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1993] ACF no 732 (CAF), la Cour d’appel fédérale a conclu que la norme de contrôle qui s’applique à une conclusion relative à la crédibilité est la raisonnabilité. De plus, dans la décision Elmi c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 773, au paragraphe 21, le juge Max Teitelbaum a statué que les conclusions relatives à la crédibilité se situent au cœur même de la conclusion de fait que tire la SPR et qu’il convient donc de les évaluer selon la norme de la raisonnabilité. Enfin, dans la décision Wu c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 929, le juge Michael Kelen a décrété, au paragraphe 17, que la norme de contrôle à appliquer aux conclusions en matière de crédibilité est la raisonnabilité. La norme de contrôle qui s’applique à la première question est donc la raisonnabilité.

[23]           La raisonnabilité est également la norme de contrôle qui s’applique à la seconde question que les demandeurs ont soulevée. Dans la décision Pacasum c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 822, au paragraphe 18, le juge Yves de Montigny a statué que la protection de l’État est une question mixte de fait et de droit à évaluer selon la norme de la raisonnabilité. Par ailleurs, dans l’arrêt Hinzman c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CAF 171, la Cour d’appel fédérale a conclu que la norme de contrôle applicable à une conclusion concernant la protection de l’État est la raisonnabilité.

[24]           Quand on contrôle une décision en fonction de la norme de la raisonnabilité, l’analyse tient à « la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit ». Voir l’arrêt Dunsmuir, précité, au paragraphe 47, ainsi que l’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12, au paragraphe 59. Autrement dit, la Cour ne doit intervenir que si la décision est déraisonnable, en ce sens qu’elle n’appartient pas « aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit ».

ARGUMENTS DES PARTIES

Les demandeurs

[25]           Les demandeurs soutiennent que les conclusions que la SPR a tirées au sujet de la crédibilité sont déraisonnables parce qu’elle les a fondées sur des conjectures. La SPR a de plus mal interprété la preuve, commis des erreurs de fait et exigé à tort qu’ils produisent une preuve documentaire corroborante exhaustive. La SPR a également commis une erreur dans son évaluation de la disponibilité d’une protection de l’État au Salvador.

La conclusion déraisonnable au sujet de la crédibilité

[26]           La SPR a jugé de manière déraisonnable qu’il était invraisemblable que la police n’ait pas indiqué au demandeur principal qu’il était important de déposer des fonds dans le compte des Maras lors de l’opération d’infiltration. Cette conclusion fait abstraction de la preuve du demandeur principal selon laquelle il a plus tard appris que ces agents de police étaient de mèche avec les Maras, ce qui explique pourquoi leur aide avait été inefficace. Invoquant l’arrêt Jones c Great Western Railway Co. (1930), 47 TLR 39, à la page 45 (HL), les demandeurs disent que la SPR a mal interprété cet aspect de leur preuve. La conclusion que la SPR a tirée à propos de cette question est de nature conjecturale et ne tient pas compte de la preuve de corruption de la police.

Les éléments de preuve corroborants

[27]           La SPR a rejeté à tort les lettres de Villalta parce qu’elles ne contenaient pas certains détails. Les demandeurs signalent cependant que ces documents confirment les principaux aspects de leur récit, dont le fait que le demandeur principal a été victime d’extorsion de la part des Maras, qu’il a demandé en vain une protection et que les demandeurs ont été contraints de quitter le pays. Selon ces derniers, les lettres d’appui ne sont pas censées corroborer le moindre aspect de l’exposé circonstancié et, comme il est indiqué dans la décision Mahmud c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] ACF no 729, au paragraphe 11, le fait de les rejeter à cause de ce qu’elles ne disent pas est une erreur susceptible de contrôle.

[28]           La SPR a également commis une erreur de fait en concluant qu’une des lettres de Villalta n’était pas datée — en réalité, les deux lettres le sont. Les demandeurs reconnaissent que la SPR a conclu avec raison que la lettre de l’évêque était datée de la mauvaise année — 2004 au lieu de 2009 — mais ils disent que la SPR a rejeté déraisonnablement leur explication, à savoir qu’il s’agissait d’une simple erreur typographique.

[29]           La SPR a déraisonnablement mis en doute l’authenticité de ces documents juste parce que les demandeurs n’ont pas produit les enveloppes originales. La décision Rasheed c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 587, nous enseigne qu’il doit y avoir une raison valable pour douter de l’authenticité d’un document. Les demandeurs n’ont pas produit les enveloppes originales, mais ce n’était pas là une raison valable pour douter de l’authenticité des lettres. La SPR s’est également trompée en omettant de tirer une conclusion claire à propos de l’authenticité des documents (voir Jacques c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 423, au paragraphe 16).

La conclusion déraisonnable au sujet de la protection de l’État

[30]           Les demandeurs signalent que la SPR a admis que la police avait organisé deux opérations d’infiltration infructueuses. Il était abusif et illogique de sa part de conclure qu’il existait une protection de l’État alors que des agents de police corrompus avaient mis sur pied deux opérations d’infiltration qui avaient échoué (voir Kaur c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 1120, au paragraphe 9). Ils disent que les nombreuses tentatives infructueuses qu’ils ont faites pour obtenir une protection montrent qu’ils ont clairement réfuté la présomption d’une protection de l’État (voir G.D.C.P c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CFPI 989).

[31]           Selon les demandeurs, la SPR est tenue de prendre en considération la totalité des éléments de preuve et, invoquant Polgari c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2001] ACF no 957, ils soutiennent que la SPR ne peut pas évaluer des éléments de la preuve isolément les uns des autres.

[32]           La SPR a commis trop d’erreurs en arrivant à sa décision pour que la Cour conclue que ces dernières n’étaient pas un élément central de l’affaire (voir Katalayi c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1997] ACF no 1494 (1re inst.).

Le défendeur

[33]           Selon le défendeur, la SPR a conclu de manière raisonnable que les demandeurs n’avaient pas prouvé qu’une protection de l’État ne leur serait pas assurée et elle a rejeté leurs demandes d’asile pour cette raison-là. Il était raisonnablement loisible aussi à la SPR de tirer les conclusions relatives à la crédibilité auxquelles elle est arrivée, et la Cour ne devrait pas intervenir.

Des conclusions raisonnables au sujet de la protection de l’État

[34]           La conclusion que la SPR a tirée au sujet de la protection de l’État a été déterminante pour les demandes d’asile des demandeurs et il lui était raisonnablement loisible de la tirer. La SPR a pris en considération la réaction de la police à chacune des plaintes d’extorsion des demandeurs. Il s’agissait là d’un motif raisonnable pour conclure que les demandeurs n’avaient pas prouvé qu’ils ne disposeraient pas d’une protection de l’État.

[35]           À défaut d’un effondrement complet de l’État, il est présumé que ce dernier est en mesure de protéger ses citoyens (voir Canada (Procureur général) c Ward, [1993] 2 RCS 689, au paragraphe 50). Les propres éléments de preuve des demandeurs, dont ceux faisant état de l’arrestation et de l’incarcération du chef des Maras, des deux opérations d’infiltration et de la présence de patrouilles policières et militaires autour de l’entreprise des demandeurs, montrent que ces derniers disposaient d’une protection de l’État au Salvador.

[36]           Ce n’est pas parce que la police n’a pas réussi à arrêter les extorqueurs que la conclusion que la SPR a tirée au sujet de la protection de l’État est déraisonnable (voir Llana c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 1450, au paragraphe 31). Il ne suffit pas de montrer qu’un État n’a pas toujours protégé de manière efficace les demandeurs d’asile. La décision Flores c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 723, établit, au paragraphe 11, que le critère relatif à la protection est le caractère adéquat, et non la perfection.

[37]           Il incombait aux demandeurs de produire des éléments de preuve clairs et convaincants pour réfuter la présomption d’une protection de l’État et il était loisible à la SPR de conclure qu’ils ne s’étaient pas acquittés de ce fardeau. La SPR a pris en considération la preuve du demandeur principal selon laquelle il avait entendu dire que la police était de mèche avec les Maras, mais cela ne l’a pas convaincue. Il s’agit là d’un résultat raisonnable, et la Cour ne devrait donc pas intervenir.

[38]           La SPR a également conclu de manière raisonnable, en se fondant sur la preuve documentaire, que le Salvador faisait de sérieux efforts pour lutter contre la violence des gangs. Elle était en droit de privilégier la preuve documentaire plutôt que les propres éléments de preuve du demandeur (Zhou c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1994] ACF no 1087 (CA)), et la Cour ne devrait pas donc toucher à la décision. Il n’est pas loisible à la Cour de soupeser de nouveau la preuve soumise à la SPR et d’y substituer sa propre conclusion.

Des conclusions raisonnables au sujet de la crédibilité

[39]           Il était également raisonnable que la SPR trouve invraisemblable l’affirmation du demandeur principal selon laquelle la police n’avait pas expliqué qu’il était important de déposer les fonds visés par la demande d’extorsion dans le bon compte afin d’assurer le succès de l’opération d’infiltration. La SPR a également trouvé invraisemblable que le demandeur principal n’ait tout simplement pas retiré les fonds de son compte et déposé ces derniers dans le bon compte après avoir appris qu’il s’était trompé. Il est loisible à la SPR de tirer des conclusions défavorables quant à la crédibilité s’il y a des contradictions dans le témoignage du demandeur d’asile ou des invraisemblances. Voir l’arrêt Sheikh c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1990] 3 CF 238 (CA).

[40]           Il était également raisonnablement loisible à la SPR de tirer une inférence défavorable de l’omission d’un détail important dans la preuve documentaire des demandeurs. Aucune des lettres de Villalta ne mentionnait que ce dernier avait mis le demandeur principal en contact avec l’Unité, et ce détail était crucial pour le récit du demandeur principal. De plus, aucune erreur importante ne résulte de la conclusion de la SPR selon laquelle une des lettres de Villalta n’était pas datée.

[41]           Le défendeur souligne que c’est la SPR qui est la mieux placée pour évaluer la crédibilité des demandeurs d’asile et qu’il n’y a pas lieu d’annuler ses conclusions dans la mesure où les inférences tirées sont raisonnables : Aguebor, précité, au paragraphe 4.

[42]           Enfin, le défendeur soutient qu’à cause des omissions signalées, et des contradictions avec d’autres éléments de preuve documentaires, il était loisible à la SPR d’accorder peu de poids à la preuve documentaire des demandeurs. Il incombe à la SPR de décider quel poids accorder à chacun des éléments de preuve : Biswas c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 1151, au paragraphe 7. Il était également loisible à la SPR de rejeter la lettre de l’évêque parce que celle-ci était datée d’avant l’époque où les problèmes des demandeurs auraient débuté, ainsi que de rejeter les autres lettres à cause de l’absence des enveloppes originales. Il était raisonnable de s’attendre à ce que les demandeurs aient conservé ces enveloppes pour prouver que les lettres venaient du Salvador.

ANALYSe

[43]           Comme l’indique clairement la décision, même si la SPR a mis en doute la crédibilité du demandeur principal, la question déterminante était la protection de l’État et la SPR l’a étudiée  en tenant pour acquis que l’exposé circonstancié du demandeur principal était véridique.

[44]           Pour décider que les demandeurs n’avaient pas réfuté la présomption d’une protection de l’État, la SPR s’est fondée sur un éventail d’éléments de preuve.

[45]           En l’espèce, la propre preuve des demandeurs indiquait que ceux-ci avaient accès à la protection de leur pays d’origine. Ils ont dit de quelle façon la police avait réagi à leurs plaintes pour demandes d’extorsion et avait pris des mesures concrètes contre le gang criminel. En particulier, la SPR a signalé ce qui suit :

                    i.                        le chef du gang criminel qui, d’après les demandeurs, leur extorquait de l’argent a été arrêté, déclaré coupable et incarcéré; le demandeur principal a déclaré que les demandes d’extorsion ont arrêté pendant plusieurs mois après cette arrestation, il a aussi dit que le chef du gang était toujours derrière les barreaux en 2009;

                  ii.                        le demandeur principal a déclaré qu’en 2006 la police avait organisé une opération d’infiltration en vue d’intercepter les membres du gang qui lui extorquaient de l’argent, mais que cette opération avait échoué parce que les extorqueurs avaient reconnu l’une des voitures de police banalisées qui se trouvaient à l’endroit où il fallait laisser l’argent en question;

                iii.                        le demandeur principal a déclaré que, pendant une semaine après l’échec de l’opération d’infiltration en 2006, la police et l’armée avaient patrouillé le secteur autour de son entreprise;

                iv.                        le demandeur principal a déclaré qu’en 2009 la police avait organisé une autre opération d’infiltration afin d’intercepter les membres du gang qui tentaient de lui extorquer de l’argent; il a déclaré que la police avait été incapable de procéder à une arrestation quelconque parce qu’il avait déposé les fonds en question dans son propre compte de banque plutôt que dans celui que, soutenait-il, le gang lui avait dit d’utiliser.

 

[46]           Par ailleurs, le défendeur a procédé à un examen de la documentation relative à la situation du pays, et je conviens avec lui que la SPR a conclu de manière raisonnable qu’il ressortait de la preuve que le Salvador faisait de sérieux efforts pour lutter contre la criminalité des gangs et que ces efforts étaient adéquats sur le plan opérationnel. Le Salvador a fait en sorte que son service de police prenne part à des programmes de sécurité internationaux, comme les initiatives antigang du Federal Bureau of Investigation des États-Unis. Le gouvernement a également fait appel à l’armée salvadorienne pour soutenir la police dans sa lutte contre le problème des gangs criminels, ce dont il a été question dans la preuve des demandeurs. Il était loisible à la SPR de conclure que, d’après la preuve documentaire, l’appareil de sécurité de l’État s’occupait de lutter contre les gangs au Salvador, ainsi que de privilégier cette preuve plutôt que celle des demandeurs.

[47]           Les demandeurs soulèvent un certain nombre de questions à propos du caractère raisonnable de la conclusion que la SPR a tirée en matière de protection de l’État.

[48]           Premièrement, disent-ils, la SPR a omis de mentionner et de prendre en compte tous les efforts que le demandeur principal a faits pour obtenir une protection des autorités. Ils renvoient la Cour aux paragraphes 7, 8, 9, 11 et 27 de l’exposé circonstancié faisant partie du Formulaire de renseignements personnels (le FRP) du demandeur principal, qui tendent à indiquer que ce dernier a sollicité avec diligence la protection de l’État.

[49]           Il ressort clairement d’un examen de ces paragraphes du FPR qu’aucun d’eux ne contredit la conclusion de la SPR ou n’exige une mention précise. Par exemple, au paragraphe 3, le fait qu’un détective ne se soit pas présenté à l’occasion mentionnée ne dénote pas que l’État ne voulait pas ou ne pouvait pas protéger les demandeurs. Rien n’empêchait le demandeur principal de faire un suivi à propos des faits survenus en 2005 auxquels il fait référence. Les faits survenus ultérieurement montrent que la police était disposée à agir. C’est après cela que le chef des Maras a été arrêté et incarcéré.

[50]           Le paragraphe 7 conclut simplement que [traduction] « [j]e suis revenu au magasin avec le détective pour y jeter un coup d’oeil, mais tout semblait normal ». Je ne vois pas en quoi cela montre que la police ne voulait pas ou ne pouvait pas agir.

[51]           Il en est de même pour le paragraphe 8. Le fait que la GTA [traduction] « patrouillait la zone » dénote que les autorités étaient disposées à agir et que, même s’il ne s’agissait pas là d’une [traduction] « solution permanente », cela ne veut pas dire que la police ne serait pas intervenue en cas de besoin.

[52]           Au paragraphe 9, le fait que le commissaire déclare qu’[traduction] « ils n’ont pas assez d’éléments pour assurer une protection à tous les Salvadoriens » ne veut pas dire que le demandeur n’était pas protégé. En l’espèce, il y a manifestement eu une intervention de la police.

[53]           Au paragraphe 11, nous voyons une fois de plus la police intervenir. Le fait que les détectives avaient besoin de plus de [traduction] « preuves » avant de pouvoir procéder ne dénote pas un manque de protection de l’État. Les autorités ont toujours besoin de preuves avant de pouvoir agir.

[54]           En tout état de cause, dans sa décision la SPR fait référence à certaines de ces questions et elle en traite. Elle a examiné ce que la police avait fait concrètement pour les demandeurs et conclu que cela faisait plus que démontrer que les demandeurs n’avaient pas réfuté la présomption d’une protection de l’État. Il n’y avait rien de déraisonnable dans cette façon de procéder.

[55]           Le demandeur principal dit aussi que la SPR a traité de manière déraisonnable des deux lettres de son ami, Nelson Villalta. À ce sujet, elle a conclu ce qui suit, aux paragraphes 10 et 11 de la décision :

Toutefois, le demandeur d’asile principal a produit deux lettres provenant de son ami Nelson Villalta. L’auteur ne fait aucunement mention dans l’une ou l’autre de ces lettres qu’il a aidé le demandeur d’asile principal en le mettant en contact avec l’unité de lutte contre l’extorsion de la police et que l’unité en question a organisé une opération d’infiltration pour capturer les extorqueurs. Il ne s’agit pas d’un détail mineur dans le récit du demandeur d’asile. C’est un élément important qui démontre la nature des efforts déployés par le demandeur d’asile pour obtenir la protection de l’État. J’estime qu’il n’est pas raisonnable que la personne ayant mis le demandeur d’asile principal en contact avec l’unité de lutte contre l’extorsion ne fasse pas mention de ce fait important dans les deux lettres qu’il a écrites à l’appui de la demande d’asile du demandeur d’asile principal.

 

En outre, l’auteur des lettres n’a pas daté la lettre qui a été versée dans la pièce C-9. Je ne trouve pas raisonnable qu’une personne, étant militaire de métier et ayant été entraînée à fournir des détails, qui écrit en sa qualité de directeur de la Chambre de commerce de Sonsonate, ne date pas la correspondance qu’il envoie au demandeur d’asile principal.

 

 

 

[56]           Le demandeur principal déclare que la SPR commet ici une erreur car la pièce C‑9 est datée. Cette erreur semble due au fait que la date de la lettre se trouve dans le texte lui-même, qui est en espagnol. Le dossier certifié du tribunal (le DCT) montre que la date a été traduite à l’audience, de sorte qu’il s’agit bel et bien d’une erreur.

[57]           Cependant, cette erreur n’est pas assez importante pour que l’approche que la SPR a suivie et les conclusions générales qu’elle a tirées à propos de la protection de l’État soient déraisonnables. La question de la date est une raison de plus pour faire abstraction de ces lettres. La principale raison est énoncée au paragraphe 10. Il n’y a pas lieu de croire que la SPR n’aurait pas traité de manière différente de l’autre lettre, qui, croyait-elle erronément, n’était pas datée, si elle n’avait pas commis cette erreur.

[58]           Les demandeurs disent aussi, au sujet du paragraphe 10, qu’il était déraisonnable de s’attendre à ce que les lettres soient aussi détaillées que la SPR l’aurait voulu. Ils invoquent la décision Mahmud, précitée, au paragraphe 11 :

En effet, en l’espèce, la SSR a jugé que les lettres produites par le demandeur contredisaient sa preuve, non pour ce qu’elles disent, mais bien pour ce qu’elles gardent sous silence. En vertu de la jurisprudence, les lettres doivent être examinées pour ce dont elles font état. Elles appuient à première vue la preuve du demandeur, et ne contiennent aucun élément qui viendrait la contredire.

 

 

 

[59]           Je ne vois pas quelle est la pertinence de ce point pour l’analyse relative à la protection de l’État. La SPR se fonde sur l’opération d’infiltration (c’est-à-dire qu’elle présume que celle-ci est vraie) pour montrer que la police était disposée à agir. L’erreur que la SPR a commise n’a une incidence que sur la conclusion relative à la crédibilité. Elle n’a pas d’effet sur la raisonnabilité de la conclusion relative à la protection de l’État, qui a été fondée sur le fait que l’opération d’infiltration avait eu lieu, ainsi que sur tous les autres facteurs que la SPR a énumérés.

[60]           Le demandeur se plaint également que, au paragraphe 16 de la décision, la SPR rejette son explication :

Le tribunal a demandé au demandeur d’asile principal si les agents de police qui l’avaient accompagné à la banque l’avaient informé qu’il devait déposer l’argent dans le compte des agents de persécution. Le demandeur d’asile a répondu qu’ils ne l’avaient pas fait. Le tribunal lui a demandé si ces agents étaient membres de l’unité de lutte contre la corruption, et le demandeur d’asile principal a répondu qu’ils en étaient membres.

 

Je rejette cette explication. Premièrement, même si le demandeur d’asile principal avait déposé l’argent dans son propre compte, il aurait pu faire un retrait et le déposer dans le compte des agents de persécution. Deuxièmement, je trouve invraisemblable que les agents de police, après avoir reçu la plainte du demandeur d’asile principal, organisé une opération d’infiltration afin d’obtenir des preuves d’extorsion et accompagné le demandeur d’asile principal à la banque où il devait faire le dépôt, ne l’informent pas qu’il devait faire le dépôt dans le compte des agents de persécution avant que des accusations puissent être portées. Pour tous ses motifs, je conclus que les agents de persécution n’ont pas extorqué de l’argent au demandeur d’asile principal en septembre 2009 et que le rapport de police qu’il a déposé ce jour-là visait à embellir sa demande d’asile.

 

 

[61]           Le DCT montre que le demandeur principal a déclaré ce qui suit à cet égard :

[traduction

Demandeur d’asile :    Quand je suis allé à la banque, quand j’ai fait le dépôt j’étais avec les détectives et la seule chose que nous avions à remettre concrètement était un sac avec du papier, des coupures de papier, et une copie de deux billets, des billets de 20 $ qui se trouvaient dans le bureau de la Fiscalia, ce qui était prévu pour que nous puissions les leur remettre ou leur donner parce que nous étions là physiquement. Quand il a été question du dépôt dans le compte, ils ne m’ont pas dit que cela n’allait pas avoir lieu, que l’extorsion proprement dite n’aurait pas lieu.

 

Commissaire :              Qui donc a pris la décision de déposer les fonds dans votre compte?

 

Demandeur d’asile :    Moi-même, et les détectives le savaient.

 

Commissaire :              Et les détectives ne vous ont jamais dit qu’il fallait déposer au moins 20 $ dans l’autre compte?

 

Demandeur d’asile :    Ils ne me l’ont jamais dit. La Fiscale m’a dit que c’était après, parce qu’ils avaient le nom et le numéro de compte de la personne, que j’allais faire le dépôt en mon nom, qu’ils avaient l’adresse, et ils n’ont rien fait contre eux.

 

Commissaire :              Que pouvaient-ils faire contre eux s’il n’y avait pas d’extorsion, vous n’avez jamais déposé les fonds dans le compte?

 

Demandeur d’asile :    On ne m’a pas dit… je n’en ai pas été informé.

 

[62]           Selon le demandeur principal, la conclusion d’invraisemblance de la SPR, au paragraphe 16 de la décision, est tout à fait conjecturale et contredite par sa preuve évidente.

[63]           Là encore, cependant, cette question a trait à la question de la crédibilité. Je ne vois pas quelle est son incidence sur l’analyse relative à la protection de l’État, qui présume que l’opération d’infiltration était véridique, et qui démontre que les autorités interviendront.

[64]           Dans leurs observations écrites, les demandeurs se plaignent que [traduction] « la conclusion du tribunal selon laquelle une protection de l’État est disponible parce que des agents corrompus ont organisé deux opérations d’infiltration qui ont échoué, est abusive et illogique ».

[65]           Tout d’abord, l’analyse relative à la protection de l’État est fondée sur une série de facteurs énoncés plus tôt, ainsi que sur la trousse documentaire soumise à la SPR. Ensuite, je ne vois aucune preuve que les opérations d’infiltration ont été organisées par des agents corrompus. Pourquoi de tels agents auraient-ils « organisé » une opération d’infiltration et ensuite, d’après la propre preuve du demandeur principal, permis sciemment à ce dernier de déposer les fonds dans son propre compte? L’implication possible d’agents corrompus et les tentatives faites par ces derniers pour contrecarrer les efforts faits par l’État pour protéger les demandeurs ne veulent pas dire que l’État n’interviendrait pas par la suite avec des agents ayant la capacité de protéger les demandeurs.

[66]           En définitive, je ne puis conclure à l’existence d’une erreur susceptible de contrôle dans l’analyse relative à la protection de l’État et, comme il s’agit là de la question déterminante, je ne puis modifier la décision.

[67]           Les parties conviennent qu’il n’y a pas de question à certifier, et la Cour est du même avis.


JUGEMENT

LA COUR STATUE que :

 

1.                  La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

2.                  Il n’y a pas de question à certifier.

 

 

« James Russell »

Juge

 

Traduction certifiée conforme

Julie Boulanger

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-4654-11

 

INTITULÉ :                                      JOSE HERIBERTO RENDEROS MORAN; ELVIA LICETH AREVALO DE RENDEROS; JOSE HERIBERTO RENDEROS AREVALO; KATHERINE LISSETH RENDEROS AREVALO (alias KATHERINE LISSE RENDEROS AREVALO)
- et -
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :              TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :             LE 14 MARS 2012

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                            LE JUGE RUSSELL

 

DATE DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT :                     LE 4 MAI 2012

 

 

COMPARUTIONS :

 

Diana S. Willard

POUR LES DEMANDEURS

 

Amy King

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Diana S. Willard

Cabinet de Diana S. Willard

Avocate

Toronto (Ontario)

 

POUR LES DEMANDEURS

 

Myles J. Kirvan, c.r.
Sous-procureur général du Canada

POUR LE DÉFENDEUR

 

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