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Date : 20120418


Dossier : IMM-6063-11

Référence : 2012 CF 452

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 18 avril 2012

En présence de monsieur le juge Near

 

 

ENTRE :

 

JING ZHAI

 

 

 

demanderesse

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               La demanderesse, Jing Zhai, demande l’annulation de la décision de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la Commission) prononcée oralement le 20 juillet 2011 et suivie de motifs écrits rendus le 10 août 2011. La Commission a conclu que la demanderesse n’était ni une réfugiée au sens de la Convention ni une personne à protéger aux termes des articles 96 et 97 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (LIPR).

 

[2]               Pour les motifs exposés ci-dessous, la demande sera rejetée.

 

I.          Les faits

 

[3]               La demanderesse est une citoyenne de la Chine. Elle a déposé une demande d’asile fondée sur sa crainte d’être persécutée en tant qu’adepte du Falun Gong.

 

[4]               Au départ, elle est venue au Canada à titre d’étudiante à l’Université de Guelph le 25 août 2009. Au cours de sa transition au pays, elle a fait une dépression et a développé des symptômes physiques et mentaux, comme de l’anxiété. Elle prétend qu’en septembre 2009, un ami lui a suggéré d’essayer le Falun Gong pour composer avec ces problèmes.

 

[5]               La demanderesse a envoyé des documents sur le Falun Gong à sa mère, en Chine. Lorsque la police a perquisitionné la demeure à la suite d’un incident non lié, la demanderesse allègue que les policiers ont trouvé ces documents. La demanderesse allègue que le 4 mai 2009, elle a reçu un courriel d’un parent affirmant que le Bureau de la sécurité publique (le BSP) était à sa recherche.

 

II.        La décision faisant l’objet du présent contrôle

 

[6]               La Commission a centré son appréciation sur la crédibilité. Étant donné que la demanderesse avait démontré posséder peu de connaissance des affaires, la Commission a conclu, selon la prépondérance des probabilités, qu’elle ne détenait aucun diplôme en commerce obtenu dans le cadre d’un programme avancé en Chine et que son permis d’études demandé sur ce fondement avait été obtenu au moyen de déclarations frauduleuses.

 

[7]               La Commission a noté que la demanderesse ne connaissait pas les conditions d’admission au programme de maîtrise en administration des affaires de l’Université de Guelph auquel elle avait prétendu vouloir s’inscrire après sa formation linguistique. La Commission n’a pas admis que la demanderesse ne ferait aucune démarche pour s’informer à ce sujet ou qu’elle aurait confié tous ces arrangements à un agent. En conséquence, la Commission a conclu que la demanderesse n’avait jamais eu réellement l’intention de suivre d’autres cours que des cours d’anglais langue seconde.

 

[8]               La Commission a trouvé invraisemblable que la demanderesse se tourne vers le Falun Gong, plutôt qu’à la médecine occidentale, alors qu’elle savait que cela était dangereux en Chine. La Commission a souligné que l’ami dont la demanderesse prétendait qu’il l’avait initiée au Falun Gong n’avait produit aucune lettre de référence corroborante. La Commission a été tout aussi intriguée par les renseignements selon lesquels la demanderesse avait pratiqué le Falun Gong à Toronto, et non à Guelph. Il était également invraisemblable que la demanderesse ait exposé sa famille à des risques en lui envoyant des documents relatifs au Falun Gong qui étaient susceptibles de causer des problèmes, sans tenir compte des problèmes de santé de sa mère.

 

[9]               La Commission a accordé peu de poids ou aucun poids à la documentation de la demanderesse et a statué que la demanderesse n’avait pas produit « d’éléments de preuve crédibles ni dignes de foi » au soutien de sa demande d’asile. La Commission n’a tout simplement pas cru que la demanderesse était recherchée par le BSP. Elle a conclu :

 

[39] Pour tous les motifs qui précèdent, et à la lumière de mon analyse, je conclus que la demandeure d’asile n’a jamais réellement été étudiante dans ce pays, à l’exception du fait qu’elle a suivi des cours d’anglais langue seconde qu’elle avait payés avant son arrivée ici. Selon la prépondérance des probabilités, elle n’a jamais eu l’intention véritable ni sincère de poursuivre ses études pour obtenir une maîtrise en administration des affaires, et elle a obtenu son visa d’étudiant principalement parce qu’il s’agissait d’un moyen pour entrer dans ce pays.

 

[40] Je ne dispose pas d’éléments de preuve crédibles ni dignes de foi démontrant qu’elle a réellement été une adepte du Falun Gong. Je ne crois pas forcément qu’elle pratiquerait le Falun Gong si elle retournait en Chine aujourd’hui. J’estime, selon la prépondérance des probabilités, que la demandeure d’asile s’est adonnée à la pratique du Falun Gong dans ce pays afin de donner du poids à une demande d’asile fondée sur une histoire inventée. […]

 

III.       Les questions en litige

 

[10]           La demanderesse soulève les questions suivantes :

 

a)         La Commission a-t-elle commis une erreur dans son appréciation de la crédibilité de la demanderesse?

 

b)         La Commission a-t-elle commis une erreur en omettant d’examiner la question de savoir si la demanderesse était une véritable adepte du Falun Gong?

 


IV.       La norme de contrôle

 

[11]           Les questions de fait et de crédibilité sont contrôlées selon la norme de la décision raisonnable (voir Triana Aguirre c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CF 571, [2008] ACF no 732, au paragraphe 14).

 

[12]           En appliquant cette norme, la Cour interviendra seulement lorsque la décision ne satisfait pas aux critères de justification, de transparence et d’intelligibilité et n’appartient pas aux issues possibles acceptables (Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 RCS 190, au paragraphe 47).

 

V.        Analyse

 

[13]           La demanderesse conteste les conclusions défavorables de la Commission quant à la crédibilité, au motif que ces conclusions sont fondées sur des détails qui ne sont pas essentiels à sa demande d’asile. En particulier, la Commission a centré son analyse sur les études de la demanderesse et ses réponses non convaincantes concernant ses cours. Selon la demanderesse, il était déraisonnable de s’attendre à ce que celle-ci donne des réponses détaillées à des questions concernant le contenu des cours, et il était déraisonnable de comparer les systèmes d’éducation canadien et chinois. Il était également compréhensible que la demanderesse s’en remette à un agent, étant donné qu’elle ne parlait pas l’anglais.

 

[14]           Toutefois, je ne suis pas persuadé que la Cour devrait infirmer pour ces motifs les conclusions de la Commission quant à la crédibilité, un domaine où la Cour doit faire preuve d’une grande retenue à l’égard des conclusions de la Commission. Bien que la Commission ait procédé à une enquête passablement poussée au sujet des études passées et des projets d’études de la demanderesse, il était raisonnable de s’attendre à ce que la demanderesse fournisse à tout le moins certains détails additionnels, et il était raisonnable que la Commission tire des conclusions défavorables quant à la crédibilité du défaut de la demanderesse de fournir de tels détails. Je note que ces conclusions peuvent être fondées sur « des invraisemblances, des contradictions, sur l’irrationalité et sur le sens commun » (voir Mubiayi c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CF 562, [2008] ACF no 719, au paragraphe 21; Shahamati c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1994] ACF no 415 (CA)).

 

[15]           Les arguments de la demanderesse se résument à un désaccord avec l’appréciation que la Commission a faite de la situation de la demanderesse et avec la conclusion de la Commission. À cet égard, la Cour ne peut être d’aucun secours pour la demanderesse.

 

[16]           En centrant son attention sur les études passées et les projets d’études de la demanderesse, la Commission peut paraître, au départ, avoir perdu de vue la demande d’asile prise dans son ensemble. Toutefois, dans le présent contexte, la Commission était bien fondée d’insister sur cette question, puisque celle-ci s’inscrivait dans le cadre d’une série d’événements qui avaient amené la demanderesse à venir au Canada et à demander l’asile sur le fondement de la pratique du Falun Gong. Selon l’appréciation générale de la Commission, la demanderesse a cherché par n’importe quel moyen à entrer au pays et s’est adonnée à la pratique du Falun Gong « afin de donner du poids à une demande d’asile fondée sur une histoire inventée ».

 

[17]           En outre, la Cour a déjà admis dans le passé des conclusions de manque général de crédibilité fondées sur des contradictions qui n’étaient pas directement reliées à un aspect essentiel d’une demande d’asile (voir, par exemple, Manoharan c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CF 871, [2003] ACF no 1125, au paragraphe 14; Qasem c Canada (de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CFPI 1182, [2002] ACF no 1618, au paragraphe 48; Feng c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 476, [2010] ACF no 556, au paragraphe 13).

 

[18]           La demanderesse conteste également les conclusions de la Commission relatives à sa pratique du Falun Gong. Selon la demanderesse, il était déraisonnable que la Commission laisse entendre que la demanderesse se serait tournée vers la médecine occidentale avant de se tourner vers le Falun Gong, alors qu’elle avait expliqué qu’elle était plus à l’aise avec la médecine chinoise traditionnelle. De même, la Commission a rejeté l’explication de la demanderesse selon laquelle celle-ci pensait qu’il serait sans danger d’envoyer des documents en Chine sur la foi d’assurances données par un employé de Postes Canada. Toute divergence touchant la pratique du Falun Gong à Toronto plutôt qu’à Guelph ne représentait pas une omission importante, particulièrement lorsque l’on considère que l’ami qui l’avait initiée au Falun Gong le pratiquait à Toronto.

 

[19]           En ce qui concerne les autres conclusions de la Commission quant à la crédibilité, je suis prêt à admettre que cette démarche était raisonnable dans les circonstances. La demanderesse a cité la décision Kauser c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 259, [2012] ACF no 283, au soutien de sa position selon laquelle la décision devrait être annulée. Toutefois, à mon avis, les faits de la présente espèce se distinguent clairement de ceux de cette affaire.

 

[20]           Comme le défendeur le laisse entendre dans ses observations, c’est pour des motifs valables que la Commission a demandé pourquoi la demanderesse n’avait pas tenté d’obtenir d’autres services médicaux, comme des services de santé de l’université, avant de pratiquer le Falun Gong qui était considéré comme dangereux en Chine. Le défaut de fournir une lettre corroborante de la personne qui aurait initié la demanderesse au Falun Gong pouvait également mener à une inférence défavorable quant à la crédibilité (voir Matsko c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CF 691, [2008] ACF no 884, au paragraphe 14; Bin c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2001 CFPI 1246, [2001] ACF no 1717, au paragraphe 21). De plus, le fait que la demanderesse se soit fiée aux assurances données par un employé de Postes Canada selon lesquelles des documents ne seraient pas ouverts et ne mettraient pas sa famille en danger paraissait raisonnablement invraisemblable.

 

[21]           Il appartenait aux issues possibles acceptables que la Commission statue que la demanderesse n’avait pas présenté « d’éléments de preuve crédibles ni dignes de foi » concernant plusieurs questions associées à des détails relatifs à sa situation.

 

[22]           Pour cette raison, la deuxième question soulevée par la demanderesse est dénuée de pertinence. En concluant que la demanderesse ne s’était pas réellement adonnée à la pratique du Falun Gong, la Commission a implicitement conclu qu’il n’y avait aucune possibilité sérieuse que la demanderesse soit persécutée à son retour en Chine.

 

VI.       Conclusion

 

[23]           Puisque les conclusions de la Commission quant à la crédibilité étaient raisonnables dans les circonstances, la demande de contrôle judiciaire sera rejetée.


JUGEMENT

 

LA COUR STATUE que la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

 

« D. G. Near »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

 

Christian Laroche, LL.B.

Juriste-traducteur et traducteur-conseil


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-6063-11

 

INTITULÉ :                                      JING ZHAI c MCI

 

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :              TORONTO

 

DATE DE L’AUDIENCE :             LE 19 MARS 2012

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                            LE JUGE NEAR

 

DATE DES MOTIFS :                     LE 18 AVRIL 2012

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Robert Blanshay

 

POUR LA DEMANDERESSE

Manuel Mendelzon

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Blanshay & Lewis

Barristers & Solicitors

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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