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Date : 20120315

Dossier : IMM‑5762‑11

Référence : 2012 CF 309

[traduction française certifiée, non révisée]

Ottawa (Ontario), le 15 mars 2012

En présence de monsieur le juge Zinn

 

Entre :

 

MAURICIO ZAMBRANO CASTRO

MARTHA MARGARETH GALINDO SALAMANCA

(ALIAS MARTHA MARGARET GALINDO SALAMANCA)

MARIA ANGELICA ZAMBRANO GALINDO

ANDRES MAURICIO ZAMBRANO GALINDO

demandeurs

et

 

Le ministre de la citoyenneté

et de l’IMMIGRATION

défendeur

 

 

Motifs du jugement et jugement

 

[1]               À la fin de l’audience, j’ai informé les parties que j’accueillais la demande des demandeurs sollicitant le contrôle judiciaire d’une décision défavorable de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié, laquelle concluait qu’ils n’avaient pas la qualité de réfugiés au sens de la Convention ni celle de personnes à protéger. 

 

[2]               À mon avis, la Commission a rejeté à tort et de façon déraisonnable leurs demandes présentées en vertu des articles 96 et 97 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27, sans une analyse appropriée des risques auxquels ils étaient exposés. 

 

[3]               Le demandeur principal, Mauricio Zambrano Castro, et les membres de sa famille sont des citoyens de Colombie. Ils sont arrivés au Canada en avril 2009. M. Zambrano Castro était un militaire de carrière dans les forces armées colombiennes. En 2000, il est devenu le capitaine d’une unité à Cali et avait la responsabilité de lutter contre le principal groupe paramilitaire du pays, les Autodéfenses unies de Colombie (les AUC). Pendant qu’il agissait à ce titre, M. Zambrano Castro a été renvoyé à deux reprises : tout d’abord en 2001 – mais réintégré peu après –, et à nouveau en 2003. Selon lui, il a été renvoyé en raison de sa participation à l’arrestation des dirigeants et des membres des AUC. En 2003, il a institué une poursuite judiciaire en vue de contester le dernier renvoi. La poursuite était en instance au moment de l’audience de la Commission. 

 

[4]               M. Zambrano Castro allègue qu’en 2004 il a reçu, à deux reprises, des appels téléphoniques de menaces lui disant qu’il paierait pour ce qu’il avait fait en s’opposant aux AUC. En décembre 2005, M. Zambrano Castro a emmené sa famille aux États‑Unis et peu après a présenté une demande d’asile. Afin d’obtenir des documents, il est retourné en Colombie en juin 2006 où il est resté environ trois mois. Pendant ce temps en Colombie, M. Zambrano Castro allègue avoir reçu deux autres appels téléphoniques de menaces et avoir été la cible de coups de feu. 

 

[5]               Même si M. Zambrano Casto a été déclaré crédible, la demande d’asile des demandeurs aux États‑Unis a été rejetée parce qu’il a été conclu que sa famille et lui n’étaient plus exposés à des risques puisque le groupe paramilitaire avait été officiellement démantelé en 2006. L’appel interjeté au Board of Immigration Appeals a été rejeté en avril 2009. En raison du fait que les demandeurs croyaient que leur vie était toujours menacée par les AUC, ils sont venus au Canada et ont demandé l’asile.

 

[6]               La Commission a rejeté les demandes d’asile des demandeurs tant en vertu de l’article 96 que de l’article 97 de la Loi, après avoir conclu que des parties du témoignage de M. Zambrano Castro n’étaient pas crédibles.

 

[7]               Les demandeurs ont soulevé plusieurs questions concernant les conclusions de la Commission quant à la crédibilité, concernant l’examen effectué par la Commission de la preuve et du dossier ainsi qu’en ce qui concerne le profil de M. Zambrano Castro. 

 

[8]               À mon avis, la seule question soulevée par les demandeurs qui est fondée concerne l’allégation selon laquelle la Commission a commis une erreur en n’omettant d’examiner les risques auxquels était exposé M. Zambrano Castro compte tenu de son profil. Cette question doit être examinée selon la norme de la raisonnabilité et la décision de la Commission commande la déférence (Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9; Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c Terre‑Neuve‑et‑Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62, aux paragraphes 21 et 22).

 

[9]               Si le récit personnel d’un demandeur à propos de certains événements est déclaré non crédible, mais qu’il existe une preuve documentaire importante décrivant les risques auxquels il peut être exposé en raison de son identité, la Commission est alors tenue d’évaluer l’allégation. Comme le soutiennent les demandeurs, [traduction] « le droit des réfugiés n’exige pas une conclusion de persécution passée pour établir l’existence de risques futurs ».

 

[10]           Dans une décision très brève, la Commission a conclu que seulement deux aspects limités du témoignage de M. Zambrano Castro n’étaient pas crédibles, plus particulièrement les appels téléphoniques de menaces et les coups de feu tirés en sa direction. Elle semble avoir accepté le fait qu’il était un membre des forces armées colombiennes et qu’il participait activement à combattre les AUC, fait appuyé par une abondante preuve documentaire. La Commission n’a cependant pas examiné la question de savoir si, compte tenu de son profil, M. Zambrano Castro était exposé à des risques advenant son renvoi en Colombie. La Commission a plutôt rejeté les demandes tant en vertu de l’article 96 que de l’article 97 de la Loi pour des motifs de crédibilité :

Lorsque je tiens compte du fait que le demandeur d’asile est resté plus de deux ans en Colombie après avoir été renvoyé de l’armée, qu’il est retourné en Colombie après avoir vécu en sécurité aux États‑Unis, qu’il n’a pas spontanément fait état des appels téléphoniques de menace reçus en 2004 et qu’il a présenté des éléments de preuve incohérents au sujet des coups de feu de septembre 2006, je suis convaincu, selon la prépondérance des probabilités, que le demandeur d’asile n’était pas un témoin crédible. Par conséquent, sa demande d’asile est rejetée en vertu des articles 96 et 97 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (LIPR).

 

 

[11]           Il n’a pas été contesté que de M. Zambrano Castro était un ancien officier militaire qui luttait contre les AUC, et la Commission disposait d’éléments de preuve indiquant que de telles personnes sont exposées à des risques en Colombie. Par conséquent, malgré la conclusion défavorable de la Commission en matière de crédibilité, l’identité politique de M. Zambrano Castro, ou l’identité politique qui lui a été reconnue, a rendu obligatoire une analyse des risques appropriée en vertu de l’article 97, compte tenu de la preuve dont disposait la Commission.

 

[12]           La conclusion relative à l’absence de crédibilité de certains aspects du témoignage de M. Zambrano Castro ne pouvait servir de fondement pour simplement écarter la demande présentée en vertu de l’article 97 de la Loi.

 

[13]           Aucune question n’a été proposée pour certification.


JUGEMENT

 

LA COUR STATUE que la présente demande est accueillie, la demande d’asile des demandeurs est renvoyée à un tribunal différemment constitué de la Commission pour nouvelle décision et aucune question n’est certifiée.

 

 

« Russel W. Zinn »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Chantal DesRochers, LL.B., D.E.S.S. en trad.

 

 


cour fédérale

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                    IMM‑5762‑11

 

 

Intitulé :                                                   MAURICIO ZAMBRANO CASTRO et al c
le ministre de la citoyenneté et de l’immigration

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           Le 28 février 2012

 

Motifs du jugement

et jugement :                                          le juge ZINN

 

DATE DES MOTIFS :                                  Le 15 mars 2012

 

 

Comparutions :

 

Leigh Salsberg

 

Pour les demandeurs

 

Christopher Crighton

 

Pour le défendeur

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Leigh Salsberg

Avocat

Toronto (Ontario)

 

Pour les demandeurs

 

Myles J. Kirvan

Sous‑procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

Pour le défendeur

 

 

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