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Date : 20120412


Dossier : T-612-11

Référence : 2012 CF 419

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 2 avril 2012

En présence de monsieur le juge Rennie

 

 

ENTRE :

 

LA SOCIÉTÉ CANADIENNE DES POSTES

 

 

 

demanderesse

 

et

 

 

 

LE SYNDICAT DES TRAVAILLEURS ET TRAVAILLEUSES DES POSTES

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

           MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               La demanderesse sollicite le contrôle judiciaire de la décision d’un agent d’appel du Tribunal de santé et sécurité au travail Canada, qui a confirmé la directive d’un agent de santé et sécurité selon laquelle, elle, la demanderesse, contrevient au Code canadien du travail, LRC 1985, c L-2. Pour les motifs qui suivent, la demande est rejetée.

 

Les faits

[2]               Les faits dont il s’agit sont simples. En 2004, à la suite de négociations menées par leur agent de négociation, le Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes (le STTP), les facteurs ruraux et suburbains (les FRS) sont devenus des employés de la Société canadienne des postes (la SCP). Avant cette convention collective, les FRS étaient des agents contractuels de la SCP et n’étaient donc pas des employés de la SCP. Jusqu’à ce qu’ils deviennent des employés de la SCP, les FRS ne pouvaient pas former un syndicat conformément aux dispositions de la Loi sur la Société canadienne des postes, LRC 1985, c C-10) (la Loi sur la SCP) et aux dispositions du Code canadien du travail, LRC 1985, c L-2 (le Code).

 

[3]               En mars 2009, le STTP a exprimé l’avis que la SCP contrevenait à l’alinéa 134.1(3)a) du Code, parce qu’elle avait constitué plusieurs comités d’orientation en matière de santé et de sécurité, et cela sans l’accord des FRS, représentés par le STTP. Autrement dit, le STTP était d’avis que les FRS n’étaient pas considérés par la SCP comme partie intégrante du Comité national mixte de santé et de sécurité de l’Exploitation postale urbaine (le CNMSS-EPU) et qu’ils étaient représentés par un autre comité distinct.

 

[4]               À la suite d’une enquête, et après avoir assisté à une réunion du Comité national mixte de santé et de sécurité – Facteurs ruraux et suburbains (CNMSS-FRS), Bruce McKeigan, agent de santé et sécurité, a émis une directive. Il a conclu que la SCP contrevenait au Code, comme le prétendait le STTP. Il écrivait ce qui suit, dans sa directive du 17 décembre 2009 : [TRADUCTION] « L’employeur a établi plusieurs comités d’orientation sans l’accord du syndicat ». La directive priait la SCP de mettre fin à la contravention avant le 15 janvier 2010.

 

[5]               La SCP a fait appel le 14 janvier 2010 de la directive de l’agent de santé et sécurité au Tribunal de santé et sécurité au travail Canada, et la directive fut confirmée le 15 mars 2011 dans une décision de Michael Wiwchar, agent d’appel. Le 18 février 2010, l’application de la directive fut suspendue jusqu’à ce que soit rendue une décision sur le fond de l’appel. La demanderesse, la SCP, prie la Cour de réformer la décision rendue par l’agent d’appel le 15 mars 2011.

 

La norme de contrôle et les points litigieux

[6]               La demanderesse a soumis deux points litigieux à la Cour dans cette procédure de contrôle judiciaire :

a.       L’agent d’appel a-t-il commis une erreur de droit en donnant, de l’article 134.1 du Code, une interprétation que cette disposition ne saurait admettre?

b.      L’agent d’appel a-t-il manqué à un principe d’équité procédurale qu’il était tenu d’observer?

 

[7]               L’avocat de la demanderesse et celui du défendeur reconnaissent que, selon l’arrêt Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 RCS 190, il est clair que c’est la norme de la décision raisonnable qu’il convient d’appliquer aux questions mixtes de droit et de fait, et que c’est la norme de la décision correcte qu’il convient d’appliquer aux questions de droit découlant de décisions administratives.

 

[8]               Cependant, le deuxième point litigieux appelle ordinairement l’application de la norme de la décision correcte car les questions d’équité procédurale sont des questions de droit.

 

[9]               Le point à décider est donc de savoir si la décision de l’agent d’appel confirmant la directive de l’agent de santé et sécurité selon laquelle l’employeur, la SCP, avait établi plusieurs comités d’orientation sans l’accord du syndicat, en violation de l’alinéa 134.1(3)a), peut résister à l’examen selon la norme de la décision raisonnable. J’arrive à la conclusion que la décision de l’agent d’appel peut résister à un tel examen.

 

[10]           S’agissant du deuxième point, la demanderesse prétend que l’agent d’appel a manqué aux principes d’équité procédurale parce qu’il a violé la règle énoncée dans l’arrêt Browne c Dunn ((1893), 6 R. 67 (HL)).

 

[11]           J’examinerai successivement chacun des points soulevés par la demanderesse. Je suis d’avis que la décision de l’agent d’appel est raisonnable pour ce qui concerne le premier point, et je suis d’avis qu’il n’y a eu aucun manquement à l’équité procédurale dans la conduite de l’audience.

 

Analyse

L’agent d’appel n’a pas commis d’erreur de droit lorsqu’il a interprété l’article 134.1 du Code et qu’il a conclu qu’il n’y avait pas eu d’accord

 

[12]           La demanderesse soutient que l’agent d’appel a donné, de l’article 134.1 du Code, une interprétation que cette disposition ne saurait admettre. L’alinéa 134.1(3)a) du Code est ainsi libellé :

134.1 (1) L’employeur qui compte habituellement trois cents employés directs ou plus constitue un comité d’orientation chargé d’examiner les questions qui concernent l’entreprise de l’employeur en matière de santé et de sécurité; il en choisit et nomme les membres sous réserve de l’article 135.1.

[…]

(3) L’employeur peut constituer plusieurs comités d’orientation avec l’accord :

 

    a) d’une part, de tout syndicat représentant les employés visés;

 

    b) d’autre part, des employés visés qui ne sont pas représentés par un syndicat.

134.1 (1) For the purposes of addressing health and safety matters that apply to the work, undertaking or business of an employer, every employer who normally employs directly three hundred or more employees shall establish a policy health and safety committee and, subject to section 135.1, select and appoint its members.

[…]

(3) An employer may establish more than one policy committee with the agreement of

 

    (a) the trade union, if any, representing the employees; and

 

    (b) the employees, in the case of employees not represented by a trade union.

 

 

[13]           L’agent de santé et sécurité avait fait les principales constatations suivantes, que l’agent d’appel a exposées et auxquelles il a adhéré :

a.       le mot « accord », dans le paragraphe 134.1(3) du Code, peut prendre différentes formes et ne se limite pas à une convention collective;

b.      aucun autre accord entre les parties n’a été présenté à l’agent de santé et sécurité; celui-ci s’est donc référé à la convention collective conclue entre la SCP et le groupe des employés de l’EPU représenté par le STTP;

c.       l’existence de deux conventions collectives distinctes n’était pas en soi la preuve d’un accord conclu entre les parties pour l’établissement d’un comité d’orientation distinct. La convention collective du groupe des FRS ne prévoyait pas l’établissement d’un comité d’orientation distinct du genre de celui que la SCP avait négocié dans des conventions collectives avec trois autres groupes d’employés, et elle ne prévoyait pas non plus l’établissement de comités locaux distincts ou de représentants locaux distincts en matière de santé et de sécurité; et

d.      finalement, on n’avait pas, au moyen de documents ou par un témoignage de vive voix, établit l’existence d’un accord du STTP visant l’établissement de plusieurs comités d’orientation.

[14]           La conclusion de l’agent d’appel reflétait celle de l’agent de santé et sécurité. L’agent d’appel a confirmé la directive de l’agent de santé et sécurité :

[TRADUCTION]

[…] Je suis d’avis, au vu de la preuve qui m’a été présentée, que la SCP a contrevenu à l’alinéa 134.l(3)a) du Code lorsqu’elle a établi le CNMSS-FRS pour le groupe des FRS, sans obtenir au préalable l’accord de leur syndicat, le STTP.

 

[…] Je confirme la directive émise par l’agent de santé et sécurité McKeigan le 17 décembre 2009. L’employeur aura maintenant jusqu’au 15 avril 2011 pour se conformer à la directive.

 

 

[15]           L’agent d’appel poursuivait ainsi :

                  [TRADUCTION]

L’article 134.1 du Code ne requiert pas qu’un accord qui est conclu entre l’employeur et le syndicat soit consigné par écrit ou figure dans une convention collective. La convention collective applicable au groupe des FRS ne fait pas explicitement référence à l’établissement de deux comités d’orientation distincts.

 

Il est essentiel, pour décider ce point, de connaître le sens du mot « accord », au paragraphe 134.1(3), mais ce mot n’est pas défini dans le Code. J’utiliserai donc la définition que l’on trouve dans les dictionnaires, à savoir la suivante :

 

Accord : 1. État qui résulte d’une communauté ou d’une conformité de pensées, de sentiments 2. Entente mutuelle 3. Accord entre deux ou plusieurs personnes sur une ligne de conduite; document faisant état d’un tel accord. 4. Le fait d’avoir la même opinion, le même avis ou la même intention. 5. État qui résulte de la présence simultanée de choses qui forment un ensemble.

 

La définition ci-dessus du mot « accord » montre clairement que ce peut être autre chose qu’on écrit. Il y a, dans la définition, d’autres aspects qui à l’évidence pourraient attester un accord entre les parties. Puisqu’il n’y avait pas d’accord écrit explicite dans la présente affaire, je prendrai en considération d’autres éléments de la définition.

 

Je me demanderai donc si les parties manifestaient ou non les aspects suivants de la définition, et notamment :

 

a) y avait-il entre elles une communauté de pensées?

b) avaient-elles une entente mutuelle?

 

[…] la nouvelle convention collective des FRS, en son article 24, abordait la question des comités de santé et de sécurité, mais non la question d’un comité d’orientation. Le domaine tout entier de la santé et de la sécurité était traité dans quatre courts paragraphes de la convention collective. Le premier paragraphe, formulé d’une manière générale, dit que les dispositions du Code s’appliquent aux employés. Il est question ensuite de comités de santé et de sécurité, mais on ne dit rien de l’établissement d’un comité d’orientation ou d’un comité national pour cette catégorie d’employés.

 

Je ne doute pas que les négociations menées en 2003 furent très intenses et que les négociateurs devaient s’acquitter d’un mandat énorme à l’intérieur de délais rigoureux. Je suis convaincu que les parties ne voyaient pas les choses du même œil s’agissant de l’établissement d’un comité d’orientation pour ces employés. Vu l’importance de conclure cette « première » convention collective, par rapport à celle d’un possible article portant sur l’établissement d’un comité d’orientation, je peux comprendre que seuls les points qui étaient parfaitement clairs aient été explicitement énoncés dans l’accord à ce moment-là.

 

Par conséquent, j’arrive à la conclusion que l’omission d’un article comme celui de la convention collective EPU qui concernait les comités d’orientation ou comités nationaux attestait une évidente divergence de vues sur la question entre les principaux négociateurs. Un engagement précis et non équivoque sur la question aurait été possible, mais, pour quelque raison, cet engagement n’a pas été clairement énoncé. Il m’apparaît que la SCP et le STTP n’avaient pas une communauté de pensées et ne sont pas arrivés non plus à une entente mutuelle sur la question de l’établissement d’un comité d’orientation pour le groupe des FRS. Ce que l’on constate, c’est que l’employeur et le syndicat sont restés chacun sur leurs positions.

 

[Souligné dans la décision de l’agent d’appel].

 

 

[16]           Il n’y a pas lieu de contester la manière dont l’agent d’appel définit le mot « accord », à l’article 134.1 du Code, ni les critères ou facteurs susceptibles selon lui de confirmer ou réfuter l’existence d’un tel accord. L’analyse qu’il fait entre tout à fait dans son champ de spécialisation, et elle doit donc être revue selon la norme de la décision raisonnable, même si l’on a affaire à une disposition législative : Smith c. Alliance Pipeline Ltd., 2011 CSC 7, [2011] 1 R.C.S. 160.

 

[17]           L’argument du défendeur est qu’il existait plusieurs comités d’orientation avant que les FRS ne soient admis au sein de la SCP comme employés, et qu’un comité d’orientation distinct a été constitué pour eux après qu’ils sont devenus des employés de la SCP. Bien que le défendeur fasse état d’éléments qui attestent l’existence de plusieurs comités du genre, il doit être manifeste et évident, au vu de ces éléments, qu’un comité distinct avait été constitué pour les FRS au moyen d’un accord.

 

[18]           La demanderesse soutient néanmoins que les FRS faisaient partie intégrante d’un comité d’orientation « général ». L’unique preuve attestant l’existence d’un comité d’orientation « général »avait été, selon les mots de l’agent d’appel, mentionnée par l’avocat de la SCP, non par la SCP elle-même. L’agent d’appel a estimé que le CNMSS-FRS, avec lequel l’agent de santé et sécurité McKeigan s’était réuni le 3 juin 2009, ne pouvait être assimilé à un comité d’orientation « général ». Ce sont là des conclusions de fait que la Cour se refuse à invalider.

 

[19]           Il est donc apparu à l’agent d’appel et à l’agent de santé et sécurité que la SCP avait constitué plusieurs comités d’orientation, en proportion tantôt directe, tantôt indirecte, du nombre d’agents de négociation. Sur ce point, je me range à l’avis du défendeur lorsqu’il affirme :

[TRADUCTION]

La Société canadienne des postes semble trouver à redire au fait que ses comités d’orientation sont en réalité constitués par affiliation d’agents de négociation, or, cette structure n’est pas le résultat de l’interprétation de M  Wiwchar, mais plutôt le résultat de l’approche historique adoptée par la Société canadienne des postes pour l’organisation de ses comités d’orientation. Comme l’a constaté M. Wiwchar, la SCP n’avait pas un comité d’orientation « général », elle avait établi quatre comités d’orientation, chacun organisé par un agent de négociation, avant que les FRS ne deviennent des employés.

 

[Non souligné dans l'original.]

 

 

[20]           Sur ce premier point, j’estime donc raisonnable, comme question mixte de droit et de fait, la conclusion de l’agent d’appel selon laquelle la demanderesse, la SCP, a constitué un comité d’orientation sans l’accord du STTP.

 

L’agent d’appel n’a manqué à aucun principe d’équité procédurale

 

[21]           La demanderesse récuse aussi la conclusion suivante de l’agent d’appel, citée plus haut dans les présents motifs :

Je ne doute pas que les négociations menées en 2003 furent très intenses et que les négociateurs devaient s’acquitter d’un mandat énorme à l’intérieur de délais rigoureux. Je suis convaincu que les parties ne voyaient pas les choses du même œil s’agissant de l’établissement d’un comité d’orientation pour ces employés. Vu l’importance de conclure cette « première » convention collective, par rapport à celle d’un possible article portant sur l’établissement d’un comité d’orientation, je puis comprendre que seuls les points qui étaient parfaitement clairs aient été explicitement énoncés dans l’accord à ce moment-là.

 

Par conséquent, j’arrive à la conclusion que l’omission d’un article comme celui de la convention collective EPU qui concernait les comités d’orientation ou comités nationaux attestait une évidente divergence de vues sur la question entre les principaux négociateurs. Un engagement précis et non équivoque sur la question aurait été possible, mais, pour quelque raison, cet engagement n’a pas été clairement énoncé. Il m’apparaît que la SCP et le STTP n’avaient pas une communauté de pensées et ne sont pas arrivés non plus à une entente mutuelle sur la question de l’établissement d’un comité d’orientation pour le groupe des FRS. Ce que l’on constate, c’est que l’employeur et le syndicat sont restés chacun sur leurs positions.

 

 

 

[22]           La demanderesse fait valoir que l’agent d’appel a enfreint la règle énoncée dans l’arrêt Brown c Dunn parce qu’il a laissé un témoin du STTP mettre en doute la crédibilité d’un témoin de la SCP.

 

[23]           La demanderesse a appelé à témoigner M. Steve Matjanec, directeur général, qui était, à la date de l’appel, chef d’équipe pour l’exécution du projet de transformation postale de la SCP. Le défendeur a appelé à témoigner M. George Floresco, 3e vice-président national du STTP et négociateur en chef du syndicat pour la première convention collective du groupe des FRS, ainsi que Mme Gayle Bossenberry, 1re vice-présidente nationale du STTP, et représentante nationale pour les questions de santé et de sécurité.

 

[24]           M. Matjanec a déclaré, selon les mots de l’agent d’appel, que [TRADUCTION] « s’agissant de l’issue de la partie des négociations avec le STTP concernant l’idée de fusionner l’EPU et les FRS en un seul comité d’orientation, la position qu’il a exprimée tout au long des négociations était que le groupe des FRS était distinct et appelait des conditions d’emploi spécifique, et il a témoigné à propos des autres comités d’orientation de la SCP ».

 

[25]           L’avocat de la demanderesse a fait valoir que la déposition de M. Floresco, le témoin du STTP, qui contredisait celle du témoin de la SCP, était [TRADUCTION] « au mieux vague » et, sur la question essentielle de savoir si les FRS étaient représentés par le STTP, avait laissé apparaître un retournement quant à l’idée du STTP d’inclure le groupe des FRS dans une unité de négociation universelle.

 

[26]           La demanderesse élève deux objections à la décision de l’agent d’appel de laisser M. Floresco témoigner sur ces aspects :

[TRADUCTION]

L’avocat du STTP n’a pas contre-interrogé M. Matjanec sur [la question de savoir si les négociations entre les parties avaient conduit à un accord], et il n’a pas informé non plus M. Matjanec qu’un témoin du syndicat, George Floresco, troisième vice-président national du STTP et négociateur en chef du STTP, contesterait ses affirmations sur [ce sujet].

 

Lorsqu’il a été appelé à témoigner par le STTP, M. Floresco a indiqué que les parties n’avaient nullement discuté la question des comités d’orientation en matière de santé et de sécurité.

 

La SCP s’est opposée au témoignage de M. Floresco au motif que l’avocat du STTP avait enfreint la règle énoncée dans l’arrêt Browne c Dunn car il avait privé M. Matjanec de la possibilité d’éclaircir son propre témoignage ou de s’exprimer explicitement sur la preuve anticipée de M. Floresco portant sur la structure des comités d’orientation.

 

 

[27]           Le défendeur soutient que l’application de la règle est discrétionnaire et, s’agissant de ce cas particulier : l’avocat du STTP avait clairement communiqué la preuve contradictoire au témoin de la SCP, M. Matjanec; la preuve en cause ne concernait pas [TRADUCTION] « un aspect essentiel »; enfin, il était évident, d’après la nature du dossier, que la preuve était contestée.

 

[28]           Il y a quatre raisons pour lesquelles l’argument de la demanderesse sur la violation de la règle énoncée dans l’arrêt Browne c Dunn est irrecevable. D’abord, il ne fait aucun doute que la question de savoir s’il y avait ou non un accord était essentielle, sinon l’aspect essentiel. Deuxièmement, la crédibilité de M. Matjanec n’était pas attaquée par une preuve documentaire produite par un témoin ultérieur (une procédure qui aurait été contraire à la règle).

 

[29]           Il se trouve que l’agent d’appel s’est exprimé ainsi dans sa décision :

[TRADUCTION] J’arrive à la conclusion que les témoignages contradictoires de MM. Matjanec et Floresco concernant leurs souvenirs et leurs intentions entourant les discussions qui avaient eu lieu avant que ne soit conclue la convention collective ne m’aideront pas à décider s’il y a eu ou non un accord, et ils n’auront de ce fait aucun effet sur ma décision. Il ne m’est donc pas nécessaire d’examiner la question de la recevabilité de leurs témoignages puisqu’il n’en sera tenu aucun compte.

 

[Non souligné dans l'original.]

 

 

 

[30]           Ainsi, même si l’on pouvait dire que la règle énoncée dans l’arrêt Brown c Dunn a été enfreinte dans la présente affaire, l’agent d’appel a clairement indiqué qu’il n’accorderait aucun poids à ces témoignages.

 

[31]           Troisièmement, les affirmations générales de l’agent d’appel pour qui la SCP et le STTP « ne voyaient pas les choses du même œil », n’étaient pas arrivés à une « entente mutuelle », n’avaient pas « une communauté de pensées », présentaient « une évidente divergence de vues » et « sont restés chacun sur leurs positions », sont toutes des conclusions de fait qu’il était loisible à l’agent d’appel de tirer et dont aucune n’était concernée par la règle Browne c Dunn. L’agent d’appel a relevé, avec raison, que, lorsqu’un accord est conclu dans ce genre de situation, il reste habituellement des traces de son existence.

 

[32]           Quatrièmement, le fait qu’un témoin ultérieur produise un témoignage contradictoire n’entraîne pas automatiquement l’application de la règle Brown c. Dunn. Même si c’était le cas, la Cour d'appel fédérale s’est exprimée ainsi, dans l’arrêt Green c. Canada (Conseil du Trésor – Transports Canada), 2000 CarswellNat 488, 50 CCEL (2d) 19, 254 NR 48, 179 FTR 318, aux paragraphes 25 à 32 :

La jurisprudence Brown v. Dunn pose pour règle de preuve que dans le cas où la crédibilité d'un témoin est mise en doute à la lumière d'éléments de preuve qui contredisent son témoignage, il faut lui donner la pleine possibilité d'expliquer cette contradiction. Il s'agit là d'une règle fondée sur la justice et la raison. Son application est fonction des circonstances de la cause. Le juge des faits est toujours habilité à mettre en doute ou à rejeter tout témoignage rendu […]

 

 

[33]           En l’espèce, les deux personnes avaient témoigné à propos du déroulement des réunions entre le syndicat et la direction. Des conclusions de fait ont été tirées. L’examen des interrogatoires et contre-interrogatoires des deux témoins montre qu’il ne faisait aucun doute que ce qui était en cause avait trait au déroulement des réunions. Les interrogatoires avaient porté sur une foule de sujets. Nul ne peut prétendre avoir été pris au dépourvu.

 

[34]           Pour les motifs susmentionnés, la demande est rejetée.

 


JUGEMENT

 

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est rejetée, avec dépens en faveur du défendeur.

 

 

« Donald J. Rennie »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Claude Leclerc, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        T-612-11

 

INTITULÉ :                                       LA SOCIÉTÉ CANADIENNE DES POSTES c. LE SYNDICAT DES TRAVAILLEURS ET TRAVAILLEUSES DES POSTES

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Ottawa

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 20 février 2012

 

MOTIFS DU JUGEMENT
ET JUGEMENT :
                              LE JUGE RENNIE

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 12 avril 2012

 

 

 

COMPARUTIONS:

 

Stephen Bird
Alanna Twohey

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

R. Aaron Rubinoff
Karin M. Pagé

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

 

Bird Richard

Ottawa (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

Perley-Robertson, Hill & McDougall s.r.l.

Ottawa (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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