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Date : 20120228


Dossier : IMM-258-11

Référence :  2012 CF 264

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Toronto (Ontario), le 28 février 2012

En présence de monsieur le juge Zinn

 

ENTRE :

 

 

FE VILLANEUVA DIONGSON

 

 

 

demanderesse

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

           MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Pour les motifs qui suivent, la présente demande est accueillie et la décision par laquelle, le 10 novembre 2010, une agente des non‑immigrants du Consulat général du Canada à Buffalo, New York (l’agente) a rejeté la demande de permis de travail de la demanderesse dans le cadre du Programme des aides familiaux résidants (PAFR), est infirmée.

 

[2]               La demanderesse, une citoyenne des Philippines, a été victime de fraude. En 2005, elle a été recrutée par Mme Fe Malab, à qui elle a dû verser en bout de ligne 6 000 $US aux fins de présenter une demande en vertu du PAFR et d’obtenir un Avis sur le marché du travail (AMT). Lorsque sa demande sous le régime du PAFR a été approuvée, elle a rencontré Mme Malab et lui a posé des questions sur son employeur au Canada, mais cette dernière lui a dit qu’elle ne connaissait pas encore l’identité de l’employeur, et que si Immigration lui posait la question, elle devrait inventer une réponse. La demanderesse a tenté d’appeler l’employeur dont le nom figurait sur l’AMT, mais elle n’a obtenu aucune réponse.

 

[3]               La demanderesse est arrivée au Canada le 14 juin 2007. Elle s’est rendue en taxi à l’adresse de l’employeur et a découvert qu’il s’agissait en fait de la résidence de Mme Malab, et que plus de 20 autres femmes philippines y vivaient. Le lendemain, la demanderesse a posé des questions sur son employeur à Mme Malab, qui lui a dit de se calmer et que ce n’était pas encore le temps de commencer son emploi. Elle a fini par lui dire qu’elle avait « perdu son emploi à son arrivée » et qu’elle devrait trouver un autre emploi.

 

[4]               La demanderesse affirme que Mme Malab a éludé toutes ses demandes de la placer chez un employeur comme aide familial résidant après son arrivée au Canada. Elle lui a plutôt menti à maintes reprises, lui disant qu’elle pourrait obtenir sa résidence permanente d’autres façons, et occuper des emplois à temps partiel que Mme Malab lui avait trouvés, comme dans des usines ou comme femme de ménage. Mme Malab a commencé à lui réclamer 300 $ par mois pour vivre chez elle. Chaque fois qu’elle lui a demandé un placement professionnel légitime, Mme Malab lui a extorqué davantage d’argent. En bout de ligne, la demanderesse a refusé de verser plus d’argent à Mme Malab.

 

[5]               Avec l’aide du centre d’action pour les aides familiaux, la demanderesse a finalement rencontré un avocat et conseiller en immigration, et a appris que ce que Mme Malab faisait et ce qu’elle l’encourageait à faire était illégal. En septembre 2009, la demanderesse a présenté une plainte à l’Agence des services frontaliers du Canada concernant Mme Malab et d’autres personnes. Un mandat a été délivré subséquemment à l’endroit de Mme Malab, et sa maison a fait l’objet d’une descente.

 

[6]               En novembre 2009, la demanderesse a été interrogée relativement à sa demande de permis de séjour temporaire (PST) au motif qu’elle avait été victime de trafic. Cette demande a été rejetée à la fin de l’entrevue (décision sur le PST). Dans la présente affaire, l’agente s’est fondée sur les notes du système de soutien des opérations des bureaux locaux (notes du SSOBL) relatives à la décision sur le PST.

 

[7]               La demanderesse a trouvé un poste d’aide familial résidant auprès d’une autre famille. Elle a obtenu un nouvel AMT, et a demandé un permis de travail dans le cadre du PAFR. Dans une lettre de décision datée du 10 novembre 2010, l’agente a déclaré que la demanderesse ne remplissait pas les conditions requises pour obtenir un permis de travail et a expliqué ainsi son refus :

[traduction]

 

Vous êtes arrivée au Canada en juin 2007, munie d’un permis de travail qui vous a été délivré dans le cadre du Programme d’aide familial résidant. Depuis votre arrivée, vous êtes restée au Canada, vous avez demandé des prolongations des permis de travail, et vous avez changé d’employeur au moins une fois. Aucune affirmation n’a été faite et aucune preuve n’a été fournie pour indiquer ou expliquer la ou les raisons du changement d’employeur/congédiement ou la durée de tout emploi au Canada. La preuve présentée pour me convaincre que des efforts ont été accomplis pour trouver un emploi au Canada était insuffisante. Je ne suis pas convaincue que vous êtes une véritable travailleuse temporaire. Vous ne m’avez pas convaincue que vous quitterez le Canada à la fin de la période de séjour autorisée.

 

L’agente a consigné ce qui suit dans les notes du Système de traitement informatisé des données de l’immigration (STIDI) datées du 10 novembre 2010 :

[traduction]

 

LA DEMANDERESSE N’A FOURNI AUCUNE PREUVE D’UN PAFR LIÉ À UN EMPLOI AU CANADA. ELLE A ADMIS, DANS DES NOTES SSOBL ANTÉRIEURES, AVOIR FAIT INTENTIONNELLEMENT DE FAUSSES DÉCLARATIONS À SON SUJET (ENCOURAGÉE PAR LA PERSONNE QUI L’A RECRUTÉE). ELLE A RECONNU SAVOIR QU’ELLE DEVAIT TRAVAILLER AU CANADA POUR SATISFAIRE AUX CONDITIONS REQUISES POUR OBTENIR LE PERMIS DE TRAVAIL DANS LE CADRE DU PROGRAMME DES AIDES FAMILIAUX RÉSIDANTS. ELLE NE M’A PAS CONVAINCUE QU’ELLE EST UNE VÉRITABLE TRAVAILLEUSE AU CANADA DEPUIS JUIN 2007. J’AI PRIS EN CONSIDÉRATION LE TRAITEMENT DONT ELLE AFFIRME AVOIR FAIT L’OBJET DE LA PART LA PERSONNE QUI L’A RECRUTÉE. LA DEMANDERESSE A CEPENDANT INDIQUÉ DANS UNE ENTREVUE OFFICIELLE AVEC LE BUREAU D’ETOBICOKE QU’ELLE ÉTAIT AU COURANT DES EXIGENCES DU PROGRAMME CONCERNANT L’EMPLOI. ELLE N’A FOURNI AUCUNE PREUVE POUR ME CONVAINCRE QU’ELLE A FAIT DES EFFORTS POUR TROUVER UN EMPLOI AU CANADA.

 

[8]               La demanderesse conteste la décision à un certain nombre d’égards; cependant, à mon avis, il n’y a lieu de se pencher que sur la question de savoir si la décision de l’agente était raisonnable, et comme la demanderesse, je suis d’avis qu’elle ne l’était pas.

 

[9]               Dans l’affaire Nazir c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 553, le juge de Montigny a déclaré ceci au paragraphe 20 : « Les agents des visas qui apprécient les permis d’aide familiale sont tenus de prendre en compte l’explication du demandeur et d’expliquer pourquoi ils rejettent ces explications ». Dans la présente affaire, l’agente n’a prêté qu’un intérêt de pure forme aux explications fournies par la demanderesse concernant les irrégularités relevées dans ses antécédents professionnels depuis sont arrivée au Canada, à savoir qu’elle avait été victime de fraude.

 

[10]           L’agente a reconnu en contre‑interrogatoire que, pour prendre sa décision, elle s’était fondée en grande partie sur les notes du SSOBL; je conclus cependant que la plupart des conclusions sur lesquelles l’agente a fondé sa décision ont été tirées sans égard à cette preuve. L’agente a conclu dans sa décision qu’(i) il n’y avait aucune explication relative au changement d’employeur de la demanderesse et à son congédiement ou à la durée de son emploi au Canada; que (ii) la preuve ne permettait pas de convaincre l’agente qu’elle avait fait des efforts pour trouver un emploi au Canada; et (iii) que la demanderesse n’avait pas prouvé qu’elle était une véritable travailleuse au Canada depuis le mois de juin 2007.

 

[11]           Les notes du SSOBL contiennent un compte rendu détaillé du récit de la demanderesse, y compris : son arrivée au Canada, la réalisation qu’elle n’avait pas le poste qu’on lui avait promis; ses efforts pour trouver un autre emploi; et une liste de tous les lieux de travail depuis son arrivée au Canada. L’examen du dossier permet de contredire directement les deux premières conclusions susmentionnées.

 

[12]           La conclusion de l’agente selon laquelle la demanderesse n’a pas prouvé qu’elle était une véritable travailleuse depuis le mois de juin 2007 est particulièrement surprenante compte tenu du fait que la demanderesse n’a pas prétendu avoir été une travailleuse véritable depuis 2007. Elle a expliqué que le travail pour lequel elle a reçu son premier permis de travail n’avait jamais existé. Elle a expliqué également qu’elle avait été continuellement induite en erreur par Mme Malab au sujet de la légalité d’un travail autre que dans le cadre de son permis, et au sujet du processus qu’il fallait suivre pour obtenir la résidence permanente. Je ne peux que conclure des motifs de l’agente qu’elle n’a pas pris en compte les explications de la demanderesse qui figuraient dans les notes du SSOBL qu’elle a consultées. En conséquence, je suis d’avis que l’agente a tiré ses conclusions sans égard à la documentation dont elle disposait, et que la décision doit être infirmée.

 

[13]           Aucune partie n’a proposé de question à certifier. Compte tenu des faits de la présente demande, il n’en existe aucune.

 


 

JUGEMENT

LA COUR STATUE que la présente demande est accueillie, que la décision de l’agente des non‑immigrants du Consulat général du Canada à Buffalo, New York, datée du 10 novembre 2010, rejetant la demande de permis de travail de la demanderesse dans le cadre du Programme des aides familiaux résidants, est infirmée, et que la demande est renvoyée à un autre agent pour un nouvel examen. Aucune question n’est certifiée.

 

« Russel W. Zinn » 

Juge

 

Traduction certifiée conforme

Claude Leclerc, LL.B.

 


COUR FÉDÉRALE

 

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-258-11

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :            FE VILLANEUVA DIONGSON c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 22 février 2012

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LE JUGE ZINN

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 28 février 2012

 

 

 

COMPARUTIONS

 

Aisling Bondy

 

                       POUR LA DEMANDERESSE

Prathima Prashad

 

                           POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

AISLING BONDY

Avocats

Toronto (Ontario)

 

                        POUR LA DEMANDERESSE

MYLES J. KIRVAN

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

                           POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

 

 

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