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Date : 20120313

Dossier : T‑60‑11

Référence : 2012 CF 302

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 13 mars 2012

En présence de monsieur le juge Zinn

 

ENTRE :

 

 

JASON COTTERELL

 

 

demandeur

 

et

 

 

 

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               La Commission nationale des libérations conditionnelles (la CNLC) et la Section d’appel de la CNLC ont refusé d’accorder à M. Cotterell une libération conditionnelle suivant la procédure d’examen expéditif prévue à l’article 126 de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, LC 1992, c 20 (la LSCMLSC). Elles étaient toutes les deux d’avis qu’il existait des motifs raisonnables de croire que M. Cotterell commettrait une infraction accompagnée de violence s’il était mis en liberté avant l’expiration de sa peine.

 

[2]               Dans Constantineau c Canada (Procureur général), 2005 CF 1610, au paragraphe 18, la Cour a statué que bien qu’il s’agisse du contrôle judiciaire de la décision de la Section d’appel dans laquelle cette dernière « a confirmé la décision de la CNLC, la Cour [était] éventuellement tenue de vérifier que la décision de la CNLC est conforme à la loi ». Par conséquent, la décision examinée par notre Cour est la décision rendue par la CNLC qui, par souci de commodité, sera désignée comme étant la décision de la CNLC.

 

[3]               Deux questions viennent compliquer la présente demande de contrôle judiciaire.

 

[4]               Premièrement, la procédure d’examen expéditif n’est plus offerte aux détenus sous responsabilité fédérale puisque l’article 126 de la LSCMLSC a été abrogé avec l’adoption de la Loi sur l’abolition de la libération anticipée des criminels, LC 2011, c 11, art. 5. Par conséquent, M. Cotterell ne peut avoir droit à la réparation habituelle consistant à renvoyer l’affaire pour nouvel examen si la demande de contrôle judiciaire est accueillie. M. Cotterell cherche à obtenir, en plus de l’annulation de la décision de la CNLC, une ordonnance enjoignant [traduction] « au Service correctionnel du Canada et à la CNLC de le considérer comme un délinquant non violent dans toutes les évaluations du risque qui seront faites à l’avenir ». Compte tenu de l’issue de la présente demande, il n’est pas nécessaire de déterminer si la Cour a compétence pour accorder cette réparation.

 

[5]               Deuxièmement, M. Cotterell n’est plus incarcéré. Après le dépôt de la présente demande, il a obtenu sa libération d’office le 22 juin 2011.

 

[6]               La présente demande a été entendue à Toronto, le 6 décembre 2011. Le 5 décembre 2011, le ministère public a déposé une requête, présentable à l’audience, en vue d’obtenir le rejet de la demande au motif qu’elle était devenue théorique en raison de la libération d’office de M. Cotterell. 

 

[7]               Le demandeur s’est opposé à la requête du ministère public en raison de sa signification tardive. Après avoir entendu les observations des parties, la Cour a fait savoir que la requête du ministère public serait reçue et tranchée malgré le court préavis. Le demandeur a été autorisé à déposer des observations écrites concernant la requête au plus tard le 30 décembre 2011 et le ministère public s’est vu accorder le droit de répondre par écrit au plus tard le 7 janvier 2012.

 

[8]               Pour les motifs exposés ci‑dessous, je suis d’avis que la demande est théorique. Toutefois, je vais exercer mon pouvoir discrétionnaire et me prononcer sur le bien‑fondé de la demande. J’ai également décidé, pour les motifs exposés ci‑dessous, que la demande devait être rejetée sur le fond.

 

Contexte

[9]               M. Cotterell est un délinquant sous responsabilité fédérale qui purge une première peine de deux ans et six mois pour possession d’une substance désignée en vue d’en faire le trafic ainsi que pour possession d’une arme à feu à autorisation restreinte avec des munitions et pour entreposage négligent d’une arme à feu.

 

[10]           En janvier 2009, l’Unité de lutte contre le crime organisé, grâce à des communications interceptées dans le cadre d’une opération appelée le « projet Fusion », a appris que M. Cotterell se livrait au trafic de la drogue et était en possession d’une arme à feu chargée. Le projet Fusion est une longue enquête criminelle qui a commencé en août 2008 et qui ciblait deux organisations criminelles appelées « Markham and Eglinton Crew » et « 400 McCowan Crew ». Le 26 janvier 2009, des policiers ont surveillé le domicile du demandeur et l’ont arrêté pour possession de 340 g de marijuana. Après avoir obtenu un mandat de perquisition, la police est entrée dans son appartement et elle a trouvé sous un matelas un fusil avec dix balles à pointe creuse de calibre 40, et 40 cartouches de fusil d’assaut.

 

[11]           Le 23 octobre 2009, M. Cotterell a plaidé coupable et a été condamné à une peine de 30 mois pour l’infraction de possession d’une arme à feu à autorisation restreinte, à une peine de six mois à purger concurremment pour l’infraction d’entreposage négligent d’une arme à feu et à une autre peine de six mois à purger concurremment pour l’infraction de possession de marijuana en vue d’en faire le trafic. Il est également visé par une interdiction à vie de posséder des armes à feu.

 

[12]           Comme il en était à sa première infraction fédérale, la CNLC a examiné la possibilité d’accorder à M. Cotterell une libération conditionnelle par la voie de la procédure d’examen expéditif, mais elle lui a été refusée.

 

[13]           La CNLC a expliqué que sa conclusion tenait compte de la nature des infractions commises par le demandeur et des liens étroits qu’il entretenait avec un gang de rue reconnu pour se livrer au trafic de drogues et à des actes de violence.

 

[14]           La CNLC a souligné les faits entourant son arrestation et elle a déclaré que [traduction] « le fait que l’arme de poing chargée avec dix cartouches à pointe creuse était rangée de manière négligente et facilement accessible constitu[ait] une préoccupation d’importance capitale ». Elle a conclu que le fait qu’on ait trouvé non seulement de la drogue mais aussi des armes à feu soulevait des préoccupations sérieuses et permettait de conclure à un potentiel de violence.

 

[15]           De plus, la CNLC a mis en doute la crédibilité de M. Cotterell en ce qui concerne trois questions. Elle a noté qu’il avait allégué avoir abouti dans le monde de la drogue de façon presque accidentelle après avoir perdu son emploi peu avant sa condamnation, sauf que le dossier démontrait qu’il avait déjà commis une infraction liée à la drogue en 2006. Cette contradiction a amené la CNLC à croire que le demandeur trempait dans le monde de la drogue et de la violence depuis assez longtemps. M. Cotterell a affirmé qu’il avait commencé à se livrer au trafic de la drogue en raison de sa dépendance et qu’il a accepté de garder l’arme à feu et les munitions parce que ses facultés étaient affaiblies par l’alcool. La CNLC a estimé que cette explication contredisait le fait qu’il avait affirmé qu’il n’avait pas de problèmes de consommation abusive d’alcool ou de drogue. La CNLC a également noté que M. Cotterell avait déclaré ne pas faire partie d’une organisation criminelle, bien que deux policiers aient clairement indiqué qu’il avait des rapports avec des membres d’une telle organisation. La CNLC a souligné que des accusations à cet égard avaient déjà été portées, mais qu’elles avaient été abandonnées sans doute parce qu’il avait beaucoup collaboré avec la police.

 

[16]           La CNLC ne voyait aucune raison de douter des renseignements fournis par les deux services de police qui confirmaient que M. Cotterell était un membre « important » d’un gang de rue reconnu pour sa brutalité et ses antécédents liés à la drogue et à la violence armée. Elle a estimé que son association à des criminels qui autorisent le recours aux armes, aux menaces et aux manœuvres d’intimidation pour atteindre leurs objectifs et le fait qu’il était en possession d’une arme de poing chargée pour faire le trafic de drogues à partir de chez lui démontraient un penchant pour un mode de vie potentiellement violent. 

 

[17]           La CNLC a examiné les facteurs contributifs, notamment l’attrait qu’a pour M. Cotterell l’argent rapide et facile, ses sentiments criminels qui le poussent vers des fréquentations négatives et ses problèmes de consommation abusive d’alcool et de drogue. Il a été souligné que M. Cotterell avait reconnu qu’il avait de la difficulté à dire non et qu’il se laissait facilement influencer par ses pairs. La CNLC a jugé que la question de savoir s’il faisait toujours partie d’une organisation criminelle n’était pas claire compte tenu de sa collaboration à l’enquête. Elle a souligné que, même si M. Cotterell ne s’attendait pas à des représailles en raison de sa collaboration, il avait été qualifié de [traduction] « mouchard » par un individu qui avait beaucoup d’influence dans le milieu criminel. La CNLC a constaté que les réactions d’indifférence du demandeur à cet égard allaient de pair avec son attitude insouciante vis‑à‑vis son mode de vie criminel.

 

[18]           Pour ces motifs, la CNLC a décidé de refuser la libération conditionnelle anticipée en affirmant ce qui suit :

[traduction] La CNLC est convaincue qu’il existe des motifs raisonnables de croire que vous commettrez une infraction avec violence si vous êtes mis en liberté avant l’expiration de votre peine et, par conséquent, il est ordonné que vous ne soyez pas libéré.

 

[19]           Dans ses motifs, la Section d’appel était surtout préoccupée par le fait que M. Cotterell était un membre important d’un gang de rue bien connu dont les activités étaient liées à des comportements criminels violents. Même si elle a reconnu qu’il n’y avait aucune preuve de menace ou de violence dans la perpétration des infractions à l’égard desquelles il avait été déclaré coupable, la Section d’appel s’est dite [traduction] « convaincue qu’il existait des motifs raisonnables de croire [qu’il commettrait] une infraction avec violence avant l’expiration de [sa] peine en avril 2012 ».

 

La présente demande est‑elle théorique?

[20]           Le ministère public soutient que la demande est théorique vu l’absence de litige actuel entre les parties parce que M. Cotterell a été mis en liberté. M. Cotterell soutient quant à lui que, même s’il a été libéré, un litige actuel subsiste parce qu’il a seulement [traduction] « une occasion de contester la conclusion de la CNLC concernant la violence », parce que « la CNLC devra utiliser cette conclusion dans les évaluations du risque qui seront faites dans le futur », parce que cette conclusion « sera maintenue à perpétuité », parce que cette « conclusion sera transmise aux autorités provinciales » et parce que, par voie de conséquence, la « réparation demandée demeure très pertinente pour le demandeur ».

 

[21]           Je retiens l’argument du ministère public suivant lequel la demande présentée devant la Cour est théorique. Le véritable litige entre les parties était de savoir si M. Cotterell s’était vu refuser injustement la libération conditionnelle. Peu de temps après que la décision en cause a été rendue, il a obtenu sa libération conditionnelle, si bien qu’il a obtenu la réparation demandée. Par ailleurs, je suis également d’accord avec le demandeur pour dire que la conclusion de la CNLC selon laquelle il était susceptible de commettre une infraction accompagnée de violence est une conclusion qui pourrait avoir des conséquences défavorables à son endroit dans l’avenir, particulièrement s’il recommence à se livrer à ses activités criminelles. Pour cette raison, je conclus qu’il est approprié d’examiner la question de savoir si la décision suivant laquelle M. Cotterell serait susceptible de commettre une infraction accompagnée de violence avant l’expiration de sa peine était raisonnable ou si cette décision doit être annulée.

 

La conclusion suivant laquelle le demandeur était susceptible de commettre une infraction accompagnée de violence

[22]           Sous le régime du paragraphe 126(2) de la LSCMLSC, la CNLC avait l’obligation d’ordonner la libération d’un délinquant si elle était convaincue qu’il n’existait aucun motif raisonnable de croire qu’il commettrait une infraction avec violence avant la fin de sa peine.

 

[23]           M. Cotterell soutient que la décision suivant laquelle il était susceptible de commettre une infraction avec violence était déraisonnable parce que la CNLC a tiré une conclusion de fait déraisonnable quant à sa crédibilité, la nature de l’infraction et ses liens avec une organisation criminelle. De plus, et de manière plus générale, il soutient que la conclusion suivant laquelle il était susceptible de commettre une infraction était déraisonnable.

 

Crédibilité

[24]           La CNLC a conclu que le témoignage de M. Cotterell n’était pas crédible pour ce qui est de la question de savoir pourquoi et quand il s’était impliqué dans le monde de la drogue et aussi celle de savoir s’il avait un problème de consommation abusive d’alcool et de drogue. Je ne peux souscrire aux arguments du demandeur selon lesquels cette conclusion était déraisonnable compte tenu de la preuve dont la CNLC disposait.

 

[25]           La CNLC a noté que M. Cotterell avait affirmé qu’il était tombé dans l’enfer de la drogue seulement après avoir perdu son emploi, à savoir, d’après ce qu’indique le dossier, vers la date de son arrestation en septembre 2009. La CNLC a constaté que M. Cotterell avait été déclaré coupable d’une infraction liée à la drogue en 2006. Cette constatation a amené la CNLC à conclure qu’il avait trempé dans le monde de la drogue et, de ce fait, dans la violence depuis un certain temps, et non pas seulement après avoir perdu son emploi. Je souscris à l’argument du ministère public selon lequel il était loisible à la CNLC de fonder sa conclusion défavorable concernant la crédibilité sur cette incohérence.

 

[26]           M. Cotterell a expliqué qu’il consommait pour 20 à 40 $ de marijuana hebdomadairement en plus d’avoir l’« habitude » de consommer des boissons alcoolisées durant les week‑ends pour se détendre. La CNLC a estimé qu’il avait un problème de consommation abusive d’alcool et de drogue. Elle a également noté que le demandeur a reconnu qu’il avait les facultés affaiblies par l’alcool au moment où il avait accepté de garder le fusil pour son voisin. Je retiens l’argument du ministère public selon lequel il était loisible à la CNLC de conclure que le demandeur avait un problème de consommation abusive d’alcool et de drogue compte tenu de cette preuve, malgré que M. Cotterell ait affirmé le contraire.

 

[27]           De plus, pour les motifs exposés ci‑dessous, je suis d’avis qu’il était loisible à la CNLC de conclure que la déclaration de M. Cotterell selon laquelle il n’était pas mêlé aux activités d’une organisation criminelle manquait de vraisemblance compte tenu du fait qu’il avait été repéré dans le cadre du projet Fusion et du fait que deux rapports de police indiquaient qu’il était associé aux membres du gang « Markham and Eglinton Crews ».

 

[28]           Les conclusions de la CNLC concernant la crédibilité du demandeur doivent faire l’objet d’un degré élevé de retenue judiciaire. Sa conclusion se fonde sur les éléments de preuve dont elle disposait et elle fait partie des issues acceptables.

 

Nature de l’infraction

[29]           M. Cotterell soutient que les communications interceptées avant son arrestation contiennent les seuls renseignements disponibles quant à savoir si l’arme en sa possession était chargée. Le rapport de police décrivant son arrestation indique que la police a trouvé une arme [traduction] « avec » (en anglais, « with ») des munitions et le rapport sur le profil criminel révèle que la police a trouvé l’arme « ainsi que » (en anglais, « along with ») des munitions. Il affirme que l’information présentée au juge chargé de la détermination de la peine était la même que celle présentée à la CNLC, à savoir qu’il a accepté de garder l’arme pour une personne qu’il connaissait des jours avant son arrestation et qu’il a caché l’arme dans un sac en papier sous son matelas; elle était démontée et déchargée. Par conséquent, il fait valoir que la CNLC s’est appuyée sur des renseignements peu fiables et non convaincants pour conclure que l’arme était chargée.

 

[30]           Je suis d’accord avec le ministère public pour dire que la conclusion de la CNLC suivant laquelle l’arme était chargée est raisonnable. Les communications interceptées ne constituaient pas la seule source de renseignements sur cette question. À l’audience de détermination de la peine, le procureur du ministère public a affirmé ce qui suit :

[traduction] La perquisition subséquente a permis de mettre la main sur une arme de poing semi‑automatique Taurus de calibre .40, un pistolet, qui se trouvait dans la chambre à coucher, sous le matelas. L’arme comportait un - - un chargeur comptant dix cartouches à pointe creuse - - à pointe creuse de calibre .40. Il y avait en plus 40 cartouches de fusil d’assaut de 6,72 mm. Nul besoin de dire qu’une arme à feu chargée était - - était rangée de manière négligente. [Non souligné dans l’original.]

 

L’avocate du demandeur à l’audience de détermination de la peine n’a pas contesté cette description et, sur la foi de ces renseignements, il était raisonnable pour la CNLC de conclure que l’arme était chargée lorsqu’elle a décrit l’infraction.

 

Liens avec une organisation criminelle

[31]           M. Cotterell soutient que la conclusion concernant ses « liens étroits » avec une organisation criminelle n’est pas raisonnable. Il affirme que, même si le projet Fusion ciblait deux présumées organisations, aucune déclaration de culpabilité n’a été invoquée à l’appui de l’allégation relative au caractère criminel de l’organisation. Il souligne également que les accusations liées à l’organisation criminelle qui pesaient contre lui avaient été retirées à la demande du ministère public. Il soutient que la présomption de la CNLC suivant laquelle les accusations liées à l’organisation criminelle avaient été retirées en raison de sa collaboration à l’enquête est moins plausible que le fait qu’elles aient été retirées en raison d’une preuve insuffisante pour mener à une déclaration de culpabilité. Il fait remarquer qu’il ne connaissait pas la plupart des personnes contre lesquelles des accusations ont été portées dans le cadre du projet Fusion et qu’il ne les fréquentait pas.

 

[32]           Bien que l’accusation d’appartenance à une organisation criminelle ait été abandonnée, d’autres éléments de preuve démontraient l’existence de liens entre M. Cotterell et le gang « Markham and Eglinton Crew ». Plus particulièrement, la sergente‑détective Janice McLeod du service de police de Durham et le Groupe d’intervention contre les bandes criminalisées et les armes à feu ont indiqué dans leur rapport que M. Cotterell avait confirmé avoir des liens avec un gang de rue appelé le « Markham and Eglinton Crew ». Il était loisible à la CNLC de soupeser ces renseignements en tenant compte de la déclaration de M. Cotterell portant qu’il ne faisait pas partie d’une organisation criminelle et il était loisible à la CNLC d’accorder la préférence à la preuve des policiers. Sa décision était raisonnable.

 

Le demandeur était‑il susceptible de commettre (« likely to commit ») une infraction accompagnée de violence?

[33]           Si la CNLC est convaincue qu’il n’existe aucun motif raisonnable de croire que le délinquant commettra (en anglais « is likely to commit ») une infraction accompagnée de violence s’il est mis en liberté avant l’expiration de sa peine, elle doit ordonner sa libération. M. Cotterell avance que la Section d’appel a par le passé défini le mot « likely » dans la version anglaise comme signifiant [traduction] « probable ». Il invoque une décision datée du 8 janvier 2003 dans laquelle la CNLC a écrit ce qui suit :  

[traduction] Par l’emploi du mot « likely », la loi indique clairement que la Commission doit être convaincue, pour des motifs raisonnables, qu’il est probable qu’un crime violent sera commis par le délinquant.

 

 

[34]           Je souscris à l’argument du ministère public selon lequel, contrairement à l’argument du demandeur, le mot « likely » dans le texte anglais ne doit pas être interprété comme signifiant « probable » dans ce contexte. La Cour d’appel fédérale dans Cartier c Canada (Procureur général), 2002 CAF 384, aux paragraphes 21, 25 et 26, a statué que le libellé français (le verbe commettre au futur) de la LSCMLSC, généralement interprété comme signifiant « probably, in all probability », avait un sens plus large et n’était pas compatible avec l’expression employée en anglais « likely to commit ». La Cour d’appel a conclu que la version anglaise, dont la signification peut englober celle de la version française, était la version applicable.

 

[35]           La CNLC a estimé que [traduction] « la combinaison drogues et armes » était [traduction] « un indice de violence potentielle ». Toutefois, M. Cotterell soutient que, en l’absence de renseignements démontrant qu’il avait tendance à être agressif ou violent, la nature des infractions commises ne permettait pas de conclure qu’il était susceptible de commettre une infraction avec violence.

 

[36]           Encore une fois, je souscris à l’argument du ministère public selon lequel il est inexact de dire que M. Cotterell doit être personnellement lié à des actes de violence. Lorsque, comme en l’espèce, un délinquant est déclaré coupable d’infractions liées aux armes et au trafic et a des liens avec des individus à l’esprit criminel, il y a suffisamment de facteurs pour soutenir une conclusion portant qu’il est susceptible de commettre une infraction avec violence s’il est mis en liberté. Il est approprié pour la CNLC d’explorer les circonstances dans lesquelles le délinquant est devenu impliqué dans la perpétration de l’infraction au moment d’évaluer s’il est susceptible de commettre une infraction avec violence s’il est mis en liberté. Dans la présente affaire, la CNLC a tenu compte des éléments suivants :

                  (i)            M. Cotterell a été déclaré coupable d’une infraction liée aux armes après que la police ait trouvé sous son matelas chez lui un pistolet semi‑automatique de calibre 40 chargé dont le numéro de série avait été retiré.

                (ii)            M. Cotterell a été déclaré coupable de trafic de drogues à partir de sa résidence où l’arme a été trouvée, et où il vivait avec sa conjointe de fait et sa fille.

               (iii)            Deux services de police ont confirmé que M. Cotterell était un membre important d’un gang de rue reconnu pour être violent et pour ses antécédents d’activités criminelles liées aux drogues et aux armes.

              (iv)            M. Cotterell avait des liens avec des criminels du même acabit.

 

[37]           De plus, la CNLC a tenu compte du comportement de M. Cotterell pour déterminer s’il était susceptible de commettre une infraction avec violence. Elle a noté ce qui suit :

(i)                  M. Cotterell avait accepté de garder l’arme pendant qu’il était sous l’influence de substances intoxicantes.

(ii)                M. Cotterell n’avait pas reçu de traitement pour ses problèmes de consommation abusive.

(iii)               M. Cotterell était toujours en quête d’occasions de faire de l’argent rapidement et facilement.

(iv)              M. Cotterell avait tendance à se laisser influencer facilement par ses pairs et avait de la difficulté à dire non.

(v)                M. Cotterell avait des liens avec des individus à l’esprit criminel.

 

[40]           Je reconnais que tous les faits énumérés précédemment devaient être mis en balance avec l’affirmation de M. Cotterell voulant qu’il ne soit pas violent, et c’est ce que la CNLC a fait. Il n’appartient pas à la Cour de procéder à un nouvel examen de la preuve. À mon avis, sur la foi du dossier sur lequel elle se fonde, la décision appartient aux issues raisonnables et la présente demande doit être rejetée.

 

[41]           Compte tenu de l’issue de la requête du ministère public et de son dépôt tardif, il est approprié que chacune des parties supporte ses propres dépens.


JUGEMENT

LA COUR STATUE que la demande est rejetée sans frais.

 

« Russel W. Zinn »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Chantal DesRochers, LL.B., D.E.S.S. en trad.

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                    T‑60‑11

 

INTITULÉ :                                                   JASON COTTERELL c.
LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           Le 6 décembre 2011

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                          LE JUGE ZINN

 

DATE DES MOTIFS :                                  Le 13 mars 2012

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Diane K. van de Valk

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Ayesha Laldin

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Diane K. van de Valk

Avocat

Bracebridge (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Myles J. Kirvan

Sous‑procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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