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Date : 20120416


Dossier : IMM-5637-11

Référence : 2012 CF 436

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 16 avril 2012

En présence de madame la juge Gleason

 

 

ENTRE :

 

JENO RACZ

RENATA RACZ

 

 

 

demandeurs

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

           MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Les demandeurs sollicitent le contrôle judiciaire de la décision rendue le 16 juin 2011 par la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié [la SPR], par laquelle celle‑ci a rejeté leurs demandes d’asile. Les demandeurs, des Roms originaires de Hongrie, voulaient obtenir l’asile au Canada en raison du risque de discrimination et de persécution auquel, affirmaient-ils, ils seraient exposés en Hongrie à cause de leur origine ethnique. Les demandeurs avaient présenté leurs demandes d’asile à la fois en vertu de l’article 96 et de l’article 97 de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la LIPR].

 

[2]               La SPR a rejeté leurs demandes d’asile parce que, selon elle, ils n’avaient pas réfuté la présomption d’existence d’une protection suffisante de l’État en Hongrie. Dans leur demande de contrôle judiciaire, les demandeurs, invoquant un unique motif, faisaient valoir que la SPR avait commis une erreur susceptible de contrôle parce qu’elle n’avait pas effectué une analyse distincte au titre de l’article 97. Pour les motifs exposés ci-après, je suis d’avis qu’aucune analyse distincte au titre de l’article 97 n’était requise, et que la présente demande de contrôle judiciaire devrait donc être rejetée.

 

[3]               Dans sa décision, la SPR examinait d’abord les affirmations des demandeurs, pour finalement conclure qu’ils n’étaient pas crédibles. Je résumerai brièvement lesdites affirmations. Jeno Racz est le père de Renata Racz. Il était auparavant marié à la mère de Renata, une femme d’origine hongroise, mais ils ont divorcé parce que sa famille à elle désapprouvait son origine ethnique à lui. À la suite du divorce, Jeno et Renata ont continué à vivre dans la maison familiale. Tous deux prétendaient avoir souffert de discrimination à l’école, mais tous deux avaient pu achever leurs études secondaires, et ils avaient d’ailleurs fait davantage d’études que ce n’est le cas en général pour les Roms de Hongrie. Tous deux avaient également un travail. Renata travaillait pour une banque, et Jeno était un travailleur autonome. Ils ont relaté plusieurs faits de discrimination. Ainsi, Renata a raconté avoir été harcelée par des collègues de travail et par des membres de la famille de son petit ami. Jeno a prétendu avoir été harcelé par la police alors qu’il vendait des chaussures au marché. Il a aussi affirmé que, en 2003, il avait obtenu des soins médicaux de qualité moindre dans un hôpital à la suite d’une chute, et à cause de cela il avait contracté une septicémie. En 2008, il avait été harcelé au cours d’une fête de veille du jour de l’an et avait été agressé par deux individus, qui s’étaient moqués de son origine rom. La semaine suivante, leur domicile avait subi une entrée par effraction, puis avait été vandalisé, et les demandeurs sont alors partis pour le Canada. Ni l’un ni l’autre cependant n’ont déposé plainte à la police pour tous ces incidents, car ils craignaient de ne pas être pris au sérieux en raison de leur origine ethnique.

 

[4]               Après avoir examiné les affirmations des demandeurs, la SPR a fait une étude approfondie et détaillée de la preuve documentaire pour savoir si les Roms pouvaient obtenir de l’État une protection en Hongrie. Elle a relevé que, même s’il existait évidemment des écrits attestant une discrimination à l’endroit des Roms, on pouvait y lire également que la Hongrie est une démocratie qui fonctionne et que le gouvernement hongrois avait fait plusieurs tentatives et pris plusieurs mesures pour enrayer ou interdire les activités des groupes xénophobes de droite qui se livrent au harcèlement systématique des gens d’origine rom. La SPR faisait ensuite remarquer que les Roms de Hongrie sont en proie au chômage, sont mal logés et n’ont pas en général le même accès à l’éducation que les autres Hongrois. Cependant, les demandeurs ne connaissaient pas ces difficultés puisqu’ils avaient complété respectivement 12 et 14 années de scolarité, qu’ils travaillaient tous les deux et qu’ils avaient un logement. La SPR a conclu son analyse relative à la protection de l’État en soulignant que les demandeurs n’avaient même pas cherché à obtenir la protection de la police en Hongrie.

 

[5]               La SPR a alors rejeté les prétentions des demandeurs à la fois aux termes de l’article 96 et aux termes de l’article 97 de la LIPR, sans procéder à une analyse distincte des risques dont parle l’article 97 et auxquels les demandeurs seraient exposés.

 

[6]               Les demandeurs invoquent un unique précédent au soutient de leur point de vue selon lequel la SPR était tenue de faire une analyse distincte au titre de l’article 97 : Dunkova c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 1322, 95 Imm LR (3d) 149. Après examen des faits, le juge Kelen a conclu que la SPR avait commis une erreur donnant lieu à réformation parce qu’elle n’avait pas effectué une analyse au regard de l’article 97. Dans la décision Dunkova, cependant, la SPR avait fondé sa décision aux termes de l’article 96 sur le fait que, selon elle, le récit des demandeurs n’était pas crédible. Elle n’avait pas ensuite examiné la question de savoir s’ils pouvaient obtenir la protection de l’État. La Cour a pareillement jugé, en d’autres occasions, que la SPR peut être tenue d’effectuer une analyse au regard de l’article 97 lorsqu’elle rejette une demande d'asile aux termes de l’article 96 de la LIPR uniquement pour absence de crédibilité (voir par exemple Bouaouni c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CF 1211, au paragraphe 41; Kilic c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 84, au paragraphe 32, 245 FTR 52. Cependant, lorsqu’aucune preuve n’est soumise à la SPR qui puisse étayer une revendication aux termes de l’article 97, la Cour a jugé qu’une analyse distincte au regard de l’article 97 n’est pas requise (voir par exemple Balakumar c Canada Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 20, au paragraphe 14, [2008] ACF n° 30; Brovina c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 635, au paragraphe 18, 254 FTR 244; et Kaleja c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 668, aux paragraphes 34 et 35).

 

[7]               Quelle que soit la norme de contrôle applicable, la décision de la Commission ne saurait être modifiée puisque, au vu des précédents susmentionnés, il n’était pas nécessaire que la Commission, dans la présente affaire, effectue une analyse distincte au regard de l’article 97. La présente affaire est assimilable aux décisions Balakumar, Brovina et Kaleja parce que les conclusions sur l’existence d’une protection de l’État étaient valides à la fois aux termes de l’article 96 et aux termes de l’article 97 de la LIPR. Il n’était donc pas nécessaire que la Commission analyse séparément la question de savoir si, n’eût été l’existence d’une protection de l’État, les demandeurs auraient autrement été considérés comme des personnes à protéger au sens de l’article 97 de la LIPR.

 

[8]               La présente demande de contrôle judiciaire sera donc rejetée.

 

[9]               Aucune question à certifier n’a été présentée aux termes de l’article 74 de la LIPR, et aucune ne se pose ici.


JUGEMENT

 

LA COUR STATUE CE QUI SUIT :

1.                  La demande de contrôle judiciaire est rejetée;

2.                  Aucune question de portée générale n’est certifiée; et

3.                  Il n’est pas adjugé de dépens.

 

 

 

« Mary J.L. Gleason »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Claude Leclerc, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-5637-11

 

INTITULÉ :                                       Jeno Racz et autres c. Le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Toronto (Ontario)

 

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 26 mars 2012

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LA JUGE GLEASON

 

 

DATE DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT :                       Le 16 avril 2012

 

 

 

COMPARUTIONS:

 

Joseph S. Farkas

 

POUR LES DEMANDEURS

 

Rafeena Rashid

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

 

Joseph S. Farkas

Avocat

Toronto (Ontario)

 

POUR LES DEMANDEURS

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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