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 Date : 20120419


Dossier : IMM-7166-11

Référence : 2012 CF 450

Ottawa, Ontario, le 19 avril 2012

En présence de monsieur le juge Shore

 

ENTRE :

 

NOUR EL HOUDA EL AOUDIE

 

 

 

demanderesse

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

 

 

 

défenderesse

 

 

           MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

I. Introduction

[1]               [7]        [...] Il est significatif que, tout au long de l’histoire, et même de l’histoire moderne, des chrétiens de différentes dénominations, des juifs, des musulmans, des bouddhistes, des hindous et des bahaïes, par exemple, ai[t] été tué[e] à cause de leurs croyances sans même nécessairement avoir eu une connaissance approfondie, ni même une connaissance quelconque, de leur religion, si ce n’est qu’ils adhéraient à leur foi. Beaucoup son[t] mort pour leur foi alors que, selon les annales de l’histoire, ils ne vivaient pas en conformité avec leur foi; et pourtant, cela n’a pas empêché leur massacre. Par conséquent, il importe d’examiner les éléments de preuve en l’espèce produits par l’église précise dont il est question et les éléments de preuve additionnels qui en découlaient et qui ont été produits.

 

(Comme spécifié par la Cour par le soussigné dans Oraminejad c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2011 CF 997).

 

[2]               Il est de l’essence même de la fonction d’un tribunal administratif d’apprécier la crédibilité du revendicateur du statut de réfugié. Un degré de déférence est donc dû envers les conclusions de fait du tribunal de première instance afin de protéger sa première fonction d’apprécier le témoignage. Dans certaines circonstances, toutefois, cette Cour se doit d’intervenir lorsqu’elle constate, à l’examen du dossier entier, que les conclusions relatives au nœud de la revendication ne sont pas fondées sur l’ensemble de la preuve qui forme en soi-même un tout par ces nuances :

[1]        Une décision ne peut pas être rendue dans un vide sans tenir compte de la personne qui se trouve devant un tribunal de première instance. À défaut de mettre en contexte tous les témoignages et les éléments de preuve, tant subjective qu’objective (éléments de preuve relatifs à la situation dans le pays), et de saisir les nuances claires qui s’assemblent pour permettre de comprendre une affaire, il se peut qu’un tribunal de première instance ait entendu une affaire mais n’ait pas nécessairement écouté […]

 

(Oraminejad, ci-dessus).

 

II. Procédure judiciaire

[3]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, ch 27 [LIPR], à l’encontre d’une décision de la Section de la protection des réfugiés [SPR] de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié [CISR], rendue le 9 septembre 2011, selon laquelle la demanderesse n’a ni la qualité de réfugiée au sens de la Convention tel que défini à l’article 96 de la LIPR ni la qualité de personne à protéger selon l’article 97 de la LIPR.

 

III. Faits

[4]               La demanderesse, madame Nour El Houda El Aoudie, âgée de 58 ans, est citoyenne du Maroc.

 

[5]               Madame El Aoudie, de confession musulmane, s’est mariée une première fois, en 1975. En 1992, elle s’est divorcé en raison de la violence conjugale qu’elle subissait et des agressions sexuelles de son mari à l’égard de l’un de ses enfants.

 

[6]               Madame El Aoudie allègue avoir été mal vue par la société marocaine en raison de son divorce, de sa situation qui demeurait comme mère monoparentale et du fait qu’elle, comme couturière, recevait des clients à son domicile.

 

[7]               Madame El Aoudie est venue au Canada en 2004 pour visiter l’une de ses filles et elle y est demeurée depuis.

 

[8]               Madame El Aoudie présente des problèmes psychologiques et des crises existentielles qui auraient suscité en elle un intérêt pour le christianisme. En 2004, elle rencontre, monsieur Jean-Paul David, un citoyen canadien promettant de l’épouser et de la parrainer. La relation avorte puisque ce dernier se révèle alcoolique et violent.

 

[9]               Au mois de mars 2007, elle rencontre monsieur Inayath Hussein, un musulman d’origine indienne, qu’elle épouse au mois de juillet 2007. Quelques jours après la célébration du mariage, monsieur Inayath Hussein lui aurait proposé de venir vivre avec sa première femme et leurs trois enfants dont elle aurait refusé. Madame El Aoudie aurait aussi compris que son deuxième mari n’accepterait pas sa conversion au christianisme. Elle a quitté son mari au mois de décembre 2007 et le divorce a été prononcé en décembre 2008.

 

[10]           Suite à sa conversion au christianisme, le 11 novembre 2007, madame El Aoudie, fut baptisé le 13 janvier 2008.

 

[11]           Elle s’est déclarée réfugiée sur place le 18 décembre 2007.

 

[12]           En 2010, madame El Aoudie aurait été victime d’une tentative de meurtre lors d’un vol qualifié au lieu de son emploi.

 

IV. Décision faisant l’objet du présent contrôle judiciaire

[13]           La SPR remet en question le témoignage de la demanderesse en ce qu’elle ne se serait pas réellement converti à la religion catholique. La SPR a déterminé que la prétendue conversion de la demanderesse est une manœuvre pour pouvoir demeurer au Canada auprès de ses enfants.

 

[14]           La SPR reconnaît l’état psychologique fragile de la demanderesse, mais conclut que celle-ci désire demeurer au Canada pour bénéficier de soins psychologiques.

 

[15]           La SPR tire des conclusions de crédibilité défavorables à la demanderesse puisque celle-ci aurait décrit de façon confuse la cérémonie du baptême. De plus, elle n’aurait ni été en mesure d’expliquer la cérémonie du baptême ni de réciter les dix commandements; et, elle n’aurait pas été en mesure de préciser sa raison pour sa conversion, le 11 novembre 2007. Également, la SPR n’a pas accordé de valeur probante au certificat de baptême.

 

[16]           La SPR conclut que l’intention de la demanderesse a toujours été de s’établir au Canada comme le démontreraient ses deux unions avec des citoyens canadiens dans l’objectif de pouvoir être parrainée. Face à ces échecs, la demanderesse aurait, selon la SPR, demandé la protection du Canada.

 

V. Point en litige

[17]           La décision de la SPR est-elle raisonnable?

 

VI. Dispositions législatives pertinentes

[18]           Les dispositions suivantes de la LIPR s’appliquent au présent cas :

Définition de « réfugié »

 

96. A qualité de réfugié au sens de la Convention — le réfugié — la personne qui, craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques :

 

a) soit se trouve hors de tout pays dont elle a la nationalité et ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de chacun de ces pays;

 

 

b) soit, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle, ne peut ni, du fait de cette crainte, ne veut y retourner.

 

Personne à protéger

 

97.      (1) A qualité de personne à protéger la personne qui se trouve au Canada et serait personnellement, par son renvoi vers tout pays dont elle a la nationalité ou, si elle n’a pas de nationalité, dans lequel elle avait sa résidence habituelle, exposée :

 

a) soit au risque, s’il y a des motifs sérieux de le croire, d’être soumise à la torture au sens de l’article premier de la Convention contre la torture;

 

b) soit à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités dans le cas suivant :

 

(i) elle ne peut ou, de ce fait, ne veut se réclamer de la protection de ce pays,

 

 

 

(ii) elle y est exposée en tout lieu de ce pays alors que d’autres personnes originaires de ce pays ou qui s’y trouvent ne le sont généralement pas,

 

(iii) la menace ou le risque ne résulte pas de sanctions légitimes — sauf celles infligées au mépris des normes internationales — et inhérents à celles-ci ou occasionnés par elles,

 

(iv) la menace ou le risque ne résulte pas de l’incapacité du pays de fournir des soins médicaux ou de santé adéquats.

 

Personne à protéger

 

(2) A également qualité de personne à protéger la personne qui se trouve au Canada et fait partie d’une catégorie de personnes auxquelles est reconnu par règlement le besoin de protection.

Convention refugee

 

96. A Convention refugee is a person who, by reason of a well-founded fear of persecution for reasons of race, religion, nationality, membership in a particular social group or political opinion,

 

 

 

(a) is outside each of their countries of nationality and is unable or, by reason of that fear, unwilling to avail themself of the protection of each of those countries; or

 

(b) not having a country of nationality, is outside the country of their former habitual residence and is unable or, by reason of that fear, unwilling to return to that country.

 

Person in need of protection

 

97.      (1) A person in need of protection is a person in Canada whose removal to their country or countries of nationality or, if they do not have a country of nationality, their country of former habitual residence, would subject them personally

 

 

(a) to a danger, believed on substantial grounds to exist, of torture within the meaning of Article 1 of the Convention Against Torture; or

 

(b) to a risk to their life or to a risk of cruel and unusual treatment or punishment if

 

 

(i) the person is unable or, because of that risk, unwilling to avail themself of the protection of that country,

 

(ii) the risk would be faced by the person in every part of that country and is not faced generally by other individuals in or from that country,

 

(iii) the risk is not inherent or incidental to lawful sanctions, unless imposed in disregard of accepted international standards, and

 

 

 

(iv) the risk is not caused by the inability of that country to provide adequate health or medical care.

 

 

Person in need of protection

 

(2) A person in Canada who is a member of a class of persons prescribed by the regulations as being in need of protection is also a person in need of protection

 

VII. Position des parties

[19]           La demanderesse fait valoir que la SPR a erré en remettant en doute sa conversion à la religion catholique. La SPR n’aurait pas tenu compte de la preuve documentaire versée au dossier, notamment, le certificat de baptême et la lettre datée du 26 mars émanant du diocèse de Montréal, confirmant le sérieux de son adhésion.

 

[20]           La SPR n’aurait pas tenu compte du rapport psychologique déposé en preuve démontrant la détresse psychologique de la demanderesse. De plus, la demanderesse soutient que la conclusion de la SPR, selon laquelle la demanderesse se serait convertie au christianisme que pour bénéficier de soins adéquats au Canada, est déraisonnable compte tenu que cette dernière a toujours déboursé des sommes pour les fins de ses soins psychologiques. 

 

[21]           La SPR a erré en fondant sa conclusion de crédibilité sur le manque de connaissance théorique de la demanderesse alors que la foi, selon elle, ne peut pas être mesurée que par des connaissances doctrinaires. Un persécuteur ne va pas demander à la personne d’expliquer la foi à laquelle elle s’est convertie, avant de la persécuter; les personnes ne sont pas persécutées pour la profondeur de leurs connaissances de la religion; mais, plutôt, elles sont persécutées pour le fait qu’elles font partie d’une religion par laquelle elles sont devenues ou des apostates ou des hérétiques.

 

[22]           La demanderesse prétend que la SPR n’a pas tenu compte du fait qu’elle pouvait être poursuivie dans son pays d’origine en raison de sa conversion au christianisme compte tenu de la preuve documentaire. 

 

[23]           La partie défenderesse fait valoir que la SPR, selon son mandat de décideur de fait, a raisonnablement évalué la crédibilité de la demanderesse et qu’il n’appartient pas à cette Cour de substituer son raisonnement à celui de la SPR.

 

[24]           La partie défenderesse soutient que la SPR peut s’appuyer sur des lacunes dans le récit de la demanderesse pour conclure à la non-crédibilité du témoignage.

 

[25]           De plus, la partie défenderesse précise qu’il appert de la décision que la SPR a pris en compte l’état psychologique de la demanderesse.

 

[26]           Elle prétend également que la SPR pouvait accorder peu de poids à la preuve documentaire soumise si d’autres éléments étayaient ses conclusions.

 

VIII. Analyse

[27]           Il est bien établi par la jurisprudence que cette Cour doit faire preuve de déférence à l’égard des conclusions de fait du tribunal administratif. La norme de la décision raisonnable doit s’appliquer (Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 RCS 190).

 

[28]           Plus récemment, la Cour suprême du Canada, dans Newfoundland and Labrador Nurses' Union c Terre-Neuve-et-Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62, [2011] 3 RCS 708, a précisé davantage la définition de la norme de la raisonnabilité :

[15]      La cour de justice qui se demande si la décision qu’elle est en train d’examiner est raisonnable du point de vue du résultat et des motifs doit faire preuve de « respect [à l’égard] du processus décisionnel [de l’organisme juridictionnel] au regard des faits et du droit » (Dunsmuir, au par. 48). Elle ne doit donc pas substituer ses propres motifs à ceux de la décision sous examen mais peut toutefois, si elle le juge nécessaire, examiner le dossier pour apprécier le caractère raisonnable du résultat. [La Cour souligne]

 

[29]           Le présent cas suscite l’évaluation du concept de « réfugié sur place » selon lequel un individu, qui n’est pas un réfugié au départ de son pays d’origine, pourrait néanmoins faire face à de la persécution advenant son retour en raison de circonstances particulières vécues dans son pays d’accueil (Kyambadde c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2008 CF 1307).  

 

[30]           L’ensemble de l’analyse de la SPR repose sur sa conviction que la demanderesse se serait convertie au christianisme dans le seul but de pouvoir demeurer au Canada. La SPR n’a pas avancé son analyse pour déterminer si la demanderesse faisait face à un risque de persécution compte tenu de sa conversion comme le démontre le passage suivant :

[16]      Certes, le tribunal est conscient de son état psychologique fragile, mais le tribunal n’a pas trouvé son témoignage crédible quant à sa conversion à la religion catholique car même si elle a soumis un certificat de baptême, ce document ne constitue pas, aux yeux du tribunal, une preuve probante mais considère plutôt qu’il s’agit d’une manœuvre pour rester au Canada. Donc, compte tenu du fait que les éléments de preuve que la demandeure lui a soumis, ces éléments sont insuffisants pour établir d’une part, une crainte raisonnable de persécution et d’autre part, un danger pour sa vie.

 

[31]           Le raisonnement suivant du juge Yves de Montigny dans Chen c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2009 CF 677, s’applique au cas présent :

[27]      Cette erreur a mené à une autre erreur : la Cour n’a pas déterminé si le demandeur devrait être considéré comme un réfugié sur place. Quel que soit le motif qui a conduit le demandeur à se convertir au christianisme, la Commission avait l’obligation de mener une analyse significative pour déterminer s’il pouvait être exposé à un risque en cas de renvoi en Chine. Sur cet aspect, je suis entièrement d’accord avec mon collègue le juge Blanchard dans Ejtehadian c. Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, 2007 CF 158, lorsqu’il a déclaré ce qui suit au paragraphe 11 :

 

Dans le cadre d’une demande d’asile sur place, la preuve crédible des activités d’un demandeur au Canada susceptibles d’attester le risque d’un préjudice dès son retour doit être expressément prise en considération par la CISR, même si la motivation derrière ces activités n’est pas sincère : Mbokoso c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] A.C.F. no 1806 (QL). La décision défavorable de la CISR est fondée sur la conclusion que la conversion du demandeur n’est pas authentique et est « seulement une solution pour demeurer au Canada et demander l’asile ». La CISR a reconnu que le demandeur s’est converti et qu’il a même été ordonné prêtre de la confession mormone. La CISR a aussi accepté la preuve documentaire voulant que les apostats sont persécutés en Iran. En évaluant les risques auxquels le demandeur pourrait faire face à son retour, dans le cadre d’une demande d’asile sur place, il est nécessaire de tenir compte de la preuve crédible de ses activités au Canada, indépendamment des motifs derrière sa conversion. Même si les motifs de conversion du demandeur ne sont pas authentiques, tel que l’a conclu la CISR en l’espèce, l’imputation possible d’apostasie à l’égard du demandeur par les autorités iraniennes peut néanmoins être suffisante pour qu’il réponde aux exigences de la définition de la Convention.

 

Voir aussi : Guobao Huang c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 132, au paragraphe 8; YanLing Li c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 266, aux paragraphes 24 et 25.

 

[La Cour souligne]

 

[32]           La SPR se préoccupe, dans sa décision, à la première relation vécue par la demanderesse avec un citoyen canadien qui lui aurait promis de l’épouser et sur son second mariage avec un citoyen canadien, d’origine indienne, qui s’est engagé à la parrainer. Elle déduit donc que la demande d’asile n’est pas crédible. Ce raisonnement ne prend pas compte que, selon les nuances en preuve, la demanderesse ne voulait pas à tout pris retourner sachant que sa situation serait précaire dans son pays d’origine; et, comme démontré par la jurisprudence précédemment citée, la SPR ne s’adresse pas à la preuve des activités de la demanderesse au Canada.

 

[33]           Ainsi, pour remettre en question la crédibilité de la demanderesse, la SPR indique que celle-ci ne fut pas en mesure d’expliquer la signification du baptême, qu’elle a relaté de façon confuse en décrivant la cérémonie et qu’elle a été incapable de réciter les dix commandements. Cette Cour a déjà reconnu que la SPR ne devait pas se renfermer à une analyse microscopique du témoignage d’un demandeur d’asile (Attakora c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1989), 99 NR 168 (CAF); Dong c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2010 CF 55, au para 20).

 

[34]           Le procès-verbal d’audience révèle que la SPR a insisté longuement dans son interrogatoire sur la présence obligatoire de « parrains » lors de la cérémonie du baptême, terme que la demanderesse n’aurait vraisemblablement pas compris. Celle-ci a tout de même expliqué la présence de deux femmes à ses côtés au moment de la célébration du baptême par le prêtre en plus d’expliquer le « rêve » l’ayant guidé à se convertir (Dossier du tribunal [DT] aux pp 223-230). 

 

[35]           À la question générale de la SPR relative à la préparation avant le baptême, la demanderesse a expliqué ce que signifiait pour elle la cérémonie du baptême, elle a parlé des différents évangiles, récité deux prières et soutenu qu’elle allait à la messe une fois par semaine (DT aux pp 231-232). Ces faits ne sont pas mentionnés dans la décision de la SPR. Suite à l’examen du procès-verbal, la SPR n’a pas adéquatement examiné la crédibilité de la conversion de la demanderesse au christianisme déterminant que cette conversion, si elle avait eu lieu, s’inscrivait que dans le dessein de demeurer au Canada.

 

[36]           La SPR ne mentionne pas la lettre d’appui de Roger Dubois, diacre permanent du diocèse de Montréal, confirmant le décès du père Yves Gauthier, le guide de la demanderesse, et de la disponibilité du prêtre actuel qui l’a accompagné à venir témoigner concernant sa participation à la paroisse, lieu de célébration de son baptême (DT à la p 104).

 

[37]           La SPR, étant d’avis que la demanderesse a créé des faits établis pour pouvoir demeurer au Canada, n’a pas pris soin de s’attarder aux agissements de celle-ci au Canada dans tout son ensemble pour déterminer si elle est une réfugiée sur place.

 

[38]           De plus, cette Cour n’est pas convaincue, à sa lecture de la décision, que l’état psychologique de la demanderesse a été pris en compte. La SPR a affirmé qu’elle a reconnu la fragilité de l’état psychologique de la demanderesse. La SPR, comme décideur de fait, possède la juridiction d’évaluer la preuve à sa façon selon sa juridiction, mais doit, néanmoins, soulever les éléments qui peuvent être catégoriquement contraires à ses conclusions (Cepeda-Gutierrez c Canada (Ministre de la Citoyenneté et d l'Immigration) (1998], 157 FTR 35, [1998] ACF no 1425 (QL/Lexis)). D’ailleurs, la conversion de la demanderesse est éclaircie par des propos discutés dans le rapport psychologique.

 

[39]           La SPR n’a pas procédé à une analyse de l’ensemble de la preuve.

 

[40]           La SPR, comme tribunal de fait, possède l’avantage d’écoute des revendicateurs d’asile et, par cela, de juger leur crédibilité. La décision de la SPR est viciée suite à sa détermination précipitée que la demanderesse se livrait à un stratagème lui permettant de demeurer au Canada. Donc, la SPR n’a pas procédé à un examen adéquat des documents à l’appui du témoignage qui aurait nécessité une évaluation dans l’ensemble du contexte.

 

IX. Conclusion

[41]           Pour toutes ces raisons, la décision de la SPR est déraisonnable. La demande de contrôle judiciaire est accueillie et l’affaire est retournée pour redétermination par un panel autrement constitué.

 


JUGEMENT

LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire soit accueillie et l’affaire soit retournée pour redétermination par un panel autrement constitué. Aucune question grave de portée générale à certifier.

 

“Michel M.J. Shore”

Juge


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-7166-11

 

INTITULÉ :                                       NOUR EL HOUDA EL AOUDIE c

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               le 4 avril 2012

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LE JUGE SHORE

 

DATE DES MOTIFS :                      le 19 avril 2012

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Alain Joffe

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Denisa Chrastinova

POUR LA DÉFENDERESSE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Alain Joffe, avocat

Montréal (Québec)

POUR LA DEMANDERESSE

 

 

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)

POUR LA DÉFENDERESSE

 

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