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Date : 20120430


Dossier : IMM-4109-11

Référence : 2012 CF 495

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 30 avril 2012

En présence de monsieur le juge O’Reilly

 

 

ENTRE :

 

XIAO YU WANG

 

 

 

demanderesse

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

           MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

I.       Aperçu

 

 

[1]               En 2000, Mme Xiao Yu Wang a quitté la Chine pour venir au Canada munie d’un permis d’études. Elle a ensuite obtenu d’autres permis d’études et des permis de travail en vertu desquels elle a pu demeurer au Canada. Elle a deux enfants nés au Canada et son mari est un citoyen hongrois.

 

[2]               Mme Wang a présenté une demande de résidence permanente au Canada à titre de travailleuse qualifiée. Sa demande a été rejetée parce que son mari était interdit de territoire au Canada. Il a d’ailleurs été expulsé vers la Hongrie en 2010.

 

[3]               Mme Wang a ensuite présenté une demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire. Une agente d’immigration a rejeté sa demande au motif qu’elle et les membres de sa famille ne subiraient pas des difficultés inhabituelles, injustes ou indues s’ils devaient présenter une demande de résidence permanente à partir de la Chine ou de la Hongrie.

 

[4]               Mme Wang prétend que l’agente ne l’a pas traitée de manière équitable en s’appuyant sur des documents qui ne lui ont pas été divulgués. Elle prétend également que la décision de l’agente était déraisonnable. Elle me demande d’infirmer cette décision et d’ordonner qu’un autre agent réexamine sa demande.

 

[5]               À mon avis, l’agente n’avait pas l’obligation de divulguer explicitement à Mme Wang les documents sur lesquels elle s’appuyait. Ces documents étaient du domaine public et il était prévisible que l’agente les consulterait. Par contre, l’agente n’a pas effectué une analyse complète des difficultés auxquelles serait exposée la famille si elle déménageait en Hongrie ou en Chine. Elle s’est penchée sur la question de savoir si la famille pourrait obtenir un statut dans ces pays, ainsi que des services de base comme des soins de santé et l’éducation, mais non sur celle de savoir si son renvoi lui causerait de graves difficultés. Sa conclusion était donc déraisonnable. En conséquence, je dois accueillir la présente demande de contrôle judiciaire.

 

[6]               Les questions en litige sont les suivantes :

1.      L’agente a-t-elle traité Mme Wang de manière inéquitable?

2.      La conclusion de l’agente était-elle déraisonnable?

 

II.    La décision de l’agente

 

[7]               L’agente a reconnu que Mme Wang avait des liens étroits avec sa famille au Canada. Elle a cependant soupesé un certain nombre de facteurs défavorables à Mme Wang. Par exemple, le mari de celle‑ci n’avait pas pu obtenir l’asile pour cause de criminalité et il avait travaillé illégalement au Canada.

 

[8]               Mme Wang a fait remarquer à l’agente chargée de l’examen de sa demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire qu’elle n’était pas certaine que son mari pourrait l’accompagner si elle retournait en Chine. Par ailleurs, elle était inquiète parce que ses enfants n’auraient pas droit à des soins de santé ou à l’éducation en Chine. Elle a fait valoir qu’ils n’y auraient pas droit en Hongrie non plus, si la famille était réunie dans ce pays.

 

[9]               En réponse à ces observations, l’agente a cherché de l’information sur les règles de naturalisation en vigueur en Chine et en Hongrie. Elle a trouvé cette information sur Internet. Après en avoir pris connaissance, elle a conclu qu’en Chine comme en Hongrie les époux de citoyens peuvent obtenir le statut de résident permanent. En Hongrie, les enfants des citoyens sont aussi considérés comme des citoyens. Les règles en vigueur en Chine sont moins claires, mais, selon l’agente, comme Mme Wang résidait seulement temporairement au Canada lorsque ses enfants sont nés, ces derniers seraient considérés comme des citoyens chinois. Ils jouiraient donc de tous les droits rattachés à la citoyenneté, notamment le droit à des services de santé et le droit à l’éducation, en Hongrie comme en Chine. L’agente a souligné également qu’il y a dans les deux pays des écoles privées où les parents peuvent inscrire leurs enfants s’ils souhaitent que ceux‑ci reçoivent une éducation en anglais.

 

[10]           L’agente a reconnu qu’il était dans l’intérêt supérieur des enfants que tous les membres de la famille habitent ensemble. À son avis, les enfants étaient suffisamment jeunes pour s’adapter à un nouveau pays. Ils pourraient rester en contact avec les membres de leur famille au Canada en leur parlant par Skype ou en leur rendant visite. Une période d’adaptation serait évidemment nécessaire, mais ils disposaient de ressources financières et personnelles importantes. Les difficultés qui seraient causées à la famille n’étaient donc pas inhabituelles ou imprévues.

 

[11]           En conséquence, l’agente a rejeté la demande de Mme Wang.

 

III. Question 1 – L’agente a-t-elle traité Mme Wang de manière inéquitable?

 

[12]           L’équité exige habituellement que les décideurs divulguent tout document qu’il consulte et qui ne se trouve pas dans le dossier et qu’ils donnent aux demandeurs la possibilité de présenter des observations à leur sujet. Ce n’est cependant pas le cas des documents généraux, neutres, publiés et ne contenant pas de l’information inédite et importante (Mancia c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1998] ACF no 565 (CA), aux paragraphes 26 et 27).

 

[13]           En l’espèce, l’agente s’est appuyée sur des documents publiés. Elle n’a donc contrevenu à aucune règle d’équité procédurale. En outre, comme Mme Wang a soulevé la question du statut de la famille en Hongrie et en Chine dans sa demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire, elle pouvait prévoir que l’agente allait consulter les lois régissant la citoyenneté dans ces pays (Nadarajah c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] ACF no 283 (CA), au paragraphe 1). L’agente s’est simplement appuyée sur l’information qu’elle a trouvée sur les sites Web du ministère des Affaires étrangères de la Hongrie et de l’ambassade du Canada en Chine. Il s’agit de sources manifestement bien connues auxquelles le public a accès.

 

[14]           Comme il est démontré ci‑dessous cependant, l’analyse de l’agente aurait profité des observations additionnelles que Mme Wang aurait pu présenter si on lui en avait donné la possibilité.

IV. La décision de l’agente était-elle déraisonnable?

 

[15]           Il semble clair que les enfants seraient considérés comme des citoyens hongrois et que Mme Wang pourrait obtenir la résidence permanente en Hongrie. Il semble toutefois que Mme Wang devra surmonter des obstacles majeurs pour devenir citoyenne hongroise. Il semble qu’elle devra démontrer qu’elle travaillait à temps plein en Hongrie et passer un examen en hongrois visant à évaluer les connaissances de base en matière constitutionnelle. L’agente n’a pas semblé tenir compte de ces exigences ou des difficultés qu’elles pourraient causer à Mme Wang. De même, il semble que, pour que les enfants deviennent des citoyens chinois, Mme Wang devra démontrer qu’elle vivait au Canada de façon temporaire seulement et qu’elle n’était pas vraiment établie dans ce pays. Il n’était pas évident qu’elle pourrait faire cette démonstration.

 

[16]           En d’autres termes, le sens des règles consultées par l’agente n’était pas clair. En outre, l’agente a mis fin à son analyse des difficultés lorsqu’elle a examiné la question du statut. Par exemple, elle ne s’est pas intéressée à la question de savoir si Mme Wang ou les enfants étaient susceptibles d’être victimes de discrimination en Hongrie ou si l’époux de Mme Wang serait en mesure de travailler en Chine. Elle ne s’est pas intéressée non plus à l’incidence de la politique chinoise de l’enfant unique sur la famille.

 

[17]           Compte tenu de ces incertitudes et de ces omissions, j’estime que l’agente n’a pas effectué une analyse complète des difficultés qui pourraient être causées à Mme Wang et à sa famille et que sa conclusion était déraisonnable.

 

V.    Conclusion et décision

 

[18]           L’agente n’avait pas l’obligation de divulguer à Mme Wang les documents sur lesquels elle s’est appuyée ou de lui donner la possibilité de les commenter. Si elle l’avait fait cependant, son analyse de la question du statut de la famille en Chine et en Hongrie aurait probablement été plus complète. En outre, l’agente n’a pas analysé de manière exhaustive les difficultés que la famille subirait si elle déménageait en Hongrie ou en Chine. Sa conclusion selon laquelle les difficultés ne seraient pas suffisamment graves pour justifier une dispense était donc déraisonnable.

 

[19]           La demande de contrôle judiciaire est accueillie. L’avocat de Mme Wang m’a soumis des questions afin que je les certifie. Toutefois, vu les motifs pour lesquels j’ai accueilli la présente demande de contrôle judiciaire, les questions proposées ne seront pas énoncées.

 


JUGEMENT

LA COUR STATUE :

1.                  La demande de contrôle judiciaire est accueillie et l’affaire est renvoyée à la Commission pour qu’un autre agent l’examine.

2.                  Aucune question de portée générale n’est énoncée.

 

 

« James W. O’Reilly »

Juge

 

Traduction certifiée conforme

Christiane Bélanger, LL.L.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                               IMM-4109-11

 

INTITULÉ :                                             XIAO YU WANG c

                                                                   LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                     Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                    Le 11 janvier 2012

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                   LE JUGE O’REILLY

 

DATE DES MOTIFS :                            Le 30 avril 2012

 

 

COMPARUTIONS :

 

Micheal Crane

                            POUR LA DEMANDERESSE

 

Maria Burgos

                            POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Micheal Crane

Avocat

Toronto (Ontario)

 

                            POUR LA DEMANDERESSE

 

 

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

                            POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

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