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Cour fédérale

 

Federal Court

 


Date : 20120416

Dossier : IMM-6269-11

Référence : 2012 CF 434

Ottawa (Ontario), le 16 avril 2012

En présence de madame la juge Bédard 

 

ENTRE :

 

SUMON ROY

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

 

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

         MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire à l’encontre d’une décision de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la Commission) datée du 22 août 2011, dans laquelle elle a conclu que le demandeur n’avait pas la qualité de réfugié ni de personne à protéger. La question déterminante était l’existence d’une possibilité de refuge intérieur (PRI).

 

 

I. Contexte

[2]               Le demandeur est citoyen du Bangladesh et il est de croyance hindoue. Il dit craindre des membres des groupes extrémistes islamistes Jamaat-i-Islami (groupe Jamaat) et du Bangladesh Nationalist Party (BNP). Sa demande est fondée sur les allégations suivantes. Le demandeur a protesté contre les propos et agissements de membres de ces deux groupes à deux reprises en 2006. Le second événement s’est produit en juillet 2006 alors que des membres de ces groupes islamistes ont attaqué le temple hindou que fréquentait le demandeur. Le demandeur aurait dit aux attaquants que leurs agissements ne correspondaient pas aux enseignements du Coran. Les assaillants l’ont regardé et sont partis. À partir de 2007, le demandeur aurait reçu environ cinq appels téléphoniques menaçants. En février 2008, il a rencontré trois membres du groupe Jamaat et deux membres du PNB qui l’ont attaqué et menacé. Dans son formulaire de renseignement personnel, le demandeur décrit l’incident comme suit :

27.       On 05 February 2008 1 encountered Tazul, Mizan, Zakir of the the Jamat and Juel & Rasel from the BNP at Sreemangal road in Moulvibazar at about 6-30 p.m., while returning from the Kalibari Temple.

 

28.       They punched me a few times and uttered the threat that they did not like to see me in this Muslim country any more from that time because of my activities against the Islam and my reporting to the Police against them. They also said that they did not want to spend their time by killing me execution style. 

 

[Sic throughout]

 

[3]               Sentant que sa vie était en danger, le demandeur a quitté son pays pour le Canada et y a fait une demande d’asile.

 

II. La décision contestée

[4]               La Commission a jugé que la question déterminante était celle relative à l’existence d’une PRI pour le demandeur, notamment à Dhaka. La Commission a indiqué qu’aux fins de cette détermination, elle tiendrait pour avérées les allégations du demandeur.

 

[5]               La Commission a jugé que si le demandeur demeurait à l’extérieur de la région Moulvibazar, où il habitait et où les incidents se sont produits, il serait en sécurité. La Commission a noté que Moulvibazar est une ville relativement petite d’approximativement 40 000 habitants située à plus de 150 kilomètres de Dhaka, qui elle compte approximativement 1 600 000 habitants et qui est située dans la Division de Sylhet qui, pour sa part,  a une population de près de 8 millions de personnes.

 

[6]               Au chapitre de la preuve documentaire sur les conditions de sécurité prévalant au Bangladesh, la Commission a noté que la majorité de la documentation traitant des conditions et du traitement réservé aux minorités religieuses au Bangladesh relatait que les abus n’étaient généralement pas liés uniquement à l’identité des personnes visées, mais impliquaient d’autres volets, par exemple, le contrôle de la terre qui est un élément central de la persécution dans la région de Chittagong Hills. La Commission a aussi noté qu’en l’espèce, la cause de l’assaut était reliée aux paroles que le demandeur avait prononcées. La Commission a également relevé les gestes positifs posés par le parti de la Ligue Awami pour assurer le respect du droit à la liberté de religion depuis son accession au pouvoir. Elle a par ailleurs reconnu que, malgré des améliorations, le gouvernement continuait d’éprouver de sérieuses difficultés à assurer et protéger les droits fondamentaux, incluant le droit à la liberté de religion, et que l’extrémisme religieux demeurait une menace persistante à la règle de droit et aux institutions démocratiques.

 

[7]               La Commission a par ailleurs noté divers éléments reliés aux circonstances propres du demandeur qui l’ont amenée à juger que la ville de Dakha constituait une PRI pour le demandeur. Le demandeur a invoqué que les membres du groupe Jamaat et du BNP pourraient le retrouver partout parce qu’il avait été étiqueté par eux (« targetted ») et que ces groupes avaient des réseaux très bien organisés. La Commission n’a pas retenu cet argument au motif qu’elle ne voyait pas pourquoi le demandeur présenterait un intérêt tel pour les deux groupes en cause et qu’ils voudraient le rechercher partout au pays, ni que les agents persécuteurs auraient accès aux ressources de l’État pour le retracer. La Commission a fondé sa conclusion sur plusieurs éléments, notamment :

 

a.       Lors de l’incident de 2006, le demandeur n’a pas été violent à l’égard des assaillants;

b.      Le demandeur n’a relevé qu’un seul incident où il a été attaqué et battu;

c.       Le demandeur n’occupait pas des responsabilités importantes au sein du temple;

d.      Les agents persécuteurs du demandeur ne sont pas membres d’organisations gouvernementales;

e.       Le demandeur a une connaissance limitée de ses agents persécuteurs;

f.        Les événements s’étaient produits plus de deux ans auparavant et le demandeur n’a pas été informé que ses agents persécuteurs le recherchaient bien que les membres de sa famille résident toujours dans cette région et qu’il maintient avec eux des contacts réguliers.

 

[8]               La Commission a également jugé que même si les agents de persécution du demandeur le recherchaient, il était peu probable qu’il soit reconnu dans les rues de Dakha ou qu’on le relie à l’incident de 2008.

 

[9]               La Commission a également jugé que Dakha constituait pour le demandeur une PRI raisonnable. La Commission a noté, à cet égard, que bien que le demandeur ait un accent différent, son métier de vendeur était facilement exportable et il était possible pour un vendeur qui a quelque facilité avec la langue de se relocaliser. Elle a également noté que le demandeur n’était pas marié et qu’il n’avait pas d’enfants. La Commission a également cité l’extrait suivant du Guide opérationnel du Royaume-Uni :

The law provides for freedom of movement, and the Government generally respects this right in practice. Religious violence in Bangladesh is not state-sponsored, so internal relocation is generally a viable option and applicants in this category could relocate from areas where they are in the religious minority to safer areas that are not dominated by such violence or where they are in the majority.  

 

III. Question en litige

[10]           La seule question en litige dans le présent dossier a trait au caractère raisonnable de la décision de la Commission.

 

IV. Norme de contrôle

[11]         Il est bien établi que la norme de contrôle applicable aux décisions de la Commission en matière de PRI est celle de la décision raisonnable (Sanchez c Canada (ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 926 (disponible sur CanLII); Guerilus c Canada (ministre de la Citoyenneté et de l’immigration), 2010 CF 394 au para 10 (disponible sur CanLII); Krasniqi c Canada (ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 350 au para 25 (disponible sur CanLII); Martinez Ortiz c Canada (ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 726 au para 10 (disponible sur CanLII); Ramos Villegas c Canada (ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 699 au para 11 (disponible sur CanLII)).

 

[12]           La même norme s’applique à l’égard de l’appréciation que fait la Commission de la preuve qui lui est présentée. La Cour doit faire preuve de déférence à l’égard des conclusions de faits de la Commission et elle n’interviendra que si elle juge que la décision de la Commission n’appartient pas « aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » (Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9 au para 47, [2008] 1 RCS 190). De plus, il n’appartient pas à la Cour de substituer sa propre appréciation de la preuve à celle de la Commission, ni de réévaluer le poids accordé à la preuve. Dans Canada (Citoyenneté et Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12 au para 59, [2009] 1 RCS 339, le juge Binnie, écrivant pour la majorité, s’est exprimé comme suit :

59        . . . Lorsque la norme de la raisonnabilité s'applique, elle commande la déférence. Les cours de révision ne peuvent substituer la solution qu'elles jugent elles-mêmes appropriée à celle qui a été retenue, mais doivent plutôt déterminer si celle-ci fait partie des "issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit" (Dunsmuir, par. 47). Il peut exister plus d'une issue raisonnable. Néanmoins, si le processus et l'issue en cause cadrent bien avec les principes de justification, de transparence et d'intelligibilité, la cour de révision ne peut y substituer l'issue qui serait à son avis préférable.

 

 

V. Analyse

[13]           Le demandeur soutient que la Commission a fait une analyse déraisonnable de la preuve, et ce, à plusieurs égards.

 

[14]           Premièrement, le demandeur soutient que la Commission a erré dans son appréciation de la preuve documentaire sur les conditions prévalant à l’égard de la situation des personnes membres des minorités religieuses au Bangladesh. À son avis, la preuve documentaire démontre clairement que, malgré l’accession au pouvoir de la Ligue Awami et malgré les efforts déployés par les autorités, l’extrémisme religieux est toujours très présent et les cas de violence et d’attaques à l’endroit des membres des minorités religieuses sont fréquents. Les groupes religieux sont extrêmement violents et bien organisés et les autorités gouvernementales sont incapables d’assurer le respect du droit à la liberté de religion et la sécurité des membres des minorités religieuses. Le demandeur appuie sa position sur le jugement rendu par le juge Shore dans Barua c Canada (ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 59 (disponible sur CanLII) [Barua], dans lequel la Cour a jugé, sur la base de la même preuve documentaire que celle dont disposait la Commission dans le présent dossier, que la situation des minorités religieuses au Bangladesh ne s’était pas améliorée dans les faits malgré l’accession au pouvoir de la Ligue Awami, laquelle n’a pas respecté ses promesses.

 

[15]           Deuxièmement, le demandeur soutient que la Commission n’a pas mis en doute sa crédibilité mais qu’elle l’a par la suite remise en question de façon indirecte dans son analyse de la PRI. Le demandeur invoque qu’à partir du moment où la Commission a conclu qu’il était crédible, elle devait tenir pour avéré l’ensemble de son récit et ne pouvait tirer des conclusions qui ignoraient ou contredisaient certains éléments de son récit. Le demandeur estime que la Commission a largement minimisé sa situation et le risque qu’il encoure au Bangladesh. Puisque le demandeur a déclaré que ses agents persécuteurs l’avaient sommé de quitter le pays, et non seulement la région de Moulvibazar, et qu’ils l’avaient menacé de le tuer s’il ne quittait pas le pays, il est déraisonnable de penser qu’il ne pouvait pas se relocaliser dans une autre région du pays sans craindre ses agents persécuteurs. De plus, le demandeur a déclaré dans son témoignage que les membres du groupe Jamaat et du BNP avaient un réseau bien organisé qui leur permettrait de le retrouver partout au pays. Or, la Commission ne pouvait ignorer cet élément. Le demandeur soutient que compte tenu de la situation du demandeur, la décision de la Commission lui impose de prendre le risque de voir si ses agents persécuteurs concrétiseront leur menace, ce qui équivaut à lui imposer de jouer à la « roulette russe » avec sa vie. 

 

[16]           Troisièmement, le demandeur soutient que la Commission a également ignoré la lettre du président du temple que le demandeur fréquentait, laquelle confirme qu’il a été ciblé par les groupes PNB et Jamaat suite aux événements de 2006 et qu’il a été persécuté par eux.

 

[17]           Quatrièmement, le demandeur soutient qu’il était déraisonnable pour la Commission d’appuyer son analyse du caractère raisonnable de la PRI sur le Guide opérationnel britannique et qu’elle s’est, à tort, sentie liée par les lignes directrices émises dans ce guide.

 

[18]           Cinquièmement, le demandeur soutient que la Commission a erré en introduisant le concept de possibilité de protection de l’État dans une région autre que Moulvibazar.

 

[19]           Avec respect et malgré les arguments habilement présentés par le procureur du demandeur, je considère que la décision de la Commission est raisonnable et que l’intervention de la Cour n’est pas justifiée.

[20]           La question relative à l’existence d’une PRI fait partie intégrante du concept de réfugié (Rasaratnam c Canada (ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1992] 1 CF 706 (disponible sur QL) [Rasaratnam]. La détermination quant à l’existence ou non d’une PRI implique une évaluation des circonstances relatives aux conditions prévalant dans le pays d’origine du demandeur, mais également une appréciation des circonstances propres à sa situation. Les conditions de sécurité prévalant au pays sont certes un des éléments à considérer, mais cette évaluation ne peut pas se faire de façon générale et abstraite; elle doit être mise en contexte avec la situation particulière du demandeur pour déterminer si, compte tenu de l’ensemble des circonstances, il existe ou non une PRI.

 

[21]           La détermination d’une PRI comporte deux volets. D’abord, la Commission doit être persuadée, selon la prépondérance de la preuve, qu’il n’est pas vraisemblable que le demandeur d’asile soit persécuté dans la région envisagée comme PRI ou qu’il y soit exposé à la torture, à une menace pour sa vie ou à un risque de subir des traitements ou peines cruels et inusités. Deuxièmement, il doit être raisonnable pour le demandeur d’asile de trouver refuge dans la région en cause, compte tenu de sa situation et des conditions de la PRI envisagée [Rasaratnam, p. 710].

 

[22]           Lorsqu’une PRI est invoquée, il appartient au demandeur de prouver que cette PRI n’existe pas ou qu’elle est déraisonnable compte tenu de sa situation Thirunavukkarasu c Canada (ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1993), [1994] 1 CF 589 au para 12, 109 DLR (4th) 682 (CA).

 

 

[23]           En l’espèce, il ne fait pas de doute que la preuve documentaire démontre que la situation demeure difficile pour les membres des minorités religieuses au Bangladesh. Bien que la Commission n’a pas mentionné toute la preuve documentaire, elle a reconnu que des difficultés et des sérieuses lacunes demeuraient à l’égard du respect des droits des minorités religieuses et que l’intégrisme religieux était toujours présent et actif. À mon avis, la Commission n’avait pas à mentionner et à commenter l’ensemble de la preuve documentaire dont elle était saisie (Cepeda-Gutierrez c Canada (ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1998), 157 FTR 35 au para 17, 83 ACWS (3d) 264 (CF). [Cepeda-Gutierrez] et les motifs de la Commission ne doivent pas être examinés de façon microscopique (Cepeda-Gutierrez, précité, au para 16). Dans Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c Terre-Neuve-et-Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62 au para 16, [2011] 3 RCS 708 [Newfoundland and Labrador Nurses’ Union], la Cour suprême a rappelé qu’il n’est pas nécessaire que le tribunal administratif mentionne tous les éléments de preuve et les arguments soulevés par les parties dans ses motifs:

16        Il se peut que les motifs ne fassent pas référence à tous les arguments, dispositions législatives, précédents ou autres détails que le juge siégeant en révision aurait voulu y lire, mais cela ne met pas en doute leur validité ni celle du résultat au terme de l'analyse du caractère raisonnable de la décision. Le décideur n'est pas tenu de tirer une conclusion explicite sur chaque élément constitutif du raisonnement, si subordonné soit-il, qui a mené à sa conclusion finale (Union internationale des employés des services, local no 333 c. Nipawin District Staff Nurses Assn., [1975] 1 R.C.S. 382, p. 391). En d'autres termes, les motifs répondent aux critères établis dans Dunsmuir s'ils permettent à la cour de révision de comprendre le fondement de la décision du tribunal et de déterminer si la conclusion fait partie des issues possibles acceptables.

 

 

[24]           En l’espèce, je considère qu’il ressort de la décision que la Commission a analysé la preuve documentaire et qu’elle n’a pas banalisé la situation prévalant au Bangladesh ni donné un portrait irréconciliable avec la preuve. Je considère également qu’il n’est pas déterminant que la Commission n’ait pas mentionné la lettre du président du Temple qui corrobore les allégations du demandeur et fait état de la situation générale des membres de la minorité hindoue au Bangladesh.

 

[25]           De plus, l’analyse de la Commission ne s’est pas arrêtée à l’examen de la preuve documentaire relative aux conditions qui prévalent au Bangladesh. La Commission était bien fondée d’examiner la situation personnelle du demandeur dans le contexte des conditions du pays. Je ne partage pas l’opinion du demandeur selon laquelle la Commission a, dans son analyse, indirectement remis en cause sa crédibilité.

 

[26]           Je considère qu’à la lumière de la preuve et en tenant le récit du demandeur pour avéré, il était raisonnable pour la Commission de conclure que Dhaka constituait une PRI pour le demandeur. Même si les agents persécuteurs du demandeur l’ont menacé de mort s’il demeurait au pays et même si le groupe Jamaat et le PNB ont des réseaux bien organisés, il n’était pas déraisonnable de conclure que la preuve ne démontrait pas que les agents persécuteurs auraient un intérêt, en 2011, à retracer le demandeur partout au pays. Plusieurs éléments pouvaient raisonnablement soutenir cette conclusion : (1) le temps écoulé depuis l’incident de 2006, (2) la nature de l’incident survenu en 2006, (3) le niveau de responsabilité du demandeur dans le temple, (4) le fait que la famille du demandeur continue de résider dans la même région sans problème, (5) le fait que personne n’a cherché à retrouver le demandeur depuis son départ et (6) le fait que les agents persécuteurs du demandeur ne sont pas des agents gouvernementaux. Il était également raisonnable de conclure qu’il était peu probable que le demandeur soit retrouvé ou reconnu dans une aussi grande ville que Dakha et, le cas échéant, qu’il soit associé aux événements de 2006.

 

[27]           Je considère également que la référence au Guide opérationnel britannique n’était pas inappropriée puisqu’elle démontrait que la violence à l’égard des minorités n’était pas cautionnée par le gouvernement et qu’il n’y avait pas d’obstacle à la liberté de mouvement. Cette information ne contredit pas d’autres éléments de preuve au dossier. Dans Ranganathan c Canada (ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (2000), [2001] 2 CF 164 au para 15 (disponible sur QL) (CA), la Cour a insisté sur le fardeau qui appartient au demandeur de démontrer le caractère déraisonnable d’une PRI :

15        Selon nous, la décision du juge Linden, pour la Cour d'appel, indique qu'il faille placer la barre très haute lorsqu'il s'agit de déterminer ce qui est déraisonnable. Il ne faut rien de moins que l'existence de conditions qui mettraient en péril la vie et la sécurité d'un revendicateur tentant de se relocaliser temporairement en lieu sûr. De plus, il faut une preuve réelle et concrète de l'existence de telles conditions.

 

 

[28]           En l’espèce, le demandeur n’a pas présenté une telle preuve.

 

[29]           Ainsi donc, malgré la situation des membres des minorités religieuses au Bangladesh, je considère que les conclusions de la Commission, fondées sur les circonstances propres du demandeur et des événements l’ayant amené à quitter le Bangladesh, font partie des issues raisonnables possibles eu égard à la preuve. J’estime de plus qu’il n’est pas possible de simplement transposer les conclusions de la Cour dans Barua au présent dossier; nous ne connaissons pas les circonstances propres au demandeur dans cette affaire sauf qu’il était secrétaire d’un temple bouddhiste et qu’il militait pour la protection des droits des bouddhistes dans sa communauté.

 

[30]           Comme l’a indiqué la Cour suprême dans Newfoundland and Labrador Nurses’ Union aux para 14-15, les motifs d’une décision doivent être examinés en corrélation avec la conclusion de la décision. Cette conclusion doit être appréciée à la lumière de l’ensemble du dossier pour déterminer se elle fait partie des issues possibles :

14        […] Il s'agit d'un exercice plus global : les motifs doivent être examinés en corrélation avec le résultat et ils doivent permettre de savoir si ce dernier fait partie des issues possibles. Il me semble que c'est ce que la Cour voulait dire dans Dunsmuir en invitant les cours de révision à se demander si "la décision et sa justification possèdent les attributs de la raisonnabilité" (par. 47).

 

15        La cour de justice qui se demande si la décision qu'elle est en train d'examiner est raisonnable du point de vue du résultat et des motifs doit faire preuve de "respect [à l'égard] du processus décisionnel [de l'organisme juridictionnel] au regard des faits et du droit" (Dunsmuir, par. 48). Elle ne doit donc pas substituer ses propres motifs à ceux de la décision sous examen mais peut toutefois, si elle le juge nécessaire, examiner le dossier pour apprécier le caractère raisonnable du résultat.

 

[31]           Pour tous ces motifs et à la lumière de l’ensemble du dossier, j’estime que la conclusion de la Commission est raisonnable et qu’il n’y a pas lieu que la Cour intervienne. Les parties n’ont proposé aucune question aux fins de certification et il n’existe aucune question susceptible d’être certifiée dans ce dossier.


 

JUGEMENT

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est rejetée. Aucune question n’est certifiée.

 

 

« Marie-Josée Bédard »

Juge

 

 

 

 

 

                   


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-6269-11

 

INTITULÉ :                                       SUMON ROY c MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 28 mars 2012

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LA JUGE BÉDARD

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 16 avril 2012

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Me Alain Joffe

 

POUR LE DEMANDEUR

Me Catherine Brisebois

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Me Alain Joffe

Montréal, Québec

 

POUR LE DEMANDEUR

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

Montréal, Québec

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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