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Date : 20120213

Dossier : T‑745‑11

Référence : 2012 CF 207

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 13 février  2012

En présence de M. le juge Mosley

 

 

ENTRE :

 

A. GREGORY HYNES C.D.

 

 

demandeur

 

et

 

 

 

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Le demandeur A. Gregory Hynes C.D., est un membre à la retraite des Forces canadiennes. Dans une décision datée du 3 mars 2011, le Tribunal des anciens combattants (révision et appel) (le Tribunal) a statué que M. Hynes avait droit aux trois cinquièmes d’une pension d’invalidité pour l’aggravation d’une maladie discale lombaire qu’il a subie alors qu’il était en service actif. M. Hynes réclame une pension plus généreuse. Il a introduit la présente demande de contrôle judiciaire de la décision du Tribunal en vertu de l’article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales, LRC 1985, c F‑7. Il se représentait lui‑même à l’audience.

 

[2]               Pour les motifs qui suivent, la demande est rejetée.

 

CONTEXTE

 

[3]               M. Hynes a servi dans la force régulière du 13 décembre 1972 au 2 juillet 1975, puis de nouveau du 5 juillet 1979 au 31 juillet 1995. Au cours de sa première période de service, M. Hynes s’est plaint de douleurs lombaires attribuées au fait qu’il devait dormir dans des tentes. Aucune anomalie n’a été décelée lors de l’examen médical qu’il a subi lorsqu’il s’est enrôlé pour la seconde période.

 

[4]               Alors qu’il effectuait une ronde de surveillance à la base des Forces canadiennes de Halifax peu de temps après son réenrôlement, M. Hynes a perdu pied et a fait une chute. Il a dû suivre des traitements de physiothérapie ainsi que des traitements pour des spasmes musculaires. En août 1979, on a dirigé M. Hynes vers un consultant chirurgical à la base de Gagetown, au Nouveau‑Brunswick, après qu’il eut signalé qu’il avait de la difficulté à effectuer les tâches qui lui étaient confiées comme fantassin à cause de douleurs au dos. Les médecins militaires qui l’avaient examiné n’avaient pas trouvé de cause physique à ces douleurs. Le consultant chirurgical a conclu que M. Hynes était [traduction] « probablement effectivement atteint d’une blessure grave » et il a recommandé qu’on lui accorde [traduction] « le bénéfice du doute » et qu’on le dispense de participer à des activités nécessitant un effort intense. Le demandeur a par la suite reçu une nouvelle formation comme technicien dentaire.

 

[5]               En 1985, M. Hynes a été blessé après avoir été frappé par une automobile alors qu’il revenait du travail à bicyclette. En octobre 1992, au cours d’un examen médical pour les « plus de 40 ans », un examinateur a constaté des symptômes de lombalgie, mais a conclu à un alignement normal de la colonne vertébrale.

 

[6]               Le 18 avril 1994, avant sa libération, M. Hynes a présenté une demande visant à obtenir une pension, notamment pour sa maladie discale lombaire. Voici un extrait de l’avis médical du 26 avril 1995 :

[traduction]

Ce problème n’a pas été diagnostiqué comme M. Hynes le prétend. Les éléments de preuve soumis par les avocats‑conseils, en l’occurrence la radiographie du 14 juillet 1988, révèlent [traduction] « un pincement discal mineur au niveau L5‑S1 », ce qui constitue une variante normale observée à ce niveau [...] Quelle que soit leur cause, il ne fait pas de doute que les douleurs lombaires n’ont pas été causées ou aggravées de manière permanente par quelque fonction que l’intéressé aurait accomplie au cours de son service dans la force régulière et on ne peut non plus les attribuer à l’incident d’avril 1979 au cours duquel il a glissé et s’est tordu le pied. D’ailleurs, une fois la douleur disparue, des années se sont écoulées sans symptôme.

 

 

[7]               Dans une décision datée du 12 mai 1995, la Commission des pensions a conclu que la demande relative à la maladie discale lombaire n’ouvrait pas droit à pension étant donné que la Commission estimait que les symptômes n’étaient pas consécutifs au service militaire.

 

[8]               M. Hynes a interjeté appel de cette décision devant le Comité d’examen de l’admissibilité du Tribunal en vertu de l’article 84 de la Loi sur les pensions, LRC 1985, c P‑6 (la Loi sur les pensions). Dans une décision datée du 27 novembre 1996, le Comité d’examen de l’admissibilité a estimé qu’il disposait de suffisamment d’éléments de preuve pour recommander une indemnité fondée sur le rapport d’août 1979 du consultant chirurgical et sur la déclaration jointe au rapport de l’examen radiographique du 14 juillet 1988.

 

[9]               Le rapport de l’examen radiographique de 1988 avait constaté ce qui suit :

[traduction] 

Il y a un pincement discal mineur au niveau L5‑S1 sans indice d’une véritable dégénérescence associée. Le reste de l’espace intervertébral est bien conservé et on ne trouve aucun indice de fracture, de dislocation ou de dégénérescence appréciable.

 

 

[10]           M. Hynes s’est vu accorder une pension dans une proportion de deux cinquièmes pour sa maladie discale lombaire rétroactivement à la date suivant sa libération de l’armée. Le Comité d’examen de l’admissibilité a par ailleurs conclu que le diagnostic de dégénérescence discale lombaire bénigne qui avait été posé en 1994 chez un homme qui était alors âgé de 45 ans était insidieux et [traduction] « n’était confirmé par aucun traumatisme ou accident ». Le Comité a par conséquent refusé de reconnaître le droit du demandeur à une pension d’invalidité pour cette affection.

 

[11]           M. Hynes a interjeté appel de la décision au comité d’appel du Tribunal des anciens combattants (révision et appel). Les arguments qu’il a présentés en appel ont été soumis sous forme d’observations écrites qui ont été transmises au Tribunal le 26 janvier 2011 par un membre du Bureau des services juridiques des pensions en vertu de l’article 25 de la Loi sur le Tribunal des anciens combattants (révision et appel), LC 1995, c 18 (la Loi).

 

DÉCISION À L’EXAMEN

 

[12]           Dans sa décision du 3 mars 2011, le Tribunal a majoré la pension du demandeur pour la fixer aux trois cinquièmes en vertu du paragraphe 21(2) de la Loi sur les pensions, rétroactivement au 3 mars 2008 (trois ans avant la date de la décision). Pour étayer cette conclusion, le Tribunal a fait référence aux observations écrites de l’avocate‑conseil, à un extrait des lignes directrices sur l’admissibilité au droit à pension du ministère des Anciens Combattants du Canada intitulé « Affections discales », ainsi que la 18e édition d’un ouvrage de référence intitulé « The Merck Manual ». Ces dernières publications ont été invoquées à l’appui des conclusions tirées par le Tribunal quant au consensus qui existe dans les publications médicales en ce qui concerne les maladies discales lombaires.

 

[13]           Le Tribunal a relevé que la dernière fois qu’un médecin s’était prononcé sur l’état de santé de M. Hynes c’était en 1991, soit une vingtaine d’années auparavant, et qu’il n’existait aucun avis médical établissant que la maladie discale lombaire était entièrement liée au service effectué par le demandeur au sein de la Force régulière. Le Tribunal a conclu :

[traduction]

Il ressort de l’ensemble de la preuve qui nous a été soumise que les facteurs liés au service militaire ont pu contribuer dans une large mesure à l’affection pour laquelle M. Hynes recevait déjà une pension partielle et que la proportion des trois cinquièmes est celle qui représente le mieux le degré d’aggravation.

 

 

[14]           Vu l’ensemble de la preuve dont il disposait, y compris celle tirée des ouvrages médicaux, le Tribunal a conclu que la maladie discale lombaire est une affection dégénérative normale et que ce n’est que dans un petit nombre de cas (5 p. 100) qu’une blessure grave peut en être l’unique cause. Le Tribunal a en partie refusé d’accorder la pension demandée par M. Hynes en raison de l’âge qu’il avait au moment du diagnostic. Le Tribunal a également en partie refusé d’accorder la pension en raison des autres traumatismes dorsaux dont il avait été fait mention, tel que l’accident que M. Hynes avait subi en 1985 alors qu’il circulait à bicyclette après ses heures de travail.

 

[15]           Le paragraphe 39(1) de la Loi sur les pensions prévoit que le paiement d’une pension peut prendre effet à partir de celle des dates suivantes qui est postérieure à l’autre : la date à laquelle une demande à cette fin a été présentée en premier lieu ou une date précédant de trois ans la date à laquelle la pension a été accordée. Le Tribunal a par ailleurs estimé qu’il ne disposait d’aucun élément de preuve justifiant l’octroi d’une compensation supplémentaire en vertu du paragraphe 39(2) de la Loi sur les pensions au motif que des facteurs indépendants de la volonté du demandeur auraient retardé le paiement de la compensation.

 

QUESTIONS EN LITIGE

 

[16]           Plusieurs des questions que les parties avaient soulevées dans leurs observations écrites n’ont pas été reprises à l’audience. M. Hynes a informé la Cour qu’il ne donnerait pas suite à l’objection qu’il avait formulée au sujet de la date à partir de laquelle la pension était payable. Il a indiqué que, s’il obtenait gain de cause en ce qui concerne son droit à pension, il demanderait au Tribunal de revenir sur la question.

 

[17]           L’avocat du défendeur a reconnu que certains des documents annexés à l’affidavit de M. Hynes, dont l’admissibilité avait été contestée par le défendeur dans ses observations écrites, avaient à juste titre été considérés comme ayant été présentés au Tribunal, étant donné qu’ils se trouvaient au dossier du service militaire de M. Hynes. Après examen, j’estime que la plupart des renseignements joints à l’affidavit de M. Hynes se trouvaient soit dans le dossier certifié conforme du Tribunal, soit dans le dossier du défendeur. M. Hynes a retiré la pièce 31, soit le rapport du cardiologue du 15 janvier 2009, ainsi que la pièce 32, un rapport d’imagerie diagnostique daté du 22 février 2011. Il n’a donc pas été tenu compte de ces deux documents. Ces documents n’avaient pas été portés à la connaissance du comité d’appel, qui n’a donc pas pu les examiner avant de rendre sa décision. Pour cette raison, ces pièces n’étaient pas admissibles dans le cadre de la présente instance.

 

[18]           Dans ses observations écrites, M. Hynes affirmait que le Tribunal n’avait pas motivé suffisamment sa décision. Il n’a pas donné suite à cet argument à l’audience. Je suis convaincu que les motifs du Tribunal étaient exhaustifs et que le Tribunal a clairement exposé les raisons pour lesquelles il est arrivé à sa conclusion.

 

[19]           Les questions qu’il nous reste à trancher sont les suivantes :

a.       Le Tribunal a‑t‑il commis une erreur en ne tenant pas compte de tous les éléments de preuve et en tenant compte d’éléments de preuve extrinsèques?

b.      Le Tribunal a‑t‑il commis une erreur en appliquant l’article 39 de la Loi?

 

DISPOSITIONS LÉGISLATIVES APPLICABLES

[20]           Le paragraphe 21(2.1) de la Loi sur les pensions est ainsi libellé :

21. (2.1) En cas d’invalidité résultant de l’aggravation d’une blessure ou maladie, seule la fraction – calculée en cinquièmes – du degré total d’invalidité qui représente l’aggravation peut donner droit à une pension.

21. (2.1) Where a pension is awarded in respect of a disability resulting from the aggravation of an injury or disease, only that fraction of the total disability, measured in fifths, that represents the extent to which the injury or disease was aggravated is pensionable.

 

[21]           L’article 39 de la Loi sur le Tribunal des anciens combattants (révision et appel) dispose :

39. Le Tribunal applique, à l’égard du demandeur ou de l’appelant, les règles suivantes en matière de preuve :

 

a) il tire des circonstances et des éléments de preuve qui lui sont présentés les conclusions les plus favorables possible à celui‑ci;

 

 

b) il accepte tout élément de preuve non contredit que lui présente celui‑ci et qui lui semble vraisemblable en l’occurrence;

 

 

c) il tranche en sa faveur toute incertitude quant au bien‑fondé de la demande.

39. In all proceedings under this Act, the Board shall

 

 

 

(a) draw from all the circumstances of the case and all the evidence presented to it every reasonable inference in favour of the applicant or appellant;

 

(b) accept any uncontradicted evidence presented to it by the applicant or appellant that it considers to be credible in the circumstances; and

 

(c) resolve in favour of the applicant or appellant any doubt, in the weighing of evidence, as to whether the applicant or appellant has established a case.

 

ANALYSE

           

Norme de contrôle

 

 

[22]           La Cour suprême du Canada a déclaré, dans l’arrêt Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, au paragraphe 62, qu’il n’est pas nécessaire d’effectuer une analyse pour arrêter la norme de contrôle applicable lorsque la jurisprudence a déjà établi de manière satisfaisante cette norme. Notre Cour a jugé que le Tribunal est un tribunal administratif spécialisé qui possède une vaste expertise et dont les décisions sont, par conséquent, susceptibles de contrôle selon la norme de la raisonnabilité (McLean c Canada (Procureur général), 2011 CF 453, au paragraphe 27).

 

            Le Tribunal a‑t‑il commis une erreur dans son examen de la preuve?

 

[23]           M. Hynes affirme que le Tribunal a commis une erreur en refusant de lui accorder une partie de sa pension au motif que sa maladie discale lombaire était une affection dégénérative normale associée au processus de sénescence. Il affirme que la radiographie versée à son dossier de service du 22 mai 1979 ne montre aucune dégénérescence discale, ce qui prouve qu’aucune dégénérescence naturelle n’avait commencé avant son accident d’avril 1979. Il affirme que le Tribunal a également commis une erreur en estimant que son accident de bicyclette de 1995 s’était produit en dehors de ses heures de travail. Il affirme qu’à l’époque, ses supérieurs l’encourageaient à se rendre au travail à bicyclette pour améliorer sa forme physique.

 

[24]           Je suis d’accord avec le défendeur pour dire que l’argument suivant lequel le Tribunal n’a pas tenu compte de tout le dossier médical de M. Hynes est mal fondé. Le Tribunal a tenu compte des éléments de preuve médicaux soumis par le demandeur et il a rendu sa décision à la lumière de ces éléments. Il ressort à l’évidence du dossier que le Tribunal a tenu compte de tout le dossier, y compris des nouveaux éléments de preuve soumis par le demandeur ainsi que des observations de l’avocate‑conseil.

 

[25]           L’argument invoqué par M. Hynes au sujet de la façon dont le Tribunal a considéré son accident en vélo de 1985 est également mal fondé. Dans les observations écrites qu’elle a présentées en appel, l’avocate‑conseil n’a pas soutenu que l’accident de bicyclette était survenu alors que le demandeur était au travail; elle affirmait plutôt que l’accident n’avait pas contribué à l’état de M. Hynes. M. Hynes a repris cet argument lors de l’instruction de la présente demande tout en faisant valoir un nouvel argument, en l’occurrence que ses supérieurs l’encourageaient à utiliser sa bicyclette pour améliorer sa forme physique. Après avoir tenté d’éliminer l’accident de 1985 comme cause de l’affection pour laquelle il réclamait une augmentation de son droit à pension devant le Tribunal, le demandeur ne peut maintenant prétendre que cet accident est lié à son travail.

 

[26]           Vu l’ensemble de la preuve et les arguments qui lui avaient été soumis, il était raisonnable de la part du Tribunal de refuser d’accorder une partie de la pension au motif que l’affection dont était atteint le demandeur résultait d’un processus naturel associé à la sénescence et d’autres traumatismes dorsaux comme l’accident de bicyclette.

 

[27]           M. Hynes affirme également que le Tribunal a eu tort de se fonder sur des extraits du Merck Manual portant sur les douleurs à la nuque et au dos, invoquant à l’appui le jugement Deschênes c Canada (Procureur général), 2011 CF 449. Dans ce jugement, le juge Beaudry a convenu que le Tribunal pouvait consulter d’autres sources que celles se trouvant au dossier. Il a toutefois reproché au Tribunal de se fonder sur des sources extrinsèques pour contredire le témoignage du spécialiste du demandeur sans donner au demandeur la possibilité de répondre.

 

[28]           Tel n’est pas le cas en l’espèce. L’extrait du Merck Manual joint à la décision du Tribunal va dans le même sens que l’extrait des lignes directrices du ministère des Anciens Combattants du Canada qui, comme le demandeur l’admet, faisaient partie du dossier soumis à la Commission des pensions et sur lesquelles l’avocate‑conseil s’est fondée dans les observations écrites qu’elle a soumises en appel. Le Merck Manual ne fait qu’exposer plus en détail ce que l’on trouve sous forme de résumé dans les lignes directrices. Il ne contredit pas les principaux éléments de preuve sur lesquels le demandeur s’est fondé et sur lesquels le Tribunal s’est appuyé pour augmenter sa pension, en l’occurrence, le rapport de radiographie de 1988 et le rapport du consultant de 1979.

 

            Le Tribunal a‑t‑il commis une erreur dans son application de l’article 39 de la Loi?

 

[29]           M. Hynes affirme que, si le Tribunal ne peut conclure hors de tout doute raisonnable que des facteurs qui n’étaient pas liés au service militaire sont à l’origine de sa maladie discale lombaire, il doit alors lui accorder une pleine pension. Comme les ouvrages médicaux indiquent qu’environ 5 p. 100 des maladies discales lombaires ont un traumatisme pour seule cause, le Tribunal devait lui accorder le bénéfice du doute et considérer qu’il faisait partie de ces 5 p. 100. M. Hynes soutient que, même s’il n’y avait qu’une chance sur un million que la maladie discale lombaire soit causée uniquement par un traumatisme, l’article 39 exige qu’on lui accorde le bénéfice du doute que lui confère cette infime probabilité.

 

[30]           Le défendeur soutient que l’évaluation du degré d’aggravation d’une maladie ou d’une blessure comporte une part de subjectivité qui échappe à toute précision scientifique. Il n’y avait aucun élément de preuve établissant un lien entre la chute de M. Hynes et sa maladie discale lombaire et le Tribunal a accordé à M. Hynes le bénéfice du doute en lui accordant une pension plus élevée.

 

[31]           Je suis d’accord avec le défendeur pour dire que le demandeur exagère la portée de l’article 39 dans le présent contexte. Si l’on retenait son argument, il faudrait accorder une pleine pension chaque fois qu’il existe la moindre possibilité qu’un traumatisme soit l’unique cause d’une maladie discale lombaire. L’article 39 n’a pas pour effet de retirer au Tribunal le pouvoir discrétionnaire d’exercer son jugement pour se prononcer sur l’existence du lien de causalité. Ainsi que la Cour d’appel fédérale l’a déclaré dans l’arrêt Canada (Procureur général) c Wannamaker, 2007 CAF 126, au paragraphe 5 :

L’article 39 assure que la preuve au soutien de la demande de pension est examinée sous le jour lui étant le plus favorable possible. Toutefois, l’article 39 ne dispense le demandeur de la charge d’établir par prépondérance de la preuve les faits nécessaires pour ouvrir droit à une pension : Wood c. Canada (Procureur général) (2001), 199 F.T.R. 133 (C.F. 1re inst.), Cundell c. Canada (Procureur général) (2000), 180 F.T.R. 193 (C.F. 1re inst.).

 

[32]           En l’espèce, on ne trouve pas de contradiction grave dans la preuve. Selon la preuve soumise au Tribunal, la dégénérescence discale lombaire est un phénomène naturel associé à la sénescence et qu’elle est rarement attribuable à une blessure grave unique. Il n’existe aucun élément de preuve permettant d’établir un lien de causalité direct entre le service militaire du demandeur et la maladie dont il souffrait, mais le Tribunal a accepté que des facteurs reliés à son service militaire pouvaient avoir contribué à son état. Le Tribunal a estimé qu’un pourcentage de trois cinquièmes était celui qui représentait le mieux le degré d’aggravation causé par les facteurs attribuables au service.

 

[33]           Les résultats du rapport de radiographie de la colonne vertébrale du 22 mai 1979 qui avait été établi quelques mois après la chute du demandeur étaient normaux, sauf pour ce qui a été qualifié, dans l’avis médical du 26 avril 1995, de malformation au niveau S1. Dans les observations écrites qu’elle a soumises au Tribunal, l’avocate‑conseil affirme que cette anomalie, le spina‑bifida, ne tirait pas à conséquence étant donné qu’elle ne contribuait pas à la maladie discale lombaire, pas plus qu’elle n’y prédisposait. L’avis du 26 avril 1995 qualifiait de variante normale le « pincement discal mineur » observé en 1988. Le rapport d’août 1979 du consultant était, au mieux, ambigu.

 

[34]           À la lumière de ces éléments de preuve, le Tribunal n’avait pas l’obligation, pour l’application de l’article 39, de retenir l’argument de l’avocate‑conseil suivant lequel, à défaut d’éléments de preuve établissant hors de tout doute raisonnable que des facteurs qui n’étaient pas reliés au service militaire avaient contribué à l’invalidité, le Tribunal devait donner gain de cause au demandeur et lui accorder une pleine pension.

 

[35]           J’estime donc que la décision du Tribunal était raisonnable et que la demande doit être rejetée. Le défendeur n’a pas réclamé de dépens et aucuns ne seront donc adjugés.

 


JUGEMENT

 

LA COUR REJETTE la demande. Aucuns dépens ne sont adjugés.

 

 

« Richard G. Mosley »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Chantal DesRochers, LL.B., D.E.S.S. en trad.

 

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                    T‑745‑11

 

INTITULÉ :                                                  A. GREGORY HYNES, C.D.

 

                                                                        et

 

                                                                        PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                          Sydney (Nouvelle‑Écosse)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                         Le 17 novembre 2011

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                        LE JUGE MOSLEY

 

DATE DES MOTIFS :                                 Le 13 février 2012

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Gregory Hynes

 

LE DEMANDEUR,

POUR SON PROPRE COMPTE

 

Julien Matte

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

GREGORY HYNES

Sydney (Nouvelle‑Écosse)

 

POUR LE DEMANDEUR,

POUR SON PROPRE COMPTE

MYLES J. KIRVAN

Sous‑procureur général du Canada

Halifax (Nouvelle‑Écosse)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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