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Cour fédérale

 

Federal Court

 

 Date: 20120224

Dossier : T-785-11

Référence : 2012 CF 252

Ottawa (Ontario), le 24 février 2012

En présence de monsieur le juge Scott 

 

ENTRE :

 

FATMIR BUSHI

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

         MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

I.          Introduction

 

[1]               Il s’agit d’une demande d’appel de Monsieur Fatmir Bushi (M. Bushi) aux termes du paragraphe 14(5) de la Loi sur la citoyenneté, LRC 1985, c C-29 (la Loi), concernant la décision rendue par la juge de la citoyenneté Renée Giroux, rejetant sa demande de citoyenneté.

 

[2]               Pour les raisons qui suivent, cet appel est rejeté.

 

II.        Les Faits

 

[3]               M. Bushi est d’origine albanaise.

 

[4]               Il est admis au Canada le 2 septembre 1998.

 

[5]               Le 2 novembre 1999, il obtient son  statut de résident permanent.

 

[6]               M. Bushi travaille comme paysagiste à l’emploi de la société Les aménagements paysagers François Proulx, tous les étés depuis 2000, et déclare être bénéficiaire de l’assurance-emploi le reste de l’année.

 

[7]               Le 26 février 2008, M. Bushi dépose sa demande de citoyenneté. Sa période de référence s’étend  conséquemment du 26 février 2004 au 26 février 2008.

 

[8]               Le 4 novembre 2009, un agent de la citoyenneté transmet à M. Bushi un questionnaire sur la résidence lui enjoignant de fournir les informations requises pour établir sa résidence au Canada.

 

[9]               Le 26 novembre 2009, M. Bushi renvoie le questionnaire et des documents à l’appui de sa demande.

 

[10]           Le 25 janvier 2011, la juge de la citoyenneté rejette la demande de citoyenneté de M. Bushi au motif que les éléments de preuve contenus dans le dossier ne suffisent pas pour établir la présence physique de M. Bushi au Canada pendant la période de référence.

 

III.       La Loi

 

[11]           Le paragraphe 5(1) de la Loi se lit comme suit :

 

Attribution de la citoyenneté

 

Grant of citizenship

 (1) Le ministre attribue la citoyenneté à toute personne qui, à la fois :

 

 (1) The Minister shall grant citizenship to any person who

a) en fait la demande;

(a) makes application for citizenship;

 

b) est âgée d’au moins dix-huit ans;

(b) is eighteen years of age or over;

 

c) est un résident permanent au sens du paragraphe 2(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés et a, dans les quatre ans qui ont précédé la date de sa demande, résidé au Canada pendant au moins trois ans en tout, la durée de sa résidence étant calculée de la manière suivante :

 

(c) is a permanent resident within the meaning of subsection 2(1) of the Immigration and Refugee Protection Act, and has, within the four years immediately preceding the date of his or her application, accumulated at least three years of residence in Canada calculated in the following manner:

 

(i) un demi-jour pour chaque jour de résidence au Canada avant son admission à titre de résident permanent,

 

(i) for every day during which the person was resident in Canada before his lawful admission to Canada for permanent residence the person shall be deemed to have accumulated one-half of a day of residence, and

 

 

(ii) un jour pour chaque jour de résidence au Canada après son admission à titre de résident permanent;

(ii) for every day during which the person was resident in Canada after his lawful admission to Canada for permanent residence the person shall be deemed to have accumulated one day of residence;

 

d) a une connaissance suffisante de l’une des langues officielles du Canada;

 

(d) has an adequate knowledge of one of the official languages of Canada;

 

 

e) a une connaissance suffisante du Canada et des responsabilités et avantages conférés par la citoyenneté;

 

(e) has an adequate knowledge of Canada and of the responsibilities and privileges of citizenship; and

 

 

f) n’est pas sous le coup d’une mesure de renvoi et n’est pas visée par une déclaration du gouverneur en conseil faite en application de l’article 20.

(f) is not under a removal order and is not the subject of a declaration by the Governor in Council made pursuant to section 20.

 

 

 

 

 

IV.       Question en litige et norme de contrôle

 

A.        La question en litige

 

·                    La juge de la citoyenneté a-t-elle commis une erreur en concluant que le demandeur ne remplit pas les conditions prévues à l’alinéa 5(1)c) de la Loi ?

 

B.        La norme de contrôle

 

[12]           La révision de la décision d’un juge de la citoyenneté selon laquelle un demandeur répond ou non aux exigences de résidence précisées dans la Loi est une question mixte de fait et de droit (voir la décision Chowdhury c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 709, aux paras 24 à 28 ; voir aussi la décision Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Zhou, 2008 CF 939 au para 7).

 

[13]           La norme de contrôle applicable en l’espèce est celle de la décision raisonnable. « La cour de révision se demande dès lors si la décision et sa justification possèdent les attributs de la raisonnabilité. Le caractère raisonnable tient principalement à la justification de la décision, à la transparence et à l'intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu'à l'appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » (voir l’arrêt Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9 au para 47 ; voir aussi l’arrêt Canada (Citoyenneté et Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12 au para 59).

 

V.        La position des parties

 

A.        La position de M. Bushi

 

[14]           M. Bushi soutient que la juge de la citoyenneté commet une erreur en concluant qu’il ne satisfait pas aux exigences de la Loi.

 

[15]           M. Bushi allègue qu’il éprouve de la difficulté à bien comprendre le français, ce qui l’empêche de répondre adéquatement  aux questions que lui pose la juge de la citoyenneté à l’audience du 25 janvier 2011.

 

[16]           Il soutient également que la juge de la citoyenneté ne tient pas compte des éléments de preuve au dossier, soit : ses déclarations de revenus pour les années 2006 et 2008 ainsi qu’une lettre de son employeur, Monsieur François Proulx, des Aménagements paysagers François Proulx.

 

[17]           M. Bushi prétend satisfaire à toutes les exigences de la Loi. L’omission de la part de la juge de la citoyenneté de prendre en compte les éléments de preuve au dossier constitue, selon lui, une erreur qui justifie l’intervention de la Cour.

 

 

 

 

 

B.        La position du défendeur

 

[18]           Le défendeur souligne que le fardeau de preuve appartient à M. Bushi. Il lui revient d’établir, selon la balance des probabilités, qu’il respecte toutes les exigences de la Loi (voir la décision Abbas c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 145 au para 8).

 

[19]           Le défendeur soutient que les éléments de preuve présentés par M. Bushi ne permettent pas d’établir sa résidence au Canada.

 

[20]           Le défendeur rappelle que la Cour a reconnu, à maintes reprises, que les déclarations de revenus sont des indicateurs passifs de résidence qui n’établissent pas une présence physique au pays (voir la décision Singh c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 490 aux paras 32-33). Les déclarations de revenus de M. Bushi n’établissent pas une présence continue au Canada pendant toute la période alléguée.

 

[21]           M. Bushi ne dépose aucun document pour prouver sa résidence au Canada au cours des années 2004, 2005 et 2007. Le défendeur allègue que la faible valeur probante des éléments de preuve au dossier ne permet pas à la juge de la citoyenneté de conclure que M. Bushi satisfait l’exigence minimale de la Loi.

 

[22]           De plus, M. Bushi n’établit pas en quelle manière ses difficultés avec la langue française l’empêchent de déposer les éléments de preuve requis pour établir sa présence physique au pays au cours de la période de référence ou d’expliquer comment ce handicap l’aurait desservi à l’audience.

 

[23]           À l’audience, l’avocat du demandeur prétend que la juge de la citoyenneté a fait preuve de partialité au motif qu’elle demande à M. Bushi pourquoi il ne travaille pas l’hiver. Le procureur du défendeur s’oppose puisque cet argument n’est pas allégué dans le mémoire du demandeur. La Cour maintient l’objection du défendeur puisque les règles de la Cour sont claires à ce sujet.

 

VII.     Analyse

 

·                    La juge de la citoyenneté a-t-elle commis une erreur en concluant que le demandeur ne remplit pas les conditions prévues à l’alinéa 5(1)c) de la Loi ?

 

[24]           La Cour rejette l’argument de M. Bushi fondé sur sa connaissance limitée du français, faute par ce dernier d’expliquer précisément par quelle manière ce handicap l’empêche de présenter la documentation requise pour satisfaire aux exigences de la Loi.

 

[25]           Dans un deuxième temps, il est clair, à la lecture du dossier, que M. Bushi fait défaut de satisfaire les critères énoncés dans la Loi puisqu’il ne présente pas suffisamment d’éléments de preuve à l’appui de sa demande de citoyenneté. Sur la foi des éléments de preuve au dossier, il devient impossible de conclure que le demandeur satisfait aux exigences de la Loi.

 

[26]           Que la Cour applique le critère de la présence physique stricte énoncé par le Juge Muldoon dans l’affaire Pourghasemi (Re) (1993), 62 FTR 122, ou le critère d’une résidence centralisée au Canada en répondant aux six questions précisées par le juge Reed dans l’affaire Koo (Re), [1993] 1 CF 286, 59 FTR 27, dans les deux cas, M. Bushi ne satisfait pas les exigences requises.

 

[27]           Même si la juge de la citoyenneté accepte tous les éléments de preuve présentés, M. Bushi ne satisfait toujours pas les exigences prévues à l’alinéa 5(1)c) de la Loi. La décision de la juge de la citoyenneté est des plus raisonnables. La citoyenneté canadienne procure de nombreux privilèges. La juge de la citoyenneté est en droit de s’attendre à ce qu’un demandeur déploie un minimum d’efforts pour établir sa résidence au cours de la période de référence. Tel n’est pas le cas en l’espèce.

 

VIII.    Conclusion

 

[28]           Cette demande d’appel est rejetée, le tout sans dépens.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

JUGEMENT

LA COUR REJETTE

1.                  La demande d’appel;

2.                  Le tout sans dépens.

 

 

« André F.J. Scott »

Juge


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        T-785-11

 

INTITULÉ :                                       FATMIR BUSHI

                                                            c

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                            ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               12 janvier 2012

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LE JUGE SCOTT

 

DATE DES MOTIFS :                      24 février 2012

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Dorin Cosescu

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Charles Junior Jean

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Me Dorin Cosescu

Montréal (Québec)

POUR LE DEMANDEUR

 

 

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)

POUR LE DÉFENDEUR

 

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