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Date : 20120322

Dossier : IMM‑5187‑11

Référence : 2012 CF 346

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 22 mars 2012

En présence de monsieur le juge Rennie

 

 

ENTRE :

 

ZHANG SHENG WANG

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Le demandeur sollicite le contrôle judiciaire de la décision, datée du 20 juillet 2011, par laquelle la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la Commission) a conclu que le demandeur n’était ni un réfugié au sens de la Convention (Convention des Nations Unies relative au statut des réfugiés, [1969] R.T. Can. no 6) ni une personne à protéger au sens des articles 96 et 97 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (LIPR). Pour les motifs exposés ci‑dessous, la demande est accueillie.

 

Les faits

[2]               Le demandeur est un citoyen de la Chine. Il affirme craindre d’être persécuté en raison de sa pratique du Falun Gong. Le demandeur déclare qu’il a commencé à pratiquer le Falun Gong en octobre 2007 pour essayer de soigner son insomnie. Il a commencé à en sentir les bienfaits environ trois mois plus tard et a continué à pratiquer le Falun Gong avec des amis chez un membre.

 

[3]               Le demandeur soutient que, le 19 octobre 2008, alors qu’il pratiquait le Falun Gong avec d’autres membres dans une maison, un guetteur les a avertis que le Bureau de la sécurité publique (le BSP) arrivait. Réussissant à prendre la fuite, le demandeur s’est caché chez un ami. On l’a informé que deux pratiquants avaient été arrêtés et que le BSP recherchait les autres. Le père du demandeur lui a dit que le BSP était venu chez lui pour appréhender le demandeur et avait laissé une sommation dans laquelle on accusait ce dernier d’être impliqué dans la pratique illégale du Falun Gong.

 

[4]               Avec l’aide d’un passeur, le demandeur s’est enfui au Canada le 25 janvier 2009 et a présenté une demande d’asile le 2 février 2009.

 

Norme de contrôle et question en litige

[5]               Dans la présente demande, la Cour est appelée à trancher la question de savoir si la décision de la Commission est raisonnable : Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 190, [2008] 1 RCS 190.

 

Analyse

[6]               La demande doit être accueillie uniquement à cause de la manière dont la Commission a traité la preuve présentée par le demandeur sur sa pratique du Falun Gong. Dans sa décision, la Commission a tiré d’autres conclusions sur la crédibilité auxquelles il lui était loisible de parvenir, mais elle a estimé que la question de l’authenticité de la croyance du demandeur dans le Falun Gong constituait le « fondement » de la demande d’asile. Comme la Commission a commis une erreur susceptible de révision dans son analyse de l’authenticité de cette croyance, la décision devra être annulée malgré les préoccupations raisonnables que soulèvent d’autres parties de la preuve présentée par le demandeur.

 

[7]               La Commission a beaucoup insisté sur l’affirmation du demandeur selon laquelle ce sont ses insomnies qui l’avaient initialement motivé à adhérer au Falun Gong et le pratiquer. La Commission a rejeté la prétention que la pratique du Falun Gong par le demandeur avait donné des résultats positifs à cet égard parce que l’enseignement du Falun Gong interdit sa pratique par pur intérêt personnel. Le défendeur a qualifié cette conclusion de conclusion de fait à l’égard de laquelle il faut faire preuve de retenue. S’il s’agit d’une conclusion de fait, celle‑ci est assurément abusive. La Commission n’a pas le droit de faire des conjectures sur la vraisemblance des bienfaits personnels tirés par un revendicateur d’une pratique religieuse ou spirituelle, encore moins de parvenir à une conclusion défavorable sur la crédibilité sur le fondement de telles conjectures.

 

[8]               Il y a d’autres exemples, dans la décision de la Commission, de ce genre de mise en question de la croyance du demandeur dans le Falun Gong. Ainsi, la Commission est parvenue à une conclusion défavorable sur la crédibilité du demandeur parce que celui‑ci a affirmé être à la fois un bouddhiste et un pratiquant du Falun Gong. La Commission déclare que le Falun Gong enseigne de manière « catégorique » que pratiquer à la fois le bouddhisme et le Falun Gong ne donne pas de bons résultats. Il n’est pas loisible à la Commission de donner son opinion sur la question de savoir si la pratique spirituelle du revendicateur est correcte ou erronée selon ses textes fondamentaux.

 

[9]               La tâche de la Commission est d’évaluer la crédibilité du demandeur et non le bien‑fondé de ses convictions théologiques. Il se peut qu’un revendicateur d’asile ait une compréhension médiocre des détails de la doctrine religieuse, mais cela ne signifie pas nécessairement que sa foi n’est pas authentique. Quoiqu’il existe une corrélation logique entre la profondeur des connaissances religieuses et la crédibilité d’une prétention de persécution, en l’espèce, la dérogation à la doctrine était tout au plus mineure et ne permettait pas d’étayer sans risque d’erreur la conclusion que le demandeur n’était pas un adepte authentique.

 

[10]           Par conséquent, tout en reconnaissant que la preuve présentée par le demandeur comportait plusieurs problèmes en matière de crédibilité quant à sa prétendue persécution en Chine, la décision ne saurait être confirmée à la lumière de l’examen des croyances spirituelles du demandeur effectué par la Commission.

 

[11]           La demande de contrôle judiciaire est accueillie.


JUGEMENT

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est accueillie. L’affaire est renvoyée à un commissaire différent de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et de la protection des réfugiés pour qu’il procède à un nouvel examen. Aucune question à certifier n’a été proposée et la Cour estime que l’affaire n’en soulève aucune.

 

 

« Donald J. Rennie »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Sandra de Azevedo, LL.B.

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                    IMM‑5187‑11

 

INTITULÉ :                                                   ZHANG SHENG WANG c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             Toronto

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           Le 1er mars 2012

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                          LE JUGE RENNIE

 

DATE DES MOTIFS :                                  Le 22 mars 2012

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Jayson Thomas

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Ladan Shahrooz

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Levine Associates

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

Myles J. Kirvan

Sous‑procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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