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Date : 20120418


Dossier : T-1272-97

Référence : 2012 CF 454

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 18 avril 2012

En présence de monsieur le juge Rennie

 

ENTRE :

 

MERCK & CO., INC. et MERCK FROSST CANADA INC.

 

 

 

demanderesses (défenderesses reconventionnelles)

 

et

 

 

 

APOTEX INC. et APOTEX FERMENTATION INC.

 

 

 

défenderesses (demanderesses reconventionnelles)

 

 

 

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

[1]               Par voie de requête, les défenderesses interjettent appel d’une ordonnance de la protonotaire Rosa Aronovitch, datée du 28 juillet 2011, refusant aux défenderesses Apotex Inc. (Apotex) et Apotex Formation Inc. (AFI) (les défenderesses) l'autorisation de modifier leur nouvelle défense modifiée respective. Pour les motifs exposés ci‑après, la requête est accueillie.

 

Les faits

[2]               La présente requête repose sur une question de droit. Par conséquent, seul un bref exposé des faits est nécessaire, dans la mesure où il cerne la question juridique.

 

[3]               La demanderesse Merck & Co., Inc. (Merck) a obtenu le brevet canadien no 1,161,380 (le brevet 380) et l’a concédé sous licence à Merck Frosst Canada Inc. (Merck Frosst) (collectivement appelé les demanderesses). Le brevet 380 a été délivré à l'égard de la lovastatine, un produit pharmaceutique utilisé pour traiter le cholestérol. Le 12 juin 1997, Apotex a obtenu un avis de conformité pour l’Apo‑lovastatine. Le lendemain, les demanderesses ont institué une action en contrefaçon de brevet. Quatre ans plus tard, pour diverses raisons liées à la nature du litige, Apotex a déposé sa première défense.

 

[4]               Le 14 novembre 2003, du consentement des parties, l'action a été scindée. Le procès concernant la responsabilité a commencé le 1er février 2010 et a pris fin le 21 mai 2010. Dans Merck & Co Inc c Apotex Inc, 2010 FC 1265, la juge Judith Snider a conclu que les défenderesses étaient responsables de la contrefaçon du brevet de Merck. Le deuxième procès portant sur la fixation des dommages‑intérêts doit commencer le 8 avril 2013. Les défenderesses ont sollicité l'autorisation de modifier leur défense relativement à ce second procès, ce qui leur a été refusé. C'est ce refus d'autorisation qui a donné lieu à la présente requête.

 

[5]               Les défenderesses se proposaient de plaider qu'elles auraient pu utiliser un autre procédé n'emportant pas contrefaçon pour produire l’Apo‑lovastatine et que, par conséquent, les dommages subis par les demanderesses en raison de l'emploi effectif d'un procédé opérant contrefaçon pour produire la lovastatine ne sont pas vraiment des dommages en raison de l’existence d’un procédé n'emportant pas contrefaçon.

 

[6]               Pour situer le contexte, à un certain moment après avoir obtenu l'avis de conformité à l'égard de l’Apo‑lovastatine, Apotex a conclu une coentreprise avec Blue Treasure, une entreprise située en Chine et dont AFI est une importante actionnaire. Au départ, Blue Treasure a produit l’Apo‑lovastatine en utilisant un autre procédé n'emportant pas contrefaçon. Elle a par la suite commencé à produire l’Apo‑lovastatine au moyen d'un procédé emportant contrefaçon, engageant de ce fait la responsabilité d’Apotex.

 

[7]               Les défenderesses soutiennent toutefois que l'existence de cet autre procédé non contrefaisant pour produire la lovastatine, qu'elles ont utilisé pendant un certain temps, constitue un moyen de défense et que la protonotaire a commis une erreur en leur refusant l'autorisation de modifier leur défense pour l'inclure. Cette modification permettrait aux défenderesses de faire valoir que les pertes dont elles peuvent être responsables en raison de la conclusion de contrefaçon de la juge Snider ne sont pas vraiment des dommages. 

 

La norme de contrôle et la question en litige

[8]               La norme de contrôle applicable aux décisions d’un protonotaire est énoncée dans l'arrêt Merck & Co c Apotex Inc, 2003 CAF 488, au paragraphe 19. Le juge saisi de l'appel contre l'ordonnance discrétionnaire d'un protonotaire ne doit pas intervenir sauf si l'ordonnance porte sur des questions ayant une influence déterminante sur l'issue du principal ou si l'ordonnance est entachée d'erreur flagrante, en ce que le protonotaire a exercé son pouvoir discrétionnaire en vertu d'un mauvais principe ou d'une mauvaise appréciation des faits. La Cour doit entendre l’affaire de novo s’il est satisfait à l’un des deux volets du critère.

 

[9]               S’agissant des décisions refusant l'autorisation de modifier des actes de procédure, le critère se raffine quelque peu. Le juge Roger Hughes exprime bien ce point dans Chrysler Canada Inc c Canada, 2008 CF 1049, au paragraphe 4 :

Si un protonotaire a radié un acte de procédure, cette décision est bien sûr déterminante sur l'issue du principal. Toutefois, si comme c'est le cas en l'espèce, le protonotaire n'a pas radié l'acte de procédure, la décision ne règle pas définitivement une question quelconque de l'affaire, et donc la décision en cause en l'espèce doit être examinée d'après le second critère énoncé dans l'arrêt Merck, précité, c'est-à-dire : est-elle entachée d'erreur flagrante, parce qu'elle a été fondée sur un mauvais principe ou une mauvaise appréciation des faits? Ainsi que l'a affirmé le juge Hugessen, au paragraphe 2 de la décision Peter G. White management ltd. c. Canada, 2007 CF 686 :

 

2 Comme je suis d'accord avec le protonotaire, non seulement au sujet de sa conclusion, mais aussi au sujet des motifs qu'il a rendus à l'appui de sa conclusion, il n'est pas nécessaire que j'examine en détail la norme de contrôle applicable aux appels devant un juge d'une décision d'un protonotaire. Je note cependant que, contrairement à l'observation de l'avocat de la Couronne, le simple fait que le recours présenté au protonotaire aurait pu avoir une influence déterminante sur l'issue du principal ne veut pas dire que le juge doive reprendre l'affaire de novo. Il ressort clairement de l'examen des décisions, et particulièrement de l'arrêt clé de la Cour d'appel fédérale dans l'affaire Canada c. Aqua-Gem Investments Ltd., [1993] 2 C.F. 425 (C.A.), que ce n'est pas le recours présenté, mais plutôt l'ordonnance que le protonotaire rend qui doit avoir une influence déterminante sur l'issue du principal pour que le juge ait à examiner l'affaire de novo. J'ajoute que, bien que je sois évidemment au courant de la récente décision de la Cour d'appel fédérale dans l'affaire Merck & Co. Inc. c. Apotex Inc., [2003] A.C.F. no 1925 (C.A.) (QL), dans laquelle le juge Décary a reformulé la règle et a parlé, selon la version anglaise de l'arrêt, de "the questions raised in the motion [les questions soulevées dans la requête]", je suis convaincu qu'il ne faisait pas référence à la requête présentée au protonotaire, mais plutôt à la requête (voir article 51 des Règles des Cours fédérales) présentée au juge en appel de l'ordonnance du protonotaire. En bref, sauf circonstances extraordinaires, la décision d'un protonotaire de ne pas radier une déclaration n'a pas d'influence déterminante sur l'issue du principal. Le choix de la norme de contrôle est dicté par l'ordonnance qui a été prononcée, et non par celle qui aurait pu l'être.

 

[10]           Par analogie, puisque l'ordonnance visée par l'appel empêche les défenderesses d'invoquer ce qu'elles considèrent être un important moyen de défense à l'encontre des réclamations de dommages‑intérêts et « vu l'ordonnance qui a été prononcée », celle-ci sera examinée de novo. Par conséquent, un examen de novo du moyen modifié dans la défense s'impose à l'égard de ce volet du critère.

 

La question en litige dans le présent appel

 

[11]           La question fondamentale est la question de savoir s’il convient d’accorder aux défenderesses l’autorisation de modifier leur défense pour y inclure le moyen voulant que l'existence d'un autre procédé non contrefaisant dont elles pouvaient se prévaloir réduit à néant la perte ou les dommages que les demanderesses ont effectivement subis. Le moyen de défense repose sur la théorie ou le concept voulant les demanderesses auraient de toute façon subi ces pertes du fait de la présence des défenderesses sur le marché et de la concurrence. En réponse, les défenderesses déclarent que lorsqu’il fait suite à une conclusion de contrefaçon et au choix des dommages‑intérêts, le moyen de défense fondé sur une solution de substitution non contrefaisante est rejeté depuis plus d'un siècle.

 

[12]           L'essence de la prétention des défenderesses, et la conclusion de la protonotaire en ce qui la concerne, est résumée à la page 5 de l'ordonnance :

[traduction] Il ressort clairement de la jurisprudence qu’en accordant la reddition de comptes selon l’equity, c'est-à-dire la restitution des profits des défenderesses, dans une action en contrefaçon, la Cour peut prendre en compte les technologies n'entraînant pas contrefaçon qui peuvent être accessibles à la partie déclarée responsable de contrefaçon. Apotex et AFI soutiennent que l'approche en matière de causalité adoptée dans le calcul d'une indemnisation équitable devrait s'appliquer également à l'évaluation de dommages‑intérêts pour contrefaçon de brevet, puisque ceux‑ci sont aussi des réparations non punitives destinées à placer le demandeur dans la situation où il se serait trouvé n'eût été le manquement. En l'espèce, les défenderesses soulignent que l’existence d'un autre procédé n'était pas théorique. Il existait un procédé n'entraînant pas contrefaçon que les défenderesses avaient en effet utilisé pour produire de la lovastatine en vrac et, selon elles, il faudrait en tenir compte pour réduire les dommages‑intérêts des demanderesses de la même manière qu'on le ferait à la faveur d'une reddition de comptes.

 

 

[13]           La protonotaire a examiné les précédents au Royaume‑Uni, aux États‑Unis et au Canada et a rédigé une décision étoffée dont la substance repose sur la jurisprudence de ces ressorts. Bien qu’elle ait conclu que la common law dans chacun de ces pays a historiquement rejeté l'argument des défenderesses, plus fréquemment dans certains pays que dans d’autres, il existe au Canada peu de jurisprudence pertinente rejetant le moyen dans le contexte de la fixation de dommages‑intérêts après une conclusion de contrefaçon dans une action en matière de brevet. La plupart des commentaires sur la question semblent provenir de la doctrine plutôt que de la jurisprudence.

 

 

 

 

 

Critère relatif à l'autorisation de modifier des actes de procédure

 

[14]           L'article 221 des Règles des Cours fédérales (DORS/98‑106) (les Règles) énonce le critère en vertu duquel la Cour peut radier des actes de procédure :

 

221. (1) À tout moment, la Cour peut, sur requête, ordonner la radiation de tout ou partie d’un acte de procédure, avec ou sans autorisation de le modifier, au motif, selon le cas :

 

    a) qu’il ne révèle aucune cause d’action ou de défense valable;

 

    b) qu’il n’est pas pertinent ou qu’il est redondant;

 

    c) qu’il est scandaleux, frivole ou vexatoire;

 

    d) qu’il risque de nuire à l’instruction équitable de l’action ou de la retarder;

 

    e) qu’il diverge d’un acte de procédure antérieur;

 

    f) qu’il constitue autrement un abus de procédure.

 

Elle peut aussi ordonner que l’action soit rejetée ou qu’un jugement soit enregistré en conséquence.

221. (1) On motion, the Court may, at any time, order that a pleading, or anything contained therein, be struck out, with or without leave to amend, on the ground that it

 

    (a) discloses no reasonable cause of action or defence, as the case may be,

 

    (b) is immaterial or redundant,

 

 

    (c) is scandalous, frivolous or vexatious,

 

    (d) may prejudice or delay the fair trial of the action,

 

 

    (e) constitutes a departure from a previous pleading, or

 

    (f) is otherwise an abuse of the process of the Court,

 

and may order the action be dismissed or judgment entered accordingly.

 

 

[15]           J’estime que le moyen voulant que l’existence d'un autre procédé non contrefaisant pour produire la lovastatine, que les défenderesses auraient pu continuer à employer plutôt que le procédé contrefaisant qu’elles ont effectivement employé selon la conclusion antérieure de la juge Snider, est un moyen dont le bien‑fondé devrait être déterminé par le juge du procès. En tirant cette conclusion, je répète que la Cour ne se prononce pas sur le fond d'un argument particulier des défenderesses, mais simplement sur la question de savoir si le moyen quelles veulent plaider enclenche l'application du critère de l'article 221 des Règles, de sorte qu'il leur serait interdit d'invoquer l'argument, le soustrayant à l'examen du juge du procès. Il s’ensuit donc nécessairement qu’il appartient au juge du procès de déterminer le poids à accorder à cet argument et de se prononcer sur la question de savoir s'il peut être accueilli lors du procès d'avril 2013.

 

[16]           La jurisprudence concernant la possibilité d'invoquer une solution de substitution n'entraînant pas contrefaçon par suite du choix du demandeur de réclamer des dommages‑intérêts plutôt qu’une reddition de comptes remonte à très loin. Cela commence au Royaume‑Uni avec United Horse‑Shoe and Nail Co Ltd c Stewart Co (1888), 5 RPC 260 (HL) et reçoit un accueil favorable dans Catnic Components Ltd c Hill & Smith Ltd, [1983] FSR 512 (Pat Ct). Au Canada, cette possibilité a été examinée dans Domco Industries c Armstrong Cork Canada Ltd, (1986), 10 CPR (3d) 53 (CF. 1re inst.), et dans Jay‑Lor International Inc c Penta Farm Systems Ltd, 2007 FC 358.

 

[17]           Puisque nous devons commencer par le commencement, le lord chancelier Halsbury a écrit ce qui suit aux pages 264 et 265 de United Horse‑Shoe :

[traduction] [...] La contrefaçon en cause consiste en la vente de caisses de clous produits par des machines brevetées, qui sont reconnues comme étant des contrefaçons des brevets des demanderesses. Chaque clou ainsi produit constituait une contrefaçon des brevets des demanderesses, dont la vente aurait pu être interdite et ouvrirait droit à une action à l'encontre de toutes les personnes liées à sa production et à sa vente. À mon avis, la question qui semble être soulevée est l'évaluation des dommages‑intérêts. [...] Je suis cependant convaincu que les boîtes et les caisses de clous vendues par les défenderesses ont de fait nui aux ventes des demanderesses.

 

[...] J'estime qu'il ne sert à rien de démontrer, si ce l’est, que les défenderesses auraient pu fabriquer des clous d'aussi bonne qualité, de façon toute aussi économique, sans aucunement contrefaire le brevet des demanderesses. Je présumerai que cela a été prouvé. Mais si l'on présume que les clous qui ont effectivement été fabriqués au moyen des machines piratées ont nui aux ventes des demanderesses, en quoi importe‑t‑il d’établir que la perte subie par celles-ci en raison de l'acte illégal des défenderesses aurait également été subie dans des circonstances qui ne donneraient aux demanderesses aucun droit d'action que ce soit?

 

[Non souligné dans l'original.]

 

 

[18]           La protonotaire a interprété ce passage comme rejetant expressément [traduction] « la possibilité pour les défenderesses d’invoquer l’existence d'une solution de substitution non contrefaisante pour réduire les dommages‑intérêts ». Dans Catnic, précité, la cour du Royaume-Uni a suivi United Horse‑Shoe et a écrit ce qui suit :

[traduction] Je dois déclarer d'emblée qu'à mon avis, les défenderesses ne peuvent pas se prévaloir en droit du premier argument (c.‑à‑d. l'argument présenté à l'alinéa (i)) : voir le principe énoncé à l'alinéa (d) ci-dessus. L'arrêt United Horse Shoe and Nail Company Limited — plus particulièrement les extraits précités tirés des discours à la Chambre des lords — permet d'affirmer que l'auteur d'une contrefaçon ne peut contrer l’action en dommages‑intérêts d’un breveté demandeur pour perte de profits en disant : « Oui, j'ai contrefait le brevet mais j'aurais pu accaparer ce marché en ne le contrefaisant pas. » Une grande partie des observations de M. Gratwick concernant la portion de l'action visant la « perte de profits » portait sur cet argument et une grande partie de la preuve des défenderesses le concernait, mais à mon avis l'argument est erroné en droit, la preuve qui vise à l’étayer n'est pas pertinente et il ne m’est pas nécessaire de l'examiner plus en profondeur.

 

 

[19]           Au Canada, dans l’affaire Domco, les défenderesses ont soutenu que leur responsabilité envers le paiement de dommages‑intérêts devait être réduite parce qu'elles auraient pu utiliser une solution de substitution non contrefaisante ou parce qu'elles auraient évité la contrefaçon en obtenant une licence. La cour a estimé que l’existence d'une solution de substitution non contrefaisante était [traduction] « non pertinente » et qu'elle devait être guidée par les [traduction] « faits concrets ». Autrement dit, les dommages‑intérêts doivent être évalués en fonction du choix exercé par le défendeur et non par les choix qu'il aurait pu faire :

[traduction] [...] Comme [l'arbitre] l'a indiqué, il faut regarder les faits concrets en ce qui a trait à ce qu’Armstrong a fait en l'espèce et la perte subie par Domco. Le fait qu’Armstrong aurait pu faire concurrence en vertu d'une licence est aussi peu pertinent, à mon avis, que l'argument portant que l'auteur de la contrefaçon aurait pu vendre un produit non contrefait.

 

 

[20]           Enfin, dans Jay‑Lor, précité, la juge Snider a statué comme suit aux paragraphes 113 à 115 :

Que signifie le choix des demanderesses en faveur des dommages‑intérêts?

 

Les tribunaux se sont penchés sur les distinctions à établir entre les dommages‑intérêts et la restitution des bénéfices. Dans l’arrêt Bayer Aktiengesellschaft c. Apotex Inc., (2001), 10 C.P.R. (4th) 151 à la page 156 (Ont. Sup. Ct.), 102 A.C.W.S. (3d) 406, conf. par 16 C.P.R. (4th) 417 (C.A. Ont.), le juge Lederman a décrit ainsi la différence entre les deux :

 

[traduction] […] Si l’objectif de chaque redressement est le même, les principes sous-jacents sont très différents. L’attribution de dommages‑intérêts vise à indemniser le demandeur des pertes qu’il a subies en raison de la contrefaçon. Le montant des bénéfices réalisés par le contrefacteur n’est pas pertinent. La restitution des bénéfices, par ailleurs, vise la restitution des bénéfices illicitement réalisés en raison de l’usage préjudiciable des biens du demandeur. Ces bénéfices, tirés de l’usage des biens du demandeur, appartiennent en droit au demandeur. […]

 

La Cour fédérale a accepté le principe selon lequel [traduction] « [i]l n’est pas pertinent de se demander si la défenderesse n’aurait pas pu causer à la demanderesse des dommages tout aussi grands si elle avait, au lieu de commettre une contrefaçon, pris des mesures pour éviter les revendications du brevet : les actes de contrefaçon étaient illicites et la seule question qui se pose est celle des dommages qu’ils ont causés ». (Domco Industries Ltd. c. Armstrong Cork Canada Ltd. et al. (1983), 76 C.P.R. (2d) 70 à la page 73 (C.F. 1re inst.), décision modifiée pour d’autres motifs (1986), 10 C.P.R. (3d) 53 aux pages 61 et 62 (C.F. 1re inst.)). Le fait que le demandeur aurait pu faire concurrence en vertu d’une licence est aussi peu pertinent que l’argument portant que l’auteur de la contrefaçon aurait pu vendre un produit non contrefait (Domco Industries, précitée, à la page 73).

 

 

[21]           Je souscris à l'examen de la jurisprudence antérieure qu’a effectué la protonotaire. Toutefois, je diverge d’opinion lorsqu’on remet l'argument proposé dans le contexte du but et de l'objet d'une requête en radiation au motif que l'acte de procédure « ne révèle aucune cause d'action ou de défense valable ». Dans l'arrêt récent R c Imperial Tobacco Canada Ltd, 2011 CSC 42, la Cour suprême du Canada a examiné, au paragraphe 21, l'approche à adopter à l'égard des requêtes en radiation :

Quoique très utile, la requête en radiation ne saurait être accueillie à la légère.  Le droit n’est pas immuable. Des actions qui semblaient hier encore vouées à l’échec pourraient être accueillies demain. […]  L’histoire de notre droit nous apprend que souvent, des requêtes en radiation ou des requêtes préliminaires semblables, à l’instar de celle présentée dans Donoghue c. Stevenson, amorcent une évolution du droit. Par conséquent, le fait qu’une action en particulier n’a pas encore été reconnue en droit n’est pas déterminant pour la requête en radiation. Le tribunal doit plutôt se demander si, dans l’hypothèse où les faits allégués seraient avérés, il est raisonnablement possible que l’action soit accueillie. L’approche doit être généreuse et permettre, dans la mesure du possible, l’instruction de toute demande inédite, mais soutenable.

 

           

[22]           Dans l'arrêt Laboratoires Servier c Apotex Inc, 2007 CAF 350, aux paragraphes 31, 34 et 46, la Cour d'appel a examiné la question de savoir s'il y avait lieu de permettre qu’un argument douteux puisse être invoqué au procès :

La question précise que la juge devait trancher consistait à savoir s’il était « évident et manifeste », par application de l’alinéa 61(1)b), qu’Apotex ne pouvait pas obtenir gain de cause sur la question de la « paternité de l’invention ». Il ne s’agissait pas pour la juge de faire un choix entre deux interprétations, mais de décider si l’interprétation qu’il fallait donner de l’alinéa était inévitable. À mon avis, elle ne l’était pas.

 

[…]

 

Au paragraphe 39 de ses observations écrites, Apotex soutient, et justement à mon avis, que [traduction] « si la partie intimée a proposé une interprétation contradictoire qu’il " convient d’examiner ", il n’est pas évident et manifeste que la revendication sera rejetée ». Bien qu’il soit clair que la juge a correctement interprété le critère du caractère « évident et manifeste » énoncé dans Hunt, elle n’a pas déterminé s’il « convenait d’examiner » l’interprétation avancée par Apotex ou si cette interprétation avait quelque chance d’être accueillie. Elle a plutôt tiré sa propre conclusion sur la question litigieuse de l’interprétation de la loi. À mon avis, la juge a commis une erreur. C’est pourquoi je me penche maintenant sur la question de savoir si l’interprétation avancée par Apotex a quelque chance d’être accueillie.

 

[…]

 

Après avoir examiné attentivement l’argumentation d’Apotex et la jurisprudence qu’elle a citée, je suis convaincu qu’il n’est pas possible de dire que son interprétation de l’alinéa 61(1)b) est faible ou dénué de tout fondement. J’aimerais ajouter qu’aucune décision publiée à ce jour ne porte sur l’interprétation appropriée de l’alinéa 61(1)b) et qu’aucune des affaires mentionnées par la juge et les parties ne vont clairement dans le sens de l’interprétation préconisée par la juge.

 

 

[23]           À l'occasion de la plaidoirie, on a fait valoir que l'arrêt Imperial Tobacco avait modifié le droit en ce qui a trait aux requêtes en radiation, passant du critère du caractère « évident et manifeste » au critère relatif à « l'absence de chance raisonnable de succès ». Un argument semblable a été présenté au juge Roger Hughes dans Association of Chartered Certified Accountants c Institut canadien des comptables agréés, 2011 CF 1516. Lorsqu'il a rejeté l'argument, le juge a écrit ce qui suit au paragraphe 9 :

Je ne pense pas que l’arrêt Imperial Tobacco ait modifié la norme applicable à une radiation autant qu’on l’avance. Les paragraphes 17 à 25 de cet arrêt comportent un examen approfondi du droit sur ce sujet. Je tiens à préciser, ainsi que l’a écrit la juge en chef aux paragraphes 21 et 22, qu’une requête en radiation ne saurait être accueillie à la légère, que la Cour doit être généreuse et permettre dans la mesure du possible l’instruction de toute demande inédite mais soutenable, et que les faits sont réputés véridiques sauf s’ils ne peuvent manifestement pas être prouvés.

 

 

[24]           Je suis d'accord avec cette analyse concernant l’effet de l'arrêt Imperial Tobacco, et pour situer le moyen de défense dans le contexte de la directive de la juge en chef selon laquelle des prétentions nouvelles mais soutenables devraient être autorisées à aller de l'avant, plusieurs observations s'imposent :

a.       Le moyen de défense proposé reçoit un accueil favorable dans la jurisprudence majoritaire américaine; Grain Processing Corporation v American Maize-Products Co, [1999] USCAFED 131; 185 F3d 1341 (Fed Cir 1999), au paragraphe 10 :

[traduction] […] une reconstitution équitable et exacte du marché qu'il faudrait décrire aux fins de comparaison doit également prendre en compte, lorsqu'il est pertinent de le faire, les autres mesures prévisibles que l'auteur de la contrefaçon aurait prises s'il n'avait pas commis la contrefaçon. Sans le produit contrefait, un éventuel auteur de contrefaçon logique offrira vraisemblablement une autre solution acceptable qui n'entraîne pas contrefaçon, si elle existe, pour concurrencer le titulaire du brevet plutôt que de quitter le marché purement et simplement. Il est peu vraisemblable que le concurrent sur le marché qu'il faudrait décrire aux fins de comparaison abandonne la totalité de sa part de marché en présence d'un brevet, s’il pratiquait une concurrence d'une autre manière légitime. De plus, ce n'est qu'en comparant l'invention brevetée à la meilleure solution de substitution non contrefaisante ou à de telles solutions, peu importe si ces solutions étaient réellement fabriquées et vendues pendant la durée de la contrefaçon, que la cour peut établir la valeur marchande du droit exclusif du titulaire de brevet et par conséquent, les profits ou récompenses auxquels il s'attendait, si les activités de l'auteur de la contrefaçon ne l'avaient pas empêché de bénéficier pleinement de l'avantage économique de son droit. […] Ainsi, une reconstitution exacte du marché hypothétique qu'il faudrait décrire aux fins de comparaison tient compte de toutes les solutions de substitution dont peut se prévaloir l'auteur de la contrefaçon.

 

[Renvois omis.]

 

 

b.      Les défenderesses disent que la jurisprudence américaine doit être placée dans son contexte législatif, mais cette affirmation vise le bien‑fondé de l'argument, non la question de savoir si cet argument peut être radié sur requête présentée en vertu de l'article 221 des Règles.

c.       Deuxièmement, au cours des 125 années écoulées depuis l'arrêt United Horse‑Shoe, seules deux décisions canadiennes ont adopté et appliqué le principe (Domco en 1983 et Jay‑Lor en 2007). Dans les deux cas, l'argument a été rejeté après le procès et non à l'occasion d'une requête en radiation.

d.      Il est bien établi qu'une requête portant sur un acte de procédure n'est pas le cadre opportun pour trancher des questions de droit importantes.

e.       Les demanderesses soutiennent que la possibilité d'invoquer en défense la solution de substitution non contrefaisante doit être réévaluée à la lumière de l'approche de la Cour suprême du Canada (CSC) à l’égard des dommages‑intérêts. Les défenderesses font valoir que la distinction entre la restitution des profits et les dommages‑intérêts doit être réévaluée à la lumière de ce qui est décrit comme un changement dans le droit des dommages‑intérêts, dont témoignent les arrêts de la CSC Cadbury Schweppes Inc c FBI Foods Ltd, [1999] 1 RCS 142, et Canson Enterprises Ltd c Boughton & Co, [1991] 3 RCS 534.

f.        Le moyen de défense envisagé est soutenable et n'est ni frivole ni vexatoire, et l'argument à l'appui de ce moyen est plutôt solide et convaincant. En disant cela, la Cour ne fait aucune observation quant à son bien‑fondé ultime.

[25]           En ce qui a trait à la question du changement dans le droit des dommages‑intérêts, le juge Binnie a indiqué ce qui suit dans l'arrêt Cadbury :

En l’espèce, le juge de première instance en est arrivé à la conclusion, à laquelle a souscrit la Cour d’appel, que la formule du [jus] Clamato et ses procédés connexes, dans la mesure où ils avaient été communiqués aux appelants, constituaient une combinaison unique d’éléments, même si certains de ces éléments, voire tous, étaient eux‑mêmes bien connus dans l’industrie du jus. Il faut souligner qu’il est question en l’espèce d’emploi non autorisé et non pas de divulgation non autorisée. Il a été jugé que les renseignements transmis à Caesar Canning satisfont aux conditions qu’ils soient inaccessibles aux non‑initiés et qu’ils constituent une source identifiable et distincte d’information dont Caesar Canning s’est servie abusivement pour tirer un avantage commercial. Par conséquent, ces renseignements méritaient d’être protégés, mais quel a été pour les intimées le coût en argent de leur utilisation abusive?

 

[Non souligné dans l'original.]

 

 

[26]           Dans l'arrêt Canson, le juge en chef a statué comme suit :

En résumé, l'indemnisation est une mesure de redressement pécuniaire fondée sur l'equity à laquelle on peut avoir recours lorsque les redressements d'equity que sont la restitution et la reddition de comptes ne conviennent pas. Par analogie avec la restitution, elle tente de rendre au demandeur ce qu'il a perdu par suite du manquement, c'est‑à‑dire la possibilité qu'il a perdue. La perte réelle du demandeur par suite du manquement doit être évaluée en bénéficiant pleinement de la rétrospective. La prévisibilité n'intervient pas dans le calcul de l'indemnité, mais il est essentiel que les pertes compensées soient seulement celles qui, selon une conception normale du lien de causalité, ont été causées par le manquement. Le demandeur n'est pas tenu de limiter le dommage, selon l'expression utilisée en droit, mais les pertes résultant d'un comportement manifestement déraisonnable de la part du demandeur seront considérées comme découlant de ce comportement, et non pas du manquement. Lorsque le manquement commis par le fiduciaire permet à des tiers d'accomplir des actes préjudiciables ou négligents, ce qui a ainsi pour effet d'établir un lien direct entre le manquement et la perte, la perte en résultant pourra être recouvrée. Lorsqu'il n'existe aucun lien de ce genre, la perte doit être recouvrée auprès des tiers.

 

[Non souligné dans l'original.]

 

 

[27]           En somme, les défenderesses soutiennent que la distinction entre les deux chefs de dommages, s’ils ne sont pas regroupés, doivent être considérées comme étant subordonnés au seul critère général selon lequel les pertes compensées sont seulement celles qui, selon une conception normale du lien de causalité, ont été causées par le manquement.

 

[28]           Selon l'enseignement de l'arrêt Hunt c Carey Canada Inc, [1990] 2 RCS 959, et de l'arrêt Imperial Tobacco¸ précité, il n'est pas opportun à ce moment‑ci d'entreprendre une analyse détaillée de l'argument juridique et plus particulièrement de la question de savoir si l'argument envisagé est bien fondé. Ce point a été exposé dans l'arrêt Hunt c Carey, au paragraphe 33 :

Ainsi, au Canada, le critère régissant l'application de dispositions comme la règle 19(24)a) des Rules of Court de la Colombie‑Britannique est le même que celui régissant une requête présentée en vertu de la règle 19 de l'ordonnance 18 des R.S.C. : dans l'hypothèse où les faits mentionnés dans la déclaration peuvent être prouvés, est‑il « évident et manifeste » que la déclaration du demandeur ne révèle aucune cause d'action raisonnable? Comme en Angleterre, s'il y a une chance que le demandeur ait gain de cause, alors il ne devrait pas être « privé d'un jugement ». La longueur et la complexité des questions, la nouveauté de la cause d'action ou la possibilité que les défendeurs présentent une défense solide ne devraient pas empêcher le demandeur d'intenter son action. Ce n'est que si l'action est vouée à l'échec parce qu'elle contient un vice fondamental qui se range parmi les autres énumérés à la règle 19(24) des Rules of Court de la Colombie‑Britannique que les parties pertinentes de la déclaration du demandeur devraient être radiées en application de la règle 19(24)a).

 

[Non souligné dans l'original.]

 

 

[29]           Dans l'arrêt Hunt c Carey, la question était de savoir si le délit civil de complot pouvait s'étendre à une situation où on alléguait que les défenderesses avaient conspiré pour cacher des renseignements quant aux risques possibles de l'amiante pour la santé. Une longue jurisprudence, au Royaume-Uni et au Canada, rejetait ce moyen. De même, trois ans plus tôt, dans l'arrêt Frame c Smith, [1987] 2 RCS 99, la CSC avait refusé d'étendre la portée du délit civil dans de telles circonstances. Lorsque la question a été soulevée à nouveau dans l'arrêt Hunt c Carey, la CSC a conclu que ces arguments n'étaient pas déterminants. La Cour a répondu comme suit, aux paragraphes 47 et 52, à l'argument portant que la jurisprudence avait toujours refusé d’étendre la portée du délit civil de complot :

La difficulté que j'éprouve cependant, c'est qu'on nous demande en l'espèce d'examiner si les allégations de complot devraient être radiées de la déclaration du demandeur et non pas si le demandeur réussira à convaincre un tribunal que l'application du délit civil de complot devrait être étendue aux faits de l'espèce. En d'autres mots, la question qu'on nous pose est simplement de savoir s'il est « évident et manifeste » que la déclaration contient un vice fondamental.

 

[…]

 

Ce n'est pas parce qu'un acte de procédure révèle [traduction] « une question de droit contestable, difficile ou importante » que l'on peut radier certaines parties de la déclaration. Certes, j'irais jusqu'à dire que, lorsqu'une déclaration révèle une question de droit difficile et importante, il peut fort bien être capital que l'action puisse suivre son cours. Ce n'est que de cette façon que nous pouvons nous assurer que la common law en général, et le droit en matière de responsabilité civile en particulier, vont continuer à évoluer pour répondre aux contestations judiciaires qui se présentent dans notre société industrielle moderne.

 

 

[30]           Dans ce contexte et compte tenu de l'approche de la CSC en matière de requêtes en radiation, l’acte de procédure ici en cause ne contient pas un vice fondamental. L’appelante invoque une question de droit contestable, difficile et importante, et il est bien établi, depuis les arrêts Hunt c Carey, Fullowka c Pinkerton's of Canada Ltd, 2010 CSC 5, [2010] 1 RCS 132, et Imperial Tobacco, qu'une requête en radiation n'est pas le cadre opportun pour trancher des questions de droit importantes ou sérieuses. En effet, on a dit que même les arrêts liant un juge des requêtes ne sont pas un motif suffisant pour radier un acte de procédure si un appel interjeté à une cour supérieure peut raisonnablement donner lieu à une conception du droit différente : Fullowka c Whitford, (1996) 147 DLR (4th) 531. En l'espèce, il n'existe aucune jurisprudence canadienne faisant autorité, ni examen effectué par un juge du procès après une plaidoirie finale et dans le contexte de faits pertinents. 

 

[31]           Certes, l'argument se heurte à des obstacles considérables. Parmi ceux-ci, et non les moindres, il y a la Loi sur les brevets (LRC 1985, c P‑4) qui préserve le droit du demandeur de choisir entre les recours en restitution des profits ou en dommages‑intérêts, la difficulté logique inhérente à l'adjudication de dommages‑intérêts non pas en fonction de ce qui s'est produit, mais en fonction de ce qui ne s'est pas produit, et le rejet du moyen dans deux décisions antérieures de la Cour en 1986 et en 2007. Le fait que, de l'avis de la Cour, « une conception normale du lien de causalité » repose sur ce que les défenderesses ont fait, par opposition à ce qu'elles auraient pu faire, n'est pas déterminant; c’est plutôt une question qu'il vaut mieux laisser au juge du procès. On ne peut pas dire que la réponse est si peu concluante qu'il est évident et manifeste que le moyen ne peut être accueilli.

 

[32]           La requête est accueillie. Les dépens suivront l’issue de la cause.

 


ORDONNANCE

 

LA COUR ORDONNE que la requête soit accueillie. Les dépens suivront l’issue de la cause.

 

 

« Donald J. Rennie »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Christiane Bélanger, LL.L., réviseure

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

DOSSIER :                                         T-1272-97

 

INTITULÉ :                                        MERCK & CO., INC. et MERCK FROSST CANADA INC. c. APOTEX INC. et APOTEX FERMENTATION INC.

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Toronto

 

DATE DE L'AUDIENCE :                Le 11 janvier 2012

 

MOTIFS DE L'ORDONNANCE
ET ORDONNANCE 
:                       LE JUGE RENNIE

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 18 avril 2012

 

 

COMPARUTIONS :

 

Steven Mason (McCarthy Tétrault S.E.N.C.R.L., s.r.l.)

Andrew Reddon (McCarthy Tétrault S.E.N.C.R.L., s.r.l.)

POUR LES DEMANDERESSES

 

David Scrimger (Goodmans LLP)
Andrew Brodkin (Goodmans LLP)
John Myers (Taylor McCaffrey LLP)

POUR LA DÉFENDERESSE APOTEX INC.

 

POUR LA DÉFENDERESSE Apotex Fermentation Inc.

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

McCarthy Tétrault LLP
Avocats
Toronto (Ontario)

 

POUR LES DEMANDERESSES

 

Goodmans LLP

Avocats
Toronto (Ontario)

 

Taylor McCaffrey LLP

Avocats
Winnipeg (Manitoba)

POUR LA DÉFENDERESSE Apotex Inc.

 

 

 

POUR LA DÉFENDERESSE Apotex Fermentation Inc.

 

 

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